Les « veteres » et la nouvelle jurisprudence
Qui donc étaient ces veteres dont l'œuvre est mise au tri par la juris-
prudence postérieure ? Les sources ne nous disent rien de précis et elles
contraignent l'historien à l'hypothèse. Kaser identifie les veteres avec les
juristes des trois derniers siècles de la République 4, c'est-à-dire
avec toute la jurisprudence ancienne une fois sortie de l'anonymat du
collège pontifical 5. Cette explication au premier abord tout à fait plau-
sible, surtout quant au rattachement des veteres à la République, est
susceptible, comme nous verrons d'une double précision. Car, dans une
acception plus générale et plus rare aussi, le terme de veteres embrasse
même les auteurs des douze tables6. Si l'on s'en tient cependant à un
usage plus technique, le terme de veteres ne remonte pas plus haut qu'au
début du deuxième siècle et laisse même de côté la plus grande partie des
70 dernières années de la République, qui finit le 13 janvier 27 a. C. La
langue bien connue, qui réunit les avis des veteres et l'adhésion à ceux-ci
de Sabinus et Cassius, et qui est, malgré quelques variations, presque
stéréotypée 7, remplit donc un espace de temps considérable et exacte-
ment (comme nous le fait voir déjà le langage de quelques sources) 8? le
temps écoulé entre la mort de Mucius (82 a. C.) et les années d'ensei-
gnement de Sabinus qui coïncident probablement à peu près avec le règne
de Tibère (14-37) et de Claude (37-54) 9. Ce grand laps de temps n'était
4. Dans son article Zur juristischen Terminologie der Römer, dans Studi Biondi I
(1965), p. 97.
5. C/. Pomponius lb. sg. enchiridii D 1, 2, 2 §§ 6/7 et 36 sqq.
6. Gaius I, 145 : veteres in honorem sacerdotii (sc. virginum Vestalium ) liberas
esse voluerunt : itaque etiam lege XII tabularum cautum est. D'autres exemples
d'un emploi en tant que terme générique se réfèrent aussi à la jurisprudence non
encore littéraire : Gaius IV 11, 30. Pour Seckel, Heumanns Handlexikon der
römischen Quellen , 9e éd. Iena 1907, sub hoc verbo, le terme aurait dans le langage
des juristes classiques un sens tout à fait relatif : un juriste qui a vécu longtemps
avant celui qui le cite. Cela est contredit par ses propres preuves et par celles
maintenant fournies par le Vocabularium lurisprudentiae Romanae V (1939) s.v.
veteres 1329/30 qui s'accordent toutes dans le sens de la jurisprudence littéraire
républicaine. Le seul fragment qui semble traiter de veteres commentant la loi
Falcidia de 40 ap. J.-C. et qui était peut-être décisif pour Seckel, n'est qu'une
preuve apparente parce que, d'après toute vraisemblance, l'interprétation des veteres,
abandonnée par Ariston et Julien et reçue par Paul ( lb . sg. leg. Falc. D 35, 2, 1,
9), s'était formée à partir des devanciers de la lex Falcidia, la lex Furia testamen-
taria entre 204 et 169 a. C. et la lex Voconia de 169 a. C. Cf. Käser, Rom. Privat -
recht P § 188 S. 756.
7. A côté du fragment Ulp. 18 Sab. D 12, 5, 6, cité dans le texte, cf. Paul 8
Sab (?) Fr. Vat. 1 : itaque et veteres putant et Sabinus et Cassius scribunt ; Paul 54
ed. D 41, 2, 3, 18 : plerique veterum et Sabinus et Cassius recte responderunt; Pomp.
Ib. sg f ideie. D 35, 2, 31 secundum Cassii et veterum opinionem.
8. Cf. Ulp. 17 Sab. D 7, 8, 10 ... apud veteres quaesitum est : Rutilius (l'ami ame
de Mucius)... ait; Gaius I 188 : de ea re valde veteres dubitaverunt. nos qui dili -
gentius hunc tractatum exsecuti sumus et in edicti interpretatione et in his libris ,
quos ex Q. Mudo fecimus. Pour les liaisons scientifiques et d'ailleurs bien connues,
qui relient l'école sabinienne à l'œuvre de Mucius voir plus bas II-9. Cf. ici encore
Venul. 16 s tip. D 21, 2, 75 : Quintus Mucius et Sabinus existimant...
9. Sabinus vivait encore sous Néron (54-68), mais avait déjà sous Tibère, donc
avant 37, cinquante ans accomplis. Cf. Steinwenter, dans Pauly- Wissowa Realenzy-
klopädie (1920) s.v. Sabinus 29, 1600.
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