Spinoza et le bonheur, par Mickaël Dubost

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CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
SPINOZA
ET LE SOUVERAIN BIEN
CONFÉRENCE PAR MICKAËL DUBOST
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
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conférence N°1000-138
SPINOZA ET LE BONHEUR
Quel est pour l’homme le souverain bien et comment peut-il l’atteindre ?
conférence de Mickaël Dubost donnée le 28/05/2004
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Spinoza répond à cette question : «Pourquoi faire de la philosophie ?». Il s’agit pour l’homme
d’augmenter sa puissance de pensée en se libérant de l’illusion des faux biens. L’acte
philosophique peut-il me conduire sur ce chemin ? Comment conduire sa vie ? Faut-il pour
autant renoncer aux autres biens, même s’il ne s’agit pas de véritables biens ? Qu’est-ce qui,
au sein de ma vie quotidienne, va me permettre de dépasser mon mode de vie, au profit
d’une vie où mon âme sera désengourdie ?
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SPINOZA ET LE SOUVERAIN BIEN
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR MICKAËL DUBOST
La vie quotidienne peut-elle être prétexte à la démarche philosophique ?
I
L’EXPÉRIENCE QUOTIDIENNE, SOURCE D’ENSEIGNEMENTS
1 - Rompre avec le quotidien au nom de ce qu’il nous enseigne
2 - Pourquoi faire de la philosophie ?
3 - Ne rien attendre de la philosophie
4 - La fin fait partie de la philosophie
5 - La décision de philosopher n’est pas spontanée
II
IDENTIFICATION DES FAUX BIENS
1 - Nécessiter d’identifier les faux biens
2 - Recherche du plaisir des sens, des richesses et des honneurs
3 - Un bien se mesure à la félicité qu’il procure
4 - Les faux biens ne sont des faux biens que parce que nous confondons moyens et fins
5 - Les faux biens conduisent à une relative impuissance, ils distraient l’esprit
III
L’HÉSITATION DE SPINOZA
1 - L’hésitation, source de la réflexion de Spinoza
2 - Hésiter n’est pas douter
3 - Douter, c’est s’exclure du monde, de la vie et des hommes
4 - Hésiter, c’est être pris à l’intérieur de la vie courante
5 - La philosophie se rejoue à chaque fois
6 - Comment être certain que c’est un bien de chercher un vrai bien ?
IV
POURQUOI ROMPRE AVEC LA VIE COURANTE ?
1 - Est-il possible de concilier la poursuite des faux biens et du vrai bien ?
2 - Dans le plaisir l’âme est suspendue, l’esprit est hébété
3 - L’esprit est déchiré en poursuivant les richesses
4 - L’honneur, ce grand obstacle
V
L’ESPACE DE LA LIBÉRATION
1 - L’acquisition et la découverte du vrai bien procurent une joie suprême et continue
2 - Comment penser sur le mode de la présence ce qu’on n’a pas encore trouvé ?
3 - Qu’est-ce qui rend absente la pensée de ce bien suprême ?
4 - Les faux biens se posent d’emblée comme le bien suprême
5 - Le problème est de savoir où on le cherche
VI
CONCLUSION : LES CHOSES EN ELLES-MÊMES NE MÈNENT À RIEN
1 - Changer le cours ordinaire de sa vie, condition et effet de la recherche d’un vrai bien
2 - Les choses ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi
3 - La musique est bonne pour le mélomane, mauvaise pour le mélancolique et indifférente
pour le sourd
4 - Ni chasteté, ni pauvreté, ni humilité
5 - La perfection
ORA ET LABORA
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Document 1 : Aperçu de la vie de Spinoza.
1 - C'est en 1632 que naquit Spinoza à l'intérieur de la communauté marrane
d'Amsterdam. Les marranes étaient des juifs originaires de la péninsule ibérique souvent
convertis de force au catholicisme ; bon nombre d'entre eux avaient conservé
clandestinement leur foi judaïque, et la plupart avaient dû fuir l'inquisition espagnole et
portugaise entre le XV° et le XVIII° siècle. Certains s'étaient réfugiés dans les pays
musulmans d'Afrique du nord, d'autres vers les pays protestants comme les Provinces
Unies (ce qui est le cas de la famille de Spinoza) où ils pouvaient pratiquer plus
ouvertement leur culte.
2 - C'est sans doute vers 1492 que la famille de Spinoza dut fuir l'Espagne pour le
Portugal et c'est aux environs de 1536 que le père de Spinoza, Michaël Espinoza, quitta
le Portugal pour Nantes afin de s'établir ensuite comme commerçant en Hollande où se
développait une communauté juive active et prospère.
3 - Baruch Spinoza est le fils du second mariage de son père et perdit sa mère à l'âge de
six ans. Son père, qui souhaitait le voir reprendre sa succession, l'inscrivit à l'école
rabbinique où il reçut une solide culture judaïque. Cependant Spinoza fit rapidement
preuve d'une liberté d'esprit qui l'orienta vers la philosophie et déçut les espoirs qu'avait
mis en lui ses maîtres juifs.
4 - De 1649 jusqu'à son excommunication de la communauté juive en 1656 Spinoza
exploite l'entreprise familiale en association avec son frère Gabriel, jusqu’à ce qu'il soit
contraint de quitter Amsterdam.
5 - Durant cette période Spinoza fréquente des membres de la secte des collègiants et
des mennonites. Il fréquente également l'école latine de Van den Enden, ancien jésuite
ouvert au cartésianisme ; il y acquiert une solide connaissance de la philosophie grécolatine et moderne (principalement celle de Descartes), ainsi que des sciences de la
nature.
6 - Cette liberté et cette ouverture d'esprit qui conduisent Spinoza à prendre ses
distances par rapport au dogme rabbinique entraînent en 1756 son excommunication de
la synagogue, ce qui mettra fin à son activité commerciale puisqu'il est expulsé
d'Amsterdam, mais qui lui donnera également toute liberté pour mener à bien son œuvre
philosophique.
7 - Il semble peu probable que Spinoza ait quitté Amsterdam dès 1656, il semble plus
exact qu'il ait continué de fréquenter les cercles intellectuels auxquels il était attaché
jusqu'en 1660, année au cours de laquelle la pression des autorités juives, pour que leur
décision soient respectée, se fit plus insistante et durant laquelle Spinoza fut, paraît-il,
victime d'une tentative d'attentat perpétré par un juif fanatique.
8 - Spinoza aurait alors jugé sa présence à Amsterdam dangereuse et se serait établi à
Rijnsburg près de Leyde où la tradition était plus libérale et tolérante. Il y pratiqua pour
survivre la taille de lentilles pour instrument d'optique, activité pour laquelle il était paraît-il
très renommé.
9 - C'est à partir de 1661 que la pensée de Spinoza se distingue du cartésianisme,
comme le laisse supposer la nombreuse correspondance qu'il entretient avec bon
nombre d'esprits éclairés de l'époque. Mais jusqu'à cette date il n'a toujours rien publié ; il
semblerait cependant qu'il ait déjà commencé de rédiger une partie de sa philosophie : le
Traité de la Réforme de l'Entendement pourrait être une des œuvres écrites dés cette
période (peut-être en 1656). Cette philosophie si elle n'est pas publiée fait cependant
l'objet de débats entre les proches de Spinoza qui disposent de certains textes circulant
parmi eux.
10 - La seule œuvre publiée du vivant sera celle rédigée pour son disciple Caesarius et
qui s'intitule Les principes de la philosophie de Descartes qui expose la pensée de
Descartes selon la méthode géométrique qui sera reprise dans l'ouvrage majeur de
Spinoza, L'Éthique ; L'Éthique qui sera l’œuvre majeure de Spinoza et où il exposera sa
véritable philosophie, fortement d’ailleurs démarquée du cartésianisme. L'Éthique ne sera
pas publié de son vivant.
11 - En 1663 Spinoza quitte Rijnsburg pour Voorburg près de La Haye dans le but,
semble-t-il de se rapprocher de Jean de Witt, grand pensionnaire de Hollande,
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républicain, représentant de la bourgeoisie hollandaise, savant mathématicien et
protecteur de la philosophie nouvelle. Il s'installe chez le peintre collégiant Daniel
Tydeman et y rencontre le savant Christian Huygens. C'est à partir de cette date qu'il
commence la rédaction de L'Éthique qu'il remaniera jusqu'à la fin de sa vie, mais qu'il ne
publiera jamais par crainte des représailles qui pourraient être engagées contre lui de la
part des autorités religieuses quelles qu'elles soient.
12 - En 1669 pour des raisons de sécurité Spinoza déménage à nouveau pour s'installer
à La Haye où il loue une chambre chez le peintre Van Der Spyck. En 1670 il publie
anonymement le Traité théologico-politique : une analyse critique de l'Écriture (la Bible),
pensant peut-être éclairer les esprits et ouvrir la voie à la publication de L'Éthique, mais il
est très vite dénoncé comme athée et les autorités religieuses interdisent l'ouvrage qui
obtient cependant un succès considérable et qui, grâce à la protection de Jean De Witt,
ne sera interdit qu'en 1674 par les autorités laïques. L'amitié de Spinoza pour Jean De
Witt est d'ailleurs marquée par une fin tragique car en 1672 la guerre éclate avec la
France et les partisans de Guillaume d'Orange en tiennent pour responsable Jean De
Witt et son frère Cornélis qui sont lapidés et assassinés par la foule des orangistes. On
raconte qu'à la suite de cet événement atroce Spinoza aurait voulu sortir pour placarder
un texte adressé aux derniers des barbares et qu'il en fut empêché par son logeur qui lui
sauva la vie.
13 - La fin de la vie de Spinoza est consacrée à la rédaction de L'Éthique. Il continuera
de vivre modestement et protégera toujours sa liberté d'esprit, c'est pourquoi il refusera
en 1673 le poste de professeur qui lui est proposé à l'université de Heidelberg. La même
année il accepte une invitation du prince de Condé à Utrecht ville occupée par les
français, peut-être était-il chargé secrètement d'une mission diplomatique ?
14 - En 1675 Spinoza se rend à Amsterdam et tente de faire publier L'Éthique, mais le
climat hostile qu'il y rencontre le conduit rapidement à renoncer à son projet ; cependant
L'Éthique n'est pas un ouvrage inconnu, de nombreuses copies circulent et font la
connaître chez beaucoup de grands esprits de l'époque comme Tschirnauss et Schuller,
avec lesquels Spinoza entretiendra une riche correspondance ou comme Leibniz qui
rendra visite à Spinoza en 1676, mais à qui par méfiance il ne dévoilera pas le contenu
complet de son œuvre.
15 - Le 21 février 1677 Spinoza meurt de phtisie à 45 ans ; très vite ses amis
rassemblent ses manuscrits et les font publier sous le Opera Posthuma, mais dès le 25
juin 1678 les états de Hollande et de Frise occidentale interdisent les œuvres posthumes
" en tant que profanes, athées et blasphématoires ".
16 - Spinoza rejette l'idée de la Providence et du libre arbitre, et son concept d'un Dieu
impersonnel suscite beaucoup d'hostilité chez ses contemporains. À bien des égards, sa
position est unique dans l'histoire de la philosophie. Il n'appartenait à aucune école, il
n'en a fondé aucune. Si son œuvre s'inspire, peu ou prou, de la pensée de quelques-uns
de ses prédécesseurs, elle se distingue par son originalité, même par rapport à la pensée
d'un Descartes. La pensée de Spinoza qui compte parmi les plus grands penseurs de la
philosophie n’est reconnue qu'un siècle après sa mort, et si son système ne donne
naissance à aucun véritable mouvement, son influence ne peut être comparée qu'à celle
de la philosophie d'Emmanuel Kant. Non seulement les métaphysiciens, mais aussi des
poètes comme Goethe, William Wordsworth et Percy Shelley se sont inspiré des œuvres
de Spinoza dont la pensée se prolonge dans la poésie panthéiste.
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Document 2 : Le 27 Juillet 1656 Spinoza est excommunié.
Les Messieurs du Mahamad vous font savoir qu'ayant eu connaissance depuis quelque
temps des mauvaises opinions et de la conduite de Baruch de Spinoza, ils s' efforcèrent
par différents moyens et promesses de le détourner de sa mauvaise voie. Ne pouvant
porter remède à cela, recevant par contre chaque jour de plus amples informations sur
les horribles hérésies qu'il pratiquait et enseignait et sur les actes monstrueux qu'il
commettait et ayant de cela de nombreux témoins dignes de foi qui déposèrent et
témoignèrent sur tout en présence dudit Spinoza qui a été reconnu coupable : tout cela
ayant été examiné en présence de Messieurs les Hahamim, les Messieurs du Mahamad
décidèrent avec l'accord des rabbins que le dit Spinoza serait exclu et écarté de la Nation
d'Israël à la suite du hérem que nous prononçons maintenant :
À l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et
exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en
présence de nos saints livres et des six cent treize commandements qui y sont enfermés.
Nous formulons ce Herem comme Josué le formula à l'encontre de Jéricho. Nous le
maudissons comme Élie maudit les enfants et avec toutes les malédictions que l'on
trouve dans la Loi. Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soit maudit
pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit à son entrée et qu'il soit
maudit à sa sortie. Veuille l'Éternel ne jamais lui pardonner. Veuille l'Éternel allumer
contre cet homme toute Sa colère et déverser sur lui tous les maux mentionnés dans le
livre de la Loi : que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais et qu'il plaise à
Dieu de le séparer de toutes les tribus d'Israël en l'affligeant de toutes les malédictions
que contient la Loi. Et vous qui restez attachés à l'Éternel, votre Dieu, qu'Il vous conserve
en vie.
Sachez que vous ne devez avoir, avec Spinoza, aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il
ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre
coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise
aucun de ses écrits.
Texte original du Herem (excommunication)
prononcé contre Spinoza le 27 Juillet 1656
Document 3 : Extraits de l’œuvre de Spinoza.
Ne rien attendre de la philosophie
La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même ; et ce n’est
pas parce que nous contrarions les plaisirs que nous jouissons d’elle ; mais au contraire
c’est parce que nous jouissons d’elle que nous pouvons contrarier les plaisirs.
Éthique, V, proposition XLII
Un certain souverain bien
Je décidai enfin de chercher s’il n’y avait pas quelque chose qui fût un vrai bien,
communicable par soi, et par lequel seul, une fois tous les autre rejetés, l’âme serait
affectée ; bien plus s’il n’y avait pas quelque chose dont, par la découverte, et
l’acquisition, je jouirais dans l’éternité d’une joie suprême et continue.
Traité de la réforme de l’entendement
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Document 4 :
La vraie nature de l’homme est de connaître
La réforme de l’entendement, c’est-à-dire la recherche d’une méthode pour connaître le
vrai et sortir de l’erreur, serait vaine, quel que soit notre amour du vrai, si elle devait nous
laisser par ailleurs dans l’état où nous sommes, qui regardons comme le souverain bien
le plaisir des sens, la richesse et l’honneur, biens pourtant incertains, qui venant à
manquer nous plongent dans la tristesse, que nous avons tord de chercher pour euxmêmes. La réforme de l’entendement serait vaine, si elle n’était pas elle-même une
éthique, si la connaissance qu’elle se donne pour fin n’était pas telle qu’elle fût par ellemême, en nous égalant à notre vraie nature, le souverain bien. Quel est, parmi les
genres de la connaissance, celui en vue duquel il faut réformer l’entendement ; quelle est
la méthode pour l’atteindre ; voilà des deux questions les premières et les plus urgentes
qui se posent à Spinoza.
Je me bornerais à dire ici brièvement ce que j’entends par un bien véritable et aussi ce
qu’est le souverain bien. Pour l’entendre droitement il faut noter que bon et mauvais se
disent en un sens purement relatif, une seule et même chose pouvant être appelée
bonne et mauvaise suivant l’aspect sous lequel on la considère ; ainsi en est-il de parfait
et d’imparfait. Nulle chose, en effet, considérée dans sa propre nature, ne sera dite
parfaite ou imparfaite, surtout quand on aura connu que tout ce qui arrive se produit
selon un ordre éternel et des lois de nature déterminées. Tandis cependant que l’homme,
dans sa faiblesse, ne saisit pas cet ordre par la pensée, comme il conçoit une nature
humaine de beaucoup supérieure en force à la sienne et ne voit point d’empêchement à
ce qu’il en acquière une pareille, il est poussé à chercher des intermédiaires le
conduisant à cette perfection ; tout ce qui dès lors peut servir de moyen pour y parvenir
est appelé bien véritable ; le souverain bien étant d’arriver à jouir, avec d’autres individus
s’il se peut, de cette nature supérieure. Quelle est donc cette nature ? Nous l’exposerons
en son temps et montrerons qu’elle est la connaissance de l’union qu’a l’âme pensante
avec la nature entière. Telle est donc la fin à laquelle je tends : acquérir cette nature
supérieure et faire de mon mieux pour que beaucoup l’acquièrent avec moi ; car c’est
encore une partie de ma félicité de travailler à ce que beaucoup connaissent clairement
ce qui est clair pour moi, de façon que leur entendement et leur désir s’accordent
pleinement avec mon propre entendement et mon propre désir. Pour parvenir à cette fin il
est nécessaire d’avoir de la Nature une connaissance telle qu’elle suffise à l’acquisition
de cette nature supérieure ; en second lieu, de former une société telle qu’il est à désirer
pour que le plus d’hommes possible arrivent au but aussi facilement et sûrement qu’il se
pourra.
Traité de la réforme de l’entendement
Nous avons tous un même droit naturel de persévérer dans notre être
Par Droit et Institution de la Nature, je n'entends autre chose que les règles de la nature
de chaque individu, règles suivant lesquelles nous concevons chaque être comme
déterminé à exister et à se comporter d'une certaine manière. Par exemple les poissons
sont déterminés par la Nature à nager, les grands poissons à manger les petits; par suite
les poissons jouissent de l'eau, et les grands mangent les petits, en vertu d'un droit
naturel souverain. Il est certain en effet que la Nature considérée absolument a un droit
souverain sur tout ce qui est en son pouvoir, c'est-à-dire que le Droit de la Nature s'étend
aussi loin que s'étend sa puissance ; car la puissance de la Nature est la puissance
même de Dieu qui a sur toutes choses un droit souverain. Mais la puissance universelle
de la Nature entière n'étant rien en dehors de la puissance de tous les individus pris
ensemble, il suit de là que chaque individu a un droit souverain sur tout ce qui est en son
pouvoir, autrement dit que le droit de chacun s'étend jusqu'où s'étend la puissance
déterminée qui lui appartient.
Et la loi suprême de la Nature étant que chaque chose s'efforce de persévérer dans son
état, autant qu'il est en elle, et cela sans tenir aucun compte d'aucune autre chose, mais
seulement d'elle-même, il suit que chaque individu a un droit souverain de persévérer
dans son état, c'est-à-dire (comme je l'ai dit) d'exister et de se comporter comme il est
naturellement déterminé à le faire. Nous ne reconnaissons ici nulle différence entre les
hommes et les autres individus de la Nature, non plus qu'entre les hommes doués de
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Raison et les autres qui ignorent la vraie Raison ; entre les imbéciles, les déments et les
gens sains d'esprit. Tout ce que fait une chose agissant suivant les lois de la nature, en
effet, elle le fait d'un droit souverain, puisqu'elle agit comme elle y est déterminée par la
Nature et ne peut agir autrement.
C'est pourquoi, parmi les hommes, aussi longtemps qu'on les considère comme vivant
sous l'empire de la Nature seule, aussi bien celui qui n'a pas encore connaissance de la
Raison, ou qui n'a pas encore l'état de vertu, vit en vertu d'un droit souverain, soumis aux
seules lois de l'Appétit, que celui qui dirige sa vie suivant les lois de la Raison. C'est-àdire, de même que le sage a un droit souverain de faire tout ce que la Raison commande,
autrement dit de vivre suivant les lois de la Raison, de même l'ignorant, et celui qui n'a
aucune force morale, a un droit souverain de faire tout ce que persuade l'Appétit,
autrement dit de vivre suivant les lois de l'Appétit. C'est la doctrine même de Paul qui ne
reconnaît pas de péché avant la loi, c'est-à-dire tant que les hommes sont considérés
comme vivant sous l'emprise de la Nature.
Traité théologico-politique, Chapitre XVI
Toute vie est quête de perfection de son propre être
Toute chose s'efforce autant qu'il est en son pouvoir de persévérer dans son être. L'effort
par lequel toute chose s'efforce de persévérer dans son être n'est rien d'autre que
l'essence actuelle de cette chose. Cet effort, en tant qu'il a rapport à l'âme seule,
s'appelle : Volonté. Mais lorsqu'il a rapport en même temps à l'Âme et au Corps, il se
nomme : Appétit. L'appétit, par conséquence, n'est pas autre chose que l'essence même
de l'homme, de la nature de laquelle les choses qui servent à sa propre conservation
résultent nécessairement ; et par conséquent, ces mêmes choses, l'homme est
déterminé à les accomplir.
En outre, entre l'appétit et le désir il n'existe aucune différence, sauf que le désir
s'applique, la plupart du temps, aux hommes lorsqu'ils ont conscience de leur appétit et,
par suite, le désir peut être ainsi défini : « Le désir est un appétit dont on a conscience. »
Il est donc constant, en vertu des théorèmes qui précèdent, que nous ne nous efforçons
pas de faire une chose, que nous ne voulons pas une chose, que nous n'avons non plus
l'appétit ni le désir de quelque chose parce que nous jugeons que cette chose est bonne ;
mais qu'au contraire nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous nous
efforçons vers elle, que nous la voulons, que nous en avons l'appétit et le désir.
Éthique
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- Traité de l’autorité politique, 1677
- L’Éthique (Éthique démontrée selon la méthode géométrique), 1677
- Traité théologico-politique, 1670
- Principes de la philosophie de Descartes, 1663
- Pensées métaphysiques, 1663
Ouvrages sur Spinoza
- André Scala, Spinoza, Les belles lettres, 1998
- Ferdinand Alquié, Le rationalisme de Spinoza, PUF, 1981
- Gilles Deleuze, Spinoza : philosophie pratique, éd. De Minuit, 1981
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- Éloge de la raison
- Philosophie et humanisme
- Les voies de la connaissance
- L’art du doute
- Sagesses d’Hier, sagesses d’aujourd’hui
- Connaissance de soi et sagesse
- Connaissance de soi et du monde
- Philosophie et connaissance
- Science et philosophie
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Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-138 : “Spinoza et le souverain bien“ - 28/05/2004 - page 11
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