REGARDS CROISÉS – THÈME 1 Manuel p. 282 à 283 Justice sociale et inégalités Ce thème analyse l’action publique au prisme des questions de justice sociale et d’inégalités. Il comprend un seul chapitre (Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?). Il s’agira de présenter les différentes conceptions de la justice sociale (à partir de la question : existe-t-il des inégalités justes ?) pour ensuite se demander si et comment les pouvoirs publics peuvent contribuer à cette dernière. Doc. 1 La journée internationale des droits des femmes Les progrès réalisés en termes d’égalité des droits depuis la fin du xviiie siècle ont d’abord et surtout bénéficié aux hommes, notamment en ce qui concerne le droit de vote. C’est après 1945 dans de nombreux pays que le 8 mars devient symboliquement la « journée de la femme », lors de laquelle est revendiquée une plus grande égalité entre hommes et femmes. Doc. 2 « Discriminer, c’est un délit » Cette affiche a pour objectif de sensibiliser les citoyens au fait que les actes discriminatoires sont interdits et condamnés par la loi (le délit se situe entre la simple contravention et le crime) ; c’est donc que la société les juge contraires au bienvivre ensemble et à la justice. Discriminer consiste à traiter différemment des individus : l’affiche interpelle quant au fait qu’un individu peut être défavorisé par la seule couleur de sa peau ou de ses yeux, et met en scène une femme (les femmes, sur le marché du travail notamment, subissent de nombreuses discriminations). CHAPITRE 10 Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ? I. PRÉSENTATION DU CHAPITRE L’objet de ce chapitre est d’étudier les outils mis en œuvre par les pouvoirs publics afin d’assurer une certaine justice sociale. On présentera les fondements de ces politiques en précisant la notion de justice sociale et en la rapportant à celle d’inégalité (Dossier 1. Les fondements des politiques de lutte contre les inégalités). Il s’agira ensuite de questionner la diversité, l’évolution (Dossier 2. Les politiques de lutte contre les inégalités) mais aussi et surtout l’efficacité relative de ces outils (Dossier 3. Les limites des politiques de lutte contre les inégalités). 144 CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? Manuel p. 284 à 311 Ressources numériques liées au chapitre Vidéos • Touche pas à ma ZEP ! (AFP, 2014), p. 284 www.lienmini.fr/magnard-ses-020 • Comment calcule-t-on l’impôt sur le revenu ? (Dessine-moi l’éco, 2013), p. 293 www.lienmini.fr/magnard-ses-021 • La discrimination positive à Sciences Po (France 2, 20H, 2005), p. 294 www.lienmini.fr/magnard-ses-022 • Pauvreté et solidarité. Entretien avec Serge Paugam (La Vie des idées, 2008), p. 297 www.lienmini.fr/magnard-ses-023 • Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? (Dessine-moi l’éco, 2013), p. 299 www.lienmini.fr/magnard-ses-024 Schéma-bilan • Schéma de synthèse du chapitre, p. 304 II. RÉPONSES AUX QUESTIONS Sensibilisation p. 284 Les questions 1, 2, 3, 4 et 6 portent sur la vidéo. 1. Enseignants et parents craignent de ne pas obtenir le label REP à la faveur de la réforme, ce qui réduirait les moyens dont dispose leur collège. 2. Le classement REP est attribué lorsqu’une part importante des élèves vient d’un milieu social ou d’un territoire défavorisés. 3. Les enseignants touchent une indemnité, ont une décharge de temps de travail, l’effectif des classes est moins important et des budgets supplémentaires peuvent être alloués pour réaliser certains projets (sorties scolaires, activités culturelles et sportives notamment). 4. Sortir de l’éducation prioritaire ferait perdre les avantages cités, le collège deviendrait encore moins « attractif ». Les stratégies d’évitement de la part des familles pourraient alors renforcer la « ghettoïsation » (processus d’isolement). 5. L’étiquette ZEP, pendant les années 1990 et 2000, était souvent présentée comme un « stigmate » en termes de capital scolaire, qu’il fallait éviter. Être passé par une ZEP pouvait être perçu comme un handicap pour trouver un emploi. 6. ZEP et REP permettent dans une certaine mesure de limiter inégalités et ségrégation scolaires. L’efficacité de ces politiques est limitée : les moyens consacrés ne seraient pas suffisants, et les effets pervers (voir Dossier 3) du « label REP » nombreux. Ressource numérique Vidéo • Touche pas à ma ZEP ! ✔ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder librement à la vidéo. www.lienmini.fr/magnard-ses-020 Fin 2014, alors que la nouvelle carte de l’éducation prioritaire doit être dévoilée (les « REP » remplacent les « ZEP »), certains établissement se mobilisent contre leur sortie probable de la carte. Au collège Gustave Courbet de Romainville (93), parents d’élèves et enseignants bloquent l’établissement pendant une semaine pour alerter les pouvoirs publics. DOSSIER 1. Les fondements des politiques de lutte contre les inégalités ➜ Mise en œuvre dans le manuel Le programme officiel On s’interrogera sur les fondements des politiques de lutte contre les inégalités en les reliant à la notion de justice sociale ; on rappellera à ce propos que toute conception de la justice doit répondre à la question : « L’égalité de quoi ? ». On distinguera égalité des droits, égalité des situations et égalité des chances. NOTION DE T : • égalité LE p. 286-289 L’égalité désigne toujours l’égalité de quelque chose. On distinguera l’égalité des droits, l’égalité des situations et l’égalité des chances (A. Égalité des droits, des situations, des chances). La priorité donnée à telle ou telle forme d’égalité permettra ensuite de définir différents modèles de justice sociale. En dernier ressort, une inégalité n’est juste qu’à condition d’être subjectivement perçue comme telle, selon le système de valeurs auquel on adhère (B. Inégalités et justice sociale). CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 145 A. Égalité des droits, des situations, des chances p. 286-287 Doc. 1 Les différentes dimensions de la notion d’égalité 1. L’égalité des droits implique seulement la possibilité d’accès à un ensemble de ressources (par exemple, en France, l’abolition de l’esclavage en avril 1748 supprime une inégalité de droit). L’égalité des situations implique de faibles écarts entre les ressources dont disposent les individus (en faisant abstraction des inégalités liées aux milieux social et familial ; l’école publique offre globalement un même niveau et une même qualité d’enseignement à tous). L’égalité des chances implique l’existence d’une compétition (pour des postes hiérarchisés) qui ne favorise aucune origine sociale en particulier (l’école en tant que mode de formation et de sélection des travailleurs vise dans l’idéal l’égalité des chances, soit une sélection au strict mérite). 2. Historiquement, c’est d’abord le combat pour l’égalité des droits qui prime. Ensuite, l’idéal d’égalité des situations, apparaissant comme difficilement atteignable, laisserait place à un modèle dit méritocratique qui limite (et légitime) l’inégalité des situations. 3. L’égalité des chances implique une hiérarchisation en fonction des mérites individuels : elle va donc de pair avec une certaine inégalité des situations, ne serait-ce qu’en termes de pouvoir. 4. Les politiques dites d’égalité des chances peuvent être contre-productives, lorsqu’elles culpabilisent et découragent certains élèves en échec scolaire par exemple (voir Doc. 1 p. 298). Doc. 2 Les inégalités de salaire entre hommes et femmes 5. D’après l’INSEE, en 2010 en France, le salaire des femmes travaillant à temps complet valait en moyenne 82,4 % de celui des hommes à temps complet. 6. Le graphique met en évidence une inégalité de situations entre hommes et femmes (mesurée ici par le salaire). Indirectement, cela traduit une inégalité des chances (donc une discrimination lors du recrutement) sur le marché du travail. 7. Entre 1852 et 2011, en France, le rapport de salaires femmes/hommes a augmenté de 17,5 points de pourcentage, soit un accroissement de 27 %. Cela revient à une diminution des inégalités de salaire entre hommes et femmes. 8. Les écarts mesurés doivent être interprétés avec prudence. Ils signifient d’abord qu’en moyenne, pour des temps complets, les femmes occupent des postes moins élevés dans la hiérarchie des emplois, donc moins bien rémunérés que ceux des hommes. La réussite scolaire avérée des filles, en amont, laisse penser que ces salaires moindres ne résultent pas d’une moindre efficacité mais de la reproduction d’inégalités en fonction du sexe. Doc. 3 L’inégalité des droits entre hommes et femmes 9. Non. En 1789, seuls les hommes obtiennent le droit de vote. 10. Au plan des droits civils, les femmes ont dû attendre 1907 pour disposer librement de leur salaire et 1965 pour pouvoir exercer une activité professionnelle sans en demander l’autorisation à leur mari. Au plan des droits 146 politiques, les droits de vote et d’éligibilité ne leur sont accordés qu’en 1944. 11. La loi sur la parité de 2000 semble avoir permis une réduction des écarts entre hommes et femmes (+ cinq points de pourcentage d’élues au parlement entre 2000 et 2012). Cependant, une parité « parfaite » n’a toujours pas été atteinte (seulement 25 % de femmes élues au Parlement en 2012). Doc. 4 L’inégalité des capitaux à l’origine de l’inégalité des chances 12. Le capital culturel désigne l’ensemble des « ressources culturelles » socialement et économiquement valorisables par les individus (il comprend le diplôme, la maîtrise de la langue, la possession de livres ou d’œuvres d’art, etc.). Le capital social désigne l’ensemble des liens sociaux socialement et économiquement valorisables. 13. La réussite scolaire est positivement corrélée au « niveau » de capital culturel transmis par la famille, de même que le capital social accroît les chances d’obtenir une bonne position professionnelle. En cela, les inégalités de capital culturel et de capital social expliquent l’inégalité des chances entre groupes sociaux. FAIRE LE POINT 1. Faux ; 2. Faux ; 3. Faux ; 4. Vrai B. Inégalités et justice sociale p. 288-289 Doc. 1 L’égalité des chances plutôt que celle des situations 1. L’idéal d’égalité des places est associé à un État-providence fort et à une redistribution importante des revenus, dans le cadre d’une représentation « classiste » de la société. L’idéal d’égalité des chances s’inscrit dans le cadre d’une représentation plus « individualiste » (qui comprend la reconnaissance de « minorités », non de classes sociales) de la société, et entend davantage lutter contre les discriminations que contre l’exploitation. 2. Assez logiquement, la pression exercée par la mondialisation sur le financement de l’État-providence contribue à en délégitimer l’action (les systèmes sociaux et fiscaux sont mis en concurrence : cf. Dossier 3 B. Docs. 3 et 4). La montée de l’individualisme (corollaire de l’affaiblissement de certaines solidarités comme celles qui liaient le milieu ouvrier) explique aussi le recul de l’idéal d’égalité des places. 3. Si certains individus sont discriminés (c’est-à-dire traités différemment) en raison de critères autres que leur seul mérite relatif, alors il apparaît clairement que cela contrevient à l’égalité des chances. C’est le cas lorsqu’on accède moins facilement à un emploi en raison de son sexe, de ses « origines ethniques », etc. Doc. 2 Différents modèles de justice sociale 4. Un certain sens commun voudrait qu’une plus grande égalité des situations (ou des chances) soit « évidemment » juste et souhaitable par tous. Il faut bien se garder de telles évidences : une politique n’est « juste » qu’en regard de la conception de la justice sociale à partir de laquelle on l’évalue. Le document propose de distinguer trois grands modèles de justice sociale, dont deux sont pratiquement incompatibles : la justice sociale libertarienne (la liberté et la propriété individuelles priment sur tout autre principe) et la justice sociale égalitariste (l’égalité des situations prime et permet l’exercice d’une liberté « réelle »). Souvent décrite CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? comme « libérale modérée », la conception méritocratique cherche à concilier liberté et égalité. 5. Dans l’ordre : Rawls ; Hayek ; Marx. 6. L’idéal d’égalité des chances est à rapprocher du modèle méritocratique-rawlsien ; celui d’égalité des situations de l’idéal égalitariste-marxien. Doc. 3 L’égalité des situations : arguments contre, arguments pour 7. Dans une société à la fois ouverte et concurrentielle, l’existence d’inégalités élevées peut être perçue comme un aiguillon stimulant l’activité individuelle : soit pour accéder à des positions relativement élevées, soit pour ne pas occuper les places les plus dévalorisées. 8. Des individus égaux au plan des revenus par exemple ne sont pas nécessairement identiques : ils peuvent user de leurs ressources de manière distincte. Inversement, des individus différents (ne parlant pas la même langue, ne disposant pas des mêmes diplômes, etc.) ne sont pas nécessairement inégaux sur tous les plans (revenus, accès à la protection sociale, etc.). 9. Les défenseurs de l’inégalité économique (la tradition libérale en particulier) considèrent que l’égalité implique nécessairement une intervention excessive des pouvoirs publics (sous forme d’impôts et de redistribution), privant les individus de la libre jouissance des revenus que les mécanismes de marché (donc la concurrence) leur ont permis de « gagner ». C’est une forme parmi d’autres d’aliénation de la liberté (et de la propriété) individuelle(s). 10. Dans l’ordre : « l’égalité des situations n’implique pas nécessairement l’uniformité » ; « L’inégalité décourage les plus faibles et les maintient dans le dénuement, ce qui constitue une forme de « gaspillage » au plan du bien-être global » ; « L’inégalité engendre nécessairement l’exploitation des plus faibles et ne leur permet en rien d’accéder à la liberté ». Doc. 4 L’(in)-égalité n’est (in)-juste que si elle est perçue comme telle 11. D’après l’enquête barométrique réalisée pour la Drees, en 2013, 76 % des sondés considéraient la société française comme plutôt injuste, 22 % comme plutôt juste. 87 % pensaient que les inégalités avaient plutôt augmenté au cours des cinq années précédentes, 83 % qu’elles allaient plutôt augmenter dans l’avenir. 12. Si l’on en croit les résultats de l’enquête, le sentiment que la société française est plutôt injuste est en augmentation entre 2000 et 2013. Sur la même période, une part plus importante (et proche de 90 %) estime que les inégalités ont augmenté et vont continuer de le faire, ce qui peut traduire à la fois une certaine lucidité (les inégalités sociales sont effectivement en hausse) et un certain pessimisme. On peut aussi supposer que les deux évolutions sont logiquement corrélées : la France est un pays où les inégalités sont relativement réduites et où la « passion pour l’égalité » (Tocqueville) demeure vivace ; d’où le sentiment d’une société à la fois plus inégalitaire et plus injuste. 13. Le texte présente le modèle de justice méritocratiquelibéral comme dominant aux États-Unis, pendant qu’en Europe les individus seraient plus attachés à la redistribution donc à une certaine égalité des situations. La notion de justice, relative, relève aussi de déterminants propres à une histoire et à une « culture ». FAIRE LE POINT Prône l’égalité des droits Idéal libertarien Idéal égalitariste Idéal méritocratique Prône l’égalité des situations DOSSIER 2. Les politiques de lutte contre les inégalités Le programme officiel On analysera les principaux moyens par lesquels les pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale : fiscalité, redistribution et protection sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations. NOTIONS DE T : • discrimination • assurance/assistance • services collectifs • fiscalité • prestations et cotisations sociales • redistribution • protection sociale ACQUIS DE 1 re : • État-providence • prélèvements obligatoires • revenus de transfert Prône l’égalité des chances p. 290-295 La redistribution permet aux pouvoirs publics de réduire les inégalités des chances et des situations. Les prélèvements progressifs ou le versement de minima sociaux opèrent une redistribution verticale. Le pilier assurantiel permet une redistribution horizontale (B. Redistribution et réduction des inégalités). LE ➜ Mise en œuvre dans le manuel Les prélèvements obligatoires (comprenant la fiscalité et les cotisations sociales), puis la fourniture de services collectifs et le versement de revenus de transfert, sont les outils permettant aux pouvoirs publics d’opérer une redistribution des richesses (A. Les mécanismes de la redistribution). A. Les mécanismes de la redistribution p. 290-291 Doc. 1 Du revenu national au revenu disponible (par adulte et par mois, moyenne en 2010) 1. RDB = Revenu avant prélèvements (ou « revenu primaire ») - prélèvements obligatoires (impôts à l’exclusion des impôts indirects et cotisations sociales) + revenus de transfert. 2. La redistribution s’opère en amont, par les prélèvements obligatoires qui peuvent peser plus ou moins sur les revenus primaires ; elle s’opère aussi en aval, par le versement de CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 147 revenus de transfert (liés à la protection sociale) et la fourniture de services collectifs en nature. 3. Non, la protection sociale est aussi financée par la fiscalité (pour le versement des revenus d’assistance). 4. Si les services publics étaient privatisés, ils ne seraient produits qu’à condition d’être rentables et profitables. Il est probable qu’alors les ménages les plus pauvres ne disposent pas de revenus suffisants pour en acquitter le prix (l’éducation, par exemple, deviendrait un service marchand comme un autre). Doc. 2 Le budget de l’État ventilé par « missions » (en milliards d’euros) : loi de finance 2014 5. Plusieurs missions ont pour objet explicite la lutte contre les inégalités : « solidarité, insertion et égalité des chances ; « égalité des territoires, logement et ville » ; d’autres missions sont censées y contribuer indirectement (Enseignement scolaire, Travail et emploi). 6. Premier poste : « Enseignement scolaire » (65 milliards) ; deuxième poste : « Engagements financiers de l’État » (50,9 milliards). 7. Enseignement scolaire : 21,3 % des dépenses de l’État. 8. Les dépenses de l’État ne représentent « qu’ » un tiers environ du total des dépenses publiques. Les dépenses de protection sociale en représentent presque la moitié. 9. Un lycéen peut bénéficier : de l’enseignement public ; de la défense du territoire par l’armée ; de la protection physique par les services de sécurité ; d’un système judiciaire ; de mesures territoriales préférentielles s’il vit dans une « zone prioritaire ». Doc. 3 Assurance et assistance 10. Un système d’assurance subordonne le versement de prestations au fait d’avoir participé au financement du risque (on parle alors de prestations contributives) ; un système d’assistance effectue des versements en fonction des besoins des individus ou des ménages « sans contrepartie de cotisation » (on dit des prestations versées qu’elles sont « non contributives »). 11. Prestations relevant d’une logique d’assurance : remboursements et pensions maladie ; allocations chômage ; pensions de retraite. Prestations relevant d’une logique d’assistance : RSA, ASS, ASPA (voir encadré). 12. Le versement de prestations sociales sans contrepartie peut paraître légitime si l’on considère : 1) que les individus les plus pauvres ne sont pas entièrement responsables de leur sort ; 2) qu’il existe un « devoir social de solidarité » envers les plus démunis ; 3) que même les plus démunis paient des impôts via les taxes sur la consommation (TVA, TIPP) par exemple (voir Dossier 2, Doc. 4 p.291). 13. L’assistance, par son mécanisme même, contribue forcément à réduire les inégalités de situations (seuls les plus démunis en bénéficient et voient leurs revenus se rapprocher de ceux du reste de la population). L’assurance, bien qu’opérant une redistribution horizontale, peut aussi réduire les inégalités de situations (à supposer que la réalisation des risques sociaux comme le chômage ou la maladie touche en probabilité plus les ménages situés au bas de l’échelle des revenus). Doc. 4 Les prestations de protection sociale en France (en millions d’euros, en 2011) 14. Part des prestations « maladie » : 27 % environ ; part des prestations « vieillesse-survie » : 45 % environ. Soit, si on les additionne, plus de 70 % du total. 148 15. L’évolution de la structure par âge de la population (vieillissement) depuis une quarantaine d’années ainsi que l’allongement de l’espérance de vie expliquent en grande partie ce phénomène. 16. On constate sur le diagramme en bâtons que la plupart des prestations relèvent du mécanisme d’assurance. Le modèle français de protection sociale demeure majoritairement « bismarckien » (ou assuranciel). FAIRE LE POINT Le pilier assurantiel de la protection sociale est financé par les cotisations sociales et verse des prestations contributives. Son pilier assistanciel est financé par les impôts et verse des prestations non contributives (sans contrepartie). Les impôts servent aussi à financer la production de services collectifs. B. Redistribution et réduction des inégalités p. 292-293 Doc. 1 Comment justifier les politiques de redistribution ? 1. Le premier argument (couverture des besoins jugés fondamentaux) renvoie implicitement à la notion d’égalité « en dignité et en droits ». On peut en effet considérer que ces « besoins fondamentaux » sont indispensables au respect de la dignité de chacun mais aussi à la capacité individuelle d’exercer ses droits. Un individu ne pouvant assurer une hygiène ou des vêtements décents pas exemple éprouvera toutes les difficultés à se faire respecter et/ou accepter dans les diverses sphères de la vie sociale (école, travail, etc.), quand bien même il aurait légalement le « droit » d’y accéder. 2. D’après le tableau, les trois types d’instruments redistributifs sont favorables à l’égalité des chances, soit à une attribution des places en fonction du mérite. Seul le deuxième argument justifie explicitement la redistribution (les impôts progressifs en l’occurrence) par ses vertus méritocratiques (« corriger les inégalités non imputables au seul mérite individuel »). En pratique, il est très difficile de savoir à partir de quel seuil les inégalités ne reflètent plus les mérites individuels relatifs. Doc. 2 Services collectifs et réduction des inégalités 3. Les services collectifs (infrastructures, éducation, etc.) étant gratuits (parce que financés par l’impôt), ils bénéficient aussi aux plus démunis ; s’ils étaient marchands, ces derniers n’y auraient probablement pas accès. En cela, ils permettent de réduire les inégalités de situations, puisque leur financement pèse avant tout sur ceux qui versent d’importants impôts. 4. Si on prend l’exemple de l’éducation (écoles publiques, bibliothèques municipales, centres culturels), on s’aperçoit que son caractère collectif-public (fourniture universelle) favorise l’égalité des chances : même ceux qui ne disposent dans leur famille que de faibles ressources culturelles peuvent partiellement combler ce manque grâce aux services collectifs. 5. L’Éducation nationale opère une redistribution horizontale (c’est-à-dire en fonction de critères autres que le niveau de revenu ou le patrimoine) dans la mesure où le « bénéfice » qu’elle apporte croît avec le nombre d’enfants. F. Dubet CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? explique qu’elle opère aussi, indirectement, une redistribution verticale puisque, statistiquement, les ménages avec plus de trois enfants ont un niveau de vie plus faible que les autres : l’inégalité de situations diminue via un mécanisme redistributif pourtant fondé sur l’horizontalité. Doc. 3 La redistribution réduit les inégalités 6. Le niveau élevé du taux de redistribution pour le premier décile de revenus (le revenu primaire moyen est multiplié par 2,41 pour le premier décile, par 1,55 pour le premier quintile) atteste l’efficacité du système socio-fiscal français pour les plus démunis : c’est vers eux que se concentre la redistribution des revenus (le taux de redistribution est quasi-nul pour le deuxième quintile, négatif pour les quintiles les plus élevés). 7. Le taux de redistribution décroît au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie des revenus des ménages : le système socio-fiscal opère bien une redistribution verticale (il est globalement progressif : voir Doc. 1 note 1, p. 292). 8. Le taux de redistribution est comparativement bien plus élevé pour D1 que pour D10. Cela indique d’une part que le système socio-fiscal est faiblement progressif pour les plus hauts revenus ; d’autre part que cela est dû à l’existence d’une sécurité sociale protectrice (notamment via le versement de revenus d’assistance non contributifs) et de l’exemption de l’impôt sur le revenu pour les plus modestes (ainsi, logiquement, que des impôts sur le patrimoine puisque les ménages situés dans D1 en sont peu (ou pas) pourvus). Doc. 4 Quelques exemples concrets d’outils redistributifs La question 13 porte sur la vidéo. 9. Si ce sont les vendeurs (les entreprises) qui versent la TVA aux services fiscaux, celle-ci est en réalité supportée par le consommateur final. 10. Le taux de TVA étant identique pour tous les consommateurs, cet impôt serait progressif à condition que la part que représente la consommation dans le revenu augmente avec ce dernier. Or, empiriquement, c’est l’inverse qui est vérifié : la TVA pèse proportionnellement plus sur les plus bas revenus et peut être qualifiée de dégressive. Remarque : bien qu’il existe des taux différenciés de TVA (qui augmentent pour les biens dits de luxe), l’impact global de cette taxe demeure anti-redistributif. 11. Si la mise en place de prestations aidant les locataires à payer leur loyer conduit les propriétaires à augmenter ce dernier d’une somme équivalente, alors le gain est nul pour le locataire. Le gain sera positif pour ce dernier si l’augmentation des loyers est suffisamment encadrée et limitée par la loi. 12. Le texte explique que dans l’enseignement supérieur (ou « post-bac »), le système public est en réalité anti-redistributif (il bénéficie proportionnellement plus aux ménages les plus aisés), effet compensé par les bourses (attribuées en partie sur critères sociaux) et la progressivité des impôts finançant l’enseignement supérieur. D’où l’idée de neutralité (ou de proportionnalité) du bilan redistributif dans le domaine de l’éducation. 13. L’extrait explique que les taux d’imposition augmentent, par tranches, au fur et à mesure que les revenus (c’est-àdire leur assiette) croissent. Le taux moyen d’imposition sur le revenu est donc croissant : c’est un impôt progressif qui réduit les inégalités de situations. Ressource numérique Vidéo • Comment calcule-t-on l’impôt sur le revenu ? ✓ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder librement à la vidéo. www.lienmini.fr/magnard-ses-021 Cette vidéo présente simplement le fonctionnement progressif par tranches de l’imposition sur les revenus en France. Vidéo Suggestion de question supplémentaire sur la vidéo • Quelle est la différence entre un impôt proportionnel au revenu et un impôt progressif ? Dans le cas d’un impôt proportionnel, le % par rapport au revenu permettant de calculer l’impôt est toujours le même : le taux moyen d’imposition est constant. Dans le cas d’un impôt progressif, le % se calcule par tranches de revenu et augmente avec le revenu : le taux moyen d’imposition est croissant. FAIRE LE POINT 1. Faux ; 2. Faux ; 3. Vrai C. La lutte contre les discriminations p. 294-295 Doc. 1 La mise à l’agenda politique de la lutte contre les discriminations en France 1. Tous les domaines cités par le Code pénal peuvent faire l’objet de discriminations dans le monde du travail, à l’embauche notamment (origine, sexe, activités syndicales, etc.). On peut aussi penser aux discriminations devant l’emprunt bancaire (état de santé, apparence physique, faible patrimoine). L’appartenance ethnique est souvent dénoncée comme motif de discriminations multiples (contrôles policiers, obtention d’un entretien d’embauche, entrée en boîte de nuit, etc.). 2. C’est d’abord sous l’impact de la mobilisation sociale (notamment des associations de lutte contre le racisme qui apparaissent dans les années 1980 : cf. Doc. 4 p. 295) et de la multiplication des travaux sociologiques attestant le poids (parfois croissant) des comportements dits discriminatoires que la lutte contre les discriminations est devenue un objectif prioritaire des politiques sociales. L’harmonisation des législations européennes semble avoir également joué un rôle. F. Dubet explique par ailleurs que la notion de discrimination se serait progressivement substituée à celle d’exploitation dans le langage des luttes sociales (cf. Doc. 1, p. 288). 3. Les discriminations (soit le fait pour certains individus d’être traités différemment en raison de critères illégitimes) portent atteinte aux trois formes d’égalité : une personne discriminée en raison de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle n’est pas à égalité de droits avec les autres, n’a pas les mêmes chances d’accéder aux ressources CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 149 socialement valorisées et, partant, ne peut être à égalité de situation. On insiste en général sur le caractère anti-méritocratique des discriminations, donc sur le fait qu’elles portent d’abord atteinte à l’égalité des chances, devenue le principe dominant de justice sociale (cf. Doc. 1, p. 288). Doc. 2 Quelques exemples de discrimination positive dans le monde La question 7 porte sur la vidéo. 4. On entend par discrimination le fait de distinguer et de traiter différemment (le plus souvent plus mal) une personne ou un groupe par rapport à d’autres personnes ou au reste de la collectivité. On parle de discrimination positive lorsqu’une personne ou un groupe est favorisé (par une règle ou une mesure politique) par rapport au reste de la collectivité en raison du fait que cette personne ou ce groupe subit par ailleurs une discrimination « négative » (à son désavantage). La discrimination positive (« affirmative action » aux États-Unis) a donc pour objet de corriger les effets des discriminations jugées injustes ou illégitimes. 5. En France, jusqu’à aujourd’hui, et à la différence des États-Unis, de l’Inde ou du Brésil, la tradition républicaine universaliste empêche que des critères « ethniques » fondent une politique de discrimination positive. 6. On ne peut jamais être certain que la discrimination positive « compense » exactement les discriminations « négatives » subies ; par ailleurs, ce genre de politique peut sembler à certains injuste et inefficace car non fondée sur quelque critère lié au mérite. Des individus méritants mais non discriminés « positivement » peuvent alors s’estimer lésés. Pour ces raisons, et bien qu’elles soient menées au nom de l’égalité des chances, les politiques de discrimination positive peuvent aller à l’encontre de la méritocratie. 7. Les anciens élèves de Bondy ayant bénéficié du « concours réservé » d’entrée à Sciences-Po qui témoignent dans ce reportage voient d’un œil très positif qu’un tel concours leur soit réservé. Ils invoquent l’ouverture de perspectives nouvelles, la prise de conscience de leurs capacités réelles, le regain de motivation à travailler. Sur place, l’intégration n’est pas toujours évidente, comme le relate le directeur de Sciences-Po (des comportements relevant du « racisme antibanlieue » ayant été constatés, et les étudiants expliquent qu’il leur faut un temps d’adaptation avant de se sentir légitimes). Le reportage conclut sur le fait que le taux de réussite des étudiants issus de ZEP est semblable au taux des autres étudiants. Doc. 3 Le traitement judiciaire des discriminations en France 8. Les motifs de plainte les plus fréquents sont liés à l’origine (ou à la nationalité), à l’état de santé ou à la grossesse. 9. Le graphique ne présente que les données des plaintes réellement formulées et traitées par les tribunaux. Or on peut supposer que de nombreuses discriminations ne font pas l’objet de plaintes officiellement enregistrées et traitées par le système judiciaire (en raison de l’autocensure ou de la méconnaissance des lois et des procédures de défense). 10. L’exemple ici donné (une plainte non déposée) peut résulter d’un comportement d’autocensure de la part de Madame X, en partie lié à l’intériorisation de ce que Pierre Bourdieu appelait la « domination masculine ». Doc. 4 La diversité contre l’égalité 11. Pour l’auteur, si les politiques de discrimination positive (qui ont progressivement remplacé les projets de « rupture avec le capitalisme ») ne sont pas nécessairement inefficaces, elles font en revanche l’objet d’une instrumentalisation politique visant à légitimer l’augmentation globale des inégalités de situations. Assurer une certaine « diversité » à tous les échelons de la société dispenserait de s’interroger sur les causes profondes (et donc les remèdes) du creusement des écarts entre riches et pauvres. 12. La discrimination positive, non accompagnée de mesures fortes de redistribution, reposerait sur une « parodie de justice sociale ». Selon l’auteur, le combat pour la diversité et l’égalité des chances n’est pas réellement égalitariste mais a pour effet (pervers ?) la justification d’un ordre économique libéral très inégalitaire. Faire le point La discrimination négative est contraire aux droits fondamentaux. En revanche, la discrimination positive est légale et a pour but de lutter contre l’inégalité des chances. Mais celle-ci est parfois dénoncée car elle tend à discréditer les politiques de lutte contre l’inégalité des situations. Ressource numérique Vidéo • La discrimination positive à Sciences Po ✓ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder librement à la vidéo. www.lienmini.fr/magnard-ses-022 Cette vidéo, à partir de témoignages d’anciens élèves de ZEP ayant intégré Sciences-Po Paris par un concours réservé, montre les effets d’entraînement de la discrimination positive dans un lycée défavorisé. 150 CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? DOSSIER 3. Les limites des politiques de lutte contre les inégalités Le programme officiel On montrera que l’action des pouvoirs publics s’exerce sous contrainte et qu’elle fait l’objet de débats quant à son efficacité : risques de désincitation et d’effets pervers. ➜ Mise en œuvre dans le manuel Il arrive qu’une mesure politique visant plus de justice sociale soit source d’« effets pervers », c’est-à-dire de conséquences non souhaitées et injustes (A. Risque d’effets pervers). Les pouvoirs publics peuvent augmenter les prélèvements obligatoires pour mieux lutter contre les inégalités. Mais ils risquent de désinciter les acteurs économiques à participer activement à la satisfaction de l’intérêt général (B. Risque de désincitation). Les besoins du marché du travail contraignent la politique scolaire. La concurrence des pays où les taux de prélèvements obligatoires sont faibles pose un problème de financement des politiques sociales dans les pays développés (C. Les politiques publiques sous contrainte). A. Risque d’effets pervers p. 296-297 Doc. 1 L’inflation scolaire, effet pervers des politiques de massification 1. Ségréguer signifie séparer. On parle de démocratisation ségrégative lorsque l’accès à l’école devient effectivement universel mais que s’opère une hiérarchisation des établissements, des filières et des sections qui sépare en réalité les enfants en fonction de leur milieu social d’origine, ce qui favorise la reproduction sociale. 2. La massification scolaire aurait au mieux engendré une translation des inégalités : la scolarité s’est allongée pour tous, mais les individus issus de milieux sociaux modestes demeurent pour la plupart au bas de l’échelle scolaire puis socio-professionnelle. L’augmentation des inégalités et de la concurrence dans le monde du travail se serait même répercutée sur l’institution scolaire, les places élevées devenant plus rares et plus convoitées. Si bien que le diplôme seul ne suffit plus à opérer une sélection : le capital social est devenu une ressource indispensable. 3. La phrase soulignée évoque implicitement le « paradoxe d’Anderson » : des enfants plus diplômés que leurs parents n’ont pas forcément une position sociale plus élevée. Cela peut être vécu comme un déclassement (voir les travaux de Camille Peugny) engendrant, si l’on reprend les termes de la psychologie sociale, de la frustration et des sentiments d’injustice. La démocratisation scolaire aboutit alors à l’effet inverse de celui escompté (c’est-à-dire une société plus juste au sens de la méritocratie) : il s’agit bien d’un effet pervers. Doc. 2 L’école républicaine en France, inégalitaire et moyennement performante 4. Le tableau présente des résultats dans l’ensemble très « moyens » du système scolaire français. Si l’on excepte l’augmentation de la part d’élèves « très performants » en compréhension écrite, l’école serait de plus en plus inégalitaire (les écarts se creusent entre les plus performants et les plus en difficulté) et ne parvient pas à réduire l’échec scolaire (qui croît lui aussi). Il serait intéressant de connaître par ailleurs p. 296-301 les limites de l’enquête PISA (qui contient nécessairement des biais statistiques) ; prendre garde également de ne pas sur-interpréter le document : l’« échec » relatif de l’école française a sûrement des causes extra-scolaires (augmentation de la pauvreté et de la précarité par exemple) qui ne sont pas toujours mises en avant. 5. D’après l’enquête, le poids de l’origine sociale dans la réussite scolaire est de plus en plus important, signe d’une école moins méritocratique (ceci confirme l’analyse de M. Duru-Bellat présentée dans le Doc. précédent) et sans doute plus « ségrégative » (P. Merle). 6. Ce constat d’une anxiété relativement élevée est difficile à interpréter, notamment parce qu’il s’appuie sur une somme de réponses très « subjectives » (on ne sait d’ailleurs pas l’âge des enfants interrogés sur ce point, ce qui peut constituer un biais statistique). L’écart présenté est cependant suffisamment important (+ 13 points de pourcentage par rapport à la moyenne) pour qu’on puisse faire l’hypothèse d’un manque relatif d’autonomie et de confiance en soi des élèves français (presque la moitié d’entre eux se disaient « perdus » face à la résolution d’un problème) par rapport à l’ensemble des système scolaires testés, et d’un cadre scolaire plus « anxiogène » que la moyenne. Doc. 3 Les effets pervers des politiques d’assistance Les questions 7 et 8 portent sur la vidéo. 7. Le RSA, d’un point de vue financier, incite davantage que le RMI à reprendre une activité en garantissant une augmentation des revenus (possibilité de cumul entre ces revenus d’activité et une partie du RSA). 8. S. Paugam estime que le RSA ne peut avoir que des effets marginaux sur la pauvreté comme phénomène global. Le fait de pouvoir cumuler petite activité et minima sociaux, au lieu de faire tremplin vers un emploi stable à temps-plein, risque de maintenir les individus dans la précarité (les entreprises profitant d’une main-d’œuvre bon marché c’est-à-dire « mise à disposition ») : le RSA serait alors contre-productif. Il pourrait l’être aussi dans la mesure où les plus démunis (ceux qui touchent le RSA-socle) seront plus stigmatisés en tant que « purs assistés » et ne seront plus au centre de l’attention des services sociaux comme c’était le cas avec le RMI. Ressource numérique Vidéo • Pauvreté et solidarité. Entretien avec Serge Paugam ✓ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder librement à la vidéo. www.lienmini.fr/magnard-ses-023 Le sociologue Serge Paugam revient sur l’histoire de la prise en charge publique de la solidarité envers les plus démunis, et expose les insuffisances et effets pervers des minima sociaux tels qu’ils existent aujourd’hui. Doc. 4 Les effets pervers de la discrimination positive 9. Premier effet pervers : les bénéficiaires de la discrimination positive portent cette dernière comme un stigmate CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 151 (perçus comme étant illégitimement favorisés, ils manquent d’une réelle reconnaissance sociale, voire sont victimes d’ostracisme). Second effet pervers : les bénéficiaires de la discrimination positive fournissent peu d’efforts en se comportant comme des « profiteurs ». 10. La discrimination positive nuit à ceux qui sont censés en bénéficier. La discrimination positive crée une rente de situation pour ses bénéficiaires. Effet pervers (stigmatisation) Rupture du pacte républicain proclamant l’égalité de tous devant la loi Les bénéficiaires sont des victimes, leur étiquetage contribuant à affaiblir leur intégration sociale. Les bénéficiaires sont des « profiteurs » développant une mentalité d’assistés. FAIRE LE POINT Politique égalitaire Effets pervers possibles Massification scolaire Reproduction voire hausse des inégalités Stigmatisation des bénéficiaires Mesure d’assistance ou de discrimination positive B. Risque de désincitation Émergence d’une catégorie de « profiteurs » p. 298-299 Doc. 1 Des politiques scolaires méritocratiques désincitatives 1. La démocratisation scolaire a contribué à accorder la primauté (voire l’exclusivité) au jugement porté par l’école sur le « niveau » des individus. Le sentiment d’échec et d’inaptitude des plus mal notés s’en est trouvé accru. Mais c’est surtout la diffusion de l’idée d’une école méritocratique ayant une fonction d’« ascenseur social » qui contribue à décourager les jeunes en échec scolaire. Le titre de l’article dont est tiré le texte est éloquent : il défend la thèse d’un « mythe méritocratique comme entreprise de démoralisation ». 2. Analyse « psychologisante » s’oppose ici à analyse « sociologisante ». Selon la méthode durkheimienne, le sociologue doit tâcher d’expliquer des faits sociaux (ici la réussite scolaire) par d’autres faits sociaux (l’origine sociale, la transmission de diverses formes de capitaux, etc.). Sans nier le rôle joué par la liberté et la responsabilité individuelles, il s’agit de mettre l’accent sur les grands déterminismes à l’œuvre et dépassant les volontés individuelles (extériorité et pouvoir coercitif des faits sociaux pour Durkheim). Une « analyse psychologisante des rapports sociaux » consiste en revanche à interpréter les faits sociaux comme résultant des seules libertés et responsabilités individuelles. 3. Une analyse psychologisante du chômage pourrait consister à réduire ce phénomène à une somme d’actes volontaires, délibérés, liés notamment à la paresse et au manque de « moralité sociale » d’individus cherchant à « profiter » du système d’aides sociales par exemple. Cela reviendrait aussi à culpabiliser les chômeurs, rendus seuls responsables de leur situation. Cela revient enfin à ne plus considérer l’existence du chômage (comme fait social) mais seulement celle de chômeurs. Doc. 2 L’État-providence : déresponsabilisant et liberticide ? 4. Le texte développe des arguments de type libertarien : l’État-providence est d’abord critiqué en cela qu’il aliène les libertés individuelles (« Pourquoi priver le citoyen de la possibilité de gérer sa propre vie comme il l’entend ? »). 5. L’État-providence serait donc non seulement liberticide, mais aussi déresponsabilisant : le texte développe l’idée d’une grande machine censée protéger les individus mais 152 finissant par les surprotéger et leur faire perdre le sens de l’initiative et de la responsabilité individuelle. Il y aurait un risque de désincitation (à travailler sérieusement, à prendre soin de sa santé, etc.) néfaste au plan du bien-être collectif. 6. La Sécurité sociale est en quelque sorte un service collectif ne discriminant (normalement) pas les individus (selon leur état de santé, leur niveau de richesse, etc.). Privatiser ce service le rendrait sans doute moins accessible, voire inaccessible aux plus démunis, non pas « libres » mais dans l’incapacité matérielle de souscrire une assurance réellement protectrice contre les risques sociaux. On retrouve ici l’opposition libertarianisme/égalitarisme : les libertariens supposent que la privatisation pure et simple stimulerait chacun et le rendrait capable financièrement d’accéder à une assurance-maladie privée ; les égalitaristes pensent que les inégalités résultant des mécanismes de marché sont largement subies et doivent faire l’objet d’une correction par les pouvoirs publics (cf. Doc. 2 p. 288). Doc. 3 La courbe de Laffer ou « trop d’impôt tue l’impôt » 7. Les recettes fiscales sont le produit du taux d’imposi- tion et de la taille de l’assiette globale. Pour Laffer, un taux d’impôt trop élevé (« trop d’impôt », soit au-delà de t*) a un effet de désincitation sur les contribuables qui cherchent à lui échapper et réduisent ainsi la taille de l’assiette imposée (ce qui « tue l’impôt »). 8. Le raisonnement de Laffer semble rejoindre le rejet de l’intervention publique caractéristique du modèle libertarien de justice sociale : l’« expropriation » fiscale excessive est de ce point de vue non seulement liberticide mais inefficace économiquement. Le modèle méritocratique-rawlsien peut aussi correspondre à l’analyse de Laffer, dans la mesure où un État trop interventionniste ne permettrait ni de maximiser le sort des plus défavorisés (car inefficace), ni de respecter le droit de propriété des plus favorisés. Doc. 4 La désincitation au paiement de l’impôt : évasion, fraude et paradis fiscaux Les questions 11, 12 et 13 portent sur la vidéo. 9. Paradis fiscal : territoire où les taux de prélèvements obligatoires sont très faibles. Fraude fiscale : ensemble des comportements consistant à éviter illégalement les services fiscaux vis-à-vis desquels on est redevable, en ne déclarant qu’une partie de son activité, en dissimulant des résultats réels ou en domiciliant de manière opaque cette activité dans un paradis fiscal. CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? Optimisation fiscale : comportement consistant pour une entreprise à déclarer l’essentiel de ses profits dans des paradis fiscaux afin de minimiser son taux d’imposition. 10. Si l’on considère que des politiques égalitaires efficaces requièrent un État-providence fort disposant de recettes socio-fiscales élevées, alors on comprend que la multiplication des paradis fiscaux incite les très grandes entreprises à pratiquer l’évasion fiscale, ce qui grève les recettes de l’État. L’aspect financier de la « crise de l’État-providence » (selon l’expression de P. Rosanvallon) n’est en rien étranger à l’existence de paradis fiscaux. 11. Selon l’OCDE, un territoire est classé comme paradis fiscal lorsqu’il présente les caractéristiques suivantes : 1) un niveau d’imposition relatif très faible pour les entreprises et les particuliers ; 2) un manque de transparence sur le mode de calcul des impôts ; 3) un manque de coopération avec les autres pays (montants d’impôts déclarés, identité des déclarants, grâce aux secrets bancaire et juridique). 12. Pour échapper à l’impôt, la plupart des entreprises créent des sociétés « fictives », ou holdings, domiciliées dans le paradis fiscal. Ces holdings vendent des produits (biens et services) à l’entreprise-mère à un prix artificiellement élevé, ce qui réduit ses bénéfices déclarés donc ses impôts ; dans le même temps, la holding fait de gros bénéfices mais peu imposés, grâce au paradis fiscal. 13. Par définition, un paradis fiscal pratique de faibles taux d’imposition, qui laissent supposer que ses recettes fiscales sont faibles. Souvent, ce sont de petits territoires avec peu de ressources et de capacités de production. Mais, si l’on reprend le raisonnement de Laffer, un très faible taux risque d’attirer de très nombreuses entreprises ainsi que de riches ménages, ce qui peut engendrer de substantielles recettes fiscales, car si les taux d’imposition sont faibles, ils s’appliquent à des sommes très importantes. Ressource numérique Vidéo • Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? ✓ Saisir l’adresse du lien indiqué sur la page pour accéder librement à la vidéo. www.lienmini.fr/magnard-ses-024 Cette vidéo définit la notion de paradis fiscal et présente les raisons de leur essor. FAIRE LE POINT 1. Vrai ; 2. Faux ; 3. Vrai ; 4. Vrai C. Les politiques publiques sous contrainte p. 300-301 Doc. 1 Des dépenses d’éducation peu « rentables » ? 1. Un investissement est rentable lorsqu’à terme il rapporte plus qu’il n’a coûté. Si la massification scolaire, en particulier à l’université, a été faite dans l’espoir que les taux de croissance économique suivraient les gains en capital humain, alors le texte nous invite à penser que cet « investissement » fut en partie un échec. Le maintien sur le marché du travail d’une part importante d’emplois mal payés et requérant de faibles qualifications peut amener à conclure, a posteriori, à un manque de « rentabilité » des dépenses publiques d’éducation. 2. et 3. – Le texte laisse entendre que « bien sûr, nous pouvons estimer qu’une formation universitaire comporte des vertus autres qu’économiques ». Parmi ces vertus, 1) le souci d’assurer une certaine justice sociale (méritocratique par exemple) : une université entièrement privatisée enlèverait aux couches les moins favorisées toute chance d’ascension sociale ; mais aussi 2) le fait de vivre dans une société peuplée d’individus issus de tous milieux sociaux ayant la possibilité d’être curieux, cultivés et de ne pas réduire les études universitaires à une fabrique de « capital humain ». – Certes, le texte rappelle que le « marché du travail » est en inadéquation avec les qualifications de nombreux demandeurs d’emplois. Mais on peut penser qu’à long terme, la démocratisation scolaire accroîtra les capacités créatives de la société et facilitera certaines transformations économiques et sociales. Son efficacité ne doit pas être jugée qu’à courte échéance. Doc. 2 L’action publique contrainte par un manque d’attractivité fiscale 4. D’après Eurostat, en France en 2014, les sociétés étaient en moyenne imposées à hauteur de 38,1 % de leur bénéfice fiscal. 5. Ce taux d’impôt sur les sociétés est nettement supérieur (+ 12 à 15 points de pourcentage) à la moyenne des pays de l’UE (hors France, c’est à noter, car cela augmente l’écart à la moyenne) ou de la zone euro. On constate également que le taux de prélèvements obligatoires en France dépasse de près de 20 points la moyenne de l’UE. Ces chiffres laissent penser que la France n’est pas « fiscalement attractive » par rapport à d’autres pays européens, d’où deux conséquences possibles et non exclusives : une perte de recettes fiscales sous l’effet de l’évasion fiscale des entreprises ; une incitation pour les pouvoirs publics à baisser les taux d’imposition pour gagner en attractivité. Dans les deux cas, cela limite les marges de manœuvre financières de l’action publique. 6. Homogénéiser les politiques fiscales et sociales en Europe permettrait d’abaisser la pression concurrentielle précédemment évoquée, souvent appelée « course au moins-disant fiscal ». L’État-providence et les politiques dites de justice sociale disposeraient sans doute de moyens plus importants permettant une « harmonisation par le haut ». Reste à savoir sur quel(s) pays l’alignement socio-fiscal s’opérerait... Doc. 3 L’endettement public, une contrainte pour l’État-providence 7. La dette publique désigne le stock de titres de dette des administrations publiques (centrales, locales, de Sécurité sociale) à rembourser auprès de prêteurs à plus ou moins longue échéance moyennant le paiement d’intérêts. Elle est « alimentée » par le flux d’éventuels déficits publics. 8. La dette publique en France a fortement augmenté depuis 35 ans, passant de 21,1 % du PIB en 1978 à 95,1 % en 2014 (son ratio a été multiplié par presque cinq). Le rythme d’augmentation fut le plus fort dans la première moitié des années 1990 (période de marasme au niveau européen) et après 2007 (répercussions de la « crise des subprimes »). 9. Un des problèmes que pose un endettement public important quant au financement futur des politiques de justice sociale est le caractère auto-entretenu de la hausse des intérêts CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 153 dans les remboursements annuels : plus une dette est élevée, plus le poids des intérêts est important, plus il est difficile de stabiliser son ratio (a fortiori de le faire baisser). La notion de « soutenabilité » de la dette publique fait certes débat (à partir de quel ratio celle-ci serait-elle « insoutenable »?), mais il est généralement admis qu’un pays dont la dette croît fortement aura plus de difficultés à financer ses politiques sociales. Doc. 4 La dette publique, conséquence de politiques anti-redistributives ? 10. D’après le texte, l’accroissement de la dette publique a « débuté » par une diminution des recettes publiques (pour de nombreux pays, dans le sillage des États-Unis au début des années 1980), non par une augmentation excessive des dépenses. Ces baisses d’impôts, dont les défenseurs prétendaient qu’elles augmenteraient les recettes fiscales en stimulant la croissance (cf. « effet-Laffer »), n’auraient pas eu l’effet escompté. 11. Ainsi, non seulement les déficits publics (partant la dette publique) auraient crû sous l’effet de ces politiques fiscales (cf. question précédente), mais les inégalités économiques aussi. Pourquoi ? Certainement parce que les baisses d’impôts ont davantage bénéficié aux plus aisés (le texte parle de politiques « anti-redistributives »). 12. Cette hypothèse est confirmée par l’idée d’« effetjackpot » ; les plus riches auraient été doublement gagnants : en payant moins d’impôts, en tirant une rente importante de l’épargne ainsi dégagée (prêtée aux administrations publiques à des taux d’intérêt élevés). Remarque : ces politiques fiscales ne semblent pas favorables à l’égalisation des situations. Mais, d’un point de vue libertarien, elles ont contribué à la justice sociale. FAIRE LE POINT 1. Vrai ; 2. Faux ; 3. Faux Exercices p. 305-306 1. Vrai ou faux ? 1. Faux ; 2. Faux ; 3. Faux ; 4. Faux ; 5. Vrai ; 6. Faux ; 7. Faux ; 8. Faux ; 9. Faux ; 10. Vrai Politique visant : L’égalité des droits Ex : Instauration d’un droit universel à une couverture maladie L’égalité des situations Ex : Mise en place d ’un impôt progressif L’égalité des chances Ex : Imposition de quotas d’élèves boursiers dans les grandes écoles 3. Utiliser un texte dans le cadre de la dissertation ou de l’EC3 1. Le texte explique en quoi la discrimination positive peut être inefficace, voire engendrer des effets pervers (comme la stigmatisation de ceux qui en bénéficient). Elle est qualifiée d’ « écran de fumée » dans la mesure où elle ne viserait pas les causes réelles des inégalités sociales telles que la ségrégation urbaine ou le chômage de masse. Connaissances à mobiliser : discrimination, effets pervers, inégalités sociales, chômage de masse, égalité des chances, égalité des situations. 2. Une mesure de discrimination positive telle que les « conventions ZEP » de Sciences Po Paris ne permet pas de lutter efficacement contre l’inégalité des chances ». D’une part, cette mesure ne profite qu’à un petit nombre d’individus. D’autre part, elle peut avoir pour effet pervers de « stigmatiser » ses bénéficiaires dont la réussite sera imputée au favoritisme et non au mérite. Le texte souligne que seule une lutte active contre les inégalités des situations (face à l’emploi, au plan géographique) permettra de réellement favoriser l’égalité des chances. 154 2. Faire un schéma 4. Calculer une proportion, lire une évolution 1. Le nombre d’allocataires du RSA socle en France a augmenté de 14,6 % entre 2006 et 2012. 2. En 2012, 44 % des allocataires des principaux minima sociaux perçoivent le RSA socle. 3. Le nombre d’allocataires du RSA socle augmente fortement après 2008. Ceci doit s’expliquer en grande partie par l’augmentation du chômage de longue durée et de la pauvreté suite à la crise des subprimes. 4. Non. Car on ne sait pas comment a évolué la population en âge de travailler sur la période considérée, et c’est un rapport qu’il faudrait calculer. 5. Lire et interpréter une courbe de Lorenz 1. courbe bleue : Les 20 % les plus riches/les plus pauvres en termes de revenus gagnent 43 %/ 5 % du revenu total avant redistribution. Courbe rouge : Les 20 % les plus riches/les plus pauvres en termes de revenus gagnent 38 %/ 10 % du revenu total après redistribution. 2. La courbe de Lorenz se confondrait avec la bissectrice (en gris sur le graphique) en cas de répartition parfaitement égalitaire des revenus. CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 3. On peut déduire du graphique que la redistribution permet de réduire les inégalités de situations car, après redistribution, la part détenue par les plus hauts revenus dans le revenu total est plus faible alors que celle détenue par les plus faibles revenus est plus élevée (la courbe de Lorenz est alors plus proche de la bissectrice). 6. Lire et interpréter une corrélation 2. Les inégalités de revenus (du travail et du capital) sont plus élevées au Japon qu’au Danemark, où le taux de prélèvements obligatoires est très important. Méthode prélèvements obligatoires et les inégalités de revenus. Mais cette corrélation n’est pas systématique : Australie et Italie ont des taux de prélèvements obligatoires très différents mais des inégalités de revenus assez similaires. 4. On peut en déduire qu’il y a dans la plupart des cas un rapport de causalité entre les deux indicateurs : de fortes inégalités de revenus sont la conséquence d’un faible taux de prélèvements obligatoires et d’une faible redistribution du système socio-fiscal. p. 307 • Pour les remarques 1, 2, 3 et 5, indiquez ce qu’il aurait fallu écrire. 1. « … cela s’explique en partie par l’inefficacité des dépenses publiques » 2. « … c’est-à-dire les dépenses (sous formes de revenus de transfert, de salaires ou de financement de certaines infrastructures) financées par les prélèvements obligatoires et l’endettement des administrations publiques ». 3. « En rationalisant le système de protection sociale, on ne serait pas obligé de renoncer à toute politique de justice sociale, les dépenses étant mieux utilisées. » 5. « … serait supérieur de 20,8 points de pourcentage à ce qu’aurait été son niveau en l’absence d’évasion fiscale ». • Rédigez le paragraphe. Les difficultés de financement que rencontrent les politiques de justice sociale viennent à la fois de certaines dépenses inefficaces et de recettes moins importantes en raison des comportements d’évasion fiscale. Le document 1 insiste sur le caractère insoutenable de l’endettement public (qui dépasse en France 80 % du PIB, Doc. 2) et sur le poids trop important des dépenses de l’État. L’idée principale est celle d’un État-providence SUJET BAC. Épreuve composée Partie 1. Mobilisation des connaissances 1. Les pouvoirs publics peuvent utiliser leurs ressources fiscales pour produire (ou seulement financer lorsque la production est confiée à un organisme privé) des services collectifs, dont les principales caractéristiques sont d’être fournis en nature et universellement accessibles. En quoi cela contribue-t-il à la justice sociale (autrement dit à mieux assurer l’égalité des droits ou/et des chances ou/et des situations) ? Tout d’abord, l’universalité de l’accès permet dans bien des cas de réaliser l’égalité des droits entre tous les membres de la société. Les services de protection fournis par la police ou l’armée par exemple permettent d’assurer à chacun un droit à la protection physique et à la sécurité des biens. Ensuite, le service public d’éducation est généralement loué pour ses vertus d’égalisation des chances entre individus disposant de façon très inégale de ce que P. Bourdieu 3. On observe une corrélation négative entre le taux de trop protecteur et pas assez efficace (« les droits d’hier vont devenir les luxes de demain »). S’il convient pour l’auteur de moins dépenser, il ne s’agit pas de renoncer à tout objectif de justice sociale, simplement de limiter l’étendue de la redistribution. C’est le point de vue généralement défendu par les conceptions libérales de la justice sociale. Mais les dépenses sont-elles seules en cause ? Le document 2 atteste de l’importance de l’évasion fiscale en direction des paradis fiscaux depuis les années 1990. D’après les calculs du Collectif pour un audit de la dette publique, cette dernière atteindrait 50 % du PIB (au lieu de 83 %) en 2012 en l’absence d’évasion fiscale. Cela signifie que les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics proviennent en grande partie d’un manque de recettes, et non seulement de dépenses excessives ou inefficaces. Si la lutte contre l’évasion fiscale (c’est-à-dire les comportements d’optimisation ou de fraude fiscale) n’est pas tâche facile, elle constitue sûrement un des moyens incontournables de desserrer les contraintes financières qui brident aujourd’hui les politiques de justice sociale (en particulier la protection sociale). On peut aussi noter qu’augmentation des recettes et gains d’efficacité dans les dépenses sont deux objectifs a priori compatibles. p. 308-309 appelait le « capital culturel ». Une éducation entièrement privatisée ne profiterait pas aux plus démunis, dans l’incapacité de payer des études. Néanmoins, l’échec relatif des services collectifs éducatifs est régulièrement mis en avant par les enquêtes sociologiques : l’école, même universelle, endiguerait difficilement le phénomène de « reproduction sociale ». Enfin, la fourniture de services collectifs peut aussi être un moyen de réduire les inégalités de situations. Reprenons l’exemple de l’Éducation nationale. D’un côté, elle opère une redistribution horizontale (c’est-à-dire en fonction de critères autres que le niveau de revenu ou le patrimoine) dans la mesure où le « bénéfice » qu’elle apporte croît avec le nombre d’enfants. Mais le sociologue F. Dubet explique qu’elle opère aussi, indirectement, une redistribution verticale puisque, statistiquement, les ménages avec plus de trois enfants ont un niveau de vie plus faible que les autres : cette CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 155 inégalité de situations est réduite par un mécanisme redistributif pourtant fondé sur l’horizontalité. Plus simplement, le fait que certains individus pauvres aient accès à la plupart des services collectifs parce qu’ils sont financés par la puissance publique et qu’ils sont accessibles à tous témoigne de cette capacité des services collectifs à égaliser les situations. 2. Deux mécanismes organisent, au sein de l’État-provi- dence, la fonction de protection sociale contre les risques sociaux (vieillesse, maladie-handicap, famille, logement, exclusion). Le mécanisme d’assurance est caractéristique des systèmes à dominante bismarckienne : ce sont les travailleurs qui s’assurent « entre eux », de façon obligatoire et régie par des administrations publiques. Dans ce cas, il faut avoir cotisé pour pouvoir bénéficier de la protection sociale (les prestations sont contributives). Par exemple, l’assurance chômage ou les prestations de retraite obéissent au mécanisme assurantiel : elles opèrent une redistribution horizontale des actifs occupés vers les retraités ou les chômeurs, la réalisation des risques sociaux que sont la vieillesse ou le chômage constituant le critère de redistribution des cotisations perçues (lorsque ce critère est l’égalisation des revenus entre riches et pauvres, on parle de redistribution verticale). Que faire alors lorsque certains (chômeurs de longue durée, victimes de l’exclusion) n’ont pas les moyens de contribuer à hauteur suffisante au financement de la sécurité sociale ? Le mécanisme d’assistance permet de pallier cette carence. Il consiste à verser des prestations aux individus les plus démunis, sans qu’une contrepartie soit exigée : on parle de prestations non contributives (tels les minima sociaux). Il est financé par l’impôt, non par un système assurantiel de prestations sociales contributives, et il opère une redistribution verticale vers les plus défavorisés. En ce sens, il peut s’inscrire dans une conception universaliste-beveridgienne (droit à la protection sociale inconditionnel, protection universelle élevée, comme au Danemark ou en Suède), mais aussi à l’intérieur d’un système « libéral-résiduel » (EspingAndersen) qui limite la protection sociale aux minima versés au plus pauvres. Remarque : les deux logiques peuvent coexister, comme c’est aujourd’hui le cas en France. La Sécurité sociale y est majoritairement assurantielle, même si les dispositifs d’assistance se sont multipliés depuis 25 ans en raison de la progression du chômage et de la pauvreté. Partie 2. Étude d’un document Vous présenterez le document, puis vous rendrez compte de l’évolution des différentes réponses à l’enquête entre 2000 et 2013. Ce document est issu d’une enquête réalisée fin 2013 par un institut de sondage pour le ministère des Affaires sociales, enquête qui a été menée régulièrement depuis 2000. La source précise que l’échantillon choisi comprend 4 000 personnes : ses résultats peuvent être significatifs. On a demandé aux sondés quelles inégalités faisaient selon eux partie de celles qui sont le moins acceptables, autrement dit le moins légitimes et requérant sans doute une intervention des pouvoirs publics. Les inégalités d’accès aux soins arrivent en tête en 2013 (parmi les moins acceptables pour plus de 40 % des personnes interrogées), et leur « score » a cru de 10 points de pourcentage (soit d’un tiers environ) depuis 2000. On 156 observe également une nette hausse, dans les réponses, pour les inégalités liées à l’origine ethnique (près d’un tiers d’augmentation entre 2000 et 2013). Le logement, en dépit d’une baisse entre 2012 et 2013, est un élément jugé essentiel : une bonne part des sondés considèrent implicitement que santé et logement devraient constituer la priorité des politiques de lutte contre les inégalités. Les inégalités face à l’école ou à l’emploi sont jugées comme parmi les plus inacceptables que par 20 % des personnes interrogées. Les réponses citant les inégalités liées à l’héritage familial restent stables (environ 7-8 % des sondés les classent parmi les plus inacceptables) et à un niveau faible. Partie 3. Raisonnement s’appuyant sur un dossier documentaire À l’aide de vos connaissances et des documents, vous vous demanderez comment les pouvoirs publics peuvent contribuer à la justice sociale. La notion de justice sociale est polysémique, et peut référer à différentes formes d’égalité. Interroger le « comment » des politiques de justice sociale, c’est donc analyser les moyens par lesquels les pouvoirs publics peuvent réduire les inégalités des droits, des chances ou/et des situations, en se demandant si ces moyens parviennent ou non à leurs fins. 1. Les pouvoirs publics disposent d’outils pouvant contribuer à réduire l’inégalité des droits. • L’égalité des droits politiques et civils : un objectif prioritaire de justice sociale dès le xix e siècle C’est le législateur, dans les régimes démocratiques, qui crée des lois consacrant l’égalité des droits entre individus. La quête de l’égalité des droits remonte à la Révolution française de 1789 (« Tous les hommes naissent libres et égaux en droits »). Le suffrage universel (masculin) est adopté pour la première fois en 1848, période où l’esclavage est aboli. Les droits politiques (de vote et d’éligibilité) et civils (liberté d’expression, présomption d’innocence, etc.) symbolisèrent la lutte pour l’égalité au xixe siècle. • L’égalité des droits sociaux et la construction de l’État-providence Au xxe siècle, avec le développement du salariat, les pouvoirs publics vont être amenés à mettre en place des outils permettant à tous les individus de bénéficier de droits sociaux. Ici, l’égalité des droits va de pair avec une redistribution des revenus dite horizontale, en fonction de la réalisation de « risques sociaux » : maladie, vieillesse, chômage, famille. On peut aussi considérer que les minima sociaux constituent un moyen d’assurer une « égale dignité » (Déclaration de 1948) à chaque individu : on voit dans le Doc. 3 que, pour les ménages situés en-dessous de D1, les prestations sociales représentent en moyenne 42,3 % (contre 12,3 % pour ceux situés entre D2 et D3 par exemple) du revenu, ce qui exprime le fait que les plus pauvres bénéficient bien de droits sociaux. • Des outils pas toujours suffisants ni réellement efficaces. La lutte pour une plus grande égalité des droits continue aujourd’hui encore : cf. multiples droits obtenus par les CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? femmes « avec retard » (droit de vote en 1944 en France) ; cf. depuis trente ans diverses mesures de discrimination positive qui visent à compenser le caractère simplement formel de l’égalité des droits dans certains cas (femmes, jeunes issus de banlieues « difficiles », voire personnes pauvres (Doc. 2)). Mais ces mesures sont souvent critiquées pour être encore insuffisantes. 2. D’autres outils sont à même, avec plus ou moins de réussite, de réduire l’inégalité des chances et des situations. • La redistribution permet d’assurer une plus grande égalité des situations et des chances. Cf. Doc. 3 : part des prestations sociales qui décroît avec le revenu ; poids des impôts directs qui croît avec le revenu : les impôts directs sont progressifs (pèsent d’autant plus que l’on est plus riche). Ne pas oublier que les services collectifs sont aussi au service de l’égalité des situations et des chances (voir corrigé Partie 1 Q°1 p. 308), notamment via l’accès universel à l’éducation. • Certains outils visent plus spécifiquement l’égalité des chances. C’est le cas de la démocratisation scolaire, des systèmes de bourses et d’aides après le bac. Cf. Doc. 1 : Entre 2001 et 2012, une part croissante d’étudiants bénéficie d’une aide financière (environ 20 % de hausse). Mais attention : cela peut refléter un système de redistribution plus « généreux » donc plus égalitaire comme une simple augmentation du taux de « pauvreté » chez les étudiants français durant la période. Le document ne permet pas de trancher mais il est possible que l’appauvrissement des étudiants explique en partie cette hausse ; dans ce cas, on peut dire que les aides SUJET BAC. Dissertation • Mais ces mesures ne sont pas toujours suffisantes. Ce type de mesure contre les discriminations peut n’avoir qu’un impact limité : pénaliser ne suffit souvent pas, en raison du manque de moyens du système judiciaire, des comportements d’autocensure de la part des victimes, etc. Par ailleurs, concernant la discrimination positive, il peut engendrer des effets pervers (renforcement de la stigmatisation notamment) et être de trop faible envergure (cf. politiques des quotas). Enfin, les politiques de redistribution affrontent des comportements de fuite devant l’impôt (évasion et fraude fiscales) de plus en plus fréquents et favorisés par la concurrence socio-fiscale au niveau international. Par ailleurs, de nombreux gouvernements, au nom de l’efficacité du libéralisme économique, ont adopté des lois rendant les systèmes fiscaux moins redistributifs depuis les années 1980, ce que dénoncent de nombreux économistes critiques (T. Piketty, « économistes atterrés », etc.). p. 310-3111 Dans quelle mesure l’action des pouvoirs publics en faveur de la justice sociale est-elle efficace ? ▶ Proposition de plan détaillé I/ Les politiques en faveur de la justice sociale parviennent à lutter contre les inégalités. A. En limitant l’inégalité des droits La quête de l’égalité des droits remonte à la Révolution française de 1789. Le suffrage universel (masculin) est adopté pour la première fois en 1848, période où l’esclavage est aboli. Les droits politiques (de vote et d’éligibilité) et civils (liberté d’expression, présomption d’innocence, etc.) symbolisent la lutte pour l’égalité au xixe siècle. Au xxe siècle, avec le développement du salariat, les pouvoirs publics vont être amenés à mettre en place des outils permettant à tous les individus de bénéficier de droits sociaux. Ex. de la santé, Doc. 4 : mise en place de CMU-C a très probablement réduit la part globale d’individus renonçant aux soins de santé pour raisons financières (l’écart « non AMC-CMU-C » est de 13 points en 2010). Le document 3 invite à rappeler l’universalité de l’accès à l’éducation conçue comme un droit (toutes les couches sociales sont aujourd’hui représentées à l’université). financières constituent tout de même un outil permettant de limiter les inégalités d’accès à l’université. C’est aussi le cas des diverses mesures de discrimination positive (rencontrant une certaine réussite : les récentes manifestations autour d’établissements risquant de perdre le label « ZEP » l’attestent), ou des lois visant à condamner les discriminations « négatives » (liées à l’apparence physique, au sexe, à l’origine, etc.). Cf. Doc. 2 : est ici évoquée la « discrimination anti-pauvres », par le biais de la CNCDH (dont l’existence et l’influence témoignent de la mise à l’agenda politique de la lutte contre les discriminations), le document parlant d’une « intolérance anti-pauvres ». L’idée est dans ce cas de pénaliser officiellement un nouveau type de discrimination. B. En limitant l’inégalité des situations... Inégalité des situations : quantités inégalement distribuées de ressources socialement valorisées - Le principal outil est ici la redistribution socio-fiscale, en particulier la redistribution verticale, qui requiert une progressivité du système. Cf. Doc 1 : jusqu’au percentile 95 du moins (voir II), le système fiscal français est progressif : le poids des prélèvements est plus important pour les hauts revenus que pour les faibles revenus. Les auteurs notent que la progressivité est faible : c’est l’ensemble du système qui est pris en considération. Si on se limitait à l’impôt sur le revenu par exemple, on constaterait une progressivité plus élevée. La production de services collectifs permet aussi de réduire les inégalités de situations (voir corrigé p. 308, Partie 1 Q° 1). Enfin, les prestations sociales, bien que répondant à une logique de redistribution horizontale, peuvent réduire ces inégalités de situations (voir corrigé p. 308 Q°2). C. … et l’inégalité des chances Notons d’abord que toutes les mesures visant à limiter l’inégalité des droits et/ou des situations permettent d’améliorer l’égalité des chances : les premières car elles en sont une condition nécessaire, les secondes dans la mesure où elles permettent, le plus souvent, de corriger les inégalités liées CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ? 157 à l’héritage familial qui rendent la compétition sociale non-équitable. Ensuite, la politique scolaire constitue l’exemple canonique d’action publique en faveur de l’égalité des chances. On voit dans le document 2 que les femmes ne subissent pas de discrimination apparente quant à l’accès à l’université en 2013, au contraire (elles forment 56,9 % du contingent total). Rappelons néanmoins que des statistiques par « filières », plus ou moins prestigieuses, nous conduiraient à nuancer cette conclusion, de même que la lecture du document 3 (voir II). C’est notamment pourquoi il faut aussi prendre en compte tout l’arsenal législatif de la « discrimination positive », dont l’objectif explicite est de lutter contre l’inégalité des chances (voir Docs F. Dubet, Dossier 1). Le concours Sciences Po réservé aux élèves de ZEP en constitue un exemple parlant : il a réellement permis de « diversifier » le public de Sciences Po, mais de manière très marginale et sans modifier structurellement les inégalités des chances scolaires liées au territoire en France. D’autres mesures concernent la répression des cas flagrants de discriminations « négatives » (envers les femmes, les personnes issues de « minorités, les handicapés, etc.) et les pouvoirs publics sont d’autant plus légitimes dans leur lutte (voir le rôle de la Halde) que les mouvements sociaux anti-discriminations sont plus nombreux et plus influents. II/ Mais leur efficacité est limitée et rencontre de nombreux obstacles. A. Pour lutter contre l’inégalité des droits D’une part, l’égalité des droits demeure dans certains cas très « formelle » : le droit au travail consacré après 1945 n’empêche pas un taux de chômage élevé touchant inégalement les catégories sociales, ni le maintien d’une répartition inégalitaire du travail domestique qui bride les possibilités réelles des femmes sur le marché du travail (Doc. 2). Ce d’autant plus que l’octroi d’un droit n’empêche pas forcément le maintien de comportements d’autocensure liés à un sentiment de honte ou d’illégitimité sociales (exemple de l’abstention interprétée comme un « sens caché » par D. Gaxie, exemple des femmes qui n’osent pas toujours faire valoir leur droit à l’avortement, exemple des personnes démunies qui renoncent plus souvent aux soins dans le document 4). B. Contre l’inégalité des situations... L’inefficacité de la lutte contre les inégalités de situations peut être liée à des choix politiques : c’est l’argument des économistes critiquant le « tournant libéral » des années 1980 à partir duquel les impôts sur les plus aisés ont commencé à baisser (multiplication des niches fiscales notamment), ce qui explique en partie le retournement de la courbe à partir de C96 dans le document 1. De manière générale, les systèmes socio-fiscaux sont plus ou moins redistributifs (cf. Esping-Andersen). Elle est aussi liée aux contraintes qu’impose une concurrence socio-fiscale accrue : l’État-providence redistributeur rencontre d’importantes difficultés de financement depuis une trentaine d’années. Les « économistes atterrés » soulignent que ces contraintes internationales sont aussi le résultat de politiques de libéralisation financière ayant favorisé les comportements d’évasion fiscale via l’essor des paradis fiscaux (c’est un autre facteur d’explication du retournement de la courbe, Doc. 1). C. … et contre l’inégalité des chances Enfin, le manque de méritocratie, voire l’accroissement du poids de l’origine sociale dans les parcours et la réussite scolaires (cf. dernière enquête PISA, cf. travaux de M. DuruBellat) attestent l’échec relatif d’une démocratisation qui aspirait à faire respecter l’égalité des chances. Cf. Doc. 3 : Enfants de cadres surreprésentés à l’Université, encore davantage en classes préparatoires versus enfants d’ouvriers sous représentés. Les politiques de discrimination positive, menées au nom de l’égalité des chances, font par ailleurs face à un risque d’effets pervers : stigmatisation, sentiment d’illégitimité (voir corrigé Exo. 3 p 305), « ethnicisation des rapports sociaux », etc. ; elles seraient selon certains sociologues instrumentalisées par le patronat et certains partis politiques : assurer un minimum de « diversité » dispenserait de lutter contre des inégalités de situations globales en constante augmentation. Malgré de nombreux outils de lutte contre les inégalités pour promouvoir la justice sociale, les résultats obtenus ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Bibliographie • A. Bihr, R. Pfefferkorn, Le Système des inégalités, La Découverte, coll. « Repères », 2008. • A. Bozio, J. Grenet (dir), Économie des politiques publiques, La Découverte, coll. « Repères », 2010. • Collectif, « Justice sociale et action publique, des principes à leur mise en œuvre », Problèmes économiques et sociaux, n° 949-950, juin-juillet 2008. • C. Arnsperger, P. Van Parijs, Éthique économique et sociale, La Découverte, coll. « Repères », 2003. • F. Dubet, Les Places et les chances. Repenser la justice sociale, Seuil, 2010. • M. Duru-Bellat, Le Mérite contre la justice, Presses de Sciences po, 2009. Sitographie • www.insee.fr • www.inegalites.fr (site de l’Observatoire des inégalités) • www.drees.sante.gouv.fr (Direction de la recherche, de l’évaluation et des statistiques) • www.ocde.org • www.alternatives-economiques.fr 158 CHAPITRE 10 • COMMENT LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT-ILS CONTRIBUER À LA JUSTICE SOCIALE ?