Progrès en Urologie (1997), 7, 455-463
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Incidence de la variabilité du rapport PSA libre/PSA total
sur le diagnostic précoce du cancer de prostate
Alexandre de LA TAILLE (1), Alain HOULGATTE (1), Patrice HOUDELETTE (1), Patrick BERLIZOT (1),
Robert FOURNIER (1), Ivan RICORDEL (2)
(1) Clinique d’Urologie, (2) Service de Biochimie, Hôpital d’Instruction des Armées du Val de Grâce, Paris, France
RESUME
Buts : Face à une élévation modérée du PSA Total,
l’utilisation du rapport PSA Libre/Total (PSA L/T)
a montré son intérêt dans le diagnostic du cancer de
prostate impalpable. Cependant, les seuils proposés
dans la littérature varient selon les études et les
trousses d'immunodosages utilisées. Notre étude
prospective a pour but de comparer 3 trousses dif-
férentes (Tandem, Cis Bio et Immunocorp) sur une
même série de patients afin de chercher par ces
résultats et l'analyse de la littérature à évaluer le
rapport optimal pour lequel l’indication de biopsies
de prostate peut être retenue face à une élévation
isolée du PSA Total.
Matériel et Méthodes : Les sérums de 141 patients
(43 cancers et 98 HBP histologiquement confirmés)
ont été inclus. Les dosages ont été réalisés de façon
concomitante à l'analyse histologique de la prostate
et réalisés par les trousses Tandem, Cis Bio et
Immunocorp.
Résultats : Sur l'ensemble des patients, les dosages
du PSA Total et PSA Libre ont été statistiquement
différents pour les 3 trousses données (p<0.001). Le
rapport PSA L/T a été toujours différent statisti-
quement entre les groupes de cancer et d'adénome
de prostate (p<0.002). Les seuils définis par une sen-
sibilité de 90% ont été de 0,22 pour Tandem (spéci-
ficité de 27,5%), de 0,34 pour Cis Bio (spécificité de
19,4%) et de 0,26 pour Immunocorp (spécificité de
26,5%). Lorsque le taux de PSA-T est compris entre
4,0 et 10,0 ng/ml, ces seuils différaient également :
0,23 pour Tandem (spécificité de 26,6%), 0,35 pour
Cis Bio (spécificité 17,2%) et de 0,25 pour
Immunocorp (spécificité 29,7%). Chez les patients
ayant un toucher rectal non suspect et un rapport
PSA L/T inférieur à 0,10 le taux de détection du
cancer (nombre de biopsies nécessaires pour dia-
gnostiquer 1 cancer) a été de 1,66 pour Tandem, 1
pour Cis Bio et 1,87 pour Immunocorp contre 7,7
alors qu’en cas de rapport PSA L/T supérieur à
0,22 le taux a été respectivement de infini (aucun
cancer au delà de cette limite), 12,5 et 23.
Conclusion : Le rapport PSA L/T permet d’aug-
menter la spécificité de la détection des cancers de
prostate chez les patients ayant un PSA-T entre 4 et
10,0 ng/ml avec un toucher rectal non suspect,
conduisant ainsi à réduire le taux de biopsies
inutiles posant de façon plus pertinente l’indication
de ces prélèvements en cas de suivi périodique.
L’indication systématique de ce rapport dans le
cadre d’un dépistage n'apparaît pas recomman-
dable; il s’avère cependant utile pour la mise en évi-
dence des stades T1c afin d'éviter les nombreuses
biopsies inutiles.
Mots-clés : Cancer prostatique, hyperplasie bénigne de la pros -
tate, antigène spécifique de la prostate, diagnostic.
Progrès en Urologie (1997), 7, 455-463.
Depuis sa découverte en 1979 [32], le PSA a vu son
utilisation se préciser dans la prise en charge des can-
cers de prostate. Cependant pour les faibles élévations
du PSA, sa sensibilité et sa spécificité restent insuffi-
santes puisque pour les hommes ayant un toucher rec-
tal non suspect et une valeur du PSA entre 4,0 et 10,0
ng/ml, la probabilité de détecter un cancer par la
méthode de six biopsies endorectales systématisées est
estimée entre 20 et 36% [2, 5, 10]. L’utilisation de la
densité du PSA [1, 3, 30], de la vélocité du PSA [31]
ou du PSA adapté à l’âge [9] ne semblent pas pouvoir
améliorer significativement ce taux de détection par
rapport au PSA Total (PSA T).
Il existe donc pour ces faibles élévations du PSA T (en
particulier entre 4,0 et 10,0 ng/ml) ou quand le toucher
rectal est non suspect, une limite au diagnostic puis-
qu’il est nécessaire de réaliser des biopsies chez 4 à 5
patients pour détecter 1 cancer chez l’un d’entre eux
[5]. Une telle attitude est à l’origine d’un nombre élevé
de biopsies ‘inutiles’.
Le travail original de LILJA [15] et de STENMAN [35] a
permis de démontrer que le PSA peut être dosé sous
différentes formes moléculaires dans le sérum. Cette
découverte, rapportée en 1991, n’a trouvé son applica-
tion clinique qu’en 1993 [8] contribuant à différencier
l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) du cancer
de prostate (CaP). L’utilisation du dosage du PSA libre
Manuscrit reçu : février 1997, accepté : avril 1997.
Adresse pour correspondance : Prof.P. Houdelette, Clinique d’Urologie, Hôpital
d’Instruction du Val de Grâce, 74, Bd. de Port Royal, 75230 Paris Cedex 05.