146 CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
A. Égalité des droits, des situations,
des chances p. 286-287
Doc.1 Les différentes dimensions de la notion d’égalité
1. L’égalité des droits implique seulement la possibilité
d’accès à un ensemble de ressources (par exemple, en
France, l’abolition de l’esclavage en avril 1748 supprime
une inégalité de droit). L’égalité des situations implique de
faibles écarts entre les ressources dont disposent les indi-
vidus (en faisant abstraction des inégalités liées aux milieux
social et familial ; l’école publique offre globalement un
même niveau et une même qualité d’enseignement à tous).
L’égalité des chances implique l’existence d’une compétition
(pour des postes hiérarchisés) qui ne favorise aucune origine
sociale en particulier (l’école en tant que mode de formation
et de sélection des travailleurs vise dans l’idéal l’égalité des
chances, soit une sélection au strict mérite).
2. Historiquement, c’est d’abord le combat pour l’égalité
des droits qui prime. Ensuite, l’idéal d’égalité des situa-
tions, apparaissant comme difficilement atteignable, lais-
serait place à un modèle dit méritocratique qui limite (et
légitime) l’inégalité des situations.
3. L’égalité des chances implique une hiérarchisation en
fonction des mérites individuels : elle va donc de pair avec
une certaine inégalité des situations, ne serait-ce qu’en
termes de pouvoir.
4. Les politiques dites d’égalité des chances peuvent être
contre-productives, lorsqu’elles culpabilisent et découragent
certains élèves en échec scolaire par exemple (voir Doc. 1
p. 298).
Doc.2 Les inégalités de salaire entre hommes et femmes
5. D’après l’INSEE, en 2010 en France, le salaire des
femmes travaillant à temps complet valait en moyenne
82,4 % de celui des hommes à temps complet.
6. Le graphique met en évidence une inégalité de situa-
tions entre hommes et femmes (mesurée ici par le salaire).
Indirectement, cela traduit une inégalité des chances (donc
une discrimination lors du recrutement) sur le marché du
travail.
7. Entre 1852 et 2011, en France, le rapport de salaires
femmes/hommes a augmenté de 17,5 points de pourcentage,
soit un accroissement de 27 %. Cela revient à une dimi-
nution des inégalités de salaire entre hommes et femmes.
8. Les écarts mesurés doivent être interprétés avec prudence.
Ils signifient d’abord qu’en moyenne, pour des temps
complets, les femmes occupent des postes moins élevés dans
la hiérarchie des emplois, donc moins bien rémunérés que
ceux des hommes. La réussite scolaire avérée des filles, en
amont, laisse penser que ces salaires moindres ne résultent
pas d’une moindre efficacité mais de la reproduction d’iné-
galités en fonction du sexe.
Doc.3 L’inégalité des droits entre hommes et femmes
9. Non. En 1789, seuls les hommes obtiennent le droit de
vote.
10. Au plan des droits civils, les femmes ont dû attendre
1907 pour disposer librement de leur salaire et 1965
pour pouvoir exercer une activité professionnelle sans en
demander l’autorisation à leur mari. Au plan des droits
politiques, les droits de vote et d’éligibilité ne leur sont
accordés qu’en 1944.
11. La loi sur la parité de 2000 semble avoir permis une
réduction des écarts entre hommes et femmes (+ cinq points
de pourcentage d’élues au parlement entre 2000 et 2012).
Cependant, une parité « parfaite » n’a toujours pas été atteinte
(seulement 25 % de femmes élues au Parlement en 2012).
Doc.4 L’inégalité des capitaux à l’origine de l’inégalité
des chances
12. Le capital culturel désigne l’ensemble des « ressources
culturelles » socialement et économiquement valorisables
par les individus (il comprend le diplôme, la maîtrise de la
langue, la possession de livres ou d’œuvres d’art, etc.). Le
capital social désigne l’ensemble des liens sociaux sociale-
ment et économiquement valorisables.
13. La réussite scolaire est positivement corrélée au « niveau »
de capital culturel transmis par la famille, de même que le
capital social accroît les chances d’obtenir une bonne posi-
tion professionnelle. En cela, les inégalités de capital culturel
et de capital social expliquent l’inégalité des chances entre
groupes sociaux.
FAIRE LE POINT
1. Faux ; 2. Faux ; 3. Faux ; 4. Vrai
B. Inégalités et justice sociale p. 288-289
Doc.1 L’égalité des chances plutôt que celle des situations
1. L’idéal d’égalité des places est associé à un État-providence
fort et à une redistribution importante des revenus, dans le
cadre d’une représentation « classiste » de la société. L’idéal
d’égalité des chances s’inscrit dans le cadre d’une représen-
tation plus « individualiste » (qui comprend la reconnais-
sance de « minorités », non de classes sociales) de la société,
et entend davantage lutter contre les discriminations que
contre l’exploitation.
2. Assez logiquement, la pression exercée par la mondia-
lisation sur le financement de l’État-providence contribue
à en délégitimer l’action (les systèmes sociaux et fiscaux
sont mis en concurrence : cf. Dossier 3 B. Docs. 3 et 4). La
montée de l’individualisme (corollaire de l’affaiblissement
de certaines solidarités comme celles qui liaient le milieu
ouvrier) explique aussi le recul de l’idéal d’égalité des places.
3. Si certains individus sont discriminés (c’est-à-dire traités
différemment) en raison de critères autres que leur seul
mérite relatif, alors il apparaît clairement que cela contre-
vient à l’égalité des chances. C’est le cas lorsqu’on accède
moins facilement à un emploi en raison de son sexe, de ses
« origines ethniques », etc.
Doc.2 Différents modèles de justice sociale
4. Un certain sens commun voudrait qu’une plus grande
égalité des situations (ou des chances) soit « évidemment »
juste et souhaitable par tous. Il faut bien se garder de telles
évidences : une politique n’est « juste » qu’en regard de la
conception de la justice sociale à partir de laquelle on
l’évalue. Le document propose de distinguer trois grands
modèles de justice sociale, dont deux sont pratiquement
incompatibles : la justice sociale libertarienne (la liberté et
la propriété individuelles priment sur tout autre principe) et
la justice sociale égalitariste (l’égalité des situations prime
et permet l’exercice d’une liberté « réelle »). Souvent décrite