LIVRES
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poussée par la foule qui lui lance des quolibets haineux et égrillards. Mais elle n’a d’yeux que
pour l’enfant, son enfant, au milieu de la cohue et sous une pluie d’insultes.
Simone Touseau, c’est son nom, n’était ni l’innocente victime du machisme des hommes de
1944, ni la proie des seuls Résistants de la dernière heure, ni l’amoureuse naïve d’un homme
que l’Histoire avait cruellement placé dans le camp ennemi. Elle n’était pas non plus une acti-
viste de la Collaboration politique. Au bout de l’enquête remarquablement menée par les
auteurs, le lecteur a en main toutes les données complexes nécessaires pour comprendre cette
histoire.
Simone a vingt ans en 1941. Cet été-là, elle fait la connaissance d’Erich Göz, le responsable de
la librairie militaire de Chartres. Ils sont bientôt inséparables. Mais Erich part sur le front de
l’Est en novembre 1942. Blessé, il est rapatrié en Allemagne où Simone le rejoint. Enceinte à
l’automne 1943, elle est renvoyée par les autorités allemandes vers la France, en décembre de la
même année.
Elle devient alors interprète pour une administration allemande et entre au PPF de Jacques
Doriot.
Après la libération de Chartres, le 16 août 1944, Simone et sa mère sont arrêtées, tondues, puis
promenées en ville. Les deux femmes ne sont pas encore accusées d’avoir dénoncé des voisins.
Il ne s’agit pour l’heure que de violence sexuée, en représailles, pour l’une, de relations amou-
reuses avec un Allemand et, pour l’autre, de complaisance envers la conduite de sa fille: «La
France était couchée, horizontale, soumise, féminine. Elle se redresse et redevient verticale,
masculine»…
Après la guerre, Simone sera arrêtée et jugée: elle niera toute implication dans les arrestations
de ses voisins, en février 1943 et, faute de preuves, les poursuites seront interrompues. Mais
accusée d’avoir travaillé «sans nécessité» dans un service allemand et d’avoir été membre du
PPF, elle passera deux ans en prison – à Chartres, puis à Pithiviers et à Fresnes – et sera
condamnée à dix ans de dégradation nationale.
Quant à Erich, il est tombé sur le front de l’Est, de nouveau, mais définitivement cette fois-ci.
Simone se mariera plus tard, aura deux autres enfants. Mais restera ostracisée par la popula-
tion et sombrera dans l’alcool. Elle mourra en 1966, à 45 ans, après avoir tenté en vain de
nouer des relations avec la famille de son amant allemand, visiblement peu désireuse d’inté-
grer à son histoire un épisode trop dérangeant. Et même aujourd’hui, le fils de Göz ne veut pas
témoigner devant les historiens. Il se dit convaincu, j’allais dire évidemment, de l’innocence de
ses parents…
Une histoire banale en somme où s’entremêlent des décisions respectables et d’autres qui ne le
sont pas du tout. Ce n’est même pas la banalité du mal qui nous est décrite ici. La banalité
d’une vie, c’est tout.
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