HISTOIRE DES ARTS LA TONDUE DE CHARTRES de ROBERT

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HISTOIRE DES ARTS
LA TONDUE DE CHARTRES
de
ROBERT CAPA
prise le 18 Août 1944
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ROBERT CAPA
Naissance : 1913 Endre Ernö Friedmann naît le 22 octobre à Budapest, en Hongrie
1931 : Contraint à l'exil,il gagne Berlin où il s'inscrit à la Deutsche Hochschule für PoliHk,
dans le but de devenir journaliste.
1933 :Devant la montée du nazisme, il gagne Paris.
1936 : Il photographie les manifestations du Front populaire et prend le nom de Robert
Capa. Avec sa compagne,ils couvrent les débuts de la guerre d'Espagne, d'abord pour
Vu puis pour Regards.
Regards. Il prend,en
prend,en septembre, la célèbre photographie Mort d'un
milicien qui est aussitôt publiée dans Vu.
Vu.
Robert Capa, Mort d'un
milicienCerro Muriano (front
de Cordoue), 5 septembre 1936
Tirage sur papier baryté, 25,5
x 35 cmBNF, Estampes,
acquisition 1964-12200. Ep25-Fol.
http://expositions.bnf.fr/capa/ban
de/index.htm
1937 : Sa compagne, Gerda Taro, trouve la mort durant les combats de Brunete.
1939 : Il photographie la fin de la guerre civile espagnole, effectue un reportage sur le Tour
de France pour Match et émigre à New York où il rejoint sa mère et son frère.
1941-1945 : Il photographie la Seconde Guerre Mondiale en Europe.
1954 : Il meurt le 25 mai à Thaï Binh(Indochine) en sautant sur une mine alors qu'il effectue
un reportage pour Life sur l'évacuation des troupes françaises après la défaite de Diên
Biên Phû. La France lui décerne à titre posthume la Croix de guerre avec palmes.
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INTRODUCTION : PRESENTATION DE L'OEUVRE
* Photo réalisée à Chartres le 18 août 1944
* Tirage sur papier baryté, 24,5 x 35 cm
Indication sur la technique : noir et blanc/ papier baryté : Le papier baryté est un papier
photodestiné au tirage argentique en noir et blanc. C’est un support épais qui offre une
surface glacée très lisse et un blanc obtenu à partir de sulfate de baryum (ou baryte).
Il est très apprécié des spécialistes pour sa très bonne conservation dans le temps, sa tenue en
main et son très beau rendu, avec des noirs très profonds.
*Lieu de conservation de la photographie : agence photo Magnum
*Contexte historique : L’avancée des troupes américaines après le débarquement. Le
centre ville de Chartres est libéré mais les combats font toujours rages dans les campagnes
environnantes. Le drapeau français flotte de nouveau sur le portail de la Préfecture.
*Prise de vue (position du photographe, angle de vue) : Il se positionne à l’avant du cortège
formé par la foule.
* BNF, Estampes, acquisition 1964-12200.Ep-25-Fol.
* Au verso,tampon à l’encre noire : Please credit ROBERT CAPA –MAGNUM/
COURTESY–LIFE MAGAZINE.
* Légende : (dactylographiée sur papier collé : Panel 43 B. Marked by shaved head, a
woman collaborationist escorted out of a village near Cherbourg by jeering town folk
following liberation of the region by Allied troops.
(Reconnaissable à son crâne tondu, une femme coupable de collaboration est
conduite hors d’un village près de Cherbourg sous les railleries de la population
après la libération de la région par les troupes alliées.)
Source:hbp://expositions.bnf.fr/capa/grand/161.
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I – DESCRIPTION DE L'OEUVRE
1 – Les grandes lignes directrices : temps et espace.
* La scène est en mouvement : les personnages marchent dans la rue, la quittent.Les regards
convergent vers les deux personnages centraux : la femme tondue portant son bébé et le
policier.
* Les obliques convergent vers le drapeau de la République française, de nouveau accroché au
portail de la préfecture.
Les collaborateurs(trices) sont arrêtés le matin et regroupés dans la cour de la préfecture. Un
coiffeur ou autre vient tondre les femmes qui sont également marquées au fer rouge.
Certains(es) sont condamnés à des peines de prison et d'autres sont exécutés(es)
Le retour à la France de la République (drapeau) passe par la condamnation des
collaborateurs.
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2 – Les personnages de la photographie.
la foule suit le cortège.
un groupe de femmes et
de filles marche à côté.
Une enfant avance
guidée par une autre
femme.
Une majorité de femmes
compose la foule des
civils rigolards et
vengeurs.
Un troisième policier
sans son uniforme,
chemise blanche et
cravate, le visage
grave, se tient
derrière cette famille
exhibée
Derrière lui, on
distingue Germaine,
son épouse, qui porte
des lunettes, tondue
elle aussi...
On remarque
deux policiers
en tenue (…),
manifestement
détendus : ils
tiennent
chacun une
cigarette. On remarque deux policiers
en tenue (…), manifestement
détendus : ils tiennent
chacun une cigarette. Au centre de la photographie, Simone
Touseau, jeune femme de 23 ans,
complètement rasée et le front marqué
de deux cercles au fer rouge, porte de
son bébé d’à peine trois mois.
Au premier plan sur la
droite, Georges Touseau,
son père, reconnaissable
grâce à son béret et au gros
baluchon qu’il porte, a les
yeux baissés.
L’attention est attirée autant par le nourrisson que par la mère au crâne rasé. Celle-ci n’a
d’yeux que pour son enfant... »
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L’histoire de la Tondue de Chartres
La scène célèbre se déroule l’après-midi. Les responsables FFI locaux ordonnent qu’on
reconduise une famille honteuse jusqu’à son domicile des numéros 18 et 20 de la rue de
Beauvais (rebaptisée après-guerre en rue du Docteur-Jacques-de-Fourmestraux). Robert
Capa quitte précipitamment la préfecture pour se placer en avant de la procession. Il se
tient au milieu de la chaussée, à l’entrée de la rue du Cheval-Blanc.
Au fond, un grand drapeau tricolore flotte, accroché au portail de la préfecture ; au second
plan, sur l’actuelle place Jean-Moulin située au carrefour de la rue Sainte-Même, […].
Quand la troupe arrive sur lui, le photographe actionne le déclencheur de son Contax. Au
centre du cliché, Simone Touseau, jeune femme de 23 ans, complètement rasée, porte son
bébé dans les bras. On lui a brûlé le front au fer rouge.
Au premier plan sur la droite, le père de Simone, Georges Touseau, chemine avec béret et
baluchon. Derrière lui, marche Germaine Touseau, son épouse, dont on distingue la tête,
tondue elle aussi…
Auprès d’eux, deux policiers et plusieurs dizaines de civils – une majorité de femmes -,
rigolards et vengeurs. Pendant ce temps, les combats contre l’armée allemande en retraite
continuent en ville. Ils cesseront seulement le 19 août.
En 1941, baccalauréat en poche, la jeune Simone a obtenu un emploi d’interprète dans les
services allemands d’occupation, d’abord à la caserne Marceau, puis au centre de
placement allemand […]. Cette même année, elle tombe amoureuse du soldat allemand qui
gère la librairie militaire allemande […]. Fin 1942, le soldat est muté sur le front de l’Est
soviétique. Quand Simone apprend qu’« Erich » a été blessé et ramené en convalescence
dans la région de Munich, elle n’hésite pas à s’engager comme travailleuse volontaire dans
la capitale de Bavière, où elle retrouve effectivement son amant en septembre 1943. Et où
elle tombe enceinte…, ce qui lui vaut d’être rapatriée en France fin novembre 1943.
Dans la nuit du 24 au 25 février 1943, cinq voisins des Touseau, dans un rayon de vingt
mètres autour du domicile de ces derniers, sont arrêtés par la police de sûreté allemande
(SD ou Gestapo). Ils ont été dénoncés par un informateur comme « ennemis de l’Allemagne
» parce qu’ils écoutent la radio anglaise.
Henri Godard, Didier Hée, René Ligneul, Fernand Guilbault et Edouard Babouin sont
conduits à la prison de la rue des Lisses toute proche. Godard est libéré le lendemain : il ne
possède pas de poste de radio TSF ! Par contre, les quatre autres sont transférés
successivement à Orléans et Compiègne avant leur déportation au camp de concentration
autrichien de Mauthausen. Fernand Guilbault et Edouard Babouin ne reviendront jamais
de captivité : ils meurent respectivement le 4 décembre 1943 et le 31 juillet 1944…
Après les événements du 16 août, les deux femmes sont incarcérées à la maison d’arrêt de
Chartres jusqu’en octobre 1944, date de leur transfert pour le camp d’internement de
Pithiviers. Georges Touseau […] et sa fille aînée Annette (à qui échoit la garde du bébé de
Simone) échappent à la mesure carcérale. Mais tous les quatre sont officiellement «
prévenus d’avoir postérieurement au16 juin 1940 soit sciemment apporté en France ou à
l’étranger une aide directe ou indirecte à l’Allemagne ou à ses alliés, soit porté atteinte à
l’unité de la nation ou à la liberté et l’égalité des Français », délit prévu par l’ordonnance
du 26 décembre 1944.
Source : Gérard LERAY, http://tonduechartres.wordpress.com/2009/11/29/la-photo-de-la-honte/
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EPILOGUE
La suite est une longue descente aux enfers. Pendant sa détention, en mars 1946, Simone
avait appris la mort – deux ans plus tôt – de son « fiancé » allemand sur le front soviétique.
Pour couper les ponts avec le cauchemar chartrain, les Touseau, sauf Annette, quittent le
chef-lieu de l’Eure-et-Loir et s’installent à St-Arnoult-en-Yvelines. Simone se marie avec un
comptable, a deux nouveaux enfants. Mais le couple chavire, se sépare. Simone a sombré
dans l’alcoolisme. Elle décède le 21 février 1966 à Chartres à l’âge de quarante-quatre ans
et demi. Son père Georges ne lui survit guère, qui meurt le 12 octobre 1969. Vient ensuite le
tour de Germaine le jour de l’an 1980. Annette, la sœur aînée, a disparu le 30 avril 1997.
Les quatre Touseau sont inhumés dans deux tombes distinctes dans le cimetière de
Mainvilliers, commune périphérique de Chartres.
Quant au bébé sur la photographie de Robert Capa, âgé aujourd’hui de soixante-six ans,
l’auteur de cet article est parvenu à le retrouver et à s’entretenir avec lui. Mais la douleur
est trop immense, indicible. Promesse lui a été faite de ne pas révéler son identité. Et elle
sera tenue.
Reste à résoudre l’énigme de l’arrestation des voisins de la famille Touseau. Qui est
réellement à l’origine des dénonciations ? Une piste très sérieuse existe sous la forme d’une
mystérieuse « collabo » de nationalité suisse, auxiliaire gestapiste, qui a sévi à Chartres
pendant l’Occupation… L’enquête se poursuit.
Gérard Leray
II – INTERPRETATION DE L'OEUVRE
TEMOIGNAGES
Personne n'avait, avant Robert Capa, photographié la guerre avec un tel mépris du danger, ni
avec une plus vive compassion pour les combattants et surtout pour les populations civiles
victimes des conflits.
Dans le cas de "la Tondue de Chartres", il saisit l'horreur subit par ces femmes au lendemain
de la libération. Mesures parfois arbitraires et non prouvées, les "victimes" n'ont pas eu le
droit à un procès équitable.
Les tontes des femmes à la Libération sont le symbole de l’épuration : les relations
sexuelles avec des allemands sont considérées comme des adultères à la nation. Les corps
coupables de ces femmes étaient punis sur la place publique.
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MISE EN RELATIONS AVEC D'AUTRES OEUVRES
Robert Capa Débarquement
Omaha Beach (Colleville-sur-Mer), 6 juin 1944
Tirage sur papier baryté, 23 x 34,5 cm
BNF, Estampes, acquisition 1964-12200. Ep-25-Fol
Légende dactylographiée sur papier collé :
Une des premières photographies publiées sur le
jour J montre un G I émergeant des brisants alors
qu’il se dirige vers Omaha Beach. Capa débarqua
avec la première vague et se retourna pour
photographier le soldat dans le ressac.
Pour couvrir les opérations du Débarquement en Normandie, six photographes de Life furent
accrédités. Par ordre alphabétique, Robert Capa, Bob Landry, Ralph Morse, George Rodger,
David Scherman et Frank Scherschel.
Capa, qui était d'un tempérament joueur (mais ne misait jamais sur le bon cheval) opta pour
la compagnie E, lors de la première vague. Il fut le premier à débarquer avec la première
vague du 116e à Omaha, dans un secteur dénommé Easy Red, et réussit à saisir l'événement
sur le vif. Mais par une erreur de manipulation au laboratoire, sur quatre bobines, trois
furent détruites. Sur la quatrième seules onze images furent utilisables. En raison de leur
grain (peut-être accentué par l'accident survenu au développement) elles sont les plus
bouleversantes images de guerre jamais prises. Le jour J est resté à jamais gravé dans la
mémoire collective grâce à ces photographies.
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