Justice sociale et inégalités Comment les pouvoirs publics peuvent

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REGARDS CROISÉS – THÈME 1
Manuel p. 282 à 283
Justice sociale et inégalités
Ce thème analyse l’action publique au prisme des questions de justice sociale et
d’inégalités. Il comprend un seul chapitre (Comment les pouvoirs publics peuvent-ils
contribuer à la justice sociale ?). Il s’agira de présenter les différentes conceptions de la
justice sociale (à partir de la question : existe-t-il des inégalités justes ?) pour ensuite
se demander si et comment les pouvoirs publics peuvent contribuer à cette dernière.
Doc. 1 La journée internationale des droits des femmes
Les progrès réalisés en termes d’égalité des droits depuis
la fin du xviiie siècle ont d’abord et surtout bénéficié aux
hommes, notamment en ce qui concerne le droit de vote.
C’est après 1945 dans de nombreux pays que le 8 mars
devient symboliquement la « journée de la femme », lors
de laquelle est revendiquée une plus grande égalité entre
hommes et femmes.
Doc. 2 « Discriminer, c’est un délit »
Cette affiche a pour objectif de sensibiliser les citoyens au
fait que les actes discriminatoires sont interdits et condamnés
par la loi (le délit se situe entre la simple contravention et le
crime) ; c’est donc que la société les juge contraires au bienvivre ensemble et à la justice. Discriminer consiste à traiter
différemment des individus : l’affiche interpelle quant au fait
qu’un individu peut être défavorisé par la seule couleur de sa
peau ou de ses yeux, et met en scène une femme (les femmes,
sur le marché du travail notamment, subissent de nombreuses
discriminations).
CHAPITRE 10
Comment les pouvoirs publics
peuvent-ils contribuer à la justice
sociale ?
I. PRÉSENTATION DU CHAPITRE
L’objet de ce chapitre est d’étudier les outils mis en œuvre par les pouvoirs publics
afin d’assurer une certaine justice sociale. On présentera les fondements de ces politiques en précisant la notion de justice sociale et en la rapportant à celle d’inégalité
(Dossier 1. Les fondements des politiques de lutte contre les inégalités). Il s’agira
ensuite de questionner la diversité, l’évolution (Dossier 2. Les politiques de lutte
contre les inégalités) mais aussi et surtout l’efficacité relative de ces outils (Dossier
3. Les limites des politiques de lutte contre les inégalités).
144
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
Manuel p. 284 à 311
Ressources numériques liées au chapitre
Vidéos
• Touche pas à ma ZEP ! (AFP, 2014), p. 284
www.lienmini.fr/magnard-ses-020
• Comment calcule-t-on l’impôt sur le revenu ? (Dessine-moi l’éco, 2013), p. 293
www.lienmini.fr/magnard-ses-021
• La discrimination positive à Sciences Po (France 2, 20H, 2005), p. 294
www.lienmini.fr/magnard-ses-022
• Pauvreté et solidarité. Entretien avec Serge Paugam (La Vie des idées, 2008),
p. 297
www.lienmini.fr/magnard-ses-023
• Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? (Dessine-moi l’éco, 2013), p. 299
www.lienmini.fr/magnard-ses-024
Schéma-bilan
• Schéma de synthèse du chapitre, p. 304
II. RÉPONSES AUX QUESTIONS
Sensibilisation p. 284
Les questions 1, 2, 3, 4 et 6 portent sur la vidéo.
1. Enseignants et parents craignent de ne pas obtenir le label
REP à la faveur de la réforme, ce qui réduirait les moyens
dont dispose leur collège.
2. Le classement REP est attribué lorsqu’une part importante des élèves vient d’un milieu social ou d’un territoire
défavorisés.
3. Les enseignants touchent une indemnité, ont une
décharge de temps de travail, l’effectif des classes est
moins important et des budgets supplémentaires peuvent
être alloués pour réaliser certains projets (sorties scolaires,
activités culturelles et sportives notamment).
4. Sortir de l’éducation prioritaire ferait perdre les avantages cités, le collège deviendrait encore moins « attractif ».
Les stratégies d’évitement de la part des familles pourraient
alors renforcer la « ghettoïsation » (processus d’isolement).
5. L’étiquette ZEP, pendant les années 1990 et 2000, était
souvent présentée comme un « stigmate » en termes de capital
scolaire, qu’il fallait éviter. Être passé par une ZEP pouvait
être perçu comme un handicap pour trouver un emploi.
6. ZEP et REP permettent dans une certaine mesure de
limiter inégalités et ségrégation scolaires. L’efficacité de ces
politiques est limitée : les moyens consacrés ne seraient pas
suffisants, et les effets pervers (voir Dossier 3) du « label
REP » nombreux.
Ressource numérique
Vidéo
• Touche pas à ma ZEP !
✔ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder
librement à la vidéo.
www.lienmini.fr/magnard-ses-020
Fin 2014, alors que la nouvelle carte de l’éducation
prioritaire doit être dévoilée (les « REP » remplacent les
« ZEP »), certains établissement se mobilisent contre leur
sortie probable de la carte. Au collège Gustave Courbet
de Romainville (93), parents d’élèves et enseignants
bloquent l’établissement pendant une semaine pour
alerter les pouvoirs publics.
DOSSIER 1. Les fondements des politiques de lutte contre les inégalités
➜ Mise en œuvre dans le manuel
Le programme officiel
On s’interrogera sur les fondements des politiques de lutte
contre les inégalités en les reliant à la notion de justice
sociale ; on rappellera à ce propos que toute conception de
la justice doit répondre à la question : « L’égalité de quoi ? ».
On distinguera égalité des droits, égalité des situations et
égalité des chances.
NOTION DE T : • égalité
LE
p. 286-289
L’égalité désigne toujours l’égalité de quelque chose. On
distinguera l’égalité des droits, l’égalité des situations et
l’égalité des chances (A. Égalité des droits, des situations,
des chances). La priorité donnée à telle ou telle forme
d’égalité permettra ensuite de définir différents modèles
de justice sociale. En dernier ressort, une inégalité n’est
juste qu’à condition d’être subjectivement perçue comme
telle, selon le système de valeurs auquel on adhère (B.
Inégalités et justice sociale).
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
145
A. Égalité des droits, des situations,
des chances
p. 286-287
Doc. 1 Les différentes dimensions de la notion d’égalité
1. L’égalité des droits implique seulement la possibilité
d’accès à un ensemble de ressources (par exemple, en
France, l’abolition de l’esclavage en avril 1748 supprime
une inégalité de droit). L’égalité des situations implique de
faibles écarts entre les ressources dont disposent les individus (en faisant abstraction des inégalités liées aux milieux
social et familial ; l’école publique offre globalement un
même niveau et une même qualité d’enseignement à tous).
L’égalité des chances implique l’existence d’une compétition
(pour des postes hiérarchisés) qui ne favorise aucune origine
sociale en particulier (l’école en tant que mode de formation
et de sélection des travailleurs vise dans l’idéal l’égalité des
chances, soit une sélection au strict mérite).
2. Historiquement, c’est d’abord le combat pour l’égalité
des droits qui prime. Ensuite, l’idéal d’égalité des situations, apparaissant comme difficilement atteignable, laisserait place à un modèle dit méritocratique qui limite (et
légitime) l’inégalité des situations.
3. L’égalité des chances implique une hiérarchisation en
fonction des mérites individuels : elle va donc de pair avec
une certaine inégalité des situations, ne serait-ce qu’en
termes de pouvoir.
4. Les politiques dites d’égalité des chances peuvent être
contre-productives, lorsqu’elles culpabilisent et découragent
certains élèves en échec scolaire par exemple (voir Doc. 1
p. 298).
Doc. 2 Les inégalités de salaire entre hommes et femmes
5. D’après l’INSEE, en 2010 en France, le salaire des
femmes travaillant à temps complet valait en moyenne
82,4 % de celui des hommes à temps complet.
6. Le graphique met en évidence une inégalité de situations entre hommes et femmes (mesurée ici par le salaire).
Indirectement, cela traduit une inégalité des chances (donc
une discrimination lors du recrutement) sur le marché du
travail.
7. Entre 1852 et 2011, en France, le rapport de salaires
femmes/hommes a augmenté de 17,5 points de pourcentage,
soit un accroissement de 27 %. Cela revient à une diminution des inégalités de salaire entre hommes et femmes.
8. Les écarts mesurés doivent être interprétés avec prudence.
Ils signifient d’abord qu’en moyenne, pour des temps
complets, les femmes occupent des postes moins élevés dans
la hiérarchie des emplois, donc moins bien rémunérés que
ceux des hommes. La réussite scolaire avérée des filles, en
amont, laisse penser que ces salaires moindres ne résultent
pas d’une moindre efficacité mais de la reproduction d’inégalités en fonction du sexe.
Doc. 3 L’inégalité des droits entre hommes et femmes
9. Non. En 1789, seuls les hommes obtiennent le droit de
vote.
10. Au plan des droits civils, les femmes ont dû attendre
1907 pour disposer librement de leur salaire et 1965
pour pouvoir exercer une activité professionnelle sans en
demander l’autorisation à leur mari. Au plan des droits
146
politiques, les droits de vote et d’éligibilité ne leur sont
accordés qu’en 1944.
11. La loi sur la parité de 2000 semble avoir permis une
réduction des écarts entre hommes et femmes (+ cinq points
de pourcentage d’élues au parlement entre 2000 et 2012).
Cependant, une parité « parfaite » n’a toujours pas été atteinte
(seulement 25 % de femmes élues au Parlement en 2012).
Doc. 4 L’inégalité des capitaux à l’origine de l’inégalité
des chances
12. Le capital culturel désigne l’ensemble des « ressources
culturelles » socialement et économiquement valorisables
par les individus (il comprend le diplôme, la maîtrise de la
langue, la possession de livres ou d’œuvres d’art, etc.). Le
capital social désigne l’ensemble des liens sociaux socialement et économiquement valorisables.
13. La réussite scolaire est positivement corrélée au « niveau »
de capital culturel transmis par la famille, de même que le
capital social accroît les chances d’obtenir une bonne position professionnelle. En cela, les inégalités de capital culturel
et de capital social expliquent l’inégalité des chances entre
groupes sociaux.
FAIRE LE POINT
1. Faux ; 2. Faux ; 3. Faux ; 4. Vrai
B. Inégalités et justice sociale
p. 288-289
Doc. 1 L’égalité des chances plutôt que celle des situations
1. L’idéal d’égalité des places est associé à un État-providence
fort et à une redistribution importante des revenus, dans le
cadre d’une représentation « classiste » de la société. L’idéal
d’égalité des chances s’inscrit dans le cadre d’une représentation plus « individualiste » (qui comprend la reconnaissance de « minorités », non de classes sociales) de la société,
et entend davantage lutter contre les discriminations que
contre l’exploitation.
2. Assez logiquement, la pression exercée par la mondialisation sur le financement de l’État-providence contribue
à en délégitimer l’action (les systèmes sociaux et fiscaux
sont mis en concurrence : cf. Dossier 3 B. Docs. 3 et 4). La
montée de l’individualisme (corollaire de l’affaiblissement
de certaines solidarités comme celles qui liaient le milieu
ouvrier) explique aussi le recul de l’idéal d’égalité des places.
3. Si certains individus sont discriminés (c’est-à-dire traités
différemment) en raison de critères autres que leur seul
mérite relatif, alors il apparaît clairement que cela contrevient à l’égalité des chances. C’est le cas lorsqu’on accède
moins facilement à un emploi en raison de son sexe, de ses
« origines ethniques », etc.
Doc. 2 Différents modèles de justice sociale
4. Un certain sens commun voudrait qu’une plus grande
égalité des situations (ou des chances) soit « évidemment »
juste et souhaitable par tous. Il faut bien se garder de telles
évidences : une politique n’est « juste » qu’en regard de la
conception de la justice sociale à partir de laquelle on
l’évalue. Le document propose de distinguer trois grands
modèles de justice sociale, dont deux sont pratiquement
incompatibles : la justice sociale libertarienne (la liberté et
la propriété individuelles priment sur tout autre principe) et
la justice sociale égalitariste (l’égalité des situations prime
et permet l’exercice d’une liberté « réelle »). Souvent décrite
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
comme « libérale modérée », la conception méritocratique
cherche à concilier liberté et égalité.
5. Dans l’ordre : Rawls ; Hayek ; Marx.
6. L’idéal d’égalité des chances est à rapprocher du modèle
méritocratique-rawlsien ; celui d’égalité des situations de
l’idéal égalitariste-marxien.
Doc. 3 L’égalité des situations : arguments contre,
arguments pour
7. Dans une société à la fois ouverte et concurrentielle,
l’existence d’inégalités élevées peut être perçue comme un
aiguillon stimulant l’activité individuelle : soit pour accéder
à des positions relativement élevées, soit pour ne pas occuper
les places les plus dévalorisées.
8. Des individus égaux au plan des revenus par exemple ne
sont pas nécessairement identiques : ils peuvent user de leurs
ressources de manière distincte. Inversement, des individus
différents (ne parlant pas la même langue, ne disposant pas
des mêmes diplômes, etc.) ne sont pas nécessairement inégaux
sur tous les plans (revenus, accès à la protection sociale, etc.).
9. Les défenseurs de l’inégalité économique (la tradition
libérale en particulier) considèrent que l’égalité implique
nécessairement une intervention excessive des pouvoirs
publics (sous forme d’impôts et de redistribution), privant
les individus de la libre jouissance des revenus que les mécanismes de marché (donc la concurrence) leur ont permis de
« gagner ». C’est une forme parmi d’autres d’aliénation de
la liberté (et de la propriété) individuelle(s).
10. Dans l’ordre : « l’égalité des situations n’implique pas
nécessairement l’uniformité » ; « L’inégalité décourage les
plus faibles et les maintient dans le dénuement, ce qui
constitue une forme de « gaspillage » au plan du bien-être
global » ; « L’inégalité engendre nécessairement l’exploitation des plus faibles et ne leur permet en rien d’accéder à
la liberté ».
Doc. 4 L’(in)-égalité n’est (in)-juste que si elle est perçue
comme telle
11. D’après l’enquête barométrique réalisée pour la Drees,
en 2013, 76 % des sondés considéraient la société française
comme plutôt injuste, 22 % comme plutôt juste. 87 %
pensaient que les inégalités avaient plutôt augmenté au cours
des cinq années précédentes, 83 % qu’elles allaient plutôt
augmenter dans l’avenir.
12. Si l’on en croit les résultats de l’enquête, le sentiment que
la société française est plutôt injuste est en augmentation
entre 2000 et 2013. Sur la même période, une part plus
importante (et proche de 90 %) estime que les inégalités ont
augmenté et vont continuer de le faire, ce qui peut traduire à
la fois une certaine lucidité (les inégalités sociales sont effectivement en hausse) et un certain pessimisme. On peut aussi
supposer que les deux évolutions sont logiquement corrélées : la France est un pays où les inégalités sont relativement réduites et où la « passion pour l’égalité » (Tocqueville)
demeure vivace ; d’où le sentiment d’une société à la fois plus
inégalitaire et plus injuste.
13. Le texte présente le modèle de justice méritocratiquelibéral comme dominant aux États-Unis, pendant qu’en
Europe les individus seraient plus attachés à la redistribution
donc à une certaine égalité des situations. La notion de
justice, relative, relève aussi de déterminants propres à une
histoire et à une « culture ».
FAIRE LE POINT
Prône l’égalité
des droits
Idéal libertarien
Idéal égalitariste
Idéal
méritocratique
Prône l’égalité
des situations
DOSSIER 2. Les politiques de lutte contre les inégalités
Le programme officiel
On analysera les principaux moyens par lesquels les
pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale :
fiscalité, redistribution et protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations.
NOTIONS DE T : • discrimination • assurance/assistance
• services collectifs • fiscalité • prestations et cotisations
sociales • redistribution • protection sociale
ACQUIS DE 1 re : • État-providence • prélèvements obligatoires • revenus de transfert
Prône l’égalité
des chances
p. 290-295
La redistribution permet aux pouvoirs publics de réduire les
inégalités des chances et des situations. Les prélèvements
progressifs ou le versement de minima sociaux opèrent une
redistribution verticale. Le pilier assurantiel permet une
redistribution horizontale (B. Redistribution et réduction
des inégalités).
LE
➜ Mise en œuvre dans le manuel
Les prélèvements obligatoires (comprenant la fiscalité et
les cotisations sociales), puis la fourniture de services collectifs et le versement de revenus de transfert, sont les outils
permettant aux pouvoirs publics d’opérer une redistribution des richesses (A. Les mécanismes de la redistribution).
A. Les mécanismes
de la redistribution
p. 290-291
Doc. 1 Du revenu national au revenu disponible
(par adulte et par mois, moyenne en 2010)
1. RDB = Revenu avant prélèvements (ou « revenu primaire »)
- prélèvements obligatoires (impôts à l’exclusion des impôts
indirects et cotisations sociales) + revenus de transfert.
2. La redistribution s’opère en amont, par les prélèvements
obligatoires qui peuvent peser plus ou moins sur les revenus
primaires ; elle s’opère aussi en aval, par le versement de
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
147
revenus de transfert (liés à la protection sociale) et la fourniture de services collectifs en nature.
3. Non, la protection sociale est aussi financée par la fiscalité (pour le versement des revenus d’assistance).
4. Si les services publics étaient privatisés, ils ne seraient
produits qu’à condition d’être rentables et profitables. Il est
probable qu’alors les ménages les plus pauvres ne disposent pas
de revenus suffisants pour en acquitter le prix (l’éducation, par
exemple, deviendrait un service marchand comme un autre).
Doc. 2 Le budget de l’État ventilé par « missions »
(en milliards d’euros) : loi de finance 2014
5. Plusieurs missions ont pour objet explicite la lutte contre
les inégalités : « solidarité, insertion et égalité des chances ;
« égalité des territoires, logement et ville » ; d’autres missions
sont censées y contribuer indirectement (Enseignement
scolaire, Travail et emploi).
6. Premier poste : « Enseignement scolaire » (65 milliards) ;
deuxième poste : « Engagements financiers de l’État »
(50,9 milliards).
7. Enseignement scolaire : 21,3 % des dépenses de l’État.
8. Les dépenses de l’État ne représentent « qu’ » un tiers
environ du total des dépenses publiques. Les dépenses de
protection sociale en représentent presque la moitié.
9. Un lycéen peut bénéficier : de l’enseignement public ; de la
défense du territoire par l’armée ; de la protection physique par
les services de sécurité ; d’un système judiciaire ; de mesures
territoriales préférentielles s’il vit dans une « zone prioritaire ».
Doc. 3 Assurance et assistance
10. Un système d’assurance subordonne le versement de
prestations au fait d’avoir participé au financement du
risque (on parle alors de prestations contributives) ; un
système d’assistance effectue des versements en fonction
des besoins des individus ou des ménages « sans contrepartie
de cotisation » (on dit des prestations versées qu’elles sont
« non contributives »).
11. Prestations relevant d’une logique d’assurance : remboursements et pensions maladie ; allocations chômage ; pensions
de retraite. Prestations relevant d’une logique d’assistance :
RSA, ASS, ASPA (voir encadré).
12. Le versement de prestations sociales sans contrepartie
peut paraître légitime si l’on considère : 1) que les individus
les plus pauvres ne sont pas entièrement responsables de leur
sort ; 2) qu’il existe un « devoir social de solidarité » envers
les plus démunis ; 3) que même les plus démunis paient des
impôts via les taxes sur la consommation (TVA, TIPP) par
exemple (voir Dossier 2, Doc. 4 p.291).
13. L’assistance, par son mécanisme même, contribue forcément à réduire les inégalités de situations (seuls les plus
démunis en bénéficient et voient leurs revenus se rapprocher
de ceux du reste de la population). L’assurance, bien qu’opérant
une redistribution horizontale, peut aussi réduire les inégalités
de situations (à supposer que la réalisation des risques sociaux
comme le chômage ou la maladie touche en probabilité plus
les ménages situés au bas de l’échelle des revenus).
Doc. 4 Les prestations de protection sociale en France
(en millions d’euros, en 2011)
14. Part des prestations « maladie » : 27 % environ ; part des
prestations « vieillesse-survie » : 45 % environ. Soit, si on les
additionne, plus de 70 % du total.
148
15. L’évolution de la structure par âge de la population
(vieillissement) depuis une quarantaine d’années ainsi que
l’allongement de l’espérance de vie expliquent en grande
partie ce phénomène.
16. On constate sur le diagramme en bâtons que la plupart
des prestations relèvent du mécanisme d’assurance. Le
modèle français de protection sociale demeure majoritairement « bismarckien » (ou assuranciel).
FAIRE LE POINT
Le pilier assurantiel de la protection sociale est financé par
les cotisations sociales et verse des prestations contributives. Son pilier assistanciel est financé par les impôts et
verse des prestations non contributives (sans contrepartie).
Les impôts servent aussi à financer la production de services
collectifs.
B. Redistribution et réduction
des inégalités
p. 292-293
Doc. 1 Comment justifier les politiques de redistribution ?
1. Le premier argument (couverture des besoins jugés
fondamentaux) renvoie implicitement à la notion d’égalité « en dignité et en droits ». On peut en effet considérer
que ces « besoins fondamentaux » sont indispensables au
respect de la dignité de chacun mais aussi à la capacité
individuelle d’exercer ses droits. Un individu ne pouvant
assurer une hygiène ou des vêtements décents pas exemple
éprouvera toutes les difficultés à se faire respecter et/ou
accepter dans les diverses sphères de la vie sociale (école,
travail, etc.), quand bien même il aurait légalement le
« droit » d’y accéder.
2. D’après le tableau, les trois types d’instruments redistributifs sont favorables à l’égalité des chances, soit à une attribution des places en fonction du mérite. Seul le deuxième
argument justifie explicitement la redistribution (les impôts
progressifs en l’occurrence) par ses vertus méritocratiques
(« corriger les inégalités non imputables au seul mérite individuel »). En pratique, il est très difficile de savoir à partir
de quel seuil les inégalités ne reflètent plus les mérites individuels relatifs.
Doc. 2 Services collectifs et réduction des inégalités
3. Les services collectifs (infrastructures, éducation, etc.)
étant gratuits (parce que financés par l’impôt), ils bénéficient aussi aux plus démunis ; s’ils étaient marchands, ces
derniers n’y auraient probablement pas accès. En cela, ils
permettent de réduire les inégalités de situations, puisque
leur financement pèse avant tout sur ceux qui versent d’importants impôts.
4. Si on prend l’exemple de l’éducation (écoles publiques,
bibliothèques municipales, centres culturels), on s’aperçoit
que son caractère collectif-public (fourniture universelle)
favorise l’égalité des chances : même ceux qui ne disposent
dans leur famille que de faibles ressources culturelles
peuvent partiellement combler ce manque grâce aux services
collectifs.
5. L’Éducation nationale opère une redistribution horizontale (c’est-à-dire en fonction de critères autres que le niveau
de revenu ou le patrimoine) dans la mesure où le « bénéfice »
qu’elle apporte croît avec le nombre d’enfants. F. Dubet
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
explique qu’elle opère aussi, indirectement, une redistribution verticale puisque, statistiquement, les ménages avec
plus de trois enfants ont un niveau de vie plus faible que les
autres : l’inégalité de situations diminue via un mécanisme
redistributif pourtant fondé sur l’horizontalité.
Doc. 3 La redistribution réduit les inégalités
6. Le niveau élevé du taux de redistribution pour le premier
décile de revenus (le revenu primaire moyen est multiplié
par 2,41 pour le premier décile, par 1,55 pour le premier
quintile) atteste l’efficacité du système socio-fiscal français
pour les plus démunis : c’est vers eux que se concentre la
redistribution des revenus (le taux de redistribution est
quasi-nul pour le deuxième quintile, négatif pour les quintiles les plus élevés).
7. Le taux de redistribution décroît au fur et à mesure que
l’on monte dans la hiérarchie des revenus des ménages : le
système socio-fiscal opère bien une redistribution verticale
(il est globalement progressif : voir Doc. 1 note 1, p. 292).
8. Le taux de redistribution est comparativement bien plus
élevé pour D1 que pour D10. Cela indique d’une part que
le système socio-fiscal est faiblement progressif pour les plus
hauts revenus ; d’autre part que cela est dû à l’existence d’une
sécurité sociale protectrice (notamment via le versement de
revenus d’assistance non contributifs) et de l’exemption de
l’impôt sur le revenu pour les plus modestes (ainsi, logiquement, que des impôts sur le patrimoine puisque les ménages
situés dans D1 en sont peu (ou pas) pourvus).
Doc. 4 Quelques exemples concrets d’outils redistributifs
La question 13 porte sur la vidéo.
9. Si ce sont les vendeurs (les entreprises) qui versent la TVA
aux services fiscaux, celle-ci est en réalité supportée par le
consommateur final.
10. Le taux de TVA étant identique pour tous les consommateurs, cet impôt serait progressif à condition que la part
que représente la consommation dans le revenu augmente
avec ce dernier. Or, empiriquement, c’est l’inverse qui est
vérifié : la TVA pèse proportionnellement plus sur les plus
bas revenus et peut être qualifiée de dégressive. Remarque :
bien qu’il existe des taux différenciés de TVA (qui augmentent pour les biens dits de luxe), l’impact global de cette taxe
demeure anti-redistributif.
11. Si la mise en place de prestations aidant les locataires
à payer leur loyer conduit les propriétaires à augmenter ce
dernier d’une somme équivalente, alors le gain est nul pour
le locataire. Le gain sera positif pour ce dernier si l’augmentation des loyers est suffisamment encadrée et limitée
par la loi.
12. Le texte explique que dans l’enseignement supérieur (ou
« post-bac »), le système public est en réalité anti-redistributif
(il bénéficie proportionnellement plus aux ménages les plus
aisés), effet compensé par les bourses (attribuées en partie
sur critères sociaux) et la progressivité des impôts finançant
l’enseignement supérieur. D’où l’idée de neutralité (ou de
proportionnalité) du bilan redistributif dans le domaine
de l’éducation.
13. L’extrait explique que les taux d’imposition augmentent,
par tranches, au fur et à mesure que les revenus (c’est-àdire leur assiette) croissent. Le taux moyen d’imposition
sur le revenu est donc croissant : c’est un impôt progressif
qui réduit les inégalités de situations.
Ressource numérique
Vidéo
• Comment calcule-t-on l’impôt sur le revenu ?
✓ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder
librement à la vidéo.
www.lienmini.fr/magnard-ses-021
Cette vidéo présente simplement le fonctionnement
progressif par tranches de l’imposition sur les revenus
en France.
Vidéo
Suggestion de question supplémentaire
sur la vidéo
• Quelle est la différence entre un impôt proportionnel au revenu et un impôt progressif ?
Dans le cas d’un impôt proportionnel, le % par rapport
au revenu permettant de calculer l’impôt est toujours le
même : le taux moyen d’imposition est constant.
Dans le cas d’un impôt progressif, le % se calcule par
tranches de revenu et augmente avec le revenu : le taux
moyen d’imposition est croissant.
FAIRE LE POINT
1. Faux ; 2. Faux ; 3. Vrai
C. La lutte
contre les discriminations
p. 294-295
Doc. 1 La mise à l’agenda politique de la lutte
contre les discriminations en France
1. Tous les domaines cités par le Code pénal peuvent faire
l’objet de discriminations dans le monde du travail, à l’embauche notamment (origine, sexe, activités syndicales, etc.).
On peut aussi penser aux discriminations devant l’emprunt
bancaire (état de santé, apparence physique, faible patrimoine). L’appartenance ethnique est souvent dénoncée
comme motif de discriminations multiples (contrôles policiers, obtention d’un entretien d’embauche, entrée en boîte
de nuit, etc.).
2. C’est d’abord sous l’impact de la mobilisation sociale
(notamment des associations de lutte contre le racisme qui
apparaissent dans les années 1980 : cf. Doc. 4 p. 295) et
de la multiplication des travaux sociologiques attestant le
poids (parfois croissant) des comportements dits discriminatoires que la lutte contre les discriminations est devenue un
objectif prioritaire des politiques sociales. L’harmonisation
des législations européennes semble avoir également joué
un rôle. F. Dubet explique par ailleurs que la notion de
discrimination se serait progressivement substituée à celle
d’exploitation dans le langage des luttes sociales (cf. Doc. 1,
p. 288).
3. Les discriminations (soit le fait pour certains individus
d’être traités différemment en raison de critères illégitimes)
portent atteinte aux trois formes d’égalité : une personne
discriminée en raison de ses opinions politiques ou de son
orientation sexuelle n’est pas à égalité de droits avec les
autres, n’a pas les mêmes chances d’accéder aux ressources
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
149
socialement valorisées et, partant, ne peut être à égalité de
situation. On insiste en général sur le caractère anti-méritocratique des discriminations, donc sur le fait qu’elles portent
d’abord atteinte à l’égalité des chances, devenue le principe
dominant de justice sociale (cf. Doc. 1, p. 288).
Doc. 2 Quelques exemples de discrimination positive
dans le monde
La question 7 porte sur la vidéo.
4. On entend par discrimination le fait de distinguer et
de traiter différemment (le plus souvent plus mal) une
personne ou un groupe par rapport à d’autres personnes
ou au reste de la collectivité. On parle de discrimination
positive lorsqu’une personne ou un groupe est favorisé (par
une règle ou une mesure politique) par rapport au reste de
la collectivité en raison du fait que cette personne ou ce
groupe subit par ailleurs une discrimination « négative » (à
son désavantage). La discrimination positive (« affirmative
action » aux États-Unis) a donc pour objet de corriger les
effets des discriminations jugées injustes ou illégitimes.
5. En France, jusqu’à aujourd’hui, et à la différence des
États-Unis, de l’Inde ou du Brésil, la tradition républicaine
universaliste empêche que des critères « ethniques » fondent
une politique de discrimination positive.
6. On ne peut jamais être certain que la discrimination
positive « compense » exactement les discriminations « négatives » subies ; par ailleurs, ce genre de politique peut sembler
à certains injuste et inefficace car non fondée sur quelque
critère lié au mérite. Des individus méritants mais non
discriminés « positivement » peuvent alors s’estimer lésés.
Pour ces raisons, et bien qu’elles soient menées au nom de
l’égalité des chances, les politiques de discrimination positive peuvent aller à l’encontre de la méritocratie.
7. Les anciens élèves de Bondy ayant bénéficié du « concours
réservé » d’entrée à Sciences-Po qui témoignent dans ce
reportage voient d’un œil très positif qu’un tel concours
leur soit réservé. Ils invoquent l’ouverture de perspectives
nouvelles, la prise de conscience de leurs capacités réelles,
le regain de motivation à travailler. Sur place, l’intégration
n’est pas toujours évidente, comme le relate le directeur de
Sciences-Po (des comportements relevant du « racisme antibanlieue » ayant été constatés, et les étudiants expliquent
qu’il leur faut un temps d’adaptation avant de se sentir
légitimes). Le reportage conclut sur le fait que le taux de
réussite des étudiants issus de ZEP est semblable au taux
des autres étudiants.
Doc. 3 Le traitement judiciaire des discriminations
en France
8. Les motifs de plainte les plus fréquents sont liés à
l’origine (ou à la nationalité), à l’état de santé ou à la
grossesse.
9. Le graphique ne présente que les données des plaintes
réellement formulées et traitées par les tribunaux. Or
on peut supposer que de nombreuses discriminations ne
font pas l’objet de plaintes officiellement enregistrées et
traitées par le système judiciaire (en raison de l’autocensure ou de la méconnaissance des lois et des procédures
de défense).
10. L’exemple ici donné (une plainte non déposée) peut
résulter d’un comportement d’autocensure de la part de
Madame X, en partie lié à l’intériorisation de ce que Pierre
Bourdieu appelait la « domination masculine ».
Doc. 4 La diversité contre l’égalité
11. Pour l’auteur, si les politiques de discrimination positive
(qui ont progressivement remplacé les projets de « rupture
avec le capitalisme ») ne sont pas nécessairement inefficaces,
elles font en revanche l’objet d’une instrumentalisation politique visant à légitimer l’augmentation globale des inégalités
de situations. Assurer une certaine « diversité » à tous les
échelons de la société dispenserait de s’interroger sur les
causes profondes (et donc les remèdes) du creusement des
écarts entre riches et pauvres.
12. La discrimination positive, non accompagnée de
mesures fortes de redistribution, reposerait sur une « parodie
de justice sociale ». Selon l’auteur, le combat pour la diversité
et l’égalité des chances n’est pas réellement égalitariste mais
a pour effet (pervers ?) la justification d’un ordre économique libéral très inégalitaire.
Faire le point
La discrimination négative est contraire aux droits fondamentaux. En revanche, la discrimination positive est légale
et a pour but de lutter contre l’inégalité des chances. Mais
celle-ci est parfois dénoncée car elle tend à discréditer les
politiques de lutte contre l’inégalité des situations.
Ressource numérique
Vidéo
• La discrimination positive à Sciences Po
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librement à la vidéo.
www.lienmini.fr/magnard-ses-022
Cette vidéo, à partir de témoignages d’anciens élèves de
ZEP ayant intégré Sciences-Po Paris par un concours
réservé, montre les effets d’entraînement de la discrimination positive dans un lycée défavorisé.
150
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
DOSSIER 3. Les limites des politiques de lutte contre les inégalités
Le programme officiel
On montrera que l’action des pouvoirs publics s’exerce sous
contrainte et qu’elle fait l’objet de débats quant à son efficacité : risques de désincitation et d’effets pervers.
➜ Mise en œuvre dans le manuel
Il arrive qu’une mesure politique visant plus de justice
sociale soit source d’« effets pervers », c’est-à-dire de
conséquences non souhaitées et injustes (A. Risque d’effets
pervers). Les pouvoirs publics peuvent augmenter les prélèvements obligatoires pour mieux lutter contre les inégalités. Mais ils risquent de désinciter les acteurs économiques
à participer activement à la satisfaction de l’intérêt général
(B. Risque de désincitation). Les besoins du marché du
travail contraignent la politique scolaire. La concurrence des
pays où les taux de prélèvements obligatoires sont faibles
pose un problème de financement des politiques sociales
dans les pays développés (C. Les politiques publiques sous
contrainte).
A. Risque d’effets pervers
p. 296-297
Doc. 1 L’inflation scolaire, effet pervers des politiques
de massification
1. Ségréguer signifie séparer. On parle de démocratisation
ségrégative lorsque l’accès à l’école devient effectivement
universel mais que s’opère une hiérarchisation des établissements, des filières et des sections qui sépare en réalité les
enfants en fonction de leur milieu social d’origine, ce qui
favorise la reproduction sociale.
2. La massification scolaire aurait au mieux engendré une
translation des inégalités : la scolarité s’est allongée pour
tous, mais les individus issus de milieux sociaux modestes
demeurent pour la plupart au bas de l’échelle scolaire puis
socio-professionnelle. L’augmentation des inégalités et de la
concurrence dans le monde du travail se serait même répercutée sur l’institution scolaire, les places élevées devenant
plus rares et plus convoitées. Si bien que le diplôme seul ne
suffit plus à opérer une sélection : le capital social est devenu
une ressource indispensable.
3. La phrase soulignée évoque implicitement le « paradoxe
d’Anderson » : des enfants plus diplômés que leurs parents
n’ont pas forcément une position sociale plus élevée. Cela
peut être vécu comme un déclassement (voir les travaux de
Camille Peugny) engendrant, si l’on reprend les termes de
la psychologie sociale, de la frustration et des sentiments
d’injustice. La démocratisation scolaire aboutit alors à l’effet
inverse de celui escompté (c’est-à-dire une société plus juste
au sens de la méritocratie) : il s’agit bien d’un effet pervers.
Doc. 2 L’école républicaine en France,
inégalitaire et moyennement performante
4. Le tableau présente des résultats dans l’ensemble très
« moyens » du système scolaire français. Si l’on excepte l’augmentation de la part d’élèves « très performants » en compréhension écrite, l’école serait de plus en plus inégalitaire (les
écarts se creusent entre les plus performants et les plus en
difficulté) et ne parvient pas à réduire l’échec scolaire (qui
croît lui aussi). Il serait intéressant de connaître par ailleurs
p. 296-301
les limites de l’enquête PISA (qui contient nécessairement
des biais statistiques) ; prendre garde également de ne pas
sur-interpréter le document : l’« échec » relatif de l’école française a sûrement des causes extra-scolaires (augmentation de
la pauvreté et de la précarité par exemple) qui ne sont pas
toujours mises en avant.
5. D’après l’enquête, le poids de l’origine sociale dans la
réussite scolaire est de plus en plus important, signe d’une
école moins méritocratique (ceci confirme l’analyse de M.
Duru-Bellat présentée dans le Doc. précédent) et sans doute
plus « ségrégative » (P. Merle).
6. Ce constat d’une anxiété relativement élevée est difficile à
interpréter, notamment parce qu’il s’appuie sur une somme
de réponses très « subjectives » (on ne sait d’ailleurs pas l’âge
des enfants interrogés sur ce point, ce qui peut constituer un
biais statistique). L’écart présenté est cependant suffisamment important (+ 13 points de pourcentage par rapport à la
moyenne) pour qu’on puisse faire l’hypothèse d’un manque
relatif d’autonomie et de confiance en soi des élèves français
(presque la moitié d’entre eux se disaient « perdus » face à
la résolution d’un problème) par rapport à l’ensemble des
système scolaires testés, et d’un cadre scolaire plus « anxiogène » que la moyenne.
Doc. 3 Les effets pervers des politiques d’assistance
Les questions 7 et 8 portent sur la vidéo.
7. Le RSA, d’un point de vue financier, incite davantage
que le RMI à reprendre une activité en garantissant une
augmentation des revenus (possibilité de cumul entre ces
revenus d’activité et une partie du RSA).
8. S. Paugam estime que le RSA ne peut avoir que des effets
marginaux sur la pauvreté comme phénomène global. Le
fait de pouvoir cumuler petite activité et minima sociaux,
au lieu de faire tremplin vers un emploi stable à temps-plein,
risque de maintenir les individus dans la précarité (les entreprises profitant d’une main-d’œuvre bon marché c’est-à-dire
« mise à disposition ») : le RSA serait alors contre-productif.
Il pourrait l’être aussi dans la mesure où les plus démunis
(ceux qui touchent le RSA-socle) seront plus stigmatisés
en tant que « purs assistés » et ne seront plus au centre de
l’attention des services sociaux comme c’était le cas avec
le RMI.
Ressource numérique
Vidéo
• Pauvreté et solidarité. Entretien avec Serge Paugam
✓ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder
librement à la vidéo.
www.lienmini.fr/magnard-ses-023
Le sociologue Serge Paugam revient sur l’histoire de la
prise en charge publique de la solidarité envers les plus
démunis, et expose les insuffisances et effets pervers des
minima sociaux tels qu’ils existent aujourd’hui.
Doc. 4 Les effets pervers de la discrimination positive
9. Premier effet pervers : les bénéficiaires de la discrimination positive portent cette dernière comme un stigmate
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
151
(perçus comme étant illégitimement favorisés, ils manquent
d’une réelle reconnaissance sociale, voire sont victimes
d’ostracisme). Second effet pervers : les bénéficiaires de
la discrimination positive fournissent peu d’efforts en se
comportant comme des « profiteurs ».
10.
La discrimination positive nuit à ceux qui sont censés en
bénéficier.
La discrimination positive crée une rente de situation pour ses
bénéficiaires.
Effet pervers (stigmatisation)
Rupture du pacte républicain proclamant l’égalité de tous devant la loi
Les bénéficiaires sont des victimes, leur étiquetage contribuant à
affaiblir leur intégration sociale.
Les bénéficiaires sont des « profiteurs » développant une mentalité
d’assistés.
FAIRE LE POINT
Politique égalitaire
Effets pervers possibles
Massification scolaire
Reproduction voire hausse des inégalités
Stigmatisation des bénéficiaires
Mesure d’assistance ou de discrimination positive
B. Risque de désincitation
Émergence d’une catégorie de « profiteurs »
p. 298-299
Doc. 1 Des politiques scolaires méritocratiques
désincitatives
1. La démocratisation scolaire a contribué à accorder
la primauté (voire l’exclusivité) au jugement porté par
l’école sur le « niveau » des individus. Le sentiment d’échec
et d’inaptitude des plus mal notés s’en est trouvé accru.
Mais c’est surtout la diffusion de l’idée d’une école méritocratique ayant une fonction d’« ascenseur social » qui
contribue à décourager les jeunes en échec scolaire. Le titre
de l’article dont est tiré le texte est éloquent : il défend la
thèse d’un « mythe méritocratique comme entreprise de
démoralisation ».
2. Analyse « psychologisante » s’oppose ici à analyse « sociologisante ». Selon la méthode durkheimienne, le sociologue
doit tâcher d’expliquer des faits sociaux (ici la réussite
scolaire) par d’autres faits sociaux (l’origine sociale, la transmission de diverses formes de capitaux, etc.). Sans nier le
rôle joué par la liberté et la responsabilité individuelles,
il s’agit de mettre l’accent sur les grands déterminismes à
l’œuvre et dépassant les volontés individuelles (extériorité
et pouvoir coercitif des faits sociaux pour Durkheim). Une
« analyse psychologisante des rapports sociaux » consiste en
revanche à interpréter les faits sociaux comme résultant des
seules libertés et responsabilités individuelles.
3. Une analyse psychologisante du chômage pourrait
consister à réduire ce phénomène à une somme d’actes
volontaires, délibérés, liés notamment à la paresse et au
manque de « moralité sociale » d’individus cherchant à
« profiter » du système d’aides sociales par exemple. Cela
reviendrait aussi à culpabiliser les chômeurs, rendus seuls
responsables de leur situation. Cela revient enfin à ne plus
considérer l’existence du chômage (comme fait social) mais
seulement celle de chômeurs.
Doc. 2 L’État-providence : déresponsabilisant
et liberticide ?
4. Le texte développe des arguments de type libertarien :
l’État-providence est d’abord critiqué en cela qu’il aliène
les libertés individuelles (« Pourquoi priver le citoyen de la
possibilité de gérer sa propre vie comme il l’entend ? »).
5. L’État-providence serait donc non seulement liberticide,
mais aussi déresponsabilisant : le texte développe l’idée
d’une grande machine censée protéger les individus mais
152
finissant par les surprotéger et leur faire perdre le sens de
l’initiative et de la responsabilité individuelle. Il y aurait un
risque de désincitation (à travailler sérieusement, à prendre
soin de sa santé, etc.) néfaste au plan du bien-être collectif.
6. La Sécurité sociale est en quelque sorte un service
collectif ne discriminant (normalement) pas les individus
(selon leur état de santé, leur niveau de richesse, etc.).
Privatiser ce service le rendrait sans doute moins accessible,
voire inaccessible aux plus démunis, non pas « libres » mais
dans l’incapacité matérielle de souscrire une assurance réellement protectrice contre les risques sociaux. On retrouve
ici l’opposition libertarianisme/égalitarisme : les libertariens
supposent que la privatisation pure et simple stimulerait
chacun et le rendrait capable financièrement d’accéder à une
assurance-maladie privée ; les égalitaristes pensent que les
inégalités résultant des mécanismes de marché sont largement subies et doivent faire l’objet d’une correction par les
pouvoirs publics (cf. Doc. 2 p. 288).
Doc. 3 La courbe de Laffer ou « trop d’impôt tue l’impôt »
7. Les recettes fiscales sont le produit du taux d’imposi-
tion et de la taille de l’assiette globale. Pour Laffer, un taux
d’impôt trop élevé (« trop d’impôt », soit au-delà de t*) a un
effet de désincitation sur les contribuables qui cherchent à
lui échapper et réduisent ainsi la taille de l’assiette imposée
(ce qui « tue l’impôt »).
8. Le raisonnement de Laffer semble rejoindre le rejet de
l’intervention publique caractéristique du modèle libertarien de justice sociale : l’« expropriation » fiscale excessive
est de ce point de vue non seulement liberticide mais inefficace économiquement. Le modèle méritocratique-rawlsien peut aussi correspondre à l’analyse de Laffer, dans la
mesure où un État trop interventionniste ne permettrait ni
de maximiser le sort des plus défavorisés (car inefficace), ni
de respecter le droit de propriété des plus favorisés.
Doc. 4 La désincitation au paiement de l’impôt :
évasion, fraude et paradis fiscaux
Les questions 11, 12 et 13 portent sur la vidéo.
9. Paradis fiscal : territoire où les taux de prélèvements obligatoires sont très faibles.
Fraude fiscale : ensemble des comportements consistant à
éviter illégalement les services fiscaux vis-à-vis desquels on
est redevable, en ne déclarant qu’une partie de son activité, en dissimulant des résultats réels ou en domiciliant de
manière opaque cette activité dans un paradis fiscal.
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
Optimisation fiscale : comportement consistant pour une
entreprise à déclarer l’essentiel de ses profits dans des paradis
fiscaux afin de minimiser son taux d’imposition.
10. Si l’on considère que des politiques égalitaires efficaces
requièrent un État-providence fort disposant de recettes
socio-fiscales élevées, alors on comprend que la multiplication des paradis fiscaux incite les très grandes entreprises à
pratiquer l’évasion fiscale, ce qui grève les recettes de l’État.
L’aspect financier de la « crise de l’État-providence » (selon
l’expression de P. Rosanvallon) n’est en rien étranger à l’existence de paradis fiscaux.
11. Selon l’OCDE, un territoire est classé comme paradis
fiscal lorsqu’il présente les caractéristiques suivantes : 1) un
niveau d’imposition relatif très faible pour les entreprises et
les particuliers ; 2) un manque de transparence sur le mode
de calcul des impôts ; 3) un manque de coopération avec
les autres pays (montants d’impôts déclarés, identité des
déclarants, grâce aux secrets bancaire et juridique).
12. Pour échapper à l’impôt, la plupart des entreprises
créent des sociétés « fictives », ou holdings, domiciliées dans
le paradis fiscal. Ces holdings vendent des produits (biens et
services) à l’entreprise-mère à un prix artificiellement élevé,
ce qui réduit ses bénéfices déclarés donc ses impôts ; dans
le même temps, la holding fait de gros bénéfices mais peu
imposés, grâce au paradis fiscal.
13. Par définition, un paradis fiscal pratique de faibles taux
d’imposition, qui laissent supposer que ses recettes fiscales
sont faibles. Souvent, ce sont de petits territoires avec peu
de ressources et de capacités de production. Mais, si l’on
reprend le raisonnement de Laffer, un très faible taux risque
d’attirer de très nombreuses entreprises ainsi que de riches
ménages, ce qui peut engendrer de substantielles recettes
fiscales, car si les taux d’imposition sont faibles, ils s’appliquent à des sommes très importantes.
Ressource numérique
Vidéo
• Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ?
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Cette vidéo définit la notion de paradis fiscal et présente
les raisons de leur essor.
FAIRE LE POINT
1. Vrai ; 2. Faux ; 3. Vrai ; 4. Vrai
C. Les politiques publiques
sous contrainte
p. 300-301
Doc. 1 Des dépenses d’éducation peu « rentables » ?
1. Un investissement est rentable lorsqu’à terme il rapporte
plus qu’il n’a coûté. Si la massification scolaire, en particulier à l’université, a été faite dans l’espoir que les taux
de croissance économique suivraient les gains en capital
humain, alors le texte nous invite à penser que cet « investissement » fut en partie un échec. Le maintien sur le marché
du travail d’une part importante d’emplois mal payés et
requérant de faibles qualifications peut amener à conclure,
a posteriori, à un manque de « rentabilité » des dépenses
publiques d’éducation.
2. et 3. – Le texte laisse entendre que « bien sûr, nous
pouvons estimer qu’une formation universitaire comporte
des vertus autres qu’économiques ». Parmi ces vertus, 1) le
souci d’assurer une certaine justice sociale (méritocratique
par exemple) : une université entièrement privatisée enlèverait aux couches les moins favorisées toute chance d’ascension sociale ; mais aussi 2) le fait de vivre dans une société
peuplée d’individus issus de tous milieux sociaux ayant la
possibilité d’être curieux, cultivés et de ne pas réduire les
études universitaires à une fabrique de « capital humain ».
– Certes, le texte rappelle que le « marché du travail » est en
inadéquation avec les qualifications de nombreux demandeurs d’emplois. Mais on peut penser qu’à long terme, la
démocratisation scolaire accroîtra les capacités créatives
de la société et facilitera certaines transformations économiques et sociales. Son efficacité ne doit pas être jugée qu’à
courte échéance.
Doc. 2 L’action publique contrainte par un manque
d’attractivité fiscale
4. D’après Eurostat, en France en 2014, les sociétés étaient
en moyenne imposées à hauteur de 38,1 % de leur bénéfice
fiscal.
5. Ce taux d’impôt sur les sociétés est nettement supérieur
(+ 12 à 15 points de pourcentage) à la moyenne des pays de
l’UE (hors France, c’est à noter, car cela augmente l’écart à
la moyenne) ou de la zone euro. On constate également que
le taux de prélèvements obligatoires en France dépasse de
près de 20 points la moyenne de l’UE. Ces chiffres laissent
penser que la France n’est pas « fiscalement attractive » par
rapport à d’autres pays européens, d’où deux conséquences
possibles et non exclusives : une perte de recettes fiscales
sous l’effet de l’évasion fiscale des entreprises ; une incitation
pour les pouvoirs publics à baisser les taux d’imposition
pour gagner en attractivité. Dans les deux cas, cela limite
les marges de manœuvre financières de l’action publique.
6. Homogénéiser les politiques fiscales et sociales en Europe
permettrait d’abaisser la pression concurrentielle précédemment évoquée, souvent appelée « course au moins-disant
fiscal ». L’État-providence et les politiques dites de justice
sociale disposeraient sans doute de moyens plus importants
permettant une « harmonisation par le haut ». Reste à savoir
sur quel(s) pays l’alignement socio-fiscal s’opérerait...
Doc. 3 L’endettement public, une contrainte
pour l’État-providence
7. La dette publique désigne le stock de titres de dette des
administrations publiques (centrales, locales, de Sécurité
sociale) à rembourser auprès de prêteurs à plus ou moins
longue échéance moyennant le paiement d’intérêts. Elle est
« alimentée » par le flux d’éventuels déficits publics.
8. La dette publique en France a fortement augmenté depuis
35 ans, passant de 21,1 % du PIB en 1978 à 95,1 % en 2014
(son ratio a été multiplié par presque cinq). Le rythme
d’augmentation fut le plus fort dans la première moitié des
années 1990 (période de marasme au niveau européen) et
après 2007 (répercussions de la « crise des subprimes »).
9. Un des problèmes que pose un endettement public important quant au financement futur des politiques de justice
sociale est le caractère auto-entretenu de la hausse des intérêts
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
153
dans les remboursements annuels : plus une dette est élevée,
plus le poids des intérêts est important, plus il est difficile de
stabiliser son ratio (a fortiori de le faire baisser). La notion de
« soutenabilité » de la dette publique fait certes débat (à partir
de quel ratio celle-ci serait-elle « insoutenable »?), mais il est
généralement admis qu’un pays dont la dette croît fortement
aura plus de difficultés à financer ses politiques sociales.
Doc. 4 La dette publique, conséquence de politiques
anti-redistributives ?
10. D’après le texte, l’accroissement de la dette publique a
« débuté » par une diminution des recettes publiques (pour
de nombreux pays, dans le sillage des États-Unis au début
des années 1980), non par une augmentation excessive des
dépenses. Ces baisses d’impôts, dont les défenseurs prétendaient qu’elles augmenteraient les recettes fiscales en stimulant la croissance (cf. « effet-Laffer »), n’auraient pas eu l’effet
escompté.
11. Ainsi, non seulement les déficits publics (partant la dette
publique) auraient crû sous l’effet de ces politiques fiscales
(cf. question précédente), mais les inégalités économiques
aussi. Pourquoi ? Certainement parce que les baisses d’impôts ont davantage bénéficié aux plus aisés (le texte parle
de politiques « anti-redistributives »).
12. Cette hypothèse est confirmée par l’idée d’« effetjackpot » ; les plus riches auraient été doublement gagnants :
en payant moins d’impôts, en tirant une rente importante
de l’épargne ainsi dégagée (prêtée aux administrations
publiques à des taux d’intérêt élevés).
Remarque : ces politiques fiscales ne semblent pas favorables à l’égalisation des situations. Mais, d’un point de vue
libertarien, elles ont contribué à la justice sociale.
FAIRE LE POINT
1. Vrai ; 2. Faux ; 3. Faux
Exercices
p. 305-306
1. Vrai ou faux ?
1. Faux ; 2. Faux ; 3. Faux ; 4. Faux ; 5. Vrai ; 6. Faux ;
7. Faux ; 8. Faux ; 9. Faux ; 10. Vrai
Politique visant :
L’égalité des droits
Ex : Instauration d’un droit universel
à une couverture maladie
L’égalité des situations
Ex : Mise en place d ’un impôt
progressif
L’égalité des chances
Ex : Imposition de quotas d’élèves
boursiers dans les grandes écoles
3. Utiliser un texte dans le cadre de la dissertation
ou de l’EC3
1. Le texte explique en quoi la discrimination positive peut
être inefficace, voire engendrer des effets pervers (comme la
stigmatisation de ceux qui en bénéficient). Elle est qualifiée
d’ « écran de fumée » dans la mesure où elle ne viserait pas les
causes réelles des inégalités sociales telles que la ségrégation
urbaine ou le chômage de masse.
Connaissances à mobiliser : discrimination, effets pervers,
inégalités sociales, chômage de masse, égalité des chances,
égalité des situations.
2. Une mesure de discrimination positive telle que les
« conventions ZEP » de Sciences Po Paris ne permet pas de
lutter efficacement contre l’inégalité des chances ». D’une
part, cette mesure ne profite qu’à un petit nombre d’individus. D’autre part, elle peut avoir pour effet pervers de
« stigmatiser » ses bénéficiaires dont la réussite sera imputée
au favoritisme et non au mérite. Le texte souligne que seule
une lutte active contre les inégalités des situations (face
à l’emploi, au plan géographique) permettra de réellement
favoriser l’égalité des chances.
154
2. Faire un schéma
4. Calculer une proportion, lire une évolution
1. Le nombre d’allocataires du RSA socle en France a
augmenté de 14,6 % entre 2006 et 2012.
2. En 2012, 44 % des allocataires des principaux minima
sociaux perçoivent le RSA socle.
3. Le nombre d’allocataires du RSA socle augmente fortement après 2008. Ceci doit s’expliquer en grande partie
par l’augmentation du chômage de longue durée et de la
pauvreté suite à la crise des subprimes.
4. Non. Car on ne sait pas comment a évolué la population
en âge de travailler sur la période considérée, et c’est un
rapport qu’il faudrait calculer.
5. Lire et interpréter une courbe de Lorenz
1. courbe bleue : Les 20 % les plus riches/les plus pauvres en
termes de revenus gagnent 43 %/ 5 % du revenu total avant
redistribution. Courbe rouge : Les 20 % les plus riches/les
plus pauvres en termes de revenus gagnent 38 %/ 10 % du
revenu total après redistribution.
2. La courbe de Lorenz se confondrait avec la bissectrice
(en gris sur le graphique) en cas de répartition parfaitement
égalitaire des revenus.
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
3. On peut déduire du graphique que la redistribution
permet de réduire les inégalités de situations car, après redistribution, la part détenue par les plus hauts revenus dans
le revenu total est plus faible alors que celle détenue par les
plus faibles revenus est plus élevée (la courbe de Lorenz est
alors plus proche de la bissectrice).
6. Lire et interpréter une corrélation
2. Les inégalités de revenus (du travail et du capital) sont
plus élevées au Japon qu’au Danemark, où le taux de prélèvements obligatoires est très important.
Méthode prélèvements obligatoires et les inégalités de revenus. Mais
cette corrélation n’est pas systématique : Australie et Italie
ont des taux de prélèvements obligatoires très différents
mais des inégalités de revenus assez similaires.
4. On peut en déduire qu’il y a dans la plupart des cas un
rapport de causalité entre les deux indicateurs : de fortes
inégalités de revenus sont la conséquence d’un faible taux
de prélèvements obligatoires et d’une faible redistribution
du système socio-fiscal.
p. 307
• Pour les remarques 1, 2, 3 et 5, indiquez ce qu’il aurait
fallu écrire.
1. « … cela s’explique en partie par l’inefficacité des dépenses
publiques »
2. « … c’est-à-dire les dépenses (sous formes de revenus
de transfert, de salaires ou de financement de certaines
infrastructures) financées par les prélèvements obligatoires
et l’endettement des administrations publiques ».
3. « En rationalisant le système de protection sociale, on
ne serait pas obligé de renoncer à toute politique de justice
sociale, les dépenses étant mieux utilisées. »
5. « … serait supérieur de 20,8 points de pourcentage à
ce qu’aurait été son niveau en l’absence d’évasion fiscale ».
• Rédigez le paragraphe.
Les difficultés de financement que rencontrent les politiques
de justice sociale viennent à la fois de certaines dépenses
inefficaces et de recettes moins importantes en raison des
comportements d’évasion fiscale.
Le document 1 insiste sur le caractère insoutenable de
l’endettement public (qui dépasse en France 80 % du
PIB, Doc. 2) et sur le poids trop important des dépenses
de l’État. L’idée principale est celle d’un État-providence
SUJET BAC. Épreuve composée
Partie 1. Mobilisation des connaissances
1. Les pouvoirs publics peuvent utiliser leurs ressources
fiscales pour produire (ou seulement financer lorsque la
production est confiée à un organisme privé) des services
collectifs, dont les principales caractéristiques sont d’être
fournis en nature et universellement accessibles. En quoi
cela contribue-t-il à la justice sociale (autrement dit à
mieux assurer l’égalité des droits ou/et des chances ou/et
des situations) ?
Tout d’abord, l’universalité de l’accès permet dans bien des
cas de réaliser l’égalité des droits entre tous les membres de
la société. Les services de protection fournis par la police ou
l’armée par exemple permettent d’assurer à chacun un droit
à la protection physique et à la sécurité des biens.
Ensuite, le service public d’éducation est généralement
loué pour ses vertus d’égalisation des chances entre individus disposant de façon très inégale de ce que P. Bourdieu
3. On observe une corrélation négative entre le taux de
trop protecteur et pas assez efficace (« les droits d’hier vont
devenir les luxes de demain »). S’il convient pour l’auteur de
moins dépenser, il ne s’agit pas de renoncer à tout objectif
de justice sociale, simplement de limiter l’étendue de la
redistribution. C’est le point de vue généralement défendu
par les conceptions libérales de la justice sociale. Mais les
dépenses sont-elles seules en cause ?
Le document 2 atteste de l’importance de l’évasion fiscale
en direction des paradis fiscaux depuis les années 1990.
D’après les calculs du Collectif pour un audit de la dette
publique, cette dernière atteindrait 50 % du PIB (au lieu de
83 %) en 2012 en l’absence d’évasion fiscale. Cela signifie
que les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics
proviennent en grande partie d’un manque de recettes, et
non seulement de dépenses excessives ou inefficaces. Si la
lutte contre l’évasion fiscale (c’est-à-dire les comportements
d’optimisation ou de fraude fiscale) n’est pas tâche facile,
elle constitue sûrement un des moyens incontournables de
desserrer les contraintes financières qui brident aujourd’hui
les politiques de justice sociale (en particulier la protection
sociale). On peut aussi noter qu’augmentation des recettes
et gains d’efficacité dans les dépenses sont deux objectifs a
priori compatibles.
p. 308-309
appelait le « capital culturel ». Une éducation entièrement
privatisée ne profiterait pas aux plus démunis, dans l’incapacité de payer des études. Néanmoins, l’échec relatif des
services collectifs éducatifs est régulièrement mis en avant
par les enquêtes sociologiques : l’école, même universelle,
endiguerait difficilement le phénomène de « reproduction
sociale ».
Enfin, la fourniture de services collectifs peut aussi être un
moyen de réduire les inégalités de situations. Reprenons
l’exemple de l’Éducation nationale. D’un côté, elle opère
une redistribution horizontale (c’est-à-dire en fonction de
critères autres que le niveau de revenu ou le patrimoine)
dans la mesure où le « bénéfice » qu’elle apporte croît avec
le nombre d’enfants. Mais le sociologue F. Dubet explique
qu’elle opère aussi, indirectement, une redistribution verticale puisque, statistiquement, les ménages avec plus de trois
enfants ont un niveau de vie plus faible que les autres : cette
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
155
inégalité de situations est réduite par un mécanisme redistributif pourtant fondé sur l’horizontalité. Plus simplement,
le fait que certains individus pauvres aient accès à la plupart
des services collectifs parce qu’ils sont financés par la puissance publique et qu’ils sont accessibles à tous témoigne de
cette capacité des services collectifs à égaliser les situations.
2. Deux mécanismes organisent, au sein de l’État-provi-
dence, la fonction de protection sociale contre les risques
sociaux (vieillesse, maladie-handicap, famille, logement,
exclusion).
Le mécanisme d’assurance est caractéristique des systèmes
à dominante bismarckienne : ce sont les travailleurs qui
s’assurent « entre eux », de façon obligatoire et régie par
des administrations publiques. Dans ce cas, il faut avoir
cotisé pour pouvoir bénéficier de la protection sociale (les
prestations sont contributives). Par exemple, l’assurance
chômage ou les prestations de retraite obéissent au mécanisme assurantiel : elles opèrent une redistribution horizontale des actifs occupés vers les retraités ou les chômeurs, la
réalisation des risques sociaux que sont la vieillesse ou le
chômage constituant le critère de redistribution des cotisations perçues (lorsque ce critère est l’égalisation des revenus
entre riches et pauvres, on parle de redistribution verticale).
Que faire alors lorsque certains (chômeurs de longue durée,
victimes de l’exclusion) n’ont pas les moyens de contribuer
à hauteur suffisante au financement de la sécurité sociale ?
Le mécanisme d’assistance permet de pallier cette carence.
Il consiste à verser des prestations aux individus les plus
démunis, sans qu’une contrepartie soit exigée : on parle de
prestations non contributives (tels les minima sociaux). Il
est financé par l’impôt, non par un système assurantiel de
prestations sociales contributives, et il opère une redistribution verticale vers les plus défavorisés. En ce sens, il peut
s’inscrire dans une conception universaliste-beveridgienne
(droit à la protection sociale inconditionnel, protection
universelle élevée, comme au Danemark ou en Suède), mais
aussi à l’intérieur d’un système « libéral-résiduel » (EspingAndersen) qui limite la protection sociale aux minima versés
au plus pauvres. Remarque : les deux logiques peuvent
coexister, comme c’est aujourd’hui le cas en France. La
Sécurité sociale y est majoritairement assurantielle, même
si les dispositifs d’assistance se sont multipliés depuis 25 ans
en raison de la progression du chômage et de la pauvreté.
Partie 2. Étude d’un document
Vous présenterez le document, puis vous rendrez compte
de l’évolution des différentes réponses à l’enquête entre
2000 et 2013.
Ce document est issu d’une enquête réalisée fin 2013 par un
institut de sondage pour le ministère des Affaires sociales,
enquête qui a été menée régulièrement depuis 2000. La
source précise que l’échantillon choisi comprend 4 000
personnes : ses résultats peuvent être significatifs.
On a demandé aux sondés quelles inégalités faisaient selon
eux partie de celles qui sont le moins acceptables, autrement
dit le moins légitimes et requérant sans doute une intervention des pouvoirs publics.
Les inégalités d’accès aux soins arrivent en tête en 2013
(parmi les moins acceptables pour plus de 40 % des
personnes interrogées), et leur « score » a cru de 10 points
de pourcentage (soit d’un tiers environ) depuis 2000. On
156
observe également une nette hausse, dans les réponses, pour
les inégalités liées à l’origine ethnique (près d’un tiers d’augmentation entre 2000 et 2013).
Le logement, en dépit d’une baisse entre 2012 et 2013, est
un élément jugé essentiel : une bonne part des sondés considèrent implicitement que santé et logement devraient constituer la priorité des politiques de lutte contre les inégalités.
Les inégalités face à l’école ou à l’emploi sont jugées comme
parmi les plus inacceptables que par 20 % des personnes
interrogées.
Les réponses citant les inégalités liées à l’héritage familial
restent stables (environ 7-8 % des sondés les classent parmi
les plus inacceptables) et à un niveau faible.
Partie 3. Raisonnement s’appuyant
sur un dossier documentaire
À l’aide de vos connaissances et des documents, vous
vous demanderez comment les pouvoirs publics peuvent
contribuer à la justice sociale.
La notion de justice sociale est polysémique, et peut référer
à différentes formes d’égalité. Interroger le « comment » des
politiques de justice sociale, c’est donc analyser les moyens
par lesquels les pouvoirs publics peuvent réduire les inégalités des droits, des chances ou/et des situations, en se
demandant si ces moyens parviennent ou non à leurs fins.
1. Les pouvoirs publics disposent d’outils pouvant
contribuer à réduire l’inégalité des droits.
• L’égalité des droits politiques et civils : un objectif prioritaire de justice sociale dès le xix e siècle
C’est le législateur, dans les régimes démocratiques, qui crée
des lois consacrant l’égalité des droits entre individus. La
quête de l’égalité des droits remonte à la Révolution française de 1789 (« Tous les hommes naissent libres et égaux
en droits »).
Le suffrage universel (masculin) est adopté pour la première
fois en 1848, période où l’esclavage est aboli. Les droits politiques (de vote et d’éligibilité) et civils (liberté d’expression,
présomption d’innocence, etc.) symbolisèrent la lutte pour
l’égalité au xixe siècle.
• L’égalité des droits sociaux et la construction de
l’État-providence
Au xxe siècle, avec le développement du salariat, les pouvoirs
publics vont être amenés à mettre en place des outils permettant à tous les individus de bénéficier de droits sociaux. Ici,
l’égalité des droits va de pair avec une redistribution des
revenus dite horizontale, en fonction de la réalisation de
« risques sociaux » : maladie, vieillesse, chômage, famille.
On peut aussi considérer que les minima sociaux constituent un moyen d’assurer une « égale dignité » (Déclaration
de 1948) à chaque individu : on voit dans le Doc. 3 que,
pour les ménages situés en-dessous de D1, les prestations
sociales représentent en moyenne 42,3 % (contre 12,3 %
pour ceux situés entre D2 et D3 par exemple) du revenu,
ce qui exprime le fait que les plus pauvres bénéficient bien
de droits sociaux.
• Des outils pas toujours suffisants ni réellement
efficaces.
La lutte pour une plus grande égalité des droits continue
aujourd’hui encore : cf. multiples droits obtenus par les
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
femmes « avec retard » (droit de vote en 1944 en France) ; cf.
depuis trente ans diverses mesures de discrimination positive
qui visent à compenser le caractère simplement formel de
l’égalité des droits dans certains cas (femmes, jeunes issus
de banlieues « difficiles », voire personnes pauvres (Doc. 2)).
Mais ces mesures sont souvent critiquées pour être encore
insuffisantes.
2. D’autres outils sont à même, avec plus ou moins
de réussite, de réduire l’inégalité des chances et des
situations.
• La redistribution permet d’assurer une plus grande
égalité des situations et des chances.
Cf. Doc. 3 : part des prestations sociales qui décroît avec le
revenu ; poids des impôts directs qui croît avec le revenu :
les impôts directs sont progressifs (pèsent d’autant plus que
l’on est plus riche).
Ne pas oublier que les services collectifs sont aussi au service
de l’égalité des situations et des chances (voir corrigé Partie 1
Q°1 p. 308), notamment via l’accès universel à l’éducation.
• Certains outils visent plus spécifiquement l’égalité des
chances.
C’est le cas de la démocratisation scolaire, des systèmes de
bourses et d’aides après le bac. Cf. Doc. 1 : Entre 2001 et
2012, une part croissante d’étudiants bénéficie d’une aide
financière (environ 20 % de hausse). Mais attention : cela
peut refléter un système de redistribution plus « généreux »
donc plus égalitaire comme une simple augmentation du
taux de « pauvreté » chez les étudiants français durant la
période. Le document ne permet pas de trancher mais il
est possible que l’appauvrissement des étudiants explique en
partie cette hausse ; dans ce cas, on peut dire que les aides
SUJET BAC. Dissertation
• Mais ces mesures ne sont pas toujours suffisantes.
Ce type de mesure contre les discriminations peut n’avoir
qu’un impact limité : pénaliser ne suffit souvent pas, en
raison du manque de moyens du système judiciaire, des
comportements d’autocensure de la part des victimes, etc.
Par ailleurs, concernant la discrimination positive, il peut
engendrer des effets pervers (renforcement de la stigmatisation notamment) et être de trop faible envergure (cf.
politiques des quotas).
Enfin, les politiques de redistribution affrontent des
comportements de fuite devant l’impôt (évasion et fraude
fiscales) de plus en plus fréquents et favorisés par la concurrence socio-fiscale au niveau international. Par ailleurs, de
nombreux gouvernements, au nom de l’efficacité du libéralisme économique, ont adopté des lois rendant les systèmes
fiscaux moins redistributifs depuis les années 1980, ce que
dénoncent de nombreux économistes critiques (T. Piketty,
« économistes atterrés », etc.).
p. 310-3111
Dans quelle mesure l’action des pouvoirs
publics en faveur de la justice sociale
est-elle efficace ?
▶ Proposition de plan détaillé
I/ Les politiques en faveur de la justice sociale
parviennent à lutter contre les inégalités.
A. En limitant l’inégalité des droits
La quête de l’égalité des droits remonte à la Révolution
française de 1789. Le suffrage universel (masculin) est
adopté pour la première fois en 1848, période où l’esclavage
est aboli. Les droits politiques (de vote et d’éligibilité) et
civils (liberté d’expression, présomption d’innocence, etc.)
symbolisent la lutte pour l’égalité au xixe siècle.
Au xxe siècle, avec le développement du salariat, les pouvoirs
publics vont être amenés à mettre en place des outils permettant à tous les individus de bénéficier de droits sociaux.
Ex. de la santé, Doc. 4 : mise en place de CMU-C a très
probablement réduit la part globale d’individus renonçant
aux soins de santé pour raisons financières (l’écart « non
AMC-CMU-C » est de 13 points en 2010). Le document
3 invite à rappeler l’universalité de l’accès à l’éducation
conçue comme un droit (toutes les couches sociales sont
aujourd’hui représentées à l’université).
financières constituent tout de même un outil permettant
de limiter les inégalités d’accès à l’université.
C’est aussi le cas des diverses mesures de discrimination
positive (rencontrant une certaine réussite : les récentes
manifestations autour d’établissements risquant de perdre le
label « ZEP » l’attestent), ou des lois visant à condamner les
discriminations « négatives » (liées à l’apparence physique,
au sexe, à l’origine, etc.). Cf. Doc. 2 : est ici évoquée la
« discrimination anti-pauvres », par le biais de la CNCDH
(dont l’existence et l’influence témoignent de la mise à
l’agenda politique de la lutte contre les discriminations), le
document parlant d’une « intolérance anti-pauvres ». L’idée
est dans ce cas de pénaliser officiellement un nouveau type
de discrimination.
B. En limitant l’inégalité des situations...
Inégalité des situations : quantités inégalement distribuées
de ressources socialement valorisées - Le principal outil est
ici la redistribution socio-fiscale, en particulier la redistribution verticale, qui requiert une progressivité du système. Cf.
Doc 1 : jusqu’au percentile 95 du moins (voir II), le système
fiscal français est progressif : le poids des prélèvements est
plus important pour les hauts revenus que pour les faibles
revenus. Les auteurs notent que la progressivité est faible :
c’est l’ensemble du système qui est pris en considération.
Si on se limitait à l’impôt sur le revenu par exemple, on
constaterait une progressivité plus élevée.
La production de services collectifs permet aussi de réduire
les inégalités de situations (voir corrigé p. 308, Partie 1 Q° 1).
Enfin, les prestations sociales, bien que répondant à une
logique de redistribution horizontale, peuvent réduire ces
inégalités de situations (voir corrigé p. 308 Q°2).
C. … et l’inégalité des chances
Notons d’abord que toutes les mesures visant à limiter l’inégalité des droits et/ou des situations permettent d’améliorer
l’égalité des chances : les premières car elles en sont une
condition nécessaire, les secondes dans la mesure où elles
permettent, le plus souvent, de corriger les inégalités liées
CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?
157
à l’héritage familial qui rendent la compétition sociale
non-équitable.
Ensuite, la politique scolaire constitue l’exemple canonique
d’action publique en faveur de l’égalité des chances. On
voit dans le document 2 que les femmes ne subissent pas
de discrimination apparente quant à l’accès à l’université
en 2013, au contraire (elles forment 56,9 % du contingent total). Rappelons néanmoins que des statistiques par
« filières », plus ou moins prestigieuses, nous conduiraient à
nuancer cette conclusion, de même que la lecture du document 3 (voir II).
C’est notamment pourquoi il faut aussi prendre en compte
tout l’arsenal législatif de la « discrimination positive », dont
l’objectif explicite est de lutter contre l’inégalité des chances
(voir Docs F. Dubet, Dossier 1). Le concours Sciences Po
réservé aux élèves de ZEP en constitue un exemple parlant :
il a réellement permis de « diversifier » le public de Sciences
Po, mais de manière très marginale et sans modifier structurellement les inégalités des chances scolaires liées au territoire
en France. D’autres mesures concernent la répression des cas
flagrants de discriminations « négatives » (envers les femmes,
les personnes issues de « minorités, les handicapés, etc.) et
les pouvoirs publics sont d’autant plus légitimes dans leur
lutte (voir le rôle de la Halde) que les mouvements sociaux
anti-discriminations sont plus nombreux et plus influents.
II/ Mais leur efficacité est limitée et rencontre de
nombreux obstacles.
A. Pour lutter contre l’inégalité des droits
D’une part, l’égalité des droits demeure dans certains cas
très « formelle » : le droit au travail consacré après 1945
n’empêche pas un taux de chômage élevé touchant inégalement les catégories sociales, ni le maintien d’une répartition
inégalitaire du travail domestique qui bride les possibilités
réelles des femmes sur le marché du travail (Doc. 2).
Ce d’autant plus que l’octroi d’un droit n’empêche pas forcément le maintien de comportements d’autocensure liés à
un sentiment de honte ou d’illégitimité sociales (exemple
de l’abstention interprétée comme un « sens caché » par D.
Gaxie, exemple des femmes qui n’osent pas toujours faire
valoir leur droit à l’avortement, exemple des personnes
démunies qui renoncent plus souvent aux soins dans le
document 4).
B. Contre l’inégalité des situations...
L’inefficacité de la lutte contre les inégalités de situations
peut être liée à des choix politiques : c’est l’argument des
économistes critiquant le « tournant libéral » des années 1980
à partir duquel les impôts sur les plus aisés ont commencé
à baisser (multiplication des niches fiscales notamment),
ce qui explique en partie le retournement de la courbe à
partir de C96 dans le document 1. De manière générale,
les systèmes socio-fiscaux sont plus ou moins redistributifs
(cf. Esping-Andersen).
Elle est aussi liée aux contraintes qu’impose une concurrence socio-fiscale accrue : l’État-providence redistributeur rencontre d’importantes difficultés de financement
depuis une trentaine d’années. Les « économistes atterrés »
soulignent que ces contraintes internationales sont aussi
le résultat de politiques de libéralisation financière ayant
favorisé les comportements d’évasion fiscale via l’essor
des paradis fiscaux (c’est un autre facteur d’explication du
retournement de la courbe, Doc. 1).
C. … et contre l’inégalité des chances
Enfin, le manque de méritocratie, voire l’accroissement
du poids de l’origine sociale dans les parcours et la réussite
scolaires (cf. dernière enquête PISA, cf. travaux de M. DuruBellat) attestent l’échec relatif d’une démocratisation qui aspirait à faire respecter l’égalité des chances. Cf. Doc. 3 : Enfants
de cadres surreprésentés à l’Université, encore davantage en
classes préparatoires versus enfants d’ouvriers sous représentés.
Les politiques de discrimination positive, menées au nom de
l’égalité des chances, font par ailleurs face à un risque d’effets pervers : stigmatisation, sentiment d’illégitimité (voir
corrigé Exo. 3 p 305), « ethnicisation des rapports sociaux »,
etc. ; elles seraient selon certains sociologues instrumentalisées par le patronat et certains partis politiques : assurer un
minimum de « diversité » dispenserait de lutter contre des
inégalités de situations globales en constante augmentation.
Malgré de nombreux outils de lutte contre les inégalités
pour promouvoir la justice sociale, les résultats obtenus ne
sont pas toujours à la hauteur des attentes.
Bibliographie
• A. Bihr, R. Pfefferkorn, Le Système des inégalités, La Découverte, coll. « Repères », 2008.
• A. Bozio, J. Grenet (dir), Économie des politiques publiques, La Découverte, coll. « Repères »,
2010.
• Collectif, « Justice sociale et action publique, des principes à leur mise en œuvre », Problèmes
économiques et sociaux, n° 949-950, juin-juillet 2008.
• C. Arnsperger, P. Van Parijs, Éthique économique et sociale, La Découverte, coll. « Repères », 2003.
• F. Dubet, Les Places et les chances. Repenser la justice sociale, Seuil, 2010.
• M. Duru-Bellat, Le Mérite contre la justice, Presses de Sciences po, 2009.
Sitographie
• www.insee.fr
• www.inegalites.fr (site de l’Observatoire des inégalités)
• www.drees.sante.gouv.fr (Direction de la recherche, de l’évaluation et des statistiques)
• www.ocde.org
• www.alternatives-economiques.fr
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