Paru dans Reflets et Perspectives Economiques, 2010. Crise financière et normes comptables André Farber Solvay Brussels School of Economics and Management, Université Libre de Bruxelles Victor Ginsburgh, ECARES, Université Libre de Bruxelles et CORE, Université catholique de Louvain « Le système financier aujourd’hui est pire d’une certaine façon que ce qu’il était avant la crise. Il est plus concentré; les nombres comptables des banques sont plus opaques qu’avant; et les salles de marché ont renoué avec la spéculation. » J. Stiglitz, Interview dans La Libre, 5-6 septembre 2009. « One year after the collapse of Lehman Brothers, the surprise is not how much has changed in the financial industry, but how little. » A. Berenson, New York Times, 12 septembre 2009. La recherche des causes de la crise a débuté. Elle sera sans doute longue. Quant aux remèdes, ils sont toujours un sujet de discorde chez les économistes. Les normes comptables figurent en bonne place parmi les coupables potentiels. Par exemple, Ben Bernanke déclarait récemment : « The ongoing move by those who set accounting standards toward requirements for improved disclosure and greater transparency is a positive development that deserve full support. However, determining appropriate valuation methods for illiquid or idiosyncratic assets can be very difficult to put it mildly. As a result, further review of accounting standards governing valuation and loss provisioning would be useful, and might result in modifications to the accounting rules that reduce their procyclical effects without compromising the goal of disclosure and transparency. Indeed, work is underway on these issues through the Financial Stability Forum, and the results of that work may prove useful for U.S. policymakers. »1 Ce n’est pas la première fois que la comptabilité se retrouve sur le banc des accusés. En 2000, Enron annonçait des revenus de $ 101 milliards et la société apparaissait en 2001 à la septième place dans la liste Fortune 500 des plus grandes sociétés américaines. En août 2000, l’action d’Enron valait $ 90. Cette valeur est tombée à $ 0.30 en fin 2001 et la société fut déclarée en faillite. Selon Vito Tanzi (2007, p. 9), 1 Discours prononcé devant le Council on Foreign Relations, Washington D.C. March 10, 2009 1 « complexity has covered this company with a deep fog that had misled outsiders and had allowed some insiders to fool shareholders, regulators, tax authorities, brokers presumably accounting companies [Arthur Andersen, qui a d’ailleurs disparu suite au scandale], and possibly themselves. » En 2003, sans que rien ne le laisse prévoir, les pertes cumulées de l’entreprise familiale Parmalat s’élèvent à € 14 milliards. Une fois encore, personne n’a rien vu, pas même les comptables de l’entreprise. Sans parler des $ 65 milliards de Madoff. Manifestement, plus c’est important, moins on voit.2 Il y a évidemment une différence entre les activités frauduleuses de ces trois sociétés, la folie des grandeurs de certaines autres, telles que Fortis et, durant ces dernières années, les bonus calculés sur les profits de l’exercice en cours, les incitations perverses auxquelles ces stratagèmes conduisent et dont personne n’a vraiment envie de connaître les détails. Mais, de façon sous-jacente dans ces quelques exemples, il y a le problème de l’enregistrement comptable des valeurs dans un monde instable et complexe. Ce n’est pas la première fois que le principe de l’évaluation au coût historique (ou au coût d’acquisition) est remis en cause. La forte inflation des années 1970 avait aussi donné lieu à une littérature importante sur la question, qui a fini dans les archives de l’histoire lorsque l’inflation a été jugulée. Nous verrons ce qu’on peut en dire un peu plus bas. De façon plus générale, il est intéressant de se rendre compte comment la situation des banques américaines s’était modifiée durant les dernières années et combien elle était devenue fragile. Entre 1990 et 2008, la part des actifs financiers dans les bilans des dix banques américaines les plus importantes est passée de 10% à 50%, alors que le nombre de banques est tombé de 15.000 à 8.000. Fin 2007, 15 institutions bancaires qui affichaient ensemble des fonds propres de $ 857 milliards affichaient aussi un total d’actifs de $ 13.600 milliards au bilan, et de $ 5.800 milliards hors bilan, ce qui amène à un ratio d’endettement (égal au rapport entre l’actif et les fonds propres) de 23 à 1. Ces mêmes banques avaient souscrit des produits dérivés pour un montant de 2 Le Wall Street Journal du 5 septembre 2009 rapporte que l’un des responsables de la SEC qui examinait le dossier Madoff en 2005 aurait envoyé le email suivant à un de ses collègues, quelques jours après la confession de Madoff: “It's been a tough couple of days for me. Although I gave the exam and follow-up 110% we just didn't uncover it. I think we were very close, probably 1 or 2 phone calls away from blowing it open.” 2 $ 216.000 milliards. De quoi rendre jalouse la Banque Fortis. L’article du Newsweek (21 septembre 2009) dont ces chiffres sont extraits conclut par ces mots : « These institutions had become so big that the failure of just one of them would pose a systemic risk… [and] because the failure of Lehman was so economically disastrous, it established what had previously only been suspected—that the survivors were TBTF [Too Big To Fail], effectively guaranteed by the full faith and credit of the United States. Yes, folks, now it's official: heads, they win; tails, we the taxpayers lose. And in return, we get … a $ 30 charge if we inadvertently run up a $ 1 overdraft with our debit card. Meanwhile, JPMorgan and Goldman Sachs executives get million-dollar bonuses. What's not to dislike? » L’évaluation au coût historique Classiquement, plusieurs principes sont à la base des enregistrements comptables, dont l’un est essentiel, c’est celui de l’enregistrement au coût historique, en vertu duquel les biens et autres valeurs entrent dans les comptes à leur prix d’acquisition (lorsqu’ils sont acquis auprès de tiers), au coût de revient (lorsqu’ils sont produits dans l’entreprise), ou à la valeur d’apport (établie de façon conventionnelle).3 Ce principe n’est pas absolu, puisqu’il est possible d’amortir les valeurs immobilisées, exception faite des immobilisations financières, et de réduire, si nécessaire, les valeurs des immobilisations financières, des stocks et des autres actifs circulants. La réévaluation des actifs, qu’ils soient immobilisés ou circulants, est, par contre, soumise à certaines conditions. Ce principe est également partiellement contredit ou rendu plus acceptable par deux autres principes, celui de l’image fidèle et celui de prudence. Le principe de l’image fidèle (articles 24 et 25 de l’Arrêté Royal du 30 janvier 2001) énonce que « les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de la société. Ils doivent être établis avec clarté et indiquer systématiquement, d’une part, à la date de clôture de l’exercice, la nature et le montant des avoirs et des droits de la société, de ses dettes, obligations et engagements ainsi que de ses moyens 3 Ce principe s’applique aussi bien aux actifs (immobilisations, y compris les immobilisations financières, stocks, créances, placements de trésorerie, valeurs disponibles) qu’aux passifs, et en particuliers aux dettes). 3 propres et, d’autre part, pour l’exercice clôturé à cette date, la nature et le montant de ses charges et produits ». Selon Gillet et al. (1989, pp. 88-89), le principe de prudence « veut que l’on prenne compte les pertes probables et que l’on n’enregistre pas de profits incertains. Il veut donc, lorsqu’il concerne la comptabilisation des actifs, que l’on choisisse toujours la valeur la plus basse et lorsqu’il concerne les résultats, que l’on utilise toujours la valeur qui donne le résultat le moins élevé. « Ce principe est fort discuté. Ses partisans font valoir que les évaluations d’inventaire et le calcul du profit ont tout avantage à être effectués en respectant le principe de prudence : la détermination d’un bénéfice est toujours aléatoire et, dans le doute, il vaut mieux déclarer le profit minimum, non point pour réduire la charge fiscale, mais pour éviter que l’on ne distribue des dividendes fictifs. « Par contre, le principe a de nombreux adversaires. [Il est] selon Hendriksen (1982, p. 83) ‘au mieux une très médiocre méthode pour traiter l’existence de l’incertitude. Au pire, il entraine une complète distorsion des chiffres comptables. Il est particulièrement dangereux par ses effets capricieux [et] les chiffres comptables établis avec prudence ne permettent pas une interprétation correcte même par les mieux informés des lecteurs. [Il enfreint également d’autres principes] dans la mesure où il entraine des distorsions de l’information’ ». Les critiques relatives au principe de coût historique ont fait durant ces dernières, années, apparaître le principe d’enregistrement à la juste valeur4, et ce surtout pour ce qui concerne les institutions financières. Parallèlement, des normes comptables ont été mises en place. Ces normes avaient, au départ, une portée nationale (certains lecteurs se souviendront peut être avec émotion de l’introduction, en Belgique, du Plan Comptable Minimum Normalisé en 1976). Elles sont progressivement devenues internationales. Les grandes banques établissent actuellement leurs comptes annuels consolidés conformément aux normes IAS/IFRS telles qu’approuvées par l’Union Européenne5. Ces normes doivent s’adapter à l’évolution des marchés financiers et sont dès lors elles-mêmes en constante évolution. Elles ont, en particulier, dû suivre le développement spectaculaire des marchés de produits dérivés et l’apparition de 4 Il est intéressant de souligner que le principe du prix du marché n’est pas admis, par exemple, dans la comptabilisation des stocks. On ne peut pas enregistrer les sorties de stocks aux prix auxquels on sait qu’il faudra commander les nouvelles unités. 5 Les norms IAS/IFRS sont établie par l’International Standard Accounting Board (IASB), une organisation privée créée en 1973 par les organisations professionnelles comptables de pays industrialisés. 4 produits nouveaux particulièrement difficiles à saisir dans les référentiels comptables (voir Colmant, Hubin et Masquelier, 2004 pour plus de détails). Parallèlement à l’évolution comptable sont apparues les exigences en matière de fonds propres basées sur les recommandations du Comité de Bâle de Supervision Financière créé en 1974 par la Banque des Règlements Internationaux. Une première norme (Bâle I) fut fixée en 1988 et mise en application au début des années 1990. Elle fixait le niveau de capital réglementaire minimum (ratio Cooke) d’une banque à 8% du total des actifs pondérés par le risque. Son application fit assez rapidement apparaître des faiblesses qui ont conduit à l’élaboration d’une nouvelle norme (Bâle II) qui tienne mieux compte des différentes catégories de risque. Une relation s’est donc progressivement créée entre comptables et régulateurs. Ces derniers ont (ou devraient avoir) les yeux tournés vers le futur puisque l’essentiel de leur mission est d’anticiper les problèmes pouvant apparaître. La tradition comptable basée sur les coûts historiques (et donc sur le passé) est dès lors insuffisante. L’évaluation à la juste valeur Evaluer les actifs et les passifs des institutions financières aux prix de marché aurait comme avantage évident de refléter la vraie valeur pour autant, bien entendu, que celle-ci soit observable et fiable. Cela donnerait aux régulateurs et aux investisseurs l’information qui leur permettrait de juger au mieux la santé desdites institutions. L’utilisation des prix de marché exige donc avant tout qu’il existe un marché. Cette condition est rarement réalisée. En effet, une partie importante des créances et des dettes des intermédiaires financiers ne donnent pas lieu à l’organisation de marchés. C’est d’ailleurs l’absence de marché qui justifie l’existence même des intermédiaires financiers. Mais l’absence de marché organisé (et donc l’absence de prix observé) ne signifie évidemment pas qu’un actif (ou un passif) financier n’ait pas de valeur. Celleci doit alors être estimée en appliquant l’une ou l’autre méthode plus ou moins sophistiquée. La notion de juste valeur traduit donc une estimation d’une valeur de marché réelle (si les prix sont observables) ou potentielle (si elle résulte d’une évaluation). Mais cette évaluation peut s’avérer très complexe ainsi que l’ont démontré les instruments exotiques mis au point par les banques avant la débâcle. Les normes comptables distinguent ainsi plusieurs niveau de précision pour la détermination de la juste valeur : le niveau 1 pour les actifs pour lesquels existe un marché liquide et des prix cotés (mark to market), le niveau 2 lorsque l’évaluation est 5 basée sur un modèle mettant en œuvre des paramètres observables (mark to model) et le niveau 3 lorsque le modèle utilisé utilise des paramètres non observables (mark to management). Les normes IAS/IFRS actuelles tiennent compte de cette problématique d’existence ou non de marchés. Elles combinent les deux approches : les coûts historiques sont utilisés pour certaines catégories d’actifs et de passifs alors que la juste valeur s’applique à d’autres catégories. Ces catégories sont définies dans la norme IAS 39. En simplifiant quelque peu, sont évalués à la juste valeur les actifs et passifs financiers détenus à des fins de transaction ou disponibles à la vente. Les prêts et créances ainsi que les investissements détenus jusqu’à l’échéance sont enregistré au coût historique. En cas de chute de prix, il est évidemment intéressant de reclasser certains actifs d’une des catégories comptabilisées à la juste valeur vers une catégorie comptabilisée au coût historique. L’ampleur de la crise suite à la faillite de Lehman a poussé l’IASB à publier un amendement à la norme IAS 39 permettant ce type de manipulation ce qui a permis aux banques d’atténuer, en 2008, l’impact de la crise sur leurs comptes. S’il existe un marché, encore faut-il qu’il soit fiable c’est-à-dire que les prix reflètent les fondamentaux. Pour certains, la volatilité connue durant ces deux dernières années est due à des éléments qui n’ont que peu à voir avec les fondamentaux. Pour d’autres, les prix de marché reflètent toute l’information disponible et donc la vraie valeur. Ce débat renvoie à la notion d’efficience des marchés : les marchés incorporent toute l’information dans les prix. Il s’agit, bien évidemment, d’une question fondamentale. L’utilisation de la juste valeur peut dans certains cas, entraîner des variations des fonds propres des banques.6 Ces variations peuvent provoquer une chute du ratio des fonds propres sous les ratios fixés par Bâle II. Il est donc essentiel de savoir si cette chute reflète une vraie détérioration de la valeur ou une erreur d’appréciation des marchés. Le débat sur la rationalité des marchés est très vif pour l’instant. Fox (2009) et Laux and Leuz (2009) donnent une intéressante présentation des points de vue en présence. Juste valeur, crise financière et liquidités 6 En effet, certains gains ou pertes non-réalisés sur des actifs financiers ou sur des dettes évalués à leur juste valeur peuvent affecter le résultat, et donc les fonds propres, d’autres ne l’affectent pas. Voir Laux and Leuz (2009, p. 4). 6 Une dernière condition qui vaut d’être discutée est celle de la liquidité du marché. La critique principale faite au rôle de la juste valeur est d’avoir amplifié la crise en forçant les banques à vendre en même temps pour éviter de tomber sous certains des ratios. L’enregistrement aux prix du marché pourrait donc avoir pour effet de précipiter les crises et, inversement, conduire à trop d’optimisme en cas de boom, ce que ne fait pas lévaluation au coût historique. Ce comportement procyclique aurait un effet sur les prix qui, en cas de crise, se situeraient sous leur vraie valeur par manque de liquidité. Dans son rapport intermédiaire du 23 février 2009, le High Level Committee on a New Financial Architecture, présidé par Alexandre Lamfalussy, note : « The use of market valuation (or other techniques based on market prices) leads to cyclical outcomes : lower market prices lead to lower valuation in all entities holding the assets, triggering potential losses in these firms and creating pressure to sell assets to generate liquidity. A downward spiral of asset prices can result, with the effects being felt throughout the financial system. » Le lien entre liquidité et prix de marché est très complexe à analyser. Par exemple, Allen et Carletti (2006) développent un modèle théorique complexe qui analyse la formation des prix lorsque les institutions financières valorisent leurs bilans au prix de marché. Dans ce modèle, les prix sur des marchés en période de crise financière ne reflètent pas les revenus futurs mais plutôt l’illiquidité du marché en l’absence d’acheteurs. La volatilité des prix affecte donc directement la valeur des actifs et peut compromettre la solvabilité des banques. Dans un cadre théorique différent, Plantin, Sapra et Shin (2008) montrent qu’en présence d’incitations déformées et de marchés peu liquides, l’enregistrement aux prix du marché rend les prix plus volatils et déforme les décisions réelles. Ce type d’évaluation synchronise les réactions des agents et peut avoir des effets en boucle qui aggravent encore la situation. Selon Laux and Leuz (2009, p. 7, 11), il n’existe aucune évidence empirique qu’une telle spirale serait évitée sous un régime de coût historique, qui ne ferait que retarder les prises de décision, d’autant plus que les standards d’enregistrement comptable protègent, dans certains cas, contre les effets de report négatifs sur les autres entreprises du secteur. Le manque de transparence pourrait rendre la situation plus grave encore. En outre, l’évaluation à la valeur de marché n’empêche pas les entreprises de donner des informations additionnelles sur la valeur historique ou la valeur fondamentale dans les notes annexées aux comptes. 7 Coût historique ou juste valeur ? Que conclure ? Les critiques formulées à l’égard des normes comptables ont enclenché, des deux côtés de l’Atlantique, une intense activité de révision de celles-ci. L’International Accounting Standard Board (IASB) et le Financial Accounting Standard Board aux Etats-Unis travaillent en concertation à l’élaboration de nouvelles normes qui entreraient en vigueur en 2012. Des propositions ont été soumises à consultation et les nouvelles normes devraient être finalisées pour fin 2009. Elles devraient répondre aux attentes de la réunion du G20 d’avril 2009 simplification et uniformisation au niveau global. Par ailleurs, parallèlement à l’activité comptables, des modèles théoriques sont développés visant à mieux comprendre les coûts et les avantages des différents référentiels possibles. Il en ressort que les deux évaluations peuvent être inefficaces, la première est trop conservatrice, et donc inefficace lorsque les cours montent ; la deuxième l’est lorsque les cours sont en chute. Le modèle théorique de Plantin, Sapra et Shin (2008), par exemple, suggère les règles assez claires qui suivent : (a) Pour des actifs de court terme (par exemple des actions détenues au titre de placements de trésorerie), le prix du marché conduit à des inefficacités moindres que le coût historique. L’inverse est vrai pour des actifs de long terme ; (b) Pour des actifs suffisamment liquides, le prix du marché conduit à des inefficacités moindres que le coût historique. L’inverse est vrai pour des actifs peu liquides ; (c) Pour des actifs subordonnés, le prix du marché conduit à des inefficacités moindres que le coût historique. L’inverse est vrai pour des actifs non-subordonnés. C’est la raison pour laquelle les banques et les compagnies d’assurance sont opposées à évaluer à la valeur de marché. En effet, une part importante de leurs bilans est constituée d’actifs (dans les banques) ou de passifs (dans les compagnies d’assurances) de long terme, non-subordonnés et peu liquides. Par contre, la valeur de marché est préférée par ceux qui investissent en actions, puisque celles-ci sont subordonnées et plus liquides. 8 Mais dans ces modèles, il n’est pas clair si l’enjeu essentiel est la méthode d’enregistrement comptable – en particulier la juste valeur, qui peut introduire trop de volatilité dans les comptes – ou les exigences de fonds propres fixées par le régulateur. Il est peut-être plus approprié de construire des règles prudentielles basées sur la juste valeur, mais qui permette aux ratios de fluctuer de façon contre-cyclique, plutôt que d’adopter l’évaluation au coût historique. Comme le suggèrent Laux and Leuz (2009, pp. 13-16), idéalement, il faudrait que les règles d’évaluation soient flexibles. Mais, les dirigeants d’entreprise ont plus d’information que les régulateurs, et ceci permet aux premiers de déjouer les standards si ceux-ci sont exagérément laxistes. Ceux qui fixent les règles savent qu’il y a un compromis à atteindre entre pertinence et fiabilité : la valeur juste qui provient d’un modèle peut être plus pertinente, mais le prix du marché et le coût historique sont plus facilement vérifiables et moins manipulables. Le système comptable qui se profile sera, comme actuellement, une combinaison de coûts historiques et de juste valeur. Mais le nombre de catégories utilisées pour classifier les instruments financiers sera réduit et les règles d’appartenance à ces catégories seront uniformisées dans les différents référentiels. En outre, des précisions seront apportées concernant les réductions de valeur et les provisions (voir Whittal 2009 et Bonnefoy 2009 pour des présentations récentes des réformes en cours). Mais, en comptabilité comme peut-être ailleurs, le diable est dans les détails : la mise au point d’un référentiel comptable accessible même à un prix Nobel d’économie est un objectif ambitieux. 9 10 Références Allen, Franklin et Elena Carletti (2006), Mark-to Market Accounting and Liquidity Pricing, Manuscript July 20, 2006 Allen, Franklin et Elena Carletti (2008), La valorisation aux prix de marché convientelle aux institutions financières ?, Banque de France, Revue de la Stabilisation Financière 12, 1-7. Bonnefoy, Pierre-Hugues (2009), La refonte de l’IAS 39, L’Echo 9 septembre 2009 Colmant, Bruno, Jean-François Hubin et François Masquelier (2004), Les normes comptables IAS32 et IAS39 sur les instruments financiers, Bruxelles : De Boeck et Larcier, 2004. Fox, Justin (2009), The Myth of the Rational Market, New York : Harper Collins (2009) Gillet, Jean-Pierre, Victor Ginsburgh, Pierre Michel et Faska Khrouz (1989), Comptabilité, Bruxelles : Office International de Librairie, 1989. Hendriksen, Eldon (1982), Accounting Theory, Homewood : Irwin. Laux, Christophe and Christian Leuz (2009), The crisis of fair value accounting: Making sense of the recent debate, The University of Chicago, Booth School of Business Working Paper 33 Plantin, Guillaume, Hareshi Sapra and Hyung Sing Shin (2008), Fair value accounting and financial stability, Banque de France, Revue de la Stabilisation Financière 12, 85-94. 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