Une étude détaillée du contenu des poubelles en Grande-Bretagne, parue en novembre 2009, estime que 25 % des
aliments achetés par les ménages sont jetés. On trouve dans les détritus, par ordre d'importance, des légumes frais et des
salades, des boissons, des fruits, des produits de boulangerie, de la viande et du poisson... Selon WRAP (Waste and
resources action programme), l'organisme public qui a mené l'enquête, l'essentiel de ce gaspillage est évitable : soit les
aliments n'ont pas été consommés à temps, soit ils ont été préparés en trop grande quantité. Ils représentent l'équivalent
de 13 milliards d'euros par an (soit 530 euros par ménage et par an), et 2,4 % des émissions de gaz à effet de serre du
pays.
Dans les pays en développement, on ne parle pas de gaspillage, mais de pertes, et les raisons en sont très différentes. «
Elles sont dues à de mauvaises conditions de récolte, de transport, de stockage, et à une formation insuffisante sur les
méthodes de conservation des aliments », explique Stepanka Gallatova à l'Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture (FAO). Assez limitées pour les céréales, elles peuvent atteindre des volumes considérables
pour les denrées périssables. Elles s'amplifient avec l'urbanisation : plus les lieux de consommation s'éloignent des lieux
de production, plus la chaîne d'approvisionnement se complexifie et les risques de pertes augmentent.
Si le sujet est de plus en plus mis en avant par les chercheurs et des institutions spécialisées, il n'est pas à l'agenda des
politiques prioritaires d'une grande majorité d'Etats. Dans les pays pauvres, la réduction des pertes serait cependant
moins coûteuse que l'augmentation de la productivité agricole, selon Mme Gallatova. Elle estime toutefois que, « depuis
la crise alimentaire [de 2008], le thème commence à susciter de l'intérêt parmi les pays en développement ».
Mais le sujet est complexe. « Il faut se méfier des solutions «magiques», affirme Michel Griffon, agronome, directeur
général adjoint de l'Agence nationale de la recherche (ANR). De très nombreux acteurs sont impliqués dans la chaîne
alimentaire. La réduction des pertes demande la mise en place de stratégies très sophistiquées. » En outre, si autant
d'intervenants s'intéressent aux moyens d'accroître la production, et aussi peu à la réduction du gaspillage, c'est aussi
parce que ce dernier représente un marché nettement moins attractif.
Parmi les pays développés qui ont fait de la fourniture d'alimentation à bas prix la pierre angulaire de leur politique,
seule la Grande-Bretagne mène une politique de sensibilisation au gaspillage, en insistant sur les ressources dépensées
et les déchets émis en pure perte : eau, énergie, engrais, pesticides, émissions de gaz à effet de serre (CO2 et méthane
dans les décharges)... « Peu de gens se rendent compte qu'ils jettent autant, et peu savent que la production alimentaire
consomme autant de ressources, affirme M. Lundqvist. Il est pourtant utile de faire le lien. Et cela peut permettre aux
gens de faire des économies. » « Le gaspillage est lié à l'importance que les gens accordent à la nourriture, estime M.