Assurance-maladie – Modèles dits « Médecin de famille » Discrimination des médecins de famille titulaires d’un deuxième titre de spécialiste Le présent document présente la position officielle de la SVM sur l’exclusion des médecins spécialistes en médecine interne générale porteurs d’une double spécialité de certaines formes alternatives d’assurances maladie. 1. De quoi parle-t-on ? Certains assureurs, notamment en Suisse romande, excluent arbitrairement et de façon illicite les médecins de famille porteurs d’un deuxième titre de spécialiste de leurs listes de médecins acceptés dans le modèle d’assurance dit « Médecin de famille ». Ce modèle, qui limite le choix de l’assuré en contrepartie d’un rabais de prime, fait partie des modèles alternatifs autorisés par la LAMal (Loi fédérale sur l’assurance maladie). Avec le temps, la hausse des primes est en passe de faire de ces produits alternatifs une nouvelle norme. 2. Quelle est la position de la SVM ? La SVM s’oppose vivement à la discrimination des médecins de famille porteurs de deux titres FMH. Plus généralement, la SVM estime que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), dans le cadre de sa mission de surveillance, devrait veiller à ce que les assureurs-maladie offrant des produits limitant le choix des fournisseurs de prestations au sens de l'art. 41, al. 4 LAMal se basent sur des critères objectifs et rationnels dans la sélection des fournisseurs. La SVM estime également qu’il devrait y avoir une information préalable digne de ce nom permettant un réel consentement de l’assuré, une égalité de traitement des médecins et le respect de leur formation et de leur liberté économique. 3. Qu’est-ce qu’un médecin de famille ? Le médecin de famille est le médecin traitant de chaque patient, chargé de dispenser des soins globaux et continus à tous ceux qui le souhaitent indépendamment de leur âge, de leur sexe et de leur maladie. Il a le souci d’une prise en charge des patients aux différentes étapes de la vie et dans une perspective familiale. Les médecins de famille sont aussi appelés « médecins généralistes » ou « médecins omnipraticiens ». Ils sont porteurs d’un titre de spécialiste en médecine générale, de spécialiste en médecine interne, de spécialiste en médecine interne générale ou de spécialiste en pédiatrie. Les médecins généralistes/médecins de famille sont aussi fréquemment désignés par le terme de « médecins de premier recours », dans la mesure où ils constituent souvent le premier contact du patient avec le système de santé. 4. Quel est le parcours d’un médecin de famille au bénéfice d’une double formation ? Les médecins de famille au bénéfice d’une double formation sont porteurs de deux titres de spécialistes. Leur parcours de formation s’étend sur de nombreuses années. Dans un premier temps, ils obtiennent leur diplôme de médecin, à l’issue de 6 ans d’études. Dans un deuxième temps, ils accomplissent 5 ans de formation post-graduée pour obtenir un titre de spécialiste en médecine générale, en médecine interne, en médecine interne générale ou en pédiatrie. Ils entreprennent en outre une deuxième formation post-graduée. Un médecin de famille au bénéfice d’une double formation a donc derrière lui au minimum 12 ans d’études. 5. Quelles sont les spécialités visées par les restrictions des assureurs? Les médecins de famille au bénéfice d’une double formation combinent un titre de spécialiste en médecine interne ou médecine interne générale avec celui d’une autre spécialité, quelle qu’elle soit. Toutes les spécialités peuvent donc être concernées, mais dans la pratique, on constate que les spécialistes en endocrinologie et diabétologie, en rhumatologie, en allergologie et immunologie sont le plus souvent visés. 6. L’exclusion des médecins titulaires d’une double spécialité est-elle légale ? Non. L’exclusion de médecins de famille des modèles d’assurance alternatifs est contraire au droit. Aucune législation applicable en la matière ne permet d’exclure certains médecins des listes de modèles d’assurance du simple fait qu’ils sont titulaires d’un deuxième titre de spécialisation. Selon l’art. 41 al. 4 LAMal (resp. art. 101 OAMal), il appartient à l’assureur de désigner les médecins sur le seul critère du coût de leurs prestations, qui doivent être plus avantageuses. La formation du médecin n’entre pas en ligne de compte, dès lors que celui-ci est admis à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins, ce qui est le cas de tous les médecins titulaires du diplôme fédéral et d'une formation post-graduée reconnue par le Conseil fédéral. En outre, la Constitution fédérale garantit la liberté économique comme droit fondamental. Les médecins doivent pouvoir travailler en libre concurrence sans subir de discriminations. Mentionnons enfin que l’art. 4 de la Loi sur la concurrence déloyale interdit à un agent économique d’inciter un client à rompre un contrat en vue d’en conclure un autre avec lui. L’assurance-maladie qui pousse un patient à rompre un contrat avec un médecin porteur d’un double titre pour en conclure un autre avec un médecin généraliste viole l’esprit de cette disposition et fausse les règles de la concurrence applicables entre médecins. 7. Quelle est la justification des assureurs ? Les assureurs qui excluent les médecins de famille porteurs d’une double spécialité de leurs listes allèguent que ceux-ci “ deviennent dès lors, suivant la pathologie du patient, juge et partie sur la conduite du traitement ». Page 2 sur 4 8. La position des assureurs est-elle défendable ? Non. Cette approche n’a rien à voir avec la désignation des médecins selon leurs prestations plus avantageuses que requiert l’article 41 al. 4. de la LAMal. De plus, elle n'est absolument pas vérifiée dans les faits, ce qui la rend arbitraire. Un sondage dans les statistiques d'économicité établies par santésuisse indique au contraire que les médecins généralistes ou internistes qui possèdent un autre titre de spécialiste se trouvent fréquemment en dessous du coût annuel moyen par patient. Leur formation approfondie leur permet en effet de limiter le recours à d'autres spécialistes et de réduire ainsi les coûts à charge de l'assurance-maladie. Il appartient à l’assureur de désigner les médecins sur le seul critère du coût de leurs prestations. Or, en l’absence de cadre précis dans la loi définissant les modalités de sélection, rien ne permet de justifier l’exclusion de médecins de ces listes au seul motif qu’ils sont doublement diplômés, lorsqu’ils exercent également en qualité de médecin de famille et qu’ils sont en mesure de fournir des prestations aux mêmes conditions avantageuses qu’un médecin de famille installé dans la même région. Les caisses-maladie qui considèrent que les prestations de ces médecins sont plus coûteuses que les autres et utilisent cet argument pour exclure ces médecins des listes devraient être en mesure de le justifier sur la base de critères objectifs et pertinents, tels que des chiffres. Tel n’est pas le cas. En excluant des listes ces médecins sans preuve ni argument concrets justifiant une telle limitation, l’assureur viole non seulement le principe fondamental d’égalité de traitement, mais il agit également de manière arbitraire. 9. Quelles sont les conséquences pour les patients ? De très nombreux patients se sont vu contester ou refuser le remboursement des factures de leur médecin et imposer : soit de prendre un produit d’assurance plus coûteux (alors qu’ils avaient le plus souvent adopté le modèle Médecin de famille depuis plusieurs années), soit de renoncer à leur médecin de famille, subitement éjecté de la liste des médecins de famille agréés, qui les suivait depuis des années, dans certains cas depuis des décennies. 10. Quelles sont les conséquences pour les médecins ? Plusieurs dizaines de médecins ont été exclus des listes de médecins de famille de certains assureurs, en particulier en Suisse romande dans les cantons de Genève et de Vaud. Concrètement, cela signifie que bon nombre de patients ont été forcés de changer de médecin et que les médecins traitants ont perdu de ce fait une partie de leur patientèle, avec des conséquences économiques évidentes pour le médecin. La relation thérapeutique essentielle qui s’était établie a été réduite à néant. Tout aussi inacceptable, les compétences durement acquises durant de nombreuses années d’études par ces spécialistes expérimentés sont clairement dévalorisées et considérées comme quantité négligeable par les assureurs. 11. Pourquoi la SVM soutient-elle l’initiative parlementaire «Non- Page 3 sur 4 discrimination des médecins spécialistes en médecine interne générale titulaires d’un deuxième titre de spécialiste » (13.433 O. Feller) ? Le 18 juin 2013, le Conseiller national Olivier Feller a déposé une initiative parlementaire dans le but de faire modifier la LAMal pour mettre fin à l’exclusion des médecins titulaires d’un double titre de la liste des médecins de premier recours établie par les assureurs. Cette initiative a été déposée en collaboration étroite avec la SVM. Elle propose d’ajouter un article 41bis à la LAMal, ayant la teneur suivante : « Lorsque l’accord entre l’assuré et l’assureur limite le choix du fournisseur de prestations consulté en premier recours aux seuls médecins praticiens ou spécialiste en médecine interne générale, l’assureur ne peut refuser la prise en charge au motif que le médecin est également titulaire d’un ou de plusieurs autres titres de spécialiste ». Bien que la réglementation actuelle ne permette pas d’exclure les médecins des listes de modèles d’assurance par le simple fait qu’ils soient titulaires d’un deuxième titre de spécialiste, les moyens d’action à disposition sont très limités, voire nuls. La seule manière de remédier à cette dérive du système, particulièrement inoportune dans un contexte de pénurie médicale, consiste à amender la LAMal. C’est pourquoi la SVM soutient sans réserve cette initiative parlementaire. Page 4 sur 4