Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence à la fin de la République

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Editions Dalloz
Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence à la fin de la République
Author(s): Okko Behrends
Source: Revue historique de droit français et étranger (1922-), Quatrième série, Vol. 55, No.
1 (JANVIER-MARS 1977), pp. 7-33
Published by: Editions Dalloz
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/43847949
Accessed: 08-01-2017 14:02 UTC
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ARTICLES
Les «veteres»
et la nouvelle jurisprudence
à la fin de la République
Résumé. - Les veteres de la République et les juristes de l'épo
classique font partie de la même phase finale de la jurispruden
romaine, devenue une science littéraire dès le début du 11e siè
av. J.-C. Mais malgré cette continuité littéraire, l'appellation mêm
d' « anciens » fait une distinction nette et signale au moins que
veteres représentent aux yeux des plus jeunes une jurisprudence u
peu démodée et vieillie. A la vérité cette terminologie témoign
d'une discontinuité fondamentale dans cette dernière phase d
l'évolution de la jurisprudence romaine où celle-ci se transform
sous l'influence grecque en une science sociale méthodique. Dan
une première vague, depuis le premier juriste littéraire Sex. Aelius
(se philosophari velie , sed paucis) jusqu'à Q. Mucius ( ius civile
primus constituit generatimi), les jurisconsultes romains se sont inspi
de plus en plus intensément de la philosophie du Portique. Apr
Q. Mucius et surtout à partir de Serv. Sulpicius, le Portique fu
remplacé par la Nouvelle Académie qui (d'abord surtout par l
rhétorique romaine qu'elle dominait) fournissait un système ju
dique tout à fait différent. La victoire de la nouvelle méthode,
devait dominer toute la jurisprudence classique, correspond au
déclin de l'ancienne noblesse républicaine qui avait brillé en dernier,
avec de nombreux jurisconsultes illustres, dans l'entourage de Scipion; elle coïncide avec l'ascension de l'ordre équestre dont les
intérêts politiques et économiques réclamaient une jurisprudence
* En publiant ce texte, qui est celui de la conférence que j'ai donnée le 20 février
1976 à l'Institut de Droit romain de l'Université de Paris, augmenté seulement de
quelques notes et révisé sur quelques points de détails, je me rends bien compte que
le sujet traité mériterait une monographie plus étendue. Mais peut-être cette esquisse
contient-elle déjà assez de matériaux pour permettre d'ouvrir une discussion sur
les problèmes soulevés. Elle pourrait ainsi aider à poser tout travail ultérieur sur des
bases plus riches. Qu'il me soit encore permis de dire ici tous mes remerciements
à mon ami G. Guyon, de Bordeaux, pour toute la peine dépensée à la rédaction du
texte.
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Okko Behrends
formelle et liberale, remplaçant la surveillance paternaliste de
jurisprudence aristocratique des veteres . L'école des Sabiniens repré
sente un retour délibéré aux principes des veteres tendant à assoup
les règles rigides du positivisme institutionnel de la nouvelle méthod
mais celle-ci, défendue par l'école des Proculiens, finit par s'impose
I
1. - Tous ceux qui connaissent tant soit peu les sources du droit
romain classique, ont rencontré, en lisant les fragments de la jurisprudence impériale, les échos des voix des soi-disant veteres . On les trouve
cités assez souvent sous leur nom usuel de veteres et parfois aussi sous
les dénominations & antiqui, de maiores et de iuris auctores 1, ceci pour
des questions d'importance fondamentale. Mais ce qui frappe surtout,
c'est l'autorité toute particulière qu'on leur attribue. Les citations nous
font voir, d'une part, que ces juristes, réunis sous l'appellation générale
d'anciens, sont regardés comme les témoins d'un grand passé vénéré et
contraignant, mais les textes nous font savoir en même temps que la
validité de leurs opinions ne va pas de soi. L'attitude des juristes impériaux envers l'héritage des veteres est très variée. Il y a des cas où un
juriste impérial suit l'opinion des veteres avec une fidélité émouvante et
même au prix d'être presque seul de cet avis parmi ses contemporains.
Je pense au fragment bien connu.
Ulp. 18 Sab . D 12, 5, 6 : Perpetuo Sabinus probavit veterum opinio -
nem existimantium id, quad ex iniusta causa apud aliquem sit, posse
condici, in qua sententia etiam Celsus est.
Il y a des exemples, où une règle des veteres est si unanimement suivie,
qu'on la cite, à la fois, comme praeceptum veterum et comme vulgo
dictum, ainsi dans le principe d'ailleurs très important pour la théorie
des veteres : nemo sibi ipse causam possessionis mutare potest2. Enfin,
il y a aussi des exemples, où l'opinion des veteres est totalement aban-
donnée : au temps des juristes classiques personne ne croit après eux
qu'une pièce de terre puisse être volée 3.
1. Pour la synonymie des veteres et iuris auctores, cf. Mod. 5 resp. D 19, 1, 39 et
l'exégèse de ce fragment, voir plus bas II-6; le synonyme ultérieur antiqui se trouve
employé dans Ulp. 18 ed. D 9, 2, 27, 21. Quant au terme maiores , dans l'acception
de la jurisprudence littéraire de la République, cf. Julien 55 Dig. D 1, 3, 20 : Non
omnium quae a maioribus constituía sunt, ratio reddi potest, Marceli. 5 Dig. Dil,
7, 35, Ulp. 32 Sab. D 24, 1, 3, pr. et les remarques II-7.
2. Paul 54 ed. D 41, 2, 3, 19 : III ud quoque a veteribus praeceptum est neminem
sibi ipsum causam possessionis mutare posse ; Julien 44 Dig. D 4Ì, 3, 33, 1 : Quod
vulgo respondetur ipsum sibi causam possessionis mutare non posse rell.
3. Gaius 2 rer. cott. sive aur. D 41, 3, 38 ... abolita est enim quorundam veterum
sententia existimantium etiam fundi locive furtum fieri.
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
Qui donc étaient ces veteres dont l'œuvre est mise au tri par la jurisprudence postérieure ? Les sources ne nous disent rien de précis et elles
contraignent l'historien à l'hypothèse. Kaser identifie les veteres avec les
juristes des trois derniers siècles de la République 4, c'est-à-dire
avec toute la jurisprudence ancienne une fois sortie de l'anonymat du
collège pontifical 5. Cette explication au premier abord tout à fait plausible, surtout quant au rattachement des veteres à la République, est
susceptible, comme nous verrons d'une double précision. Car, dans une
acception plus générale et plus rare aussi, le terme de veteres embrasse
même les auteurs des douze tables6. Si l'on s'en tient cependant à un
usage plus technique, le terme de veteres ne remonte pas plus haut qu'au
début du deuxième siècle et laisse même de côté la plus grande partie des
70 dernières années de la République, qui finit le 13 janvier 27 a. C. La
langue bien connue, qui réunit les avis des veteres et l'adhésion à ceux-ci
de Sabinus et Cassius, et qui est, malgré quelques variations, presque
stéréotypée 7, remplit donc un espace de temps considérable et exactement (comme nous le fait voir déjà le langage de quelques sources) 8? le
temps écoulé entre la mort de Mucius (82 a. C.) et les années d'ensei-
gnement de Sabinus qui coïncident probablement à peu près avec le règne
de Tibère (14-37) et de Claude (37-54) 9. Ce grand laps de temps n'était
4. Dans son article Zur juristischen Terminologie der Römer, dans Studi Biondi I
(1965), p. 97.
5. C/. Pomponius lb. sg. enchiridii D 1, 2, 2 §§ 6/7 et 36 sqq.
6. Gaius I, 145 : veteres in honorem sacerdotii (sc. virginum Vestalium ) liberas
esse voluerunt : itaque etiam lege XII tabularum cautum est. D'autres exemples
d'un emploi en tant que terme générique se réfèrent aussi à la jurisprudence non
encore littéraire : Gaius IV 11, 30. Pour Seckel, Heumanns Handlexikon der
römischen Quellen , 9e éd. Iena 1907, sub hoc verbo, le terme aurait dans le langage
des juristes classiques un sens tout à fait relatif : un juriste qui a vécu longtemps
avant celui qui le cite. Cela est contredit par ses propres preuves et par celles
maintenant fournies par le Vocabularium lurisprudentiae Romanae V (1939) s.v.
veteres 1329/30 qui s'accordent toutes dans le sens de la jurisprudence littéraire
républicaine. Le seul fragment qui semble traiter de veteres commentant la loi
Falcidia de 40 ap. J.-C. et qui était peut-être décisif pour Seckel, n'est qu'une
preuve apparente parce que, d'après toute vraisemblance, l'interprétation des veteres,
abandonnée par Ariston et Julien et reçue par Paul ( lb . sg. leg. Falc. D 35, 2, 1,
9), s'était formée à partir des devanciers de la lex Falcidia, la lex Furia testamentaria entre 204 et 169 a. C. et la lex Voconia de 169 a. C. Cf. Käser, Rom. Privat -
recht P § 188 S. 756.
7. A côté du fragment Ulp. 18 Sab. D 12, 5, 6, cité dans le texte, cf. Paul 8
Sab (?) Fr. Vat. 1 : itaque et veteres putant et Sabinus et Cassius scribunt ; Paul 54
ed. D 41, 2, 3, 18 : plerique veterum et Sabinus et Cassius recte responderunt; Pom
Ib. sg f ideie. D 35, 2, 31 secundum Cassii et veterum opinionem.
8. Cf. Ulp. 17 Sab. D 7, 8, 10 ... apud veteres quaesitum est : Rutilius (l'ami ame
de Mucius)... ait; Gaius I 188 : de ea re valde veteres dubitaverunt. nos qui dili -
gentius hunc tractatum exsecuti sumus et in edicti interpretatione et in his libris ,
quos ex Q. Mudo fecimus. Pour les liaisons scientifiques et d'ailleurs bien connues,
qui relient l'école sabinienne à l'œuvre de Mucius voir plus bas II-9. Cf. ici encore
Venul. 16 s tip. D 21, 2, 75 : Quintus Mucius et Sabinus existimant...
9. Sabinus vivait encore sous Néron (54-68), mais avait déjà sous Tibère, donc
avant 37, cinquante ans accomplis. Cf. Steinwenter, dans Pauly- Wissowa Realenzyklopädie (1920) s.v. Sabinus 29, 1600.
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Okko Behrends
pas, bien sûr, vide. Si nous désirons savoir, ce qui s'est passé pendant c
années, ce qui a fait vieillir entre-temps cette jurisprudence, proven
surtout du deuxième siècle avant J.-C., nous avons en premier lieu le p
cieux témoignage de Cicerón. Ce grand homme a vraiment, et pour l
plus grande partie de son existence, vécu les événements à la fin desqu
la jurisprudence jusqu'alors dominante devait faire place à un systèm
juridique tout à fait neuf. Le jeune Cicerón a étudié le droit en écout
le vieux Q. Mucius Scaevola p. m. qui est à la fois le dernier et le p
grand des soi-disant veteres et il a été aussi pendant toute sa vie, étro
ment, lié par des études communes et un intérêt toujours vif à l'évolut
interne du droit, à Servius Sulpicius, la figure la plus illustre de la n
velle jurisprudence. C'est par son dernier ouvrage, qui à cause de sa mo
violente est resté inachevé : les trois livres sur les devoirs, que Cicer
nous permet une vue très approfondie sur cet événement qui est deve
fondamental pour l'histoire du droit romain.
Il est vrai qu'il y faut des yeux préparés pour apercevoir dans
esquisses du troisième livre - où l'absence d'une rédaction dernièr
fait cruellement sentir - ce qu'il nous dit sur le grand revirement de
jurisprudence du droit privé, survenu de son vivant. Mais nous av
démontré dans un travail récent 10 qu'il y avait entre Q. Mucius Scaev
qui a été un maître en droit pour Cicerón, et Serv. Sulpicius, son am
contemporain, un affrontement basé sur des différences philosophiq
et méthodologiques. La grande œuvre de Mucius est d'avoir, le premi
basé tout le droit civil sur des principes rationnels et définis (ius civ
primus generatim constituit). Elle était inspirée de la philosophie et d
théorie de la connaissance du Portique, tandis que la grande œuvre
Servius Sulpice, qui commence par une critique fondamentale des cat
gories de Mucius, les reprehensa capita Mucii, tire son origine de
philosophie et de l'epistemologie de la Nouvelle Académie. Son systèm
étalé sur à peu près cent quatre-vingt livres et transmis à une multitu
d'élèves, dont les ouvrages à leur tour ont donné dans la compilat
d'Aufidius Namusa cent quarante livres u, a fini par s'imposer, e
dominé toute la jurisprudence classique. Mais ce n'est pas de ces anné
décisives dont s'occupe Cicerón dans le texte mentionné et il ne trait
pas non plus des questions de système.
2. - Dans ce texte, De officiis 12, 7 sequ., Cicerón traite du conf
(ou plus exactement du conflit apparent) entre ce qui est utile et ce q
est honnête et il prend comme exemple un problème juridique du doma
de la vente 12. Dans quel mesure est-il permis de faire un profit
10. Okko Behrends, Die Wissenschaftslehre im Zivilrecht des Q. Mucius Sc
vola pontifex maximus, dans Nachrichten der phil-hist. Klasse der Akademie
Wissenschaften in Göttinnen 1976. d. 265-304.
11. C/. Pomponius lib. sg. enchiridii. D 1, 2, 2 §§ 42 seq.
12. Cicero, De officiis III 12, 50 seqq.
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Les « veteres » el la nouvelle jurisprudence
exploitant l'ignorance de l'autre partie contractante ? Ici, la différence
entre ce qui est utile, en ce sens que cela sert l'intérêt privé d'un marchand, et ce qui est utile au sens philosophique du terme, qui n'admet
comme utile que ce qui est également honnête, pose un problème moral
éminemment pratique et difficile.
Un marchand de blé qui arrive dans une ville, où règne la famine,
doit-il dire qu'il a vu d'autres navires pleins de blé qui font route vers
cette ville, ou peut-il, au contraire, en se taisant, recueillir tout le profit
possible ? Cicerón nous informe que même les philosophes sont ici en
désaccord entre eux. Le stoïcien Diogène de Babylone remet la question
au droit civil positif concerné ce qui, en général, revient à dire que le
vendeur peut se taire, à l'exception cependant, nous allons le voir, du
droit romain des veteres. Antipater de Tarse, son disciple, au contraire
est de l'avis que le vendeur doit révéler à l'acheteur tout ce qu'il sait. Le
juriste moderne tiendrait vraisemblablement dans ce cas le parti de Diogène, pourvu que le marchand de blé ne fasse pas un prix contraire aux
bonnes mœurs, parce que, sauf cette obligation, personne n'est obligé de
détruire une conjoncture commerciale favorable. Dans un autre exemple
où se répète ce désaccord, l'attitude de Diogène semblerait aujourd'hui
moins discutable. Une maison à vendre a de graves défauts cachés que
le vendeur connaît : il s'agit dans l'exemple ( De off. 3, 13, 54) d'une
aedes pestilentes , male materìatae et ruinosae. Peut-il se taire et ainsi
duper l'acheteur? Diogène pense que oui, tandis qu' Antipater formule
ici également la nécessité de donner des éclaircissements, parce qu'il
applique le principe que l'homme ne doit pas laisser autrui dans une ignorance nuisible. C'est pour Antipater le même fondement qui nous oblige
à montrer le chemin à qui nous le demande, et donc - ce qui est juridiquement très juste - c'est un principe qui ne résulte pas du contrat, mais
qui est extra-contractuel.
Cicerón se range, dans ce récit, à l'avis plus sympathique et plus
moralisant d' Antipater, et son attitude est d'autant plus intéressante quand
il s'occupe, un peu plus tard 13, du même problème dans le cadre du droit
romain. Il nous expose d'abord que la loi des douze tables ne demandait
au vendeur que la prestation de ce qu'il avait formellement promis à haute
voix (quae essent lingua nuncupata ), mais qu'ensuite, les iurisconsultes
ont obligé à des dommages et intérêts celui qui sciemment cachait un
défaut de la chose vendue. A titre d'illustration, il cite la décision du
juge M. Caton, le père de Caton d'Utique qui avait condamné à des
dommages et intérêts un vendeur qui avait vendu sa maison alors qu'un
ordre de démolition de celle-ci de la part des augures allait être exécuté.
Le commentaire de Cicerón est ici très révélateur.
13. De officiis III 16, 65 seqq.
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De officiis 3, 16, 67 : quod si recte iudicavit, non recte frumentar
ille, non recte aedium pestilentium venditor tacuit. Sed huiusmodi re
centiae iure civili comprehendi non possunt; quae autem possunt d
genter tenentur.
C'est-à-dire : S'il a jugé juste, ce marchand de grain et ce vendeur de
maison empestée ont eu tort de se taire. Mais de telles réticences ne
peuvent pas être incluses dans le droit civil; en revanche celles qui peuvent y être incluses, doivent être observées diligemment.
3. - Cicerón, informé comme il l'est de la jurisprudence contemporaine, n'est donc pas du tout content de la décision de Caton et de
son principe juridique et il semble par conséquent se ranger ici à l'avis
de Diogène 14 : il y a un devoir de révélation là seulement où le droit
positif l'exige et, ce qui est beaucoup plus intéressant, à l'encontre de ce
que pensait Caton, il nous fait savoir que le droit positif romain n'exigeait pas d'informer l'autre partie que la maison offerte en vente allait
être démolie prochainement. Avec cela Cicerón désavoue non seulement
la décision du père de Caton d'Utique, mais aussi les jurisconsultes cités
plus haut, qui avaient formulé la règle sanctionnant la réticence vis-à-vis
des vices cachés 15.
Cicerón prend de nouveau cette distance qu'il marque entre son attitude
et celle de ces jurisconsultes par un raisonnement dont le fil est sinueux
et à première vue assez embrouillé. Après une courte digression sur un
autre cas, où la règle sur le devoir de communiquer les vices cachés a été
appliquée, par les maiores 16, il introduit une distinction concernant la
forme dans laquelle la raison d'un côté et la loi de l'autre combattent
la fourberie. La raison est plus exigeante : elle obéit aux conséquences
du principe, tandis que la loi se borne aux cas qui sont manifestes 17.
La raison donc défend sans réserve d'être insidieux et trompeur, et
d'induire quelqu'un en erreur. Mais comme il nous affirme ensuite, agir
pareillement et vendre par exemple une maison alors qu'elle a des
défauts cachés, cela n'est, à cause de la dégradation des mœurs, ni
regardé comme honteux par la coutume, ni sanctionné par la loi ou
14. Pour la vraie source philosophique de ce positivisme cf. infra III-2 et note 76.
15. De off. 3, 16, 65 : a iuris consultis etiam reticentiae poena est constituía :
quicquid enim est in praedio vitii , id statuerunt, si venditor sciret, nisi nominatim
dictum esset, praestari oportere.
16. Cf. De off. 3, 16, 67. Il s'agissait d'une servitude passée sous silence lors de
la mancipatio, mais parfaitement connue de l'acheteur. Il semble que les maiores
aient nié la responsabilité du vendeur qui, évidemment, n'avait pas lésé de bonne
foi, parce que Cicerón formule comme pointe de ce récit : ut illud intellegas, non
placuisse maior ibus no stris astutos. Le comportement astucieux réside dans le fait que
l'acheteur demande des dommages-intérêts à titre purement formel.
17. De off. 3, 17, 68 : aliter leges, aliter philosophi tollunt astutias; leges, qua tenus manu tenere possunt , philosophi, quatenus ratione et intellegentia, ratio ergo
hoc postulat, ne quid insidiose, ne quid simulate, ne quid fallaciter.
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
le droit civil 18. Ce comportement est bien sûr sanctionné par la loi
de nature, c'est-à-dire par la raison, mais cela est très clair, celle-ci est
par elle-même sans force et sans vigueur. Elle a besoin, pour obtenir
un surcroît d'autorité, de se transformer en droit manifeste ou positif,
c'est-à-dire en une forme reconnue du droit. Là où cela s'est passé, il y a
ius civile ductum a natura, donc un principe naturel, pris dans un sens
éthique, transformé en droit positif. Quant aux devoirs du vendeur de
donner des éclaircissements, le droit romain n'a pratiqué ce changement
de la règle naturelle en une règle de droit qu'en deux cas et ainsi que
nous le fait remarquer Cicerón dans la vente des biens immobiliers d'après
la loi des XII tables et dans la vente des esclaves, d'après l'édit des
édiles cúrales 19.
Il est bien clair que cette doctrine traite cette transformation comme
une exception qui demande pour preuve une institution juridique manifeste ou positive. Il en était tout autrement dans la jurisprudence précédente, comme nous le fait encore savoir Cicerón. Car, il rattache cette
nature productrice de principes, si singulièrement faibles, à la doctrine
qui soutient qu'il y a une société humaine qui unit tous les hommes et
plus étroitement encore ceux de la même nation et de la même cité, et
il nous dit que, justement à cause de cette société humaine, les maiores
ont voulu que tout le droit de gens se transforme en droit civil 2°.
18. De off. 3, 17, 69 : hoc (se. ce que la raison demande au vendeur; cf. note
précédente) ... video propter depravationem consuetudini ñeque more turpe haberi
ñeque aut lege sanciri aut iure civili, tarnen naturae lege sanctum est .
'y. De off. 3, 17, 71 : nec vero in praedns solum ius civile ductum a natura
malitiam fraudemque vindicat, sed etiam in mancipiorum venditione venditoris
fraus omnis excluditur, qui enim scire dßbuit de sanitate , de fuga , de fur tis, praestat
edicto aedilium. Avec les mots initiaux, Cicerón se réfère à ce qu'il avait dit plus
haut (3, 16, 65) : sanctum apud nos est iure civili , ut in his {sc. praediis) vendendis
vitia dicerentur, quae nota essent. venditori nam cum ex duodecim tabulis satis
esset ea praestari, quae essent lingua nuncupata, quae qui infitiatus esset dupli
poenam subirei , a iuris consultis etiam reticentiae poena est constituía (cf. note 15).
On peut ici constater une contradiction. Comme Cicerón peut-il accepter ici le droit
civil élargissant les obligations du vendeur découlant de la loi aux cas où il se tait
frauduleusement, après avoir critiqué si fermement la décision de Caton, qui avait
condamné le vendeur qui avait passé sous silence l'ordre de destruction de la part
des augures ? Mais cette contradiction apparente est résolue parfaitement par une
distinction introduite par la nouvelle jurisprudence suivie par Cicerón : Servius et
ses élèves n'acceptaient la responsabilité pour réticence que pour les vices cachés
juridiques, c'est-à-dire ceux propres au régime de la propriété privée, et un ordre
de destruction augurale, relevant du droit public, n'entrait pas dans cette catégorie.
Cf. la décision de Servius Sulpicius, Cerv. Scaevola 2 quaest. D 21, 2, 69, 3, et
mon exégèse dans le travail cité (supra- note 10), p. 279.; cf., en outre, Paul 6 resp.
D 21, 2, 11 et African 8 quaest. D. 19, 2, 33.
20. De off. 3, 17, 69 : socie tas est enim ... latissime quidem quae pateat, omnium
inter omnes, interior eorum, qui eiusdem gentis sint, proprior eorum, qui eiusdem
civitatis, itaque maiores aliud ius gentium , aliud ius civile esse voluerunt : quod civile,
non idem continuo gentium , quod autem gentium idem civile esse debet, sed nos
veri iuris germanaeque iustitiae solidam et expressam effigiem nullam tenemus,
umbra et imaginibus utimur.
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Les maiores ont donc posé comme règle qu'il y a eu transformation
d'un droit d'origine évidemment spéculative en un droit positif partout
et sans exception, sauf bien sûr dans les cas où il y avait déjà droit civil
positif. Cela comporte une restriction importante, bien que dépendante
de ce qu'on regardait dans le droit comme positif et strict; mais nous
avons vu que les maiores, à l'encontre de ce que pensait Diogène de
Babylone du droit qu'il avait devant les yeux, estimèrent que le domaine
de la vente était à Rome réglementé par la bonne foi, c'est-à-dire par un
principe productif de justice contractuelle. Cicerón prend tout de suite
ses distances vis-à-vis de cette doctrine en remarquant que les règles de
la vraie justice et de la bonne foi ne sont pas suffisamment claires et
consenties 21.
II
1. - Mais qui étaient donc ces maiores? Sans doute d'abord ces
jurisconsultes, jusqu'alors anonymes, qui voulurent que le vendeur dise
tout de la chose à vendre et dont l'enseignement fut mis en œuvre dans
le jugement du père de Caton d'Utique. Mais leur identité est déjà
précisée par Cicerón lui-même, qui nous donne un autre nom dans ce
contexte, celui de Q. Mucius Scaevola, dont nous connaissons déjà le
stoïcisme méthodologique 22. Cicerón avait conservé dans sa mémoire que
son ancien maître enseignait que la bonne foi est une force suprême
dans cette société de la vie humaine, déjà dite, et qu'elle agit dans tous
les contrats et dans toutes les obligations dont la formule de procédure
se réfère à la lettre ou à l'esprit de la bonne foi. Mucius croyait donc à
une societas humana dominée par un ius gentium qui pour lui s'identifiait avec la bonne foi. Mais nous savons aussi que Mucius croyait au
royaume du ius civile du droit strict. Il nous suffit de citer la fameuse
causa Curiana, où Mucius se montrait un partisan très sévère de l'interprétation littérale du testament, non pas pour des raisons de casuistique,
mais en raison du principe que dans un tel domaine du droit, celui du
testament, il faut être strict et sévère, autrement tout le bâtiment croulerait 23. Ce fervent amateur de la bonne foi, qu'était Mucius, était donc
aussi un défenseur intransigeant du pur formalisme.
21. Cf. la fin du texte de la note précédente.
zz. Cf. pour ce qut suit : ue ojj. 5, i/, /u et i exegese approtondie de ce texte
faite dans mon travail cité (n. 10) p. 293 sq. (31 sq.).
23. Cf. surtout Wieacker, The Causa Curiana and Contemporary Roman Jurisprudence y dans The Irish Jurist 2 (1967), p. 151 seqq., qui insiste, à bon droit, sur
la motivation éminemment juridique de la position prise par Mucius; essentiellement d'accord, mais avec une accentuation des intérêts pontificaux de Mucius
G. T. de Castro dans sa thèse, De causa Curiana , Oviedo (1976), p. 100 et seqq.;
contra Watson, Law Making in the Later Roman Republic (1974), p. 130, qui
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2. - U y a dans cette incohérence apparente, dans laquelle se répète
en vérité la distinction du ius gentium et du ius civile , toute la spéculation
du Portique sur le droit alors en vigueur dans le monde hellénique. Les
Stoïciens, on le sait bien, partaient d'un mythe : la nature a créé les
hommes dans un état de socialisation parfaite, où ils n'avaient besoin, à
cause de leur innocence primitive, ni de domination, ni de droit strict; l'or-
ganisation et l'évolution de leur vie sociale se faisaient d'elles-mêmes dans
une parfaite harmonie avec les principes de la nature et donc dans une
parfaite liberté 24. Mais au fur et à mesure que le monde a évolué, la
liberté de la raison humaine, cette énigme pour le panthéisme stoïcien
et chantée par Cléanthe 25, a conduit l'individu à poursuivre ses intérêts
particuliers et a rompu la solidarité humaine de l'origine nécessitant de
plus en plus un droit strict, c'est-à-dire la fondation de communautés
juridiques, d'Etats, de cités, où l'homme, malgré son abaissement et sa
corruption, pouvait vivre dans un ordre tolerable. Le droit strict d'un Etat
qui garantit par exemple à ses citoyens la propriété individuelle et le
payement des capitaux prêtés avec intérêts est donc regardé comme tout
à fait nécessaire, mais en même temps comme l'expression de la mauvaise
nature de l'humanité 26. Pour employer une image : aux yeux des
Stoïciens le droit strict était un corset orthopédique pour une telle société
que l'on ne pouvait pas enlever pour des raisons de santé impérieuses 27 ;
impute à Mucius dans ce cas la morale d'un rhéteur hellénique, ce qui est, à mon
avis, incompatible avec le rôle public d'un jurisconsulte romain de cette époque.
Les sources sont d'ailleurs très clairement en faveur de l'interprétation donnée dans
le texte, elles concordent dans le sens que Mucius défendait, à savoir : les principes institutionnels du droit testamentaire contre le principe matériel de la volonté.
Cf. Brutus, 52, 195 : quid ille non dixit de testamentorum iure ? De antiquis for mulis quem ad modum scribi oportuisset ... 196 : quam captiosum esse populo,
quod scriptum esset neglegi et opinione quaeri voiuntates. C'est à juste titre que
Cicerón, le disciple de Mucius, nous affirme que son maître parlait ici comme un
juriste méthodique, lorsqu'il l'appelle dans ce contexte (Brutus, 39, 145) : iuris
peritórum eloquentissimus Scaevola ... peracutus ... ad excogitandum quid in iure
aut in aequo verum aut esset aut non esset ; et la vérité juridique dans le domaine
du testament était selon Mucius une vérité stricte. Le fait que la rhétorique traitait
la causa Curiana comme un illustre exemple du status : scriptum-voluntas, ne corres-
pond certes pas à l'attitude de Mucius.
24. Cf. Arnold, Roman Stoicism , Cambridge, 1911, p. 194/5; Schmekel, Die
Philosophie der mittleren Stoa, Berlin, 1892, p. 286 seqq. Pour l'ancienneté de ce
mythe stoïcien, cf. ce qui suit dans le texte et les notes 25 seqq.
25. Cf. son celebre hymne a Zeus, v. Arnim, Stoicorum veterum fragmenta I,
n. 537, p. 122, v. seqq. (13).
26. Seneca Ep. mor. 903 : inter hommes consortium ... aliquamdiu inviolatum
mansit, antequam societaîem avaritia distraxit et pauper tatis causa cti am is, quos
fecit locupletissimos, fuit. Desierunt enim omnia possidere, dum voìunt propria. 4.
Sed primi mortalium quique ex his geniti náturám incorrupti sequtbantur, eundem
habe bant et ducem et legem. Sénèque n'a pas hésité à appliquer cette doctrine à
l'ordre juridique romain (De ira 3, 33, 2) : fremitu iudiciorum basilicae resonent ...
iudices sedeant iudicaturi utrius iustior avaritia sit; De benef. 7, 10, 3; quid fenus et
calendarium et usura , nisi humanae cupiditatis extra naturam quuesita nomina ?
27. Cette image est meme justifiee par la terminologie au moins analogue des
Stoïciens eux-mêmes. Dans l'important fragment StVF III, n. 323, à juste titre
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même un relâchement pouvait être dangereux et il n'était permis qu
dans des cas spéciaux 28. Mais cet ordre strict n'était pas tout. A
de ce système de fer, l'homme avait gardé de son état primitif, de c
âge d'or de la société humaine, quand même quelque chose. Là où
avait dans une communauté, des règles de la vie sociale inspirées d
sentiment de solidarité et d'aide mutuelle, le philosophe stoïcien y rec
naissait l'héritage du commencement harmonieux de l'humanité q
fallait, maintenant que l'humanité avait perdu son état d'innocen
inconsciente, conserver et faire évoluer avec un zèle scientifique29.
3. - Le degré de la dégradation des mœurs et le développemen
correspondant du droit strict n'était pas partout le même.
C'était une des plus fortes impressions de l'entourage de Scipion, q
Panétius (Panaitios) le maître de l'école stoïcienne de ce temps, second
par Polybe, pouvait dire à Scipion, à Lèle (Laelius) le sage et à ce
jurisconsultes qui faisaient partie de ce noble cercle, que Rome, parven
alors au faîte de son pouvoir avait su garder ou récupérer dans son dr
et dans ses mœurs le plus grand degré des perfections de jadis 30. N
nous souvenons que Diogène de Babylone ne pensait pas qu'un vendeu
dût dire tout d'une chose, s'il s'en tenait au droit civil; tandis que le d
civil des maiores, identifié avec et transformé en un ius gentium , ét
beaucoup plus exigeant.
Avec le nom de l'entourage de Scipion nous avons déjà prononcé
premier mot-clef concernant notre problème, à savoir : qui étaient e
qu'est-ce qui caractérisait ces maiores mentionnés par Cicerón ? Car d
côté, il est bien connu que justement les juristes liés à Scipion Emilie
ont subi l'influence très profonde du stoïcisme, représenté parmi eu
par le personnage impressionnant de Panétius 31. Il nous suffit de ci
M. Junius Brutus qui donnait à ses trois livres sur le droit civil la for
philosophique d'un entretien avec son fils, P. Rutilius Rufus, consul
105 et auditeur passionné de Panétius, de même Q. Aelius Tubero, con
en 118, qui l'égalait dans l'admiration de ce philosophe, puis finaleme
Q. Mucius Scaevola lui-même, consul en 95 et étroitement lié à ces
personnages un peu plus âgés que lui, dont l'œuvre marque le sommet et
attribué par v. Arnim à renseignement de Chrysippe, le droit nouveau, nécessaire
parce que l'avarice et l'infidélité étaient tels que le droit naturel ne suffisait plus,
est nommé prosthèkè, mot que l'on peut traduire par addition, mais aussi bien et
mieux même par aide, appui et assistance. Cf. Lidell-Scott, Greek-English Lexicon ,
s.v. IT.
28. Cf. infra II-5 et notes 41 et 45.
29. Les hommes de l'âge d'or n'en avaient pas besoin, parce que (Seneca Ep.
mor., 90, 46) isnorantia rerum innocentes erant.
30. Cf. Cicero, De re publica I, 21, 34.
31. Tres instructive est Ruth Martin Brown, A Study of the Scipionic Circle , dans
Iowa Studies in Classical Philology I, 1934, p. 62.
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aussi en un sens la fin de ce grand épisode que fut l'enseignement de
Panétius pour la jurisprudence romaine.
Mais est-on en droit de croire que ce groupe, cette grex autour de
Scipion Emilien, dont il ne faut d'ailleurs pas exagérer la cohésion,
représente vraiment ce qui est cité et critiqué par Cicerón ? On peut en
douter. D'abord le terme maiores , ne s'applique pas normalement à une
génération qu'on a connue ou que l'on a pu connaître 32 et c'est aussi
évidemment pour cette raison que Cicerón laisse au maître de sa première
jeunesse, Q. Mucius, son propre nom et ne le range pas, malgré son
appartenance à ce courant éthique et méthodologique, parmi les maiores .
On pourrait objecter ici que l'on arrive forcément au-delà du cercle de
Scipion, si l'on relie ces maiores aux ancêtres, c'est-à-dire au moins à la
génération des aïeux, mais en vérité cela est sans intérêt. L'importance
qu'on attribue à juste titre à la grex Scipionis a induit un peu en erreur
les historiens en ce qui concerne la vraie date de l'apparition de l'influence
de la philosophie grecque 33. La grande vague de l'hellénisme apparaît à
Rome, pendant, et plus encore, après la deuxième guerre punique. C'est
justement à cette époque là que se réfère le magnifique vers d'Horace :
Ep. 2, 1, 156 : Graecia capta ferum victorem cepit et artis
intulit agresti Latió ...
(161 : Serus enim Graecis admovit acumina char tis
et post Punica bella , quietus quaerere coepit,
quid Sophocles et Thespis et Aeschylos utile ferrent
qui reprend du reste une remarque moins connue du poète républicain,
Porcius Licinius (Aulu-Gelle, 17, 21, 45) :
Poénico bello secundo Músa pinnató gradu
intulit se béllicosam in Rómuli gentém feram.
Ce mouvement intellectuel, qui au fond était une acculturation très
générale, ne se bornait pas à la poésie, mais englobait aussi bien l'histoire - l'illustre exemple en est Fabius Pictor 34 - , la politique Flamininus le libérateur de la Grèce 35, Paul-Emile, le père de Scipion
Emilien 36 - et finalement - mais c'est un fait assez mal connu et
encore à prouver - la jurisprudence.
4. - Sextus Aelius Paetius Catus, auteur de la Tripertita et en tant
que consul de l'année 198, collègue de Flamininus, n'était, bien sûr,
32. Cf. Ulp. 5 ed. D 2, 4, 4, 2 : quidam parentem usque ad tritavum appellari
aiunt, superiores maiores dici : hoc veteres existimasse Pomponius refert.
33. Cf. déjà la juste critique de Strassburger, Der Scipionenkreis , dans Hermes
94 (1966), p. 60 seqq. et celle plus ancienne de R. M. Brown (n. 31), p. 29 seqq.;
85 seqq. Voir aussi mon travail cité (n. 10), p. 281 et n. 67.
34. C/. K. Hanell, Zur Problematik der älteren röm. Geschichtsschreibung ,
dans Entretiens Fondation Hardt 4 (1956), p. 147 seqq.
35. Cf. H. E. Stier, Roms Aufstieg zur Weltmacht und die griechische Welt
(1957), p. 121 seqq., 143 seqq., 199.
36. Cf. H.H. Scullard, Roman Politics (1952), p. 201 seqq.; H. E. Stier {op.
cit., n. 35), p. 186, 188 seqq.
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pas du tout un esprit philosophique comme Tubero et Rutilius
s'entretenaient et correspondaient presque à égalité avec des maît
comme Panétius, Antipater et Hécaton 37, mais on nous affirme que
connaissances embrassaient tout ce que savaient les Romains de s
temps 38 et qu'il aimait dans la philosophie en particulier la maxime
se philosophari velie , sed paucis ; nam omnino non piacere 39. Schul
qui a si bien vu que la grande œuvre littéraire de la Tripertita ac
déjà par elle-même une influence hellénique, a sous-estimé le cont
positif de cette formule 40. Aelius voulait bien user de la philosophi
mais pas dans tous les sens. Etant un jurisconsulte très renommé, il
s'intéressait par conséquent pas à la métaphysique, mais à ce qui pouv
lui être utile tout en aidant ses concitoyens, c'est-à-dire l'éthique, la p
tique, la philosophie du droit et de l'Etat 41, et dans ces matières, on
le droit de penser que son savoir n'était pas méprisable, attendu qu'e
aussi vrai pour la philosophie du droit de la cité ce que Cécéron
dit ailleurs à propos de cette maxime philosophari se velie sed paucis .
Tuse . disp. 11,1: difficile est enim in philosophia paucas esse ei nota
cui non sint aut
pleraque aut omnia .
On n'est donc pas étonné que cet homme qu'Ennius admirait dans
ses Annales , comme bene cor datus, bien doué, et aussi comme catus ,
d'un esprit pénétrant 42, ait pu écrire le premier un livre systématique
sur le droit civil et un ouvrage où l'on trouvera encore plus tard les
éléments originaires du droit. Dans l'histoire de la jurisprudence romaine,
il figure au début de l'époque littéraire et ses tripertita ne contiennent
rien moins que les cunabula iuris, c'est-à-dire les berceaux du droit, de
37. Cf. seulement Cic. De off. 3, 2, 10; 3, 15, 63; Brutus 30, 114; 31, 117 et les
témoignages données par v. Rohden, dans Pauly-Wissowa Realenzyklopädie (1894)
s.v. Aelius (Tubero), 154, 536.
38. Cicero, De oratore 3, 33, 133 : audivi {i.e. Crassus) de pâtre et de socero
meo, nostros quoque homines, qui excellere sapientiae vellent omnia, quae quidem
tum haec civitas nosset, solitos esse complecti. Meminerant illi Sex. Aelium.
39. Cic., De re pubi. I, 18, 30 : atque idem {sc. Sex. Aelius) - multum enim
ilium audiebam et libenter (celui qui parle ici en tant qu'auditeur d'Aélius est Lèle
le sage, le stoïcien ami de Scipion) - Zethum illum Pacuvi nimis inimicum doc -
trinae esse, dicebat; magis eum delectabat Neoptolemus Ennii, qui se ait « philosophari velie, sed paucis ; nam omnino haud piacere ». Aelius préconise donc à l'égard
de la réception de la doctrine grecque une attitude modérée qui est, comme nous le
verrons, celle d'un praticien.
40. F. Schulz, Geschichte der röm. Rechtswissenschaft, p. 42 seq. et 44/45.
41. Cic., De re pubi. I, 18, 30 : Egregie cordatus homo , catus Aelius Sextus qui
egregie cordatus et catus fuit et ab Ennio dietus est, non quod ea quaerebat, quae
nunquam inveniret, sed quod ea respondebat quae eos qui quaesissent et cura et
negotio solverent. Aelius dédaignait donc des recherches philosophiques qui n'aboutissaient à rien, mais une théorie, comme celle qui est probablement derrière Vin
integrum restitutio, qui lui procurait les moyens de libérer ses concitoyens d'une
obligation injuste {cf. infra II-5), devait lui paraître dans sa décision de s'occuper
quelque peu de la philosophie d'un rendement suffisant.
42. Cf. la note precedente.
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ses institutions strictes et de ses principes productifs que la jurisprudence
devait développer. Une belle illustration selon laquelle il y avait dans
l'œuvre d'Aelius des principes générateurs - et évidemment l'image
de cunabula s'y applique le mieux - nous est donnée par la décision
d'Aelius qui oblige l'acheteur en demeure d'indemniser le vendeur des
frais supplémentaires causés par la mise en demeure. Il y a dans cette
décision, louée par Celsus et qui lui a été probablement transmise à
travers l'œuvre de Mucius, au moins le germe du principe de la bonne
foi en vigueur quant aux devoirs des parties dans la vente 43. De même,
la continuité qui lie Aelius à ses successeurs en résulte manifestement.
C'est justement cette continuité, sur laquelle nous reviendrons, qui nous
encourage à la recherche des principes juridiques, inspirés de la philosophie, qui pourraient être attribués à l'œuvre tripartite d'Aelius, parce
qu'elle nous permet d'utiliser des renseignements généraux portant, indistinctement, sur la jurisprudence d'Aelius et celle post-aelienne.
5. - C'est d'abord la tradition sur Vin integrum restitutio dans une
comédie de Terence, très bien analysée il y a vingt ans par H. Kornhardt44. Dans le Phormio, le poète a mis sur scène dans une sorte de
conseil romain la lutte entre le bon droit qui dit :
451
restitui in integrum aequomst et bonum.
et le droit strict qui assure :
454
mihi non videtur quod sit factum legibus
rescindi posse; et turpe ine e p tust.
H. Kornhardt avait aussi dégagé de certaines allusions du poète que les
principales causes de la restitution étaient déjà connues : la minorité, le
dol 45, l'absence et la crainte. Seulement en attribuant l'introduction
43. Celsus 8 Dig. D 19, 1, 38, 1 : Si per emptor em steterit, quo minus ei manci-
pium traderetur, pro cibariis per arbitrium indemnitatem posse servari Sextus Aelius,
Drusus dixerunt, quorum et mihi iustissima videtur esse sententia. C'est avec raison
que Lenel a trouvé la source ultime de ce responsum dans la Tripertita elle-même.
Lenel, Paling. T, 2. Varbitrium recommandé serait donc une legis actio au sens
large, dérivée de l'interprétation de la réglementation décemvirale de la vente
(XII tab. VII, 11). Cf. Schulz, Geschichte der röm. Rechtswissenschaft, p. 25,
41/2 et Arangio-Ruiz, Compravendita (1954)2, p. 73 seq.
44. Hildegard Kornhart, Restitutio in integrum bei Terenz, dans Thesaurismata,
Festschrift für Ida Kapp, München 1954, p. 65 seqq.
45. A. Wacke, dans SZ 88 (1971), 105 seqq. a posé la question : « Kannte das
Edikt eine in integro restitutio propter dolum? », et pour l'époque classique, il a
avec justesse répondu par la négative (p. 133). Mais il apparaît que cet état de chose
est dû à l'œuvre de la nouvelle jurisprudence, décrite plus bas qui, dans sa lutte
contre le principe général de la bonne foi a remplacé Vin integrum restitutio
propter dolum par des moyens judiciaires plus restreints, c'est-à-dire l'action et
l'exception de dol, tous les deux in factum concepta. 'Cf. infra III-8 (note 80).
De là résulte aussi ce qu'il y a de vrai et de faux dans la position de B. Kupisch,
In integrum restitudio und vindicatio utilis, Berlin, New York 1974, p. 241 seqq.,
qui identifie tout simplement V actio de dolo et Vin integrum restitutio propter
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de la restitution à P. Cornelius Scipio Nascia, prêteur en l'an 165,
a été un peu trop loin, parce que la possibilité de briser une obligation
droit strict était déjà connue de Plaute.
Pļautus, Rudens 1380 seqq. :
cedo quicum habeam iudicem
ni dolo malo instipulatus sis sive etiamdum siem
quinqué et viginti annos natus.
Déjà de son temps, donc vers 200 av. J.-C., cela n'avait pas de se
d'agir en justice contre quelqu'un qui n'avait contracté une stipulatio
que par le dol du créancier ou qui n'était pas encore majeur 46. M
peut-on trouver dans cette victoire du bonum et aequum sur le form
lisme, sur le summum ius, comme dit le proverbe, une influence ph
sophique ? Les valeurs du bonum et de Y aequum sont sans doute esse
tiellement romaines; il nous suffit de citer la formule du bonum et aequum
dans la vieille actio iniuriarium aestimatoria 47. Mais il en est déjà to
autrement avec le dualisme assez théorique entre un droit strict et u
droit équitable 48 et plus encore avec cette idée moralisatrice et mêm
spéculative d'une in integrum restitutio . Le but de cette institution
consiste à remettre dans un état d'intégralité et de pureté ce qui a ét
formé par le droit civil, trahit une conviction qui considère le droit c
comme un droit corrompu. C'est exactement la vision qu'avaient du i
civile les maiores chez Cicerón, bien sûr à la différence du ius gentiu
devenu ius civile. Mais on sait bien que la restitution n'était jam
nécessaire là où il y avait bonne foi, c'est-à-dire dans le domaine du i
gentium. Cela accuse donc déjà très nettement une influence stoïcien
et on peut y ajouter un manque de considérations pour le temps écou
après l'acte juridique qui sera rendu nul comme s'il n'avait jamais exis
ce qui est en harmonie parfaite avec la philosophie stoïcienne qui nie
réalité du temps 49.
dolum. Une preuve de l'évolution esquissée est donnée par la formule de l'excep
de dol de Q. Mucius (Cic., Att. 6, 15) : extra quam si ita negotium gestům est
eo stari non oporteat ex fide bona, qui est encore tout à fait conçue dans l'idé
Vin integrum restitutio.
46. Le texte de Plaute présuppose Vin integrum restitutio , parce que les fa
juridiques invoqués semblent empêcher que les parties en arrivent jusqu'au j
(cf. O. Behrends, Die römische Geschworenenverfassung (1970), p. 86 seq.); il s'
donc d'une mesure prise par le magistrat.
47. Pour une origine romaine de V aequum et bonum voir aussi Käser, Rom
Privatrecht I2 , § 48, p. 194 et n. 5. Quant à l'âge préplautien de Vaestimati
iniuriae, cf. mes remarques dans S Z 92 (1975), p. 300/1.
48. Cette distinction se trouve aussi dans Pļautus, Menacchmi, 580 seq. (sc. cl
tes) : nec leges neque aequum bonum usquam colunt / sollicitos patronos habe
où la juxtaposition elle-même a l'air théorique tandis que l'isolement d'une no
sociale « aequum et bonum » est probablement d'origine romaine (cf. n. 46).
49. Cf. Bréhier, La Théorie des incorporels dans l'ancien stoïcisme , dans Arc
für Geschichte der Philosophie (1909), p. 118 : « Bien que nous soyons très p
renseignés sur la théorie stoïcienne du temps, nous voyons aisément, jusque dans
désaccords des stoïciens, le désir d'enlever au temps toute efficacité et tout
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Cette tradition ne permet peut-être pas une conclusion formelle, mais
elle établit en tout cas déjà une forte probabilité pour que Yin integrum
restitutio remonte à une influence de la philosophie stoïcienne, de même
qu'elle se trouve aussi en tant qu'institution et principe correctif parmi les
cunabula iuris ďAelius 50. On pourrait même avancer l'hypothèse suivant
laquelle le contemporain d'Aelius, le jurisconsulte Publius Atilius, a en
fait mérité du peuple l'appellation de sapiens , jusque-là inconnue, parce
qu'il avait propagé ce remède équitable contre le droit strict là où autrement il aurait été au service d'une cause injuste 51.
6. - L'autre source, un fragment de Modestin, nous ramène vers les
maiores de Cicerón en tant qu'interprètes exigeants de la bonne foi dans
la vente et elle nous permet de faire deux pas décisifs, d'abord en identifiant les maiores avec les veteres de la tradition impériale, puis en accor-
dant à cette jurisprudence une place certaine dans l'histoire de la
jurisprudence romaine racontée par Pompeius.
Examinons l'exemple : le vendeur d'une terre avait exclu d'une façon
générale sa responsabilité contractuelle pour toute servitude, malgré cela,
les veteres ont maintenu une obligation ex fide bona pour ces servitudes
qu'il avait passées sous silence alors qu'il les connaissait parfaitement 52.
On constate d'abord avec plaisir que l'enseignement des maiores , qui
exigeait en principe une information totale de l'acheteur, a finalement
réalité. » Cf. aussi V. Goldschmidt, Le système stoïcien et Vidée de temps, 2® éd.,
1909. Si Ton prend en considération cette influence philosophique, toute la doctrine
de la rétroactivité juridique apparaît sous un jour nouveau.
50. Cf. aussi supra , n. 41 et 43.
51. Cf. Pomp. lb. sg. enchiridii, D 1, 2, 2, 38 : deiņde SEXTU S AELIUS et
frater eins PUBLIUS AELIUS et PUBLIUS ATILIUS maximam scientiam in profitendo habuerunt, ut duo Aelii etiam cónsules fuer int , Atilius autem primus a
populo Sapiens appellatus est. Sextum Aelium etiam Ennius laudavit et exstat
illius liber qui inscribitur « tripertita », qui liber veluti cunabula iuris continet.
Il se dégage de ce texte une impression d'une parfaite unité scientifique chez ces trois
hommes; il semble seulement qu' Atilius ait passé plus de temps au service du peuple
parce que moins absorbé par sa carrière politique (et encore moins par l'ambition
littéraire). Cf. Cic. Laelius 2, 6 : L. Acilium apud patres nostros appellatum esse
sapient ern..., quia prudens esse in iure civili putabatur (et non pas comme dans le
cas de Lèle à cause d'une attitude parfaitement stoïcienne).
52. Modestin 5 Resp. D 19, 1, 39 : Quaero, si quis ita fundum vendiderit ut id
venum datum esse videatur, quod intra terminos ipse possedit, sciens tarnen aliquam
partem cērtam se non possidere non certioraverit emptorem, an ex empto iudicio
teneatur cum haec generalis adiectio ad ea, quae specialit er novit vendidit nec excepit, pertinere non debeat ... cum hoc et apud veteres sit relatum in eius persona , qui
sic exceperat : « servitudes si quae debentur, debebuntur » : etenim iuris auctores
responderunt, si certus venditor quibusdam personis certas Servitutes debere non
admonuisset emptorem, ex empto eum teneri debere, quando haec generalis exceptio
non ad ea pertinere debeat, quae venditor novit quaeque specialiter excipere et
potuit et debuit, sed ad ea, quae ignoravit et de quibus emptorem certiorare nequivit.
Herennius Modestinus respondit, si quid circumveniendi emptoris causa venditor in
specie de qua quaeritur fecit, ex empto actione conveniri posse. Le texte est authen-
tique, malgré Gradenwitz, Interpolationen in den Pandekten, Berlin 1888, p. 237
seq. (162 seq.), qui suspecte l'emploi de certiorare.
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survécu à la critique jurisprudentielle qui s'élevait à l'époque de Cicerón
et cela tout à fait ouvertement en tant que doctrine des veteres. Mais ce
qui est encore plus significatif, c'est que Modestin - ou plus exactement
celui qui lui demandait un conseil 53 - se réfère tout de suite après aux
veteres ou maiores avec le titre de iuris auctores, donc à un autre motclef. Car Pomponius fait culminer dans un premier point son récit de l
jurisprudence devenue littéraire 54 avec la constatation bien connue
Publius Mucius et Brutus et Manitius qui fundaverunt ius civile .
Ce premier pas fournit donc une conclusion presque mathématique,
parce que l'équation qui s'impose est la suivante : is qui fundaverunt
ius civile et les iuris auctores, de même les maiores et les veteres, correspondent à des appellations tout à fait identiques. Ils témoignent du même
phénomène littéraire.
7. - Il est vrai cependant que les iuris auctores ou fundatores, dans
cette phrase de Pomponius, sont seulement représentés par les trois
hommes Mucius (consul en 133), Brutus et Manilius (consul en 149).
Pourtant il apparaît que Pomponius emploie ici cette dénomination dans
un sens plus restreint, exemplaire et a fortiori, et ce ne sont pas seulement nos résultats concernant l'introduction de la restitutio in integrum
et le fragment de Modestin qui nous confirment dans cette opinion.
Pomponius nous montre en effet une telle continuité de la jurisprudence
romaine devenue littéraire, c'est-à-dire à partir de Sextus Aelius (consul
en 198) qu'il semble impossible d'isoler seulement ces trois auteurs
comme des veteres et des auctores, tandis qu'il est évident que l'œuvre
de Mucius, Brutus et Manilius a tellement surpassé celle de leurs
devanciers que la contribution d'un Aelius à la fondation du droit littéraire a pu s'effacer un peu aux yeux d'un historien du droit de l'époque
impériale. Par conséquent, celui-ci faisait de Mucius, Brutus et Manilius
des iurus auctores ou iuris fundatores par excellence.
Il y a, du reste, beaucoup de « débuts fondamentaux » dans l'histoire
que Pomponius nous raconte sur l'origine de la littérature juridique
romaine, pourtant cette maladresse n'empêche pas l'impression d'un
continuité parfaite. Sextus Aelius aurait ainsi posé les principes élémentaires du droit (§ 38 : tripertita qui liber v eluti cunabula iuris continet )
La famille des Catons est venue ensuite, dont le premier représentant,
probablement le Censeur lui-même (le texte reste douteux), aurait été
un sectateur de Sextus Aelius et de ses contemporains ( hos sectatus est
ad aliquid est) et dont le dernier, le fils du Censeur, a laissé des livres s
nombreux et si importants qu'il a été à l'origine de tous les autres ( filius
53. Si Ton voulait évaluer le degré de ses connaissances juridiques, on dirait,
qu'il s'agit d'un iuris studiosusś Pour cette catégorie de juriste en dessous de juris
consulte, cf. O. Behrends, Der assessor zur Zeit der klassischen Rechtswissenschaft ,
dans S Z 86 (1969), p. 203 seqq.
54. Pomp. Ib. sg. ench. D 1, 2, 2, 38-41.
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
eius ex quitus ceteri oriuntur) 55. Ces autres, ce sont d'abord les trois
fundatores iuris civilis P. Mucius, Manilius et Brutus, ainsi que leurs
nombreux disciples (parmi eux Rutilius et Tubero) et finalement le fils
de P. Mucius, Q. Mucius Scaevola, qui (§ 42) ius civile constituit generatim in libros octo et decern redigendo. Si l'on réfléchit bien à cette
continuité toujours maintenue, le récit de Pomponius prend une tout
autre signification. Ce déroulement qui commence avec les cunabula,
passe par les Catons et les fundatores iuris par excellence et aboutit au
premier système général, n'apparaît comme rien d'autre que l'évolution
d'une prise de conscience grandissante et méthodique de la jurisprudence
une fois devenue littéraire.
A la différence des jurisconsultes du troisième siècle (Appius Claudius
Caecus Centemmanus, Sempronius Sophus, Gaius Scipio Nascia, auquel
on avait donné une maison sur la via sacra, quo facilius consuli posset ,
Quintus Maximus, Tiberius Cornuncianus) 56, qui ont contribué à la jurisprudence uniquement par des responsa et dont les actes nous restent par
conséquent presque totalement inconnus, il y a, à partir de Sextus Aelius,
un esprit tout à fait nouveau, un goût systématique et littéraire, qui est
dû sans aucun doute à l'influence de la culture grecque 57. L'ouverture
du monde clos des juristes pontificaux, effectuée déjà par Appius Clau-
dius, Sempronius Sophus et Tiberius Cornuncianus, s'achève. A partir
d' Aelius, les juristes commencent à vouloir s'introduire dans la culture
générale et il semble bien que le poète Ennius ait compris les aspirations
d' Aelius lorsqu'il le célébrait dans ses vers comme catus et bene cordatus .
Si l'on se souvient de l'estime fort réduite où la société romaine tenait le
poète à cette époque, il y a dans l'acceptation même de cette louange de
la part d' Aelius le témoignage d'un certain esprit moderne et hellénique.
8. - Avant d'aborder une première définition des veteres, il convient
de dire un mot encore sur la question essentielle, à savoir si, comme nous
le soutenons, l'influence philosophique, saisissable à partir d'Aelius, a
été vraiment inspirée du Portique. Un aperçu général de la philosophie
grecque exerçant une influence à Rome confirmera cette opinion. A cette
époque, le domaine de l'éthique et de toute la philosophie juridique était
dominé par une lutte acharnée entre les deux écoles, celle de la Nouvelle
55. Pomp. Ib. sg. ench. D 1, 2, 2, 38 hos (sc. Sex. et P. Aelius et P. Atilius)
sectatus ad aliquid est Cato, deinde MARCUS CATO princeps Porciae familiae,
cuius et libri extant : sed plurimi filii eius ex quibus ceteri oriuntur. Puisque le
Censeur (né en 234, consul en 195, mort en 149) était un contemporain de ceux qu'il
aurait suivi, on peut conclure, que la première mention de Caton avant le « deinde »
n'est qu'une de ces maladresses qu'on trouve si souvent dans l'enchiridion. Cf.
Krüger, Quellen des röm. Rechts2 , p. 59, n. 19. Quant à l'attitude méthodique des
Catons, cf. plus bas II-8, notes 65 et 66.
56. Pomp. Ib. sg. ench. D 1, 2, 2, 35-37.
57. Dans le même sens, Schulz, Geschichte der röm. Rechtswissenschaft , p. 42,
mais cf. supra, n. 40.
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Académie, c'est-à-dire l'école de Platon devenue sceptique, et le Portiq
dont le dogmatisme rigoureux provoquait toujours de nouvelles attaq
de la part des Académiciens 58. Les Péripaticiens, du reste surtout occu
d'enquêtes empiriques, n'étaient même pas admis dans ces disputes, par
que leur enseignement (l'attitude éthique consiste à trouver dans
situation donnée quelconque le juste milieu) paraissait à leurs yeux, et
non sans raison, faible et sans valeur systématique 59. La théorie du d
des Epicuriens était beaucoup plus évoluée, mais pour des hommes qu
appartenaient à la classe dirigeante et qui avaient été formés par
grands événements de la deuxième guerre punique, elle était tout à f
inacceptable à cause de son incivisme et de son matérialisme radical 6
Il fallait donc choisir pour quelqu'un comme Aelius qui voulait pour d
raisons pratiques de jurisconsulte, philosopher un peu, entre la Nouv
Académie et le Portique. Il n'y a pas de doute que son choix se por
sur le Portique. On sait bien que la fameuse ambassade des trois philo
sophes d'Athènes de l'an 155, qui du reste présupposait un intérêt po
la philosophie parmi les membres du Sénat, intérêt connu et expl
par les Athéniens 61, ne fut pas du tout un triomphe pour la brillan
rhétorique de Cameade, le chef de l'Académie, du moins pas aux y
de la classe dirigeante. Au contraire, ses dons dialectiques, sa capa
à changer brusquement de points de vue semblaient plutôt inquiétant
Seules les idées des Stoïciens, représentées alors par Diogene de Ba
lone, avec son sens du devoir public, sa croyance dans les valeur
correspondaient à ce que les Romains de ce temps pensaient et ch
chaient. Seule cette philosophie était apte à donner à leur propre trad
tion, où l'on trouvait le culte de la fides publica ainsi que l'exigence d
la fides privata 62, une nouvelle splendeur. Qu'un Aelius ne pen
pas autrement, nous l'avons trouvé mentionné dans l'introduction de V
integrum restitutio . Nous pouvons maintenant le prouver par la continuit
manifeste du stoïcisme dans la jurisprudence post-aélienne. Laéliu
58. Cf. par exemple, Max Pohlenz, S toa und Stoiker, dans Artemis , Zürich,
Stuttgart 19642, p. 176 seqq., et plus généralement, Edwyn Bevans, Stoics and
Sceptics, Oxford, 1913.
59. Cicero, Academici I, 9, 33 : Aristoteles igitur primus species quas paulo
ante dixi {sc. de vita et moribus) labefactavit, quas mirifice Plato erat amplexatus,
ut in iis quiddam divinum esse diceret. Theophrastus ... vehementius etiam fregit
quodam modo auctoritatem veteris disciplinae; spoliavit enim virtutem suo decore
imbecillamque reddidit , quod negavit in ea sola positum esse beate vivere. ... 10, 35
Zeno (le stoïcien) igitur nullomodo is erat qui ut Theophrastus nervos virtutis
inciderit : Cic., Tusc. disp. III, 11, 22 : Peripatetici ... mihi non sane probant. Omne
enim malum, etiam mediocre , malum ešt.
60. Cf. Robert Philippson, Die Rechtsphilosophie der Epikureer, dans Archiv
für Geschichte der Philosophie (1910), p. 290-337; 433-446. Hermann Usener,
Epicurea, 1887, p. 263 seqq.
61. Pour les motirs de 1 ambassade, Mommsen, dans Kom. ir esc niente 11 (1902)%
p. 413 seq.
62. K. Latte, Rom. Religionsge schichte (1960), p. 237; Luigi Lombardi, Dalla
fides alla bona fides (1961).
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
stoïcien et ami de Scipion, dont les connaissances en droit ont été louées
par Manilius 63, a été nn auditeur passionné d'Aelius 64. Même dans la
fameuse règle catonienne formulée par Caton le Censeur ou par son fils,
il y a un esprit pénétrant et à la fois résolu de prendre au pied de la lettre
les règles internes des institutions testamentaires et sans aucun égard
pour les intérêts des partis 65, esprit qui est tout à fait le même que celui
déployé par Mucius dans la causa Curiana; et la distinction bien raisonnée
entre les faits indivisibles et les faits divisibles, attribuée à un Caton, trahit
une culture méthodique considérable 66. Tubero enfin, ce stoïcien c6nfirmé qui appartenait au même groupe, égalait (selon les dires de Cicerón
dans sa monographie sur la jurisprudence) ses maiores dans la connaissance du droit, mais en doctrine, c'est-à-dire en théorie et en théorie
stoïcienne, il les dépassait de beaucoup 67. Il en résulte clairement, que
les maiores de Tubero s'étaient déjà aventurés dans cette étude de la
philosophie stoïcienne, bien que plutôt comme des amateurs cultivés
éclectiques qui maintenaient une certaine distance.
9. - Voici donc une première définition des veteres ou maiores . Ce
sont des juristes qui, dès le début du IIe siècle, c'est-à-dire à partir de
l'époque qualifiée d'hellénistique par l'illustre F. Schulz 68, ont posé les
bases du droit privé romain, devenu une science littéraire en s'inspirant de
plus en plus de la philosophie stoïcienne. Leur fin culmine avec Q. Mucius
Scaevola p. m. Après lui (sa mort violente survenue en 82 av. J.-C. peut
vraiment servir de symbole) c'est une rupture brutale. C'est la fin d'une
époque extrêmement riche et profondément féconde. On doit même
constater que cette jurisprudence n'a jamais trouvé, même plus tard à
l'époque impériale, de véritables successeurs, tellement complet était le
triomphe de ses adversaires. Il y a seulement - mais c'est en réalité
63. Cic., De re pubi. I, 13, 20 : tum MANILIUS : pergisne eam, Laeli, artem
inludere (il venait de faire une plaisanterie avec Yinterdictum uti possedette), in qua
primum excellis ipse , deinde sine qua scire nemo potest quid sit suum quid alienum ?
64. Cf. supra, n. 39.
65. Cf. M. Käser, Rom. Privatrecht P, § 187, 1, 1, p. 754.
66. Cf. Paul 12 Sab. D 45, 1,4, 1; Knütel, Stipulatio poenae (1976), p. 62, n. 29.
On peut y ajouter Celsus 39 Dig. D 50, 16, 98, 1 : ' Cato putat mensem intercalarem
additicium esse : omnesque eius dies pro momento temporis observât extremoque
diei mensis februarii adtribuit Quintus Mucius, parce que Caton y montre une très
grande liberté vis-à-vis de la notion de temps et sans être, lui, admis dans le collège
pontifical (cf. Schulz, Geschichte d. röm. Rechtswiss., p. 46), tandis que chez
Mucius la théorie stoïcienne du temps (supra, n. 49) et le savoir rituel des pontifes
(cf. O. Behrends, Zwölftafelprozeß [1974], p. 73) s'amalgament.
67. Aulu-Gelle, Noct. att. 1, 22, 7 : M. autem Cicero in libro, qui inscriptus est de
iure civili in artem redigendo, verba haec posuit : Nec vero scientia iuris maioribus
suis Q. Aelius Tubero (consul 118) defuit doctrina etiam superfuit. In quo loco
superfuit significare videtur supra fuit et praestitit superavitque maiores suos doctrina sua, superfluenti tamen et nimis abundanti; disciplinas enim Tubero stoicas et
dialécticas percalluerat. Il faut noter la critique : Tubero n'a pas su garder la juste
mesure d'un Sex. Aelius avec son- « philosophari se velie, sed paucis ».
68. Geschichte der röm. Rechtswissenschaft, p. 44.
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Okko Behrendt
beaucoup pour nous, qui sommes curieux de connaître d'avantage
que cette jurisprudence avait créé - un lien que l'on pourrait dire soute
rain, qui relie les veteres, à l'école Sabinienne, surtout à travers l'œuv
de Mucius. Cette école juridique qui se constitua, on le sait bien, pres
en même temps que le principát d'Auguste, a puisé beaucoup dans l'hé
tage des veteres 69, bien que Sabinus, Cassius et ses disciples, ne prof
saient pas du tout une attitude philosophique ou a fortiori stoïcienne.
peut même dire - nous n'avons encore rien trouvé qui le contredi
que toutes les opinions qui caractérisent l'école sabinienne et qui la dist
guent si nettement de l'école proculienne remontent à l'enseignement
veteres et forment, vues ainsi, un tout cohérent et inspiré par la théo
stoïcienne. On comprend du reste comment Sabinus, cet humble prof
seur de droit qui enseignait pour vivre, ait pu oser, et avec un tel succ
se séparer, si profondément et en des matières si nombreuses et si imp
tantes, d'une autorité telle que celle de Labéon, son aîné presque d'une
génération et, comme on le sait, le père spirituel de l'école proculienn
dans laquelle plus tard se réunirent les juristes résolus à défendre
idées de la nouvelle jurisprudence contre les principes des veteres adop
par les Sabiniens 70.
m
1. - D'où venaient donc ces juristes qui avec leur critique ont mis à
l'écart la jurisprudence des veteres, des maiores , des iuris auctores et
pour quelles raisons leur triomphe a-t-il été si complet ? Nous avons au
début de notre texte mentionné déjà le nom d'un représentant de cette
nouvelle jurisprudence : celui de Servius Sulpicius Ruf us; sa vie et sa
carrière sont vraiment très révélatrices quant à l'origine du nouveau courant. Servius Sulpicius avait débuté - nous l'avons dit - comme rhéteur
à côté de son ami Cicerón et avait fait comme lui ses études à l'école de
69. Voir les exemples cités supra, 1-1; il est significatif aussi que Sabinus ait
utilisé pour son ius civile le système de Mucius; cf. Wieacker, dans IURA 20
(1969), p. 466, avec des renseignements ultérieurs.
70. Ce n'est pas, bien sûr, ici le lieu d'approfondir cette conception des deux
écoles impériales. Il nous suffit de signaler qu'elle cadre parfaitement avec les
éléments dégagés naguère par Peter Stein, The Two Schools of Jurists in the Early
Roman Principáte, dans The Cambridge Law Journal 1972, p. 8-31, en tant que
traits caractéristiques des deux écoles; et aussi avec le fait, que vient de confirmer
Detlef Liebs, Rechtsschulen und Rechtsunterricht im Prinzipat, Aufstieg und Niedergang der antiken Welt II 15, p. 215/6 et n. 119 a que l'école proculienne a été une
création provoquée par celle des Sabiniens. Mais cf. encore plus bas III-5.
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
la Nouvelle Académie dominée alors par Philon de Larissa 71, la rhéto-
rique étant le domaine de l'école sceptique, surtout depuis le brillant
Camèade. Cette combinaison de scepticisme et de rhétorique n'était du
reste ni gratuite ni fortuite, car si l'on ne croit pas qu'il y ait un critère
de la vérité, une forme de science certaine, il faut savoir donner par le
discours à ce qui paraît probable et utile, le plus grand degré d'évidence
et d'acceptation universelle. Mais ce qui est plus important pour nous,
c'est que cette école avait aussi développé une théorie très élaborée du
droit qui s'était du reste développée comme toute la doctrine sceptique au
cours d'une dispute ininterrompue avec le dogmatisme du Portique. Le
contenu de cette théorie nous est conservé surtout chez Cicerón, qui a
écrit presque toutes ses œuvres en tant qu'adhérent fidèle et représentant
actif de cette école 72. Dans la rhétorique romaine cette influence
n'était d'ailleurs pas chose nouvelle. Bien avant Cicerón et Servius, on la
trouve déjà très nettement chez le grand orateur Licinius Crassus, col-
lègue de Mucius au consulat de l'an 95 et son adversaire dans la causa
Curiana , où il déployait avec un succès retentissant son savoir dialectique dans le domaine du droit. Il le devait à sa formation, bien attestée,
dans l'école sceptique 73. Ensuite c'était surtout Aquilius Gallus, le prêteur de l'an 66, maître de Servius et avant lui le juriste le plus productif,
qui avait travaillé selon la nouvelle méthode 74. Mais il est prouvé par
l'ouvrage anonyme : Ad Herennium, écrit aux environs de 86-82, qui
témoigne déjà d'une fusion des catégories du système sceptique et de la
jurisprudence romaine, que cette dernière avait adopté en partie, bien
avant Aquilius, cette nouvelle théorie amenée à Rome par la rhétorique.
Nous assistons ainsi à une coopération intense entre rhéteurs et juristes
« modernistes » 75. Cette coopération que l'on trouve donc à côté de la
jurisprudence des veteres dominante encore a sans doute été l'une des
conditions principales favorables à la victoire éclair de la nouvelle jurisprudence, qui intervint quelques vingt ou trente ans après la mort de
Mucius en 82. Cette circonstance n'apparaît cependant que comme une
raison très extérieure. Pour comprendre à fond ce revirement méthodique
71. Cf. l'important article de K. v. Fritz, dans Pauly-Wissowa, Realenzykl.
(1938) s. v. Philon 40), 2535-2544 et mes remarques dans le travail cité supra ,
n. 10, p. 274 (12).
72. Cf. Philippson, dans Pauly-Wissowa (1939) s. v. Tullius 1 104/5.
73. Hàpke, dans Pauly-Wissowa (1926) s.v. Licinius 55, 267.
74. Le résultat le plus illustre en est la creation de Y actio de dolo avec un fondement purement factuel. Cf. plus loin n° 79.
75. Cf. la partitio iuris au service de la consîitutio iuridicalis absoluta, auct. ad
Herennium II 13, 19 et la ratio iuris (e media illa nostra Academia) Cic., part , orat.
37, 129 seqq. (40, 139), toutes les deux sont façonnées selon les exigences du droit
romain positif. Un bel exemple de la productivité de cette coopération en est la trichotomie actio, petitio, persecutio, qu'on trouve utilisée dans le status translativus
de la rhétorique (auct. ad Herennium 2, 12, 18) et dans la stipulatio Aquiliana
(IJ 3, 29, 2). Cf. en outre mon explication de la trichotomie dans le compte-rendu
de Fuenteseca, dans SZ 88 (1971), p. 463-467.
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de la jurisprudence républicaine, il faut prendre en considération
contenu de la nouvelle doctrine et aussi la situation sociale des juriste
qui la soutenaient.
2. - En analysant le différend entre les maiores et les juristes de la
nouvelle école, représentés par Cicerón, sur les devoirs du vendeur, no
avons déjà pu entrevoir un trait essentiel de la nouvelle jurisprudenc
la lutte contre le principe de la bonne foi, qui autorisait le juge à for
muler des devoirs très exigeants ou regardés comme tels. Cette lutte f
menée avec la conviction que le droit romain ne reconnaissait pas
principe indépendant de la bonne foi, et que toute cette mytholo
stoïcienne qui le justifiait avec ses fables d'un âge d'or, non encore to
à fait révolu et à côté du droit strict, était fausse. A la vérité, le dro
romain positif ne reconnaît que ce qui est établi manifestement dans d
institutions juridiques, et cela se réfère, dans l'exemple des vices cach
à ce qui se trouve dans la loi des douze tables et dans l'édit des éd
curules 76. Là où les règles positives se taisent, il y a pleine liberté. No
connaissons avec précision l'origine de cette doctrine élaborée : c'est
critique académique de Cameade telle qu'elle fut transmise par Philon
Larissa à Cicerón et, ainsi qu'il convient d'ajouter, à la jurisprude
contemporaine, surtout à Servius. Celui-ci, à l'inverse de ce qu'ens
gnaient les veteres et les philosophes stoïciens, défendait le droit du v
deur d'une maison empestée de passer le vice sous silence, et cela,
nom de la iustitia civilis, du droit positif 77.
Le fondement de cette théorie était une généralisation à l'ensemble d
droit, de la primauté des institutions que les veteres prônaient pour
droit strict, tout en plaçant celle-ci sous un jour nouveau. Loin d'être
signe de l'abaissement partiel de l'humanité, les institutions juridique
témoignaient du progrès des civilisations et du chemin parcouru par
76. Cic., De re pubi. III, 19, 29 (ex Lact. inst. 5, 16, 5 - 13) : bonus vir , inąuit
(Carneades) si habeat servum fugitivum vel domům insalubrem ac pestilentem,
quae vitia solus sciat , et ideo proscribat ut vendat, utrumne profitebitur fugitivum
se servum vel pestilentem domum vendere, an celabit emptorem ?... (je laisse de
côté le fameux argument de Camèade qui traite le problème de savoir si l'on a,
dans un naufrage, droit à une planche, déjà prise par un autre et qui suit le même
principe d'un égoïsme naturel) 20, 30... quod si fecerit, sapiens sed idem malus , si
non fecerit , iustus sed idem stultus sit necesse est. Ita ergo iustitiam cum in duas
partes divisisset, alteram civilem esse dicens alteram naturalem, utramque subvertit
(se. Camèade; c'est Lactance qui recite) quod illa civilis sapientia sit quidem , sed
iustitia non sit, naturalis autem illa iustitia sit quidem, sed non sit sapientia ,
arguta haec plane ac venenata sunt, et quae M. Tullius (Cicerón en tant que
disciple de Philon de Larisse) non potuerit refellere ; nam cum faciat Laelium Furio
respondentem pro iustitiaque dicentem, inrefutata haec tamquam foveam praetergressus est, ut videatur idem Laelius non naturalem, quae in crimen stultitiae
venerat , sed illam civilem défendisse iustitiam, quam Furius sapientiam quidem
esse concesserat, sed iniustam. Cicerón professe donc ici la même attitude positiviste
que dans le De officiis 3, 13, 54 seqq., mais il nous laisse entrevoir la source de ses
convictions.
77. Voir la note precèdente.
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
hommes depuis leurs origines primitives. Si l'on détruisait les institutions,
ce serait de nouveau le règne de la violence. Cette conviction profonde de
la nouvelle jurisprudence qui est à la base de toute son œuvre (et par-là
aussi à la base de la jurisprudence classique) exigerait, pour bien mettre
en relief son importance, l'introduction d'un néologisme, le positivisme
institutionnel.
Pour le droit des obligations, cette théorie était apte à clarifier les
règles du jeu commercial. Au lieu d'être livrés à l'interprétation que le
juge faisait de la bonne foi, l'ensemble des droits et des devoirs devenait,
surtout grâce à l'œuvre de Servius, une fonction en principe tout à fait
prévisible et nettement dégagée des institutions. La technique utilisée
pour parvenir à ce but est clairement visible dans les sources du droit
romain classique. On formulait une liste exclusive des contrats et des
causes extra-contractuelles et l'on précisait d'une manière très restrictive
le contenu des obligations qui en résultaient 78. En plaçant l'édit du
préteur sous ce nouveau principe, on réduisait le pouvoir du magistrat.
Le préteur ne promettait plus dans son édit qui, à cette époque, devint le
centre de la préoccupation littéraire, de moyens juridiques sauf dans
des cas où l'utilité sociale était manifeste 79 et de plus en agissant ainsi
(cela est encore plus significatif) il ne suivait plus un principe général
(comme auparavant l'idée du ius gentium ), mais il prenait en considération seulement le fait social brut. Dorénavant, l'évolution du droit devrait
être ponctuelle et purement factuelle, in factum concepta et non plus
in ius 80.
Ces innovations portaient la marque d'une empreinte purement libérale.
On en avait assez de ces principes dynamiques du droit de gens et de la
bonne foi, qui donnaient aux magistrats et aux juges la puissance redoutable de créer des obligations ou de déposséder quelqu'un de son droit.
On voulait au contraire une société où le citoyen connût avec précision
les engagements qu'il contractait et les droits subjectifs dont il disposait.
C'est dans cet esprit qu'on a, pour ainsi dire, desséché la source du droit
de gens, droit spéculatif, par l'intermédiaire d'un positivisme institutionnel élaboré.
3. - On ne s'étonnera donc pas de trouver que, politiquement, ce
mouvement était orchestré par la bourgeoisie, cette espèce de « tiers
état » regroupé surtout dans l'ordre équestre et représentant la fraction
78. Le résultat de ce travail se trouve incorporé pour sa meilleure part dans le
système classique du droit des obligations.
79. Je dirai même que la coutume des laudationes edicti, cette preoccupation
de rendre manifeste l'utilité sociale des remedia praeîoris remontent aux premiers
commentaires de l'édit faits par Servius et son disciple Ofilius. Cf. Krüger, Quellen
des röm. Rechts, p. 68 et n. 34, 41.
80. Cf. mes remarques dans le compte- rendu de Watson, dans SZ 92 (1975),
p. 302 seq. et à propos de Y actio de dolo de Aquilius Gallus, op. cit. (n. 10) p. 279
(35).
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la plus puissante du parti populaire, tel qu'il était formé par les Gracques
Servius Sulpicius, malgré le patriciat un peu vieillot de sa famille, était n
ďun pater equestri loco comme Cicerón 81. Cette classe riche et entrepre
nante qui se définissait par le cens ploutocratique et non par une quelcon
que position sociale, était aussi derrière la loi Cornélienne de 66 qui liai
formellement à l'édit annuel la jurisdiction du magistrat 82. Même les pr
jets de codification poursuivis quelque temps par Pompée et plus vigoureusement par César 83, prenaient en compte leurs intérêts et, selon tout
vraisemblance, étaient inspirés par la nouvelle jurisprudence : Servius
devait son ascension au consulat à une liaison avec Pompée 84, tandis qu
son maître-disciple Ofilius avait servi César comme principal conseiller
juridique 85.
Vue ainsi, l'apparition de la nouvelle jurisprudence se place dans une
évolution plus générale (si savamment décrite par Friedrich Münzer) 86,
celle du déclin de l'ancienne noblesse régnante, en commençant par les
Gracques et l'ascension toute parallèle de la bourgeoisie équestre.
Ces nouveaux hommes, qui participaient au pouvoir politique, surtout
en tant que juges en matières privées et pénales, n'avaient aucune raison
d'aimer la doctrine des veteres et plusieures de s'en méfier. Quant à la
répartition du pouvoir dans l'Etat, l'idéologie des veteres devait leur
paraître d'un traditionalisme rigoureux, tendant nettement à exclure les
roturiers. Car la règle des veteres : nemo sibi ipse causam possessionis
mutare potest, qui est un des piliers du droit strict de la propriété,
s'étendait dans son esprit aussi à l'ordre social : chacun doit être à sa
place et personne ne peut changer d'état et de situation par ses propres
moyens. Ce n'était donc pas seulement l'homo novus Cicerón qui avait
souffert de cette attitude. L'idée du ius gentium n'y changeait rien et
n'apportait aucune récompense à la bourgeoisie équestre. Les principes de
ce droit équitable étaient plutôt aptes à interférer en matière commer81. Pomp, lb sg. ench. D 1, 2, 2, 43; pour les sympathies enracinées et durables
qu'éprouvait et manifestait Cicerón à l'égard de l'ordre équestre, cf. Eduard Meyer,
Caesars Monarchie und das Prinzipat des Pompe jus 1922)8, p. 120.
82. Le tribun de la plebe C. Claudius appartenait au parti populaire, mais c etait
plutôt un modéré énergique. Cicerón l'a défendu dans une causa intentée par le
parti sénatorial, en raison entre autre des relations entre Cornélius et Pompée.
Cf. Münzer, dans Pauly-Wissowa (1900) s.v. Cornelius 18, 125 seqq.
83. Voir en dernier lieu Watson, Law Making in the Roman Republic (1974),
p. 94.
o4. Munzer, dans Pauly- Wissowa s.v. Sulpicius 95), 851 (853).
85. E. Meyer {supra, n. 81), p. 499, pense avec raison que les travaux d'Ofilius
devaient servir de base à la codification césarienne, comme probablement ceux de
Servius pour celle de Pompée. Il est néanmoins très vraisemblable qu'il y a eu chez
d'autres juristes beaucoup de critiques et de réserves à l'égard de ces projets. Cf.
Ed. Meyer, p. 240 et Schulz, Geschichte d. röm. Rechtswiss., p. 71, qui pourtant
prend à tort la jurisprudence pour un bloc homogène.
86. Friedrich Munzer, Römische Adelsparteien und Adelsfamilien 1920, p. 283
seqq. y 320 seqq.
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
ciale en contrôlant de très près et d'une manière imprévisible les pratiques
qu'on y appliquait. Ces idées pouvaient en outre servir à l'ancienne
noblesse de prétexte pour dédaigner les bourgeois, avides de réaliser des
profits dans le commerce. Car ces hommes nobles se sentirent obligés et
capables de vivre la solidarité humaine initiale, en mettant de côté, pour
eux-mêmes, le droit strict. Leur richesse foncière les exemptait des nécessités commerciales et ils n'acceptaient entre eux que des échanges de dons
en rejetant tout profit. Il y a encore aujourd'hui un vestige de cette attitude
dans les honoraires, c'est-à-dire à l'origine, les dons qu'on offre à un
médecin ou à un avocat en remerciements de ses services 87. Cicerón nous
raconte une anecdote qui y a trait : le noble juriste Mucius voulant
acheter un fonds de terre en demandait le prix au vendeur et y ajoutait
tout de suite une somme très considérable pour égaler la vraie valeur de
cette pièce de terre. Cicerón critique cette action d'une manière révélatrice
qui en principe professe la règle classique : in pretio licet se circumve nire 88, et parfaitement claire du point de vue de sa clientèle politique,
l'ordre équestre {De off. 3, 15, 63) : Scaevola factum ... piacere nullo modo
potest ... nec gratia est. - L'action de Mucius ne peut plaire en aucune
façon...; ni ne trouve grâce chez personne. A la vérité ce comportement
était tout à fait dans l'esprit de la noblesse, et il a, comme tel, certes non
seulement plu au vendeur, mais aussi au public noble. Cet aristocratique
manque d'intérêt de la noblesse romaine pour les nécessités économiques
est encore accentué par le fait que le philosophe le plus aimé de cette
classe, Panétius qui était lui-même un noble de Rhodes, a laissé totalement de côté dans son œuvre, comme le lui reprochera plus tard Cicerón
(De off. 2, 24, 86), les devoirs commerciaux ou patrimoniaux d'un
père de famille.
4. - Mais ce qui devait être le comble aux yeux de la classe commerciale et possédante, c'est que les idées de la noblesse n'étaient même pas
sûres à l'encontre des mouvements révolutionnaires. On avait pu voir les
résultats d'un stoïcisme de gauche. Le philosophe stoïcien Blossius
de Cumes avait été l'ami et le conseiller intime du noble Tiberius
Gracchus; et on se souvenait bien que ce même Blossius, après la déf
de la politique de Tiberius, s'était rendu à Pergame, où l'imposteur A
tónikos avait libéré tous les esclaves et fondé la cité du soleil, Héliopolis 89. De même les théories des veteres sur la propriété et sur l'esclavage pouvaient paraître faibles.
87. Ulp. 24 ed. D 11, 6, 1 pr. : Ideo autem hanc actionem proposait (sc. praetor)
quia non crediderwit veteres inter talem personam (sc. mensorem) locationem et
conductioncm esse, sed magis operam beneficii loco praeberi et id quod datur ei,
ad remunerandum dari et inde honorarium appellari.
88. Käser, Rom. Privatr. F, § 48, n. 2, p. 194.
89. Klebs, dans Pauly-Wissowa (1897) s.v. Blossius 1), 571; Wilcken, ibid.
(1896), s.v. Aristonikos 14), 962 seqq.
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Okko Behrendt
Pour les veteres, l'essentiel de la propriété se trouvait dans l'usa
accordé par le droit de gens et de la Cité qui, par conséquent, pou
en régler le contenu 90. Tout à fait différent était le système de la no
velle jurisprudence, pour lequel la propriété devenait un vrai droit fon
mental, fondé sur la force individuelle et nullement dû à la cité. Celle
au contraire n'était constituée que pour la sauvegarde de la propri
théoriquement plus vieille qu'elle 91. C'est aussi à cette notion de propr
individuelle et souveraine que la nouvelle jurisprudence soumett
l'esclave. Les veteres reconnurent bien sûr l'esclavage, mais pour
l'état de servitude n'excluait pas que l'esclave fît partie de la soci
humaine en tant que personne juridique. Un bon exemple de cette att
tude est que l'adoption d'un esclave paraissait possible aux veteres
alors que la nouvelle jurisprudence traitait l'esclave comme une r
soumise à la propriété, et avec lequel il n'y pouvait avoir que des rela
tions de pur fait 93.
5. - La nouvelle jurisprudence, c'est-à-dire surtout celle de Serv
Sulpicius et de ses disciples, s'élaborait donc en parfaite harmonie av
les préoccupations de la classe sans doute la plus puissante économiqu
ment de l'Empire. Leur travail en fut vraisemblablement stimulé. Le
quelques 140 livres de Servius et ensuite les 180 livres de ses fidè
compilés par Namusa, embrassaient tout le droit privé et ont fini pa
s'imposer 94. La jurisprudence des veteres avec son dualisme entre
droit strict et nécessaire et un droit humain empreint de solidarité
anéantie. La victoire appartenait au positivisme juridique. Il est as
curieux de constater que la Nouvelle Académie ait pu ainsi réussi
éliminer du droit, non seulement le droit naturel du stoïcisme, mais à
vérité toute philosophie. Désormais, le droit ne reconnaissait pl
comme droit que ce qui était bien établi dans les institutions. L
beauté interne du rigorisme de l'éthique stoïcienne fut remplacée pa
90. Cela résulte de tout leur système de droit réel comme cela est visible surto
chez les Sabiniens. La démonstration mènerait ici trop loin et sera faite ailleurs.
91. C/. pour une étude plus approfondie de ce point de vue mon travail :
Römische Privatrechtsordnung und Grundrechtstheorie qui sera publié procha
ment dans la nouvelle série JuS-Didaktik. Sozialwissenschaften im Studium d
Rechts. Band IV Rechtsgeschichte. Beck-Verlag, Stuttgart.
92. 1J 1, 11, 12 : Apud Catonem bene scriptum referí antiquitas , servi si a
domino adoptad sint, ex hoc ipso posse liberari. Même Sabinus tiendra plus ta
cette pratique pour inadmissible (Aulu-Gelle, 13 sq.) : inquit si iuris ista antiqu
servetur (c'est-à-dire de procurer par l'adoption les droits de l'ingénuité à un libert
e ti am servus a domino per praetorem dari in adoptionem potest. Idque ait pleros
iuris veteris acutores posse fieri scripsisse. On se souvient que pour le Port
l'esclave n'était qu'un perpetuus mercennarius (v. Arnim, St- VF III, p. 86).
y 3. L, obligation naturelle, aont i origine en tant que concept remonte, a mon avis,
à la nouvelle jurisprudence, ne fait pas exception, parce qu'elle vise une relation
purement factuelle.
94. Kruger, Geschichte der Quellen u. Litteratur des römischen Rechts 19 122,
p. 68 seqq. (72 et n. 66).
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Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
beauté d'un système artificiel, par un esthétisme, animé par le sens de
l'élégance et de la beauté propre aux constructions juridiques. Toutefois,
partout où il manquait des institutions auxquelles la volonté des personnes privées devait se conformer, c'était la liberté naturelle qui l'emportait. Le résultat était assez souvent un libéralisme excessif. La doctrine
victorieuse laissait ici une grande tâche que la jurisprudence impériale
résoudra à partir de Labéon et de Sabinus, dans les deux écoles d'une
manière assez différente. Labéon en transformant les catégories de la nou-
velle jurisprudence, Sabinus en retournant d'une manière élective aux
principes des veteres .
Okko Behrends.
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