L’Expert-comptable suisse 6-7/02 567
PRATIQUE COMPTABLE
La théorie moderne de la comptabilité tend à restrein-
dre l’acception de la définition d’une provision géné-
ralement usitée jusqu’ici. La provision est une obli-
gation prise par l’entreprise qui exigera pour son ex-
tinction une sortie de ressources sans contrepartie.
Cette définition reserrée exclut les corrections de va-
leur, comme un ducroire ou une dépréciation de stock,
et des retenues pour risques futurs arbitraires. Dans ce
sens strict, les seules vraies provisions sont des provi-
sions pour risques et charges devant figurer dans les
capitaux étrangers.
Alfred Stettler
La logique de la constatation
des provisions
Evolution du traitement comptable des provisions
Cet article vise à présenter l’évolution
qu’a connue le traitement comptable des
provisions au cours des dernières dé-
cennies et à discuter des exigences ac-
tuelles ou à venir en la matière, en parti-
culier la RPC 23 relative aux provisions.
Au cours des dernières années, plu-
sieurs organismes de normalisation
comptable, nationaux ou internatio-
naux, ont introduit une norme ou révisé
leur norme sur les provisions. Ces tra-
vaux visent à adapter l’approche tradi-
tionnelle du traitement des provisions
pour l’harmoniser avec le contenu des
cadres conceptuels comptables, explici-
tes ou implicites, qui sous-tendent la
préparation et la présentation des états
financiers modernes.
1. Approche traditionnelle
du traitement des provisions
Le terme provisions couvre deux do-
maines distincts: les provisions pour
dépréciation d’actifs et les provisions
pour risques et charges.
1.1 Les provisions pour
dépréciation d’actifs
Le plan comptable pour entreprises ar-
tisanales, industrielles et commerciales
de Käfer proposait, à juste titre, de por-
ter les provisions pour pertes sur débi-
teurs ou ducroire en diminution des ac-
tifs correspondants. Ces comptes fai-
saient partie de la classe 1: actif. La
quatrième directive de l’Union euro-
péenne du 25 juillet 1978 requiert que
les corrections de valeur, qui compren-
nent toutes les dépréciations, définiti-
ves ou non, des éléments du patrimoine
à la date de clôture du bilan, ne figurent
pas dans les provisions pour risques et
charges. Les US-GAAP suivent, no-
tamment dans le FASB Statement n
o
5
de 1975, une piste semblable. Etant par
essence des corrections potentielles de
valeurs d’actifs, les provisions pour
dépréciation d’actifs ont tout à fait lo-
giquement leur place en diminution des
actifs, soit de manière visible, soit de
manière invisible au bilan, mais avec
des explications circonstanciées dans
l’annexe.
En dépit de ces règles ou propositions,
il est courant, du moins jusqu’à très ré-
cemment, de trouver les provisions
pour pertes sur débiteurs comme aussi
les amortissements cumulés sur les ac-
tifs immobilisés, appelés à tort fonds
d’amortissement, au passif du bilan des
états financiers. Le Manuel suisse d’au-
dit (MSA) de 1998 laisse encore planer
le doute puisqu’il indique que les
comptes de correction de valeur de ru-
briques de l’actif circulant peuvent être
déduits de l’actif même ou inscrits au
passif du bilan [1], en particulier s’ils
ont uniquement ou surtout un carac-
tère de réserve. Cette dernière remar-
que se réfère vraisemblablement aux
postes de provisions, à caractère de ré-
serves, que l’on peut trouver dans un no
man’s land entre les capitaux étrangers
et les capitaux propres. L’ordonnance
sur les banques et les caisses d’épargne,
en son article 25, va dans le même sens
puisqu’elle indique que les correctifs de
Alfred Stettler, Dr ès sciences économiques
et commerciales, MBA Harvard Business
School, membre du Comité d’experts
de la Commission RPC, délégué de la
Suisse à l’ISAR, professeur ordinaire de
comptabilité et de contrôle à l’Ecole HEC,
Lausanne
valeurs qui peuvent être attribués di-
rectement à des actifs spécifiques peu-
vent être, au choix, compensés directe-
ment par une rubrique correspondante
de l’actif ou mentionnés sous la rubri-
que correctifs de valeurs et provisions,
donc au passif [2].
1.2 Les provisions pour risques
et charges
Les provisions pour risques et charges
sont définies dans les différentes sour-
ces, notamment dans le MSA et les di-
rectives comptables européennes, de
manière assez semblable.
Les provisions pour risques et charges
sont censées couvrir des charges et des
pertes définies à la date du bilan quant
à leur origine, mais pas quant à leur
montant. Il peut s’agir par exemple de
pertes sur contrats. L’existence de la
perte, après déduction des provisions
pour dépréciation d’actifs, est cer-
taine, le montant effectif reste cepen-
dant incertain. Ces provisions peuvent
également concerner des engagements
et des charges, certaines, quant à leur
existence, mais indéterminées quant à
leur montant ou leur échéance, ou in-
certaines. Pensons notamment à des
engagements ou des charges liés à des
litiges, dont ni le montant ni l’échéance
ne sont encore connus.
En dépit de la définition relativement
précise de leur portée, ces provisions
ont été souvent traitées, dans la pra-
tique, avec souplesse. Cette dernière
trouvait sa justification en particulier
dans le principe de prudence. Les pro-
visions pouvaient ainsi couvrir des ris-
ques, à caractère relativement général,
possibles mais pas nécessairement pro-
bables, des charges futures, mal ou pas
définies, ou des investissements.
Cette tendance est naturellement en-
core renforcée par l’article 669 CO qui
propose d’utiliser non seulement les
amortissements, mais aussi les correc-
tions de valeur et les provisions pour
risques et charges d’une part, à des fins
de remplacement d’autre part, pour la
création de réserves latentes supplé-
mentaires. Il va même jusqu’à proposer
de renoncer à dissoudre des provisions
pour risques et charges devenues su-
perflues toujours dans le but de rem-
placement ou de réserves supplémen-
taires.
1.3 Les provisions et l’approche
fiscale
L’article 63 de la loi fédérale sur l’impôt
fédéral direct place sous provisions
aussi bien les corrections de valeurs,
notamment des actifs circulants, que les
provisions pour engagements futurs. Il
autorise aussi, dans certaines limites, la
création de provisions pour les futurs
mandats de recherche et de développe-
ment confiés à des tiers. Le principe de
l’importance relative du bilan commer-
cial déterminant pour le bilan fiscal
(das Massgeblichkeitsprinzip) conduit
naturellement à l’utilisation de critères
fiscaux dans les comptes individuels
même s’ils ne sont pas nécessairement
justifiés du point de vue économique.
Pour tenir compte de ce risque de di-
vergence, la Commission RPC a pro-
posé récemment la RPC 19 qui permet
aux entreprises qui le souhaitent de
séparer, lors de l’établissement des
comptes individuels, les aspects fiscaux
et de prudence excessive des aspects
économiques et présenter ainsi des
comptes selon l’image fidèle.
2. Approche moderne
du traitement des provisions
La prise en compte des exigences fis-
cales et/ou de celles de prudence font
que les états financiers, individuels
surtout, ne présentent pas ou très
rarement une image fidèle. Par contre
le respect d’un cadre de référence tels
que les RPC, les IAS ou les US-GAAP
fait que les entreprises cotées aboutis-
sent en principe à des présentations
beaucoup plus satisfaisantes.
L’observation des pratiques suivies en
matière de gestion des provisions a
montré toutefois qu’il était nécessaire,
pour parvenir à une meilleure applica-
tion des cadres conceptuels comptables
en matière de correction de valeurs et
de provisions, de proposer deux nor-
mes; une première sur les dépréciations
d’actifs (impairment), une seconde sur
les provisions, en fait sur les risques et
charges. Ces deux documents doivent
aussi permettre de mieux identifier et
séparer ce qui relève des corrections de
valeurs, diminution d’actifs, de ce qui a
trait aux sorties futures probables de
ressources.
2.1 Définitions
La portée des provisions pour dépré-
ciation d’actifs et des provisions pour
risques et charges est étroitement liée à
la définition des termes de base que
sont les actifs et les passifs.
Le cadre conceptuel de l’IASB définit
un actif comme une ressource con-
trôlée par l’entreprise du fait d’événe-
ments passés et dont elle espère tirer
des avantages économiques. A cette
définition sont attachées une connota-
tion de probabilité et une de fiabilité.
Le caractère de probabilité tient à
l’existence plus ou moins certaine du
potentiel économique futur direct ou
indirect des moyens d’activité présents;
celui de fiabilité à l’attribution aux
moyens d’activité présents d’un coût ou
d’une valeur basés sur des estimations
raisonnables.
Un passif est une obligation actuelle
de l’entreprise résultant d’événements
passés et dont l’extinction devrait
se traduire pour l’entreprise par une
sortie de ressources représentatives
d’avantages économiques. A cette défi-
nition sont aussi attachées une conno-
tation de probabilité et une de fiabilité.
Le caractère de probabilité tient aux
chances de sorties de moyens d’activité,
le caractère de fiabilité à l’attribution
d’une valeur aux prétentions ou in-
térêts présents de tiers sur ces moyens
d’activité.
Cette définition du passif se base sur la
théorie du propriétaire qui veut que, en
termes comptables, nous ayons l’égalité
suivante: actifs – dettes (passifs) = ca-
pitaux propres. Rappelons que la théo-
rie de l’entité s’oppose à la théorie
du propriétaire puisqu’elle exprime la
même situation dans les termes sui-
vants: actifs = passifs. Dans ce dernier
cas, les passifs comprennent également
les prétentions ou intérêts présents des
propriétaires sur les moyens d’activité.
Un respect strict de ces définitions con-
duit nécessairement à séparer claire-
ment les corrections de valeurs ou dé-
préciations potentielles des provisions
L’Expert-comptable suisse 6-7/02
568
PRATIQUE COMPTABLE
Alfred Stettler, La logique de la constatation des provisions
pour risques et charges. En d’autres ter-
mes, les corrections de valeurs ne doi-
vent pas être confondues, comme on le
fait encore parfois, avec des provisions.
Les corrections de valeurs ont déjà été
analysées à plusieurs reprises, notam-
ment en relation avec la RPC 17 sur les
stocks, les RPC 9 et 18 sur les actifs im-
mobilisés incorporels et corporels et la
RPC 22 sur les dépréciations d’actifs.
La suite de cet article se concentrera
donc sur la réglementation relative aux
provisions telle qu’elle est prévue dans
le projet de la RPC 23.
Selon ce projet, la provision est un en-
gagement probable fondé sur un événe-
ment passé dont l’échéance et/ou le
montant sont incertains; cet engagement
constitue un passif exigible. Définie
comme un passif, la provision ne peut
donc pas couvrir les corrections de va-
leurs d’actifs. L’arbre de décision du
tableau 1 résume les principales étapes
du cheminement suivi pour l’élabora-
tion de cette norme.
La définition de la provision contient la
connotation de probabilité, quant à son
existence, liée à un passif. Pour distin-
guer la provision de la dette, toutes
deux des passifs, il est nécessaire d’ajou-
ter dans la définition l’incertitude liée à
l’échéance et/ou au montant.
Le Comité de la réglementation
comptable français apporte également
cette précision lorsqu’il affirme qu’une
dette est un passif dont l’échéance et
le montant sont fixés de façon précise
alors qu’une provision pour risques et
charges est un passif dont l’échéance ou
le montant n’est pas fixé de façon pré-
cise [3]. Le terme de passif utilisé ici
cerne ce que le Comité de réglemen-
tation comptable français appelle le
passif externe (ou capitaux étrangers)
pour le séparer du terme général du
passif, côté droit du bilan, qui comprend
aussi le passif interne (ou capitaux pro-
pres). Le Comité de la réglementation
comptable français se réfère donc in-
directement à la théorie de l’entité.
L’adjonction de l’adjectif exigible au
terme passif dans la définition de la
provision proposée par le projet vise à
préciser qu’il ne peut être question que
du passif externe.
La distinction entre provision et dette
permet aussi de préciser la différence
entre les provisions et les passifs de ré-
gularisation. Contrairement à la pro-
vision, le passif de régularisation, sous
l’angle des charges à payer, a un carac-
tère de dette irréversible. A cause de
l’absence d’une facture ou d’un dé-
compte précis, il peut néanmoins sub-
sister parfois un doute quant au mon-
tant voire à l’échéance exacts. On peut
mentionner à cet égard que la pratique
et les normes classent volontiers les im-
pôts en suspens dus à la date du bilan
comme une provision pour impôts. Il
paraîtrait pourtant beaucoup plus lo-
gique de les considérer comme des pas-
sifs de régularisation puisqu’il s’agit
d’une dette irréversible; il reste à ob-
tenir de l’autorité fiscale la confirma-
tion quant au montant réellement dû.
Rappelons que les produits reçus d’a-
vance, dans la mesure où il n’existe pas
de droit de restitution de ces produits,
devraient être déduits à l’actif.
2.2 Obligations juridiques
ou implicites
Par définition, un passif est lié à un en-
gagement ou à une obligation. Cette
dernière peut avoir un caractère juridi-
que ou implicite. Dans le premier cas,
l’obligation est relativement précise
puisqu’elle découle de la loi, d’un rè-
glement ou d’un contrat. Dans le se-
cond cas, sa portée est plus floue.
Au cours des années 1990, le Groupe de
travail intergouvernemental d’experts
des normes internationales de comp-
tabilité et de publication (ISAR) des
Nations Unies, auquel participe le
Secrétariat à l’économie (Seco), a lon-
guement délibéré sur la comptabilité
des coûts et passifs environnementaux
et la présentation de l’information fi-
nancière correspondante. Il n’est pas
étonnant que les avis concernant la por-
tée des obligations implicites ne soient
pas les mêmes en particulier pour cer-
taines entreprises multinationales et
pour certains pays en développement.
Le texte final, obtenu après de longues
négociations, comprend néanmoins
pour les obligations implicites une ré-
férence à l’éthique ou à la morale: «Une
obligation implicite est une obligation
qui ne découle pas de la loi, mais dont
l’existence peut être déduite des faits
dans une situation particulière, ou qui
résulte de considérations éthiques ou
morales et à laquelle l’entreprise ne peut
pas ou peut difficilement se soustraire»
[4]. Ainsi une entreprise peut n’être
soumise à aucune obligation légale de
procéder à un nettoyage en cas de pol-
lution, mais sa réputation dans le pays
considéré risque d’être ternie et son
avenir sérieusement compromis si elle
ne le fait pas.
Pour l’IASB, l’obligation est implicite
lorsqu’elle découle des actions d’une
entreprise:
L’Expert-comptable suisse 6-7/02 569
PRATIQUE COMPTABLE
Alfred Stettler, La logique de la constatation des provisions
Tableau 1
Arbre de décision
Evénement
passé
Obligation
légale
Obligation
implicite
Pas de constitution
de provision,
sortie de ressources
éventuelle
Probabilité de
sortie de ressources
et estimation fiable
Constitution dune
provision
Oui
Oui
Non
Non
Non
Oui
Non
Oui
Non Oui
Pas
dinformation
à fournir
selon RPC 10
Remarques
dans lannexe
selon RPC 10
a) qui a indiqué aux tiers par ses pra-
tiques passées, par sa politique af-
fichée ou par une déclaration récente
suffisamment explicite, qu’elle assu-
mera certaines responsabilités; et que
b) en conséquence, elle a créé chez ces
tiers une attente fondée qu’elle assu-
mera ces responsabilités.
Cette source ne comprend donc pas de
référence à l’éthique ou à la morale.
De manière générale, l’obligation im-
plicite découle donc de pratiques ac-
tuelles ou passées qui créent chez les
tiers une attente légitime de voir l’en-
treprise assumer ses responsabilités. Il
est évident que ces pratiques doivent se
baser sur des faits probants.
2.3 Provision et contrepartie
Le terme passif implique également
qu’il n’y a pas de contrepartie à venir.
Le plan comptable français le précise
dans la définition du passif lorsqu’il
indique que la sortie de ressources au
bénéfice de tiers que peut provoquer
un passif est sans contrepartie au moins
équivalente attendue de celui-ci [5].
Les provisions pour risques et charges
ont pour caractéristique essentielle de
ne pas avoir de contrepartie à venir.
L’absence de contrepartie à venir étant
comprise dans la définition même du
passif, elle ne réapparaît pas dans la dé-
finition de la provision.
Dans le passé, et parfois encore au-
jourd’hui, des événements économi-
ques ont donné lieu à la création de
provisions alors qu’il existait une con-
trepartie aux faits en question. Si une
entreprise prévoit une réduction de
chiffre d’affaires ou de marges ne sera-t-
elle en effet pas tentée de créer une
provision pour diminution de produits
ou de marges futures. Dans ce cas, il n’y
a pourtant aucune obligation juridique
ou implicite à honorer par une sortie de
ressources; il s’agit d’un encaissement
moindre de produits à venir lié à des li-
vraisons de biens ou de services. Il en
sera de même pour les salaires qui
seront payés dans l’exercice futur et
pour lesquels l’entreprise recevra du
travail et des services.
L’approche rationnelle moderne du
traitement des provisions vise donc à
éviter la création de provisions qui ont
une contrepartie dans le futur. Voici
des exemples pour illustrer ces propos.
Exemple: le cas de la verrerie
Une verrerie dispose, parmi ses instal-
lations, d’un four de fusion. Pour sup-
porter les très hautes températures né-
cessaires à la fusion, du sable en parti-
culier, le four est recouvert à l’intérieur
de briques spéciales qu’il s’agit de rem-
placer tous les quatre ans alors que le
four, dans son ensemble, a une durée de
vie utile beaucoup plus longue. Cette
rénovation représente un coût de quel-
que 4 millions de francs suisses. Le trai-
tement comptable usuel d’un tel fait
économique consiste à doter chaque
année le compte provision pour réno-
vation du four, par exemple, de 1 mil-
lion de francs suisses de manière à dis-
poser au bout des quatre ans d’une pro-
vision de 4 millions. Ce fait économique
ne donne pourtant naissance à aucune
obligation, donc à aucun passif. On as-
siste en revanche à la diminution de va-
leur d’un actif à la suite de son utilisa-
tion, donc d’une contrepartie. Dès la
construction du four, il aurait fallu dis-
tinguer pour le four des durées de vie
utile différentes selon ses composantes
et amortir chacune d’elles en fonction
de sa durée de vie utile présumée. Cette
différenciation est déjà utilisée pour les
terrains et bâtiments. Pendant les 4 pre-
mières années de vie du four, il aurait
donc fallu amortir le revêtement in-
terne à raison de 1 million de francs par
an. Au bout des 4 ans l’entreprise re-
trouve, après rénovation, son four qui
peut continuer à fournir ses services. Le
nouveau revêtement sera à son tour
amorti sur une durée de vie utile es-
timée. Notons que dans la mesure où
des opérations semblables ne peuvent
pas être considérées comme un actif,
il s’agit alors de grever le résultat de
l’exercice dans lequel les travaux d’en-
tretien ont lieu.
Exemple: l’auto-assurance
Les événements de ces derniers mois
ont montré que certains risques ne peu-
vent plus du tout ou ne peuvent qu’en
partie être assurés auprès des compa-
gnies d’assurance. Dans d’autres cas,
pour des raisons fiscales notamment,
les entreprises voudraient recourir à
une auto-assurance indirecte. L’appro-
che moderne de la notion de provision
précise que, quelle que soit la justifica-
tion du recours à l’auto-assurance, les
entreprises ne peuvent constituer des
provisions pour risques pour des dom-
mages non survenus ou non probables
sur la base de faits avérés.
L’auto-assurance indirecte peut se
baser sur les sociétés d’assurance ca-
ptives, c’est-à-dire des sociétés ad hoc
auxquelles seront versées les primes
d’assurance déductibles fiscalement.
La présence de ces sociétés pose un
problème de périmètre de consolida-
tion, raison pour laquelle l’IASB a
émis, en 1998, une interprétation qui
prévoit que les entités ad hoc doivent
être consolidées quand, en substance,
la relation entre les entités ad hoc et
l’entreprise indique que les entreprises
ad hoc sont contrôlées par l’entre-
prise [6].
2.4 Fait générateur de l’obligation
juridique ou implicite
La provision découle d’un engagement
ou d’une obligation probable. Sa créa-
tion est donc liée à un événement-clef,
le fait générateur de l’obligation. Ce
dernier doit remplir deux conditions. Il
doit s’agir d’un événement passé, qui
provoquera probablement des dé-
caissements futurs, qui doivent pou-
voir être estimés et ceci de manière fia-
ble.
Pour illustrer, prenons deux exemples,
un lié aux obligations de garantie, l’au-
tre à la remise en état de lieux.
Exemple: obligation de garantie
La vente d’un produit avec garantie re-
présente un fait générateur d’obliga-
tion qui justifie de constituer une pro-
vision pour garantie dans la mesure où
peut être déterminée la probabilité de
la survenue d’un dommage garanti.
L’entreprise doit en outre être à même,
de par ses expériences passées ou ses
informations, d’estimer de manière fia-
ble le montant de ces travaux proba-
bles. S’il lui est impossible de détermi-
ner la probabilité de la survenue du
dommage parce qu’il s’agit d’une pres-
tation spéciale ou unique et/ou qu’une
L’Expert-comptable suisse 6-7/02
570
PRATIQUE COMPTABLE
Alfred Stettler, La logique de la constatation des provisions
estimation fiable du montant n’est pas
possible, l’entreprise ne peut créer de
provision.
Exemple: remise en état des lieux
Pour exercer ses activités, une entre-
prise doit creuser et installer des silos.
Elle s’est engagée, par contrat, à dé-
monter les silos et remettre le terrain en
état lors de la cessation de ses activités.
Admettons que l’entreprise dispose
d’une concession pour les 15 ans prévus
d’activité et que l’activité à cet endroit
précis durera effectivement 15 ans. Le
fait générateur de l’obligation est cons-
titué par le fait que l’entreprise com-
mence à creuser. Elle devra donc dès ce
moment-là prévoir une provision cor-
respondant au coût estimé, escompté
ou non, des travaux de remise en état
des lieux. Le montant de cette provi-
sion sera considéré comme un coût sup-
plémentaire des installations de pro-
duction, donc ajouté aux coûts des ins-
tallations. Le compte de résultat sera
ensuite grevé régulièrement par l’amor-
tissement du montant contrepartie de
la provision, amortissement qui se fera
au rythme d’amortissement des instal-
lations qui ont engendré ce coût sup-
plémentaire. En cas d’escompte, le
compte de résultat tiendra également
compte des intérêts liés à la provision.
Au contraire, si l’on considère que l’o-
bligation de remise en état existe dès le
creusement des silos car la durée d’ac-
tivité est incertaine, il s’agira de porter
en charge la provision en totalité dans
l’exercice du creusement des silos.
Dans le cas de l’obligation juridique, la
création ou la dissolution d’une provi-
sion est liée à l’existence d’une loi, de
son interprétation par la doctrine ou la
jurisprudence ou d’un contrat. Dans le
cas de l’obligation implicite la création
ou la dissolution d’une provision dé-
pend du comportement actuel ou passé
de l’acteur concerné. Dans ce dernier
cas, on distingue généralement le mo-
ment de la décision prise par l’entre-
prise de celui de l’annonce faite par
elle de se comporter d’une certaine
manière. Contrairement à l’IASB qui a
fixé le moment de l’annonce comme
celui de la naissance du fait générateur,
le projet de la RPC 23 laisse les options
ouvertes.
2.5 Comptabilisation et évaluation
La provision doit être constatée dès
que le fait générateur de l’obligation
s’est produit, que l’engagement, dé-
bouchant sur une sortie de ressources
probable, est né.
Les situations qui peuvent donner lieu
à la création de provisions sont multi-
ples. Il est donc naturellement impossi-
ble de fixer dans une norme des règles
d’évaluation détaillées qui s’applique-
raient telles quelles à toutes les situa-
tions.
Le cadre conceptuel de l’IASB pré-
cise que l’évaluation est le processus
consistant à déterminer les montants
monétaires auxquels les éléments des
états financiers vont être comptabilisés
et inscrits au bilan ou au compte de ré-
sultat. Ceci implique le choix de la con-
vention appropriée d’évaluation. Les
cadres conceptuels ne font cependant
qu’exposer les conventions possibles
sans fixer le choix à suivre entre le coût
historique, le coût actuel, la valeur de
réalisation et la valeur actualisée.
Dans le cas des provisions, le choix se
porte entre la convention du coût his-
torique et celle de la valeur actualisée.
Remarquons toutefois que ce choix
serait aussi valable pour les autres ca-
pitaux étrangers. Or, dans ce dernier
cas, c’est encore en général la conven-
tion du coût historique qui est utilisée.
La valeur des provisions à prendre en
considération dépend d’une part du
risque représenté par la portée des obli-
gations, d’autre part du laps de temps
lié à ces obligations. Etant donné que
l’évaluation a lieu à la date du bilan, il
s’agit donc théoriquement de calculer,
à cette date, l’espérance mathématique
des sorties futures de flux de ressour-
ces. Cette valeur dépend naturellement
de la fonction de probabilité utilisée, du
laps de temps pris en compte et du taux
d’actualisation. Si le risque est déjà pris
en compte dans l’espérance mathéma-
tique, il s’agira d’éviter de l’inclure une
seconde fois dans le taux d’actualisa-
tion. Le taux d’actualisation sera donc
un taux sans risque. De plus, ce taux est
un taux avant impôt puisque l’inci-
dence fiscale est prise en compte dans
le calcul des impôts différés qui portent
sur l’ensemble des actifs et des passifs,
donc provisions comprises.
L’évaluation à la date du bilan doit
tenir compte des événements pos-
térieurs à la date du bilan qui permet-
tent d’améliorer cette évaluation, c’est-
à-dire de mieux cerner les faits généra-
teurs d’obligation qui ont eu lieu avant
cette date. Le déroulement des premiè-
res séances d’un procès qui ont lieu
entre la date du bilan et celle de la clô-
ture effective des comptes peut, par ex-
emple, permettre de se faire une meil-
leure idée sur l’issue possible du pro-
cès. Ces événements postérieurs à la
date du bilan peuvent permettre de
préciser la probabilité des engage-
ments, voire d’affiner l’évaluation des
montants et des échéances en cause.
Ces estimations doivent naturellement
être révisées à chaque date de clôture,
qu’elle soit intermédiaire ou annuelle.
Le principe de la spécialisation des
exercices, celui de la non compensation
et celui de l’image fidèle conduisent
également à augmenter les provisions
ou à créer des provisions nouvelles
pour de nouvelles obligations et à dis-
soudre celles dont l’existence n’est plus
justifiée.
Précisons que l’article 29 de la loi sur
l’impôt fédéral direct précise égale-
ment que les provisions qui ne se justi-
fient plus sont ajoutées au revenu com-
mercial imposable.
Les variations de provisions peuvent
concerner le résultat d’exploitation ou
le résultat hors exploitation. Le prin-
cipe de la clarté demande donc que l’ef-
fet des variations, des augmentations
comme des diminutions, soit réparti en
conséquence sur les différentes parties
du compte de résultat.
Nous avons vu précédemment que des
législations particulières, notamment
l’ordonnance sur les banques et caisses
d’épargne, ne distinguent pas actuelle-
ment, en particulier pour les comptes
individuels, les corrections de valeurs
des provisions pour risques et charges.
De plus, la rubrique réserves pour ris-
ques bancaires généraux laisse une
grande latitude aux banques d’influen-
cer le résultat à leur manière; ce flotte-
L’Expert-comptable suisse 6-7/02 571
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