
[24]. Sur 135 patients, la concentration sanguine de lactate à
la prise en charge initiale préhospitalière a été mesurée en
utilisant un dispositif ambulatoire de dosage sur du sang
indifféremment capillaire ou veineux. Là encore, la lactaté-
mie se révéla être un facteur indépendant de risque de
mortalité, puisque pour une valeur seuil de 3,5 mmol/l, la
probabilité de décès passait de 26 à 41 % dans la cohorte.
La tendance était conservée après ajustement en fonction de
la présence d’une hypotension artérielle : la concentration de
lactate représente bien un indicateur de mortalité au-delà de
la défaillance circulatoire. Il est intéressant de noter que dans
cette étude, la VPN de mortalité était de 88 %. Il s’agit d’une
première étude dont l’intérêt principal est de montrer la fai-
sabilité du monitorage des lactates sanguins en préhospita-
lier. Il serait important d’affiner, dans d’autres études, la
place de la lactatémie en fonction du type de défaillance
d’organe. La régulation médicale pourrait alors s’appuyer
sur ce paramètre pour orienter les patients en meilleure
connaissance de cause.
La concentration sanguine de lactate déterminée par
méthode capillaire apparaît comme un biomarqueur de
gravité prometteur ; par ailleurs, sa demi-vie brève (dix
minutes) le place parmi les moyens de monitorage potentiels
des algorithmes thérapeutiques.
Place du lactate capillaire dans
les algorithmes de réanimation
La définition physiopathologique même de l’état de choc,
inadéquation entre les apports et besoins cellulaires en
oxygène, souligne l’intérêt de la mesure des lactates dans
ces situations caractérisées par une augmentation de sa
production (cf. supra).
Dans le cadre du sepsis sévère et du choc septique, les
recommandations de la Surviving Sepsis Campaign de
2008 [25] font plusieurs fois références à la concentration
sanguine de lactate : une concentration supérieure ou égale
à 4 mmol/l est un argument suffisant pour entreprendre sans
délai la réanimation hémodynamique. Le caractère extempo-
rané du dosage capillaire des lactates représente un avantage
spécifique pour l’évaluation des patients en hypoperfusion
occulte d’un ou plusieurs territoires, sans hypotension
artérielle systémique patente. En effet, dans ce sous-groupe
particulier de patients, le risque de délai dans le début de la
réanimation hémodynamique agressive est réel. La popula-
tion de patients souffrant d’une hypoperfusion occulte a fait
l’objet d’un travail par Meregali et al. [26] qui ont suivi la
concentration sanguine de lactate chez 44 patients admis en
soins intensifs pour chirurgie carcinologique majeure sans
défaillance hémodynamique à l’admission. Les lactates
étaient significativement plus élevés dès la 12
e
heure dans
le groupe de patients dont l’évolution était fatale (cinq
décès, dont quatre par choc septique). Malheureusement,
les auteurs ne précisent pas l’état hémodynamique des survi-
vants et des non-survivants à la 12
e
heure ni le type de
réanimation entreprise. Néanmoins, ces données corroborent
l’intérêt de la mesure des lactates sanguins chez les patients
agressés sans hypotension artérielle patente.
Parmi les paramètres recommandés au clinicien pour
monitorer l’efficacité de la réanimation hémodynamique, la
Surviving Sepsis Campaign de 2008 ne fait pas référence à la
concentration sanguine de lactate dans le texte court, en
revanche, la lactatémie est proposée comme marqueur utile
pour optimiser le niveau de pression artérielle moyenne à
atteindre pour respecter la physiologie du patient. La
concentration sanguine de lactate a, depuis ces recomman-
dations, continué à faire l’objet d’études en tant que paramè-
tre de monitorage de la réanimation, et la notion de clairance
du lactate semble potentiellement intéressante dans ce cadre.
Ce concept a fait l’objet d’une évaluation prospective rando-
misée contrôlée [27] comparant deux stratégies de réanima-
tion hémodynamique initiale pour des patients en sepsis
sévère et choc septique. Les deux stratégies hémodyna-
miques comprenaient une démarche hiérarchisée avec un
premier temps commun : remplissage vasculaire par cristal-
loïde pour obtenir une pression veineuse centrale (ScvO
2
)
d’au moins 8 mmHg, puis introduction de vasopresseurs si
la pression artérielle moyenne restait inférieure à 65 mmHg.
Après cette phase, l’intervention différait entre les groupes :
le groupe « ScvO
2
» comprenait, en cas de ScvO
2
inférieur à
70%, une transfusion ou la mise en route d’inotropes selon
que l’hématocrite était inférieur ou non à 30 % ; dans le
groupe « lactate clearance », la même démarche était appli-
quée mais avec un une valeur de clairance inférieure à 10 %
sur deux heures à la place de la ScvO
2
. La clairance de
lactate était définie par l’équation :
(Lactate initial –Lactate suivant/Lactate initial) × 100.
Un délai de deux heures minimum était recommandé
entre les deux premiers dosages puis d’une heure entre les
dosages suivants si la clairance était inférieure à 10 %.
Le dosage des lactates était réalisé indifféremment au labo-
ratoire ou à l’aide de dispositifs délocalisés, sur du sang
veineux.
Pour un design statistique de non-infériorité avec une
marge de 10 %, les auteurs n’ont pas retrouvé de différence
entre les groupes « ScvO
2
» et « lactate clearance » pour le
critère mortalité absolue avec un effectif de 300 patients et
une puissance de 71 %.
Ce travail de haut niveau de preuve va probablement
contribuer à conforter la place de la lactatémie parmi les
critères d’efficacité de réanimation hémodynamique. Le
dosage capillaire offre en plus du gain de temps une facilité
de gestion des soins infirmiers (pas de ponction veineuse ou
de manipulation de ligne artérielle) et un gain en termes de
spoliation sanguine dans les unités pédiatriques. Cependant,
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