s’impliquant totalement dans une recherche fébrile de l’unité perdue entre le « moi » et une
expression qui puisse être authentique. Artaud part de la confusion qui caractérise son époque
et met en question l’authenticité de sa personne et de ses œuvres pour nous offrir une tentative
de réponse à ces questions, en mettant en cause les capacités de la littérature et de l’art à
exprimer la vérité.
Le premier chapitre sera consacré à la nature du problème qui hante Artaud et que l’on
peut résumer avec ses propres mots : il existe « une rupture entre les choses, et les paroles, les
idées, les signes qui en sont la représentation1 », acceptée tacitement par la société. Cette
« rupture » vient du fait que « la vie » a été limitée à un système de formes préétablies et
fixées qui ne sont pas capables d’exprimer véritablement son essence, et Artaud est conscient
de l’inaptitude des formes à exprimer sa pensée. Le langage verbal est notamment mis en
question par l’écrivain qui, ayant refusé les contraintes du canon, imposées par ce qu’il
appelle « l’autre », est désorienté. Il s’engage alors dans un parcours de réappropriation de
soi-même en tant que sujet « créateur » de son dire.
Le deuxième chapitre traitera du rapport d’Artaud avec l’expérience surréaliste, dans
laquelle il voit une résolution possible des problèmes qui l’obsèdent. Il décide de prendre part
aux activités du mouvement mais bientôt se rendra compte de ses limites. La période
surréaliste d’Artaud le rapproche par ailleurs du monde de l’art pour lequel il se passionne. Il
prend contact avec des artistes de l’époque et commence à développer ses idées sur l’art.
Le troisième chapitre, consacré à la question de l’art, se concentre sur l’action de
libération des formes sur le plan de la peinture et du théâtre. Artaud s’implique dans un
processus de renouvellement total d’un art qui doit, comme lui, récupérer sa véridicité et son
essence pour lui permettre de s’échapper de l’ « enfer ».
Nous nous proposons d’aborder le problème de l’authenticité de l’expression dans
l’œuvre d’Artaud en nous arrêtant à ses principaux ouvrages. À partir d’une action de
dépassement des formes esthétiques conçues en termes de mimésis, nous chercherons à
montrer comment l’art, pour Artaud, a pu acquérir une valeur nouvelle. Les arts peuvent en
effet devenir un moyen pour résoudre la rupture entre le langage et le monde et permettre au
« moi » d’être ce qu’il est dans sa réalité la plus profonde.
1 Antonin Artaud, Le Théâtre et son Double [1938], Antonin Artaud, Œuvres, édition d’Evelyne Grossman,
Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2004, p. 505.