La logique de la constatation des provisions

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PRATIQUE COMPTABLE
Alfred Stettler
La logique de la constatation
des provisions
Evolution du traitement comptable des provisions
La théorie moderne de la comptabilité tend à restreindre l’acception de la définition d’une provision généralement usitée jusqu’ici. La provision est une obligation prise par l’entreprise qui exigera pour son extinction une sortie de ressources sans contrepartie.
Cette définition reserrée exclut les corrections de valeur, comme un ducroire ou une dépréciation de stock,
et des retenues pour risques futurs arbitraires. Dans ce
sens strict, les seules vraies provisions sont des provisions pour risques et charges devant figurer dans les
capitaux étrangers.
Cet article vise à présenter l’évolution
qu’a connue le traitement comptable des
provisions au cours des dernières décennies et à discuter des exigences actuelles ou à venir en la matière, en particulier la RPC 23 relative aux provisions.
1.1 Les provisions pour
dépréciation d’actifs
Le plan comptable pour entreprises artisanales, industrielles et commerciales
Au cours des dernières années, plusieurs organismes de normalisation
comptable, nationaux ou internationaux, ont introduit une norme ou révisé
leur norme sur les provisions. Ces travaux visent à adapter l’approche traditionnelle du traitement des provisions
pour l’harmoniser avec le contenu des
cadres conceptuels comptables, explicites ou implicites, qui sous-tendent la
préparation et la présentation des états
financiers modernes.
1. Approche traditionnelle
du traitement des provisions
Le terme provisions couvre deux domaines distincts: les provisions pour
dépréciation d’actifs et les provisions
pour risques et charges.
L’Expert-comptable suisse 6-7/02
Alfred Stettler, Dr ès sciences économiques
et commerciales, MBA Harvard Business
School, membre du Comité d’experts
de la Commission RPC, délégué de la
Suisse à l’ISAR, professeur ordinaire de
comptabilité et de contrôle à l’Ecole HEC,
Lausanne
de Käfer proposait, à juste titre, de porter les provisions pour pertes sur débiteurs ou ducroire en diminution des actifs correspondants. Ces comptes faisaient partie de la classe 1: actif. La
quatrième directive de l’Union européenne du 25 juillet 1978 requiert que
les corrections de valeur, qui comprennent toutes les dépréciations, définitives ou non, des éléments du patrimoine
à la date de clôture du bilan, ne figurent
pas dans les provisions pour risques et
charges. Les US-GAAP suivent, notamment dans le FASB Statement no 5
de 1975, une piste semblable. Etant par
essence des corrections potentielles de
valeurs d’actifs, les provisions pour
dépréciation d’actifs ont tout à fait logiquement leur place en diminution des
actifs, soit de manière visible, soit de
manière invisible au bilan, mais avec
des explications circonstanciées dans
l’annexe.
En dépit de ces règles ou propositions,
il est courant, du moins jusqu’à très récemment, de trouver les provisions
pour pertes sur débiteurs comme aussi
les amortissements cumulés sur les actifs immobilisés, appelés à tort fonds
d’amortissement, au passif du bilan des
états financiers. Le Manuel suisse d’audit (MSA) de 1998 laisse encore planer
le doute puisqu’il indique que les
comptes de correction de valeur de rubriques de l’actif circulant peuvent être
déduits de l’actif même ou inscrits au
passif du bilan [1], en particulier s’ils
ont uniquement ou surtout un caractère de réserve. Cette dernière remarque se réfère vraisemblablement aux
postes de provisions, à caractère de réserves, que l’on peut trouver dans un no
man’s land entre les capitaux étrangers
et les capitaux propres. L’ordonnance
sur les banques et les caisses d’épargne,
en son article 25, va dans le même sens
puisqu’elle indique que les correctifs de
567
PRATIQUE COMPTABLE
Alfred Stettler, La logique de la constatation des provisions
valeurs qui peuvent être attribués directement à des actifs spécifiques peuvent être, au choix, compensés directement par une rubrique correspondante
de l’actif ou mentionnés sous la rubrique correctifs de valeurs et provisions,
donc au passif [2].
1.2 Les provisions pour risques
et charges
Les provisions pour risques et charges
sont définies dans les différentes sources, notamment dans le MSA et les directives comptables européennes, de
manière assez semblable.
Les provisions pour risques et charges
sont censées couvrir des charges et des
pertes définies à la date du bilan quant
à leur origine, mais pas quant à leur
montant. Il peut s’agir par exemple de
pertes sur contrats. L’existence de la
perte, après déduction des provisions
pour dépréciation d’actifs, est certaine, le montant effectif reste cependant incertain. Ces provisions peuvent
également concerner des engagements
et des charges, certaines, quant à leur
existence, mais indéterminées quant à
leur montant ou leur échéance, ou incertaines. Pensons notamment à des
engagements ou des charges liés à des
litiges, dont ni le montant ni l’échéance
ne sont encore connus.
En dépit de la définition relativement
précise de leur portée, ces provisions
ont été souvent traitées, dans la pratique, avec souplesse. Cette dernière
trouvait sa justification en particulier
dans le principe de prudence. Les provisions pouvaient ainsi couvrir des risques, à caractère relativement général,
possibles mais pas nécessairement probables, des charges futures, mal ou pas
définies, ou des investissements.
Cette tendance est naturellement encore renforcée par l’article 669 CO qui
propose d’utiliser non seulement les
amortissements, mais aussi les corrections de valeur et les provisions pour
risques et charges d’une part, à des fins
de remplacement d’autre part, pour la
création de réserves latentes supplémentaires. Il va même jusqu’à proposer
de renoncer à dissoudre des provisions
pour risques et charges devenues superflues toujours dans le but de rem568
placement ou de réserves supplémentaires.
1.3 Les provisions et l’approche
fiscale
L’article 63 de la loi fédérale sur l’impôt
fédéral direct place sous provisions
aussi bien les corrections de valeurs,
notamment des actifs circulants, que les
provisions pour engagements futurs. Il
autorise aussi, dans certaines limites, la
création de provisions pour les futurs
mandats de recherche et de développement confiés à des tiers. Le principe de
l’importance relative du bilan commercial déterminant pour le bilan fiscal
(das Massgeblichkeitsprinzip) conduit
naturellement à l’utilisation de critères
fiscaux dans les comptes individuels
même s’ils ne sont pas nécessairement
justifiés du point de vue économique.
Pour tenir compte de ce risque de divergence, la Commission RPC a proposé récemment la RPC 19 qui permet
aux entreprises qui le souhaitent de
séparer, lors de l’établissement des
comptes individuels, les aspects fiscaux
et de prudence excessive des aspects
économiques et présenter ainsi des
comptes selon l’image fidèle.
2. Approche moderne
du traitement des provisions
La prise en compte des exigences fiscales et/ou de celles de prudence font
que les états financiers, individuels
surtout, ne présentent pas ou très
rarement une image fidèle. Par contre
le respect d’un cadre de référence tels
que les RPC, les IAS ou les US-GAAP
fait que les entreprises cotées aboutissent en principe à des présentations
beaucoup plus satisfaisantes.
L’observation des pratiques suivies en
matière de gestion des provisions a
montré toutefois qu’il était nécessaire,
pour parvenir à une meilleure application des cadres conceptuels comptables
en matière de correction de valeurs et
de provisions, de proposer deux normes; une première sur les dépréciations
d’actifs (impairment), une seconde sur
les provisions, en fait sur les risques et
charges. Ces deux documents doivent
aussi permettre de mieux identifier et
séparer ce qui relève des corrections de
valeurs, diminution d’actifs, de ce qui a
trait aux sorties futures probables de
ressources.
2.1 Définitions
La portée des provisions pour dépréciation d’actifs et des provisions pour
risques et charges est étroitement liée à
la définition des termes de base que
sont les actifs et les passifs.
Le cadre conceptuel de l’IASB définit
un actif comme une ressource contrôlée par l’entreprise du fait d’événements passés et dont elle espère tirer
des avantages économiques. A cette
définition sont attachées une connotation de probabilité et une de fiabilité.
Le caractère de probabilité tient à
l’existence plus ou moins certaine du
potentiel économique futur direct ou
indirect des moyens d’activité présents;
celui de fiabilité à l’attribution aux
moyens d’activité présents d’un coût ou
d’une valeur basés sur des estimations
raisonnables.
Un passif est une obligation actuelle
de l’entreprise résultant d’événements
passés et dont l’extinction devrait
se traduire pour l’entreprise par une
sortie de ressources représentatives
d’avantages économiques. A cette définition sont aussi attachées une connotation de probabilité et une de fiabilité.
Le caractère de probabilité tient aux
chances de sorties de moyens d’activité,
le caractère de fiabilité à l’attribution
d’une valeur aux prétentions ou intérêts présents de tiers sur ces moyens
d’activité.
Cette définition du passif se base sur la
théorie du propriétaire qui veut que, en
termes comptables, nous ayons l’égalité
suivante: actifs – dettes (passifs) = capitaux propres. Rappelons que la théorie de l’entité s’oppose à la théorie
du propriétaire puisqu’elle exprime la
même situation dans les termes suivants: actifs = passifs. Dans ce dernier
cas, les passifs comprennent également
les prétentions ou intérêts présents des
propriétaires sur les moyens d’activité.
Un respect strict de ces définitions conduit nécessairement à séparer clairement les corrections de valeurs ou dépréciations potentielles des provisions
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pour risques et charges. En d’autres termes, les corrections de valeurs ne doivent pas être confondues, comme on le
fait encore parfois, avec des provisions.
Les corrections de valeurs ont déjà été
analysées à plusieurs reprises, notamment en relation avec la RPC 17 sur les
stocks, les RPC 9 et 18 sur les actifs immobilisés incorporels et corporels et la
RPC 22 sur les dépréciations d’actifs.
La suite de cet article se concentrera
donc sur la réglementation relative aux
provisions telle qu’elle est prévue dans
le projet de la RPC 23.
Selon ce projet, la provision est un engagement probable fondé sur un événement passé dont l’échéance et/ou le
montant sont incertains; cet engagement
constitue un passif exigible. Définie
comme un passif, la provision ne peut
donc pas couvrir les corrections de valeurs d’actifs. L’arbre de décision du
tableau 1 résume les principales étapes
du cheminement suivi pour l’élaboration de cette norme.
La définition de la provision contient la
connotation de probabilité, quant à son
existence, liée à un passif. Pour distinguer la provision de la dette, toutes
deux des passifs, il est nécessaire d’ajouter dans la définition l’incertitude liée à
l’échéance et/ou au montant.
Le Comité de la réglementation
comptable français apporte également
cette précision lorsqu’il affirme qu’une
dette est un passif dont l’échéance et
le montant sont fixés de façon précise
alors qu’une provision pour risques et
charges est un passif dont l’échéance ou
le montant n’est pas fixé de façon précise [3]. Le terme de passif utilisé ici
cerne ce que le Comité de réglementation comptable français appelle le
passif externe (ou capitaux étrangers)
pour le séparer du terme général du
passif, côté droit du bilan, qui comprend
aussi le passif interne (ou capitaux propres). Le Comité de la réglementation
comptable français se réfère donc indirectement à la théorie de l’entité.
L’adjonction de l’adjectif exigible au
terme passif dans la définition de la
provision proposée par le projet vise à
préciser qu’il ne peut être question que
du passif externe.
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La distinction entre provision et dette
permet aussi de préciser la différence
entre les provisions et les passifs de régularisation. Contrairement à la provision, le passif de régularisation, sous
l’angle des charges à payer, a un caractère de dette irréversible. A cause de
l’absence d’une facture ou d’un décompte précis, il peut néanmoins subsister parfois un doute quant au montant voire à l’échéance exacts. On peut
mentionner à cet égard que la pratique
et les normes classent volontiers les impôts en suspens dus à la date du bilan
comme une provision pour impôts. Il
paraîtrait pourtant beaucoup plus logique de les considérer comme des passifs de régularisation puisqu’il s’agit
d’une dette irréversible; il reste à obtenir de l’autorité fiscale la confirmation quant au montant réellement dû.
Rappelons que les produits reçus d’avance, dans la mesure où il n’existe pas
de droit de restitution de ces produits,
devraient être déduits à l’actif.
2.2 Obligations juridiques
ou implicites
Par définition, un passif est lié à un engagement ou à une obligation. Cette
dernière peut avoir un caractère juridique ou implicite. Dans le premier cas,
l’obligation est relativement précise
puisqu’elle découle de la loi, d’un règlement ou d’un contrat. Dans le second cas, sa portée est plus floue.
Au cours des années 1990, le Groupe de
travail intergouvernemental d’experts
des normes internationales de comptabilité et de publication (ISAR) des
Nations Unies, auquel participe le
Secrétariat à l’économie (Seco), a longuement délibéré sur la comptabilité
des coûts et passifs environnementaux
et la présentation de l’information financière correspondante. Il n’est pas
étonnant que les avis concernant la portée des obligations implicites ne soient
pas les mêmes en particulier pour certaines entreprises multinationales et
pour certains pays en développement.
Le texte final, obtenu après de longues
négociations, comprend néanmoins
pour les obligations implicites une référence à l’éthique ou à la morale: «Une
obligation implicite est une obligation
qui ne découle pas de la loi, mais dont
l’existence peut être déduite des faits
dans une situation particulière, ou qui
résulte de considérations éthiques ou
morales et à laquelle l’entreprise ne peut
pas ou peut difficilement se soustraire»
[4]. Ainsi une entreprise peut n’être
soumise à aucune obligation légale de
procéder à un nettoyage en cas de pollution, mais sa réputation dans le pays
considéré risque d’être ternie et son
avenir sérieusement compromis si elle
ne le fait pas.
Pour l’IASB, l’obligation est implicite
lorsqu’elle découle des actions d’une
entreprise:
Tableau 1
Arbre de décision
Evénement
passé
Non
Oui
Obligation
légale
Non
Obligation
implicite
Oui
Non
Pas de constitution
de provision,
sortie de ressources
éventuelle
Oui
Non
Probabilité de
sortie de ressources
et estimation fiable
Oui
Constitution d’une
provision
Oui
Non
Pas
d’information
à fournir
selon RPC 10
Remarques
dans l’annexe
selon RPC 10
569
PRATIQUE COMPTABLE
Alfred Stettler, La logique de la constatation des provisions
a) qui a indiqué aux tiers par ses pratiques passées, par sa politique affichée ou par une déclaration récente
suffisamment explicite, qu’elle assumera certaines responsabilités; et que
b) en conséquence, elle a créé chez ces
tiers une attente fondée qu’elle assumera ces responsabilités.
Cette source ne comprend donc pas de
référence à l’éthique ou à la morale.
De manière générale, l’obligation implicite découle donc de pratiques actuelles ou passées qui créent chez les
tiers une attente légitime de voir l’entreprise assumer ses responsabilités. Il
est évident que ces pratiques doivent se
baser sur des faits probants.
2.3 Provision et contrepartie
Le terme passif implique également
qu’il n’y a pas de contrepartie à venir.
Le plan comptable français le précise
dans la définition du passif lorsqu’il
indique que la sortie de ressources au
bénéfice de tiers que peut provoquer
un passif est sans contrepartie au moins
équivalente attendue de celui-ci [5].
Les provisions pour risques et charges
ont pour caractéristique essentielle de
ne pas avoir de contrepartie à venir.
L’absence de contrepartie à venir étant
comprise dans la définition même du
passif, elle ne réapparaît pas dans la définition de la provision.
Dans le passé, et parfois encore aujourd’hui, des événements économiques ont donné lieu à la création de
provisions alors qu’il existait une contrepartie aux faits en question. Si une
entreprise prévoit une réduction de
chiffre d’affaires ou de marges ne sera-telle en effet pas tentée de créer une
provision pour diminution de produits
ou de marges futures. Dans ce cas, il n’y
a pourtant aucune obligation juridique
ou implicite à honorer par une sortie de
ressources; il s’agit d’un encaissement
moindre de produits à venir lié à des livraisons de biens ou de services. Il en
sera de même pour les salaires qui
seront payés dans l’exercice futur et
pour lesquels l’entreprise recevra du
travail et des services.
L’approche rationnelle moderne du
traitement des provisions vise donc à
570
éviter la création de provisions qui ont
une contrepartie dans le futur. Voici
des exemples pour illustrer ces propos.
Exemple: le cas de la verrerie
Une verrerie dispose, parmi ses installations, d’un four de fusion. Pour supporter les très hautes températures nécessaires à la fusion, du sable en particulier, le four est recouvert à l’intérieur
de briques spéciales qu’il s’agit de remplacer tous les quatre ans alors que le
four, dans son ensemble, a une durée de
vie utile beaucoup plus longue. Cette
rénovation représente un coût de quelque 4 millions de francs suisses. Le traitement comptable usuel d’un tel fait
économique consiste à doter chaque
année le compte provision pour rénovation du four, par exemple, de 1 million de francs suisses de manière à disposer au bout des quatre ans d’une provision de 4 millions. Ce fait économique
ne donne pourtant naissance à aucune
obligation, donc à aucun passif. On assiste en revanche à la diminution de valeur d’un actif à la suite de son utilisation, donc d’une contrepartie. Dès la
construction du four, il aurait fallu distinguer pour le four des durées de vie
utile différentes selon ses composantes
et amortir chacune d’elles en fonction
de sa durée de vie utile présumée. Cette
différenciation est déjà utilisée pour les
terrains et bâtiments. Pendant les 4 premières années de vie du four, il aurait
donc fallu amortir le revêtement interne à raison de 1 million de francs par
an. Au bout des 4 ans l’entreprise retrouve, après rénovation, son four qui
peut continuer à fournir ses services. Le
nouveau revêtement sera à son tour
amorti sur une durée de vie utile estimée. Notons que dans la mesure où
des opérations semblables ne peuvent
pas être considérées comme un actif,
il s’agit alors de grever le résultat de
l’exercice dans lequel les travaux d’entretien ont lieu.
Exemple: l’auto-assurance
Les événements de ces derniers mois
ont montré que certains risques ne peuvent plus du tout ou ne peuvent qu’en
partie être assurés auprès des compagnies d’assurance. Dans d’autres cas,
pour des raisons fiscales notamment,
les entreprises voudraient recourir à
une auto-assurance indirecte. L’approche moderne de la notion de provision
précise que, quelle que soit la justification du recours à l’auto-assurance, les
entreprises ne peuvent constituer des
provisions pour risques pour des dommages non survenus ou non probables
sur la base de faits avérés.
L’auto-assurance indirecte peut se
baser sur les sociétés d’assurance captives, c’est-à-dire des sociétés ad hoc
auxquelles seront versées les primes
d’assurance déductibles fiscalement.
La présence de ces sociétés pose un
problème de périmètre de consolidation, raison pour laquelle l’IASB a
émis, en 1998, une interprétation qui
prévoit que les entités ad hoc doivent
être consolidées quand, en substance,
la relation entre les entités ad hoc et
l’entreprise indique que les entreprises
ad hoc sont contrôlées par l’entreprise [6].
2.4 Fait générateur de l’obligation
juridique ou implicite
La provision découle d’un engagement
ou d’une obligation probable. Sa création est donc liée à un événement-clef,
le fait générateur de l’obligation. Ce
dernier doit remplir deux conditions. Il
doit s’agir d’un événement passé, qui
provoquera probablement des décaissements futurs, qui doivent pouvoir être estimés et ceci de manière fiable.
Pour illustrer, prenons deux exemples,
un lié aux obligations de garantie, l’autre à la remise en état de lieux.
Exemple: obligation de garantie
La vente d’un produit avec garantie représente un fait générateur d’obligation qui justifie de constituer une provision pour garantie dans la mesure où
peut être déterminée la probabilité de
la survenue d’un dommage garanti.
L’entreprise doit en outre être à même,
de par ses expériences passées ou ses
informations, d’estimer de manière fiable le montant de ces travaux probables. S’il lui est impossible de déterminer la probabilité de la survenue du
dommage parce qu’il s’agit d’une prestation spéciale ou unique et/ou qu’une
L’Expert-comptable suisse 6-7/02
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Alfred Stettler, La logique de la constatation des provisions
estimation fiable du montant n’est pas
possible, l’entreprise ne peut créer de
provision.
Exemple: remise en état des lieux
Pour exercer ses activités, une entreprise doit creuser et installer des silos.
Elle s’est engagée, par contrat, à démonter les silos et remettre le terrain en
état lors de la cessation de ses activités.
Admettons que l’entreprise dispose
d’une concession pour les 15 ans prévus
d’activité et que l’activité à cet endroit
précis durera effectivement 15 ans. Le
fait générateur de l’obligation est constitué par le fait que l’entreprise commence à creuser. Elle devra donc dès ce
moment-là prévoir une provision correspondant au coût estimé, escompté
ou non, des travaux de remise en état
des lieux. Le montant de cette provision sera considéré comme un coût supplémentaire des installations de production, donc ajouté aux coûts des installations. Le compte de résultat sera
ensuite grevé régulièrement par l’amortissement du montant contrepartie de
la provision, amortissement qui se fera
au rythme d’amortissement des installations qui ont engendré ce coût supplémentaire. En cas d’escompte, le
compte de résultat tiendra également
compte des intérêts liés à la provision.
Au contraire, si l’on considère que l’obligation de remise en état existe dès le
creusement des silos car la durée d’activité est incertaine, il s’agira de porter
en charge la provision en totalité dans
l’exercice du creusement des silos.
Dans le cas de l’obligation juridique, la
création ou la dissolution d’une provision est liée à l’existence d’une loi, de
son interprétation par la doctrine ou la
jurisprudence ou d’un contrat. Dans le
cas de l’obligation implicite la création
ou la dissolution d’une provision dépend du comportement actuel ou passé
de l’acteur concerné. Dans ce dernier
cas, on distingue généralement le moment de la décision prise par l’entreprise de celui de l’annonce faite par
elle de se comporter d’une certaine
manière. Contrairement à l’IASB qui a
fixé le moment de l’annonce comme
celui de la naissance du fait générateur,
le projet de la RPC 23 laisse les options
ouvertes.
L’Expert-comptable suisse 6-7/02
2.5 Comptabilisation et évaluation
La provision doit être constatée dès
que le fait générateur de l’obligation
s’est produit, que l’engagement, débouchant sur une sortie de ressources
probable, est né.
Les situations qui peuvent donner lieu
à la création de provisions sont multiples. Il est donc naturellement impossible de fixer dans une norme des règles
d’évaluation détaillées qui s’appliqueraient telles quelles à toutes les situations.
Le cadre conceptuel de l’IASB précise que l’évaluation est le processus
consistant à déterminer les montants
monétaires auxquels les éléments des
états financiers vont être comptabilisés
et inscrits au bilan ou au compte de résultat. Ceci implique le choix de la convention appropriée d’évaluation. Les
cadres conceptuels ne font cependant
qu’exposer les conventions possibles
sans fixer le choix à suivre entre le coût
historique, le coût actuel, la valeur de
réalisation et la valeur actualisée.
Dans le cas des provisions, le choix se
porte entre la convention du coût historique et celle de la valeur actualisée.
Remarquons toutefois que ce choix
serait aussi valable pour les autres capitaux étrangers. Or, dans ce dernier
cas, c’est encore en général la convention du coût historique qui est utilisée.
La valeur des provisions à prendre en
considération dépend d’une part du
risque représenté par la portée des obligations, d’autre part du laps de temps
lié à ces obligations. Etant donné que
l’évaluation a lieu à la date du bilan, il
s’agit donc théoriquement de calculer,
à cette date, l’espérance mathématique
des sorties futures de flux de ressources. Cette valeur dépend naturellement
de la fonction de probabilité utilisée, du
laps de temps pris en compte et du taux
d’actualisation. Si le risque est déjà pris
en compte dans l’espérance mathématique, il s’agira d’éviter de l’inclure une
seconde fois dans le taux d’actualisation. Le taux d’actualisation sera donc
un taux sans risque. De plus, ce taux est
un taux avant impôt puisque l’incidence fiscale est prise en compte dans
le calcul des impôts différés qui portent
sur l’ensemble des actifs et des passifs,
donc provisions comprises.
L’évaluation à la date du bilan doit
tenir compte des événements postérieurs à la date du bilan qui permettent d’améliorer cette évaluation, c’està-dire de mieux cerner les faits générateurs d’obligation qui ont eu lieu avant
cette date. Le déroulement des premières séances d’un procès qui ont lieu
entre la date du bilan et celle de la clôture effective des comptes peut, par exemple, permettre de se faire une meilleure idée sur l’issue possible du procès. Ces événements postérieurs à la
date du bilan peuvent permettre de
préciser la probabilité des engagements, voire d’affiner l’évaluation des
montants et des échéances en cause.
Ces estimations doivent naturellement
être révisées à chaque date de clôture,
qu’elle soit intermédiaire ou annuelle.
Le principe de la spécialisation des
exercices, celui de la non compensation
et celui de l’image fidèle conduisent
également à augmenter les provisions
ou à créer des provisions nouvelles
pour de nouvelles obligations et à dissoudre celles dont l’existence n’est plus
justifiée.
Précisons que l’article 29 de la loi sur
l’impôt fédéral direct précise également que les provisions qui ne se justifient plus sont ajoutées au revenu commercial imposable.
Les variations de provisions peuvent
concerner le résultat d’exploitation ou
le résultat hors exploitation. Le principe de la clarté demande donc que l’effet des variations, des augmentations
comme des diminutions, soit réparti en
conséquence sur les différentes parties
du compte de résultat.
Nous avons vu précédemment que des
législations particulières, notamment
l’ordonnance sur les banques et caisses
d’épargne, ne distinguent pas actuellement, en particulier pour les comptes
individuels, les corrections de valeurs
des provisions pour risques et charges.
De plus, la rubrique réserves pour risques bancaires généraux laisse une
grande latitude aux banques d’influencer le résultat à leur manière; ce flotte571
PRATIQUE COMPTABLE
Alfred Stettler, La logique de la constatation des provisions
ment devrait être éliminé dans le cadre
des comptes de groupe.
Le projet de RPC 23 demande donc
que les entreprises qui se trouvent dans
la situation ci-dessus précisent dans
l’annexe le montant des provisions à caractère de réserve, donc en fait injustifiées du strict point de vue des obligations.
2.6 Provisions, engagements
conditionnels et autres
engagements hors bilan
Le traitement des provisions se réfère à
la notion de probabilité et de fiabilité.
Il se distingue donc de celle d’éventualité, traitée notamment dans la RPC 10
ou les IAS 10 et 37. Chacun sait, notamment au vu d’événements récents,
que la limite entre des différentes notions n’est pas tracée de manière évidente, ni à un moment donné ni dans le
temps. La présentation de l’arbre de
décision vise donc à mettre en évidence
les relations étroites qui peuvent exister entre ces différents éléments.
2.7 Informations à fournir
Il paraît aujourd’hui tout à fait naturel
de disposer dans l’annexe d’un tableau
expliquant les mouvements des actifs
immoblisés. Etant donné l’importance
que peuvent revêtir les provisions ou
leurs variations dans les états financiers, il paraît aussi logique de demander un tableau de variations qui mette
en évidence les valeurs comptables au
début de la période, la constitution,
l’utilisation, la dissolution et l’extourne
des provisions durant la période de
manière à comprendre les valeurs
comptables à la fin de la période et l’influence des provisions sur le compte de
résultat en particulier.
3. Résumé et conclusion
La présentation ci-dessus a analysé
avant tout les provisions pour risques et
charges. Dans la pratique, des faits économiques peuvent naturellement concerner simultanément les provisions
pour dépréciation d’actifs et les provisions pour risques et charges. Ainsi en
est-il par exemple lors des décisions ou
des annonces de restructuration. Ces
décisions ou annonces peuvent conduire à une dépréciation d’actifs (dépréciation d’actifs, RPC 22) et à la création de provisions pour indemnités de
licenciement (RPC 23). Ce fait économique peut cependant aussi conduire à
la conquête d’un nouveau marché qui
n’engendre pas d’obligation, donc pas
de provision.
L’approche traditionnelle du traitement des provisions continuera d’exister pour les raisons fiscales et à cause du
principe de prudence au moins aussi
longtemps que le droit actuel des sociétés anonymes restera en l’état. L’approche moderne du traitement des provisions doit cependant permettre aux
entreprises qui le souhaitent et à celles
qui y sont astreintes à préparer et établir des états financiers pour lesquels le
traitement des provisions est en accord
avec l’approche conceptuelle qui les
sous-tend.
Notes
1 Chambre fiduciaire, Manuel suisse d’audit,
tome 1, Zurich, 1998, p. 223.
2 Suisse, Ordonnance sur les banques et les caisses d’épargne du 17 mai 1972, état au 30 novembre 1999.
3 Comité de la réglementation comptable,
Règlement no 2000–06 du 7 décembre 2000
relatif aux passifs.
4 Nations Unies, Comptabilité des coûts et
passifs environnementaux et présentation
de l’information financière correspondante,
Genève, 1999, p. 42.
5 Conseil national de la comptabilité, Plan
Comptable Général, art. 212-1.-1.
6 IASB, Interpétation SIC-12 Consolidation –
Entités ad hoc, 1998.
ZUSAMMENFASSUNG
Die Erfassung und Bewertung von Rückstellungen
Der traditionelle Ansatz zur Behandlung von Rückstellungen erlaubte bisher keine eindeutige Unterscheidung
zwischen Wertberichtigungen und
Rückstellungen. Dagegen fordert der
moderne Ansatz zur Behandlung der
Rückstellungen eine systematische
Trennung der beiden Begriffe. Dieser
Ansatz basiert auf den in den letzten
Jahren entwickelten Rahmenkonzepten, insbesondere auf dem Framework des IASB. In diesen Rahmenkonzepten werden Aktiven und
Schulden definiert. Diese Definitionen erlauben es zu klären, weshalb
Wertberichtigungen von den entsprechenden Aktiven abzuziehen sind, die
Rückstellungen dagegen eine Ver572
bindlichkeit verkörpern. Dass Rückstellungen auf einem verpflichtenden
Ereignis in der Vergangenheit beruhen und nicht zukünftige Aufwendungen mit Gegenleistung vorweg erfassen dürfen, ergibt sich aus der Definition der Verbindlichkeit. Deshalb ist
es unzulässig, zukünftige Aufwendungen wie Personalaufwand verfrüht
durch die Bildung einer Rückstellung
in der Erfolgsrechung zu belasten.
Eine Analyse der Wahrscheinlichkeit
von Betrag und Fälligkeit einer Verbindlichkeit erlaubt die Unterscheidung zwischen einem passiven Rechnungsabgrenzungsposten einerseits
und einer Rückstellung andererseits.
Erfassung und Bewertung von Rückstellungen entsprechen der gängigen
Behandlung von Fremdkapital. Rückstellungen werden erfasst, sofern die
wirtschaftlichen Sachverhalte ihrer
Definition entsprechen. Ihre Bewertung wird systematisch geprüft. Je
nach Umständen sind sie dann zu erhöhen oder aufzulösen. Da die Rahmenkonzepte zur Bewertungsfrage
noch keine verbindlichen Leitplanken
gesetzt haben, können Rückstellungen zu ihrem Wert bei der geschätzten
Fälligkeit oder, falls der Zeitfaktor
wesentlich ist, auch diskontiert bilanziert werden.
AS/CHW
Der Schweizer Treuhänder 6-7/02
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