
ChapitreXXX
Politiquekeynésienneetpolitiquenéolibérale
Limiter à deux grandes familles – keynésienne et néolibérale – les politiques économiques
d’aujourd’hui est naturellement très réducteur. Il y avait, avant Keynes, une politique que
Keynes qualifiait d’«orthodoxe» et à laquelle le keynésianisme s’oppose. Cette «orthodoxie
classique» qui a laissé des traces et qui se retrouve, en partie, dans certains thèmes de la
pensée néolibérale, ous n’en parlons pas. Nous ne parlons pas non plus de la «voie sociale
démocrate » prônée par de puissants partis socialistes en Europe occidentale. Elle s’apparente
souvent à une politique de relance keynésienne. Mais parce qu’elle se nourrit d’autres
traditions de pensée et s’appuie plus explicitement sur d’autres forces sociales, elle ne peut,
purement et simplement, être assimilée à la politique keynésienne. Au demeurant, ces
dernières années, la voie de politique économique et sociale poursuivie par des
gouvernements à participation socialiste est fréquemment sous l’influence de l’idéologie
néolibérable. Les privatisations des années quatre-vingt-dix en Belgique, la pression exercée
par le gouvernement sur les salaires, l’acceptation de la libéralisation totale des capitaux en
sont autant de preuves.
Il n’y a ni politique keynésienne «à l’état pur», ni politique néolibérale «à l’état pur». Il y a
certes des préceptes keynésiens et des préceptes néolibéraux. Dans la réalité, les politiques
économiques poursuivies sont la plupart du temps issues de compromis : politiques, sociaux
ou idéologiques. Pas seulement des compromis entre keynésianisme et néolibéralisme : très
souvent des compromis qui prennent en compte des exigences ou des revendications qui
dépassent de loin ces deux familles de pensée. Dans cet exposé, on décrira les préceptes, en
quelque sorte, dans leur généralité, dans leur caractère absolu, radical. Cette manière de
procéder a l’avantage de la clarté et les désavantages de tout schématisme.
Le développement plus ou moins poussé de la machine économique, l’existence de
déséquilibres plus ou moins profonds, le rapport de forces entre les principaux acteurs sociaux
sont des données dont aucune politique économique ne peut faire abstraction. Elle s’insère
toujours dans une réalité bien concrète qui impose des contraintes. Ainsi, avec un taux
d’inflation élevé, un déficit budgétaire considérable et une balance commerciale en équilibre,
on fera nécessairement autre chose que si les prix sont stables, les finances publiques
équilibrées et le solde extérieur négatif. Donc les faits imposent des contraintes. Mais ils ne
déterminent pas à eux seuls une stratégie. Il y a toujours un espace pour telle ou telle option,
pour tel ou tel choix. C’est à ces choix qu’on s’attachera, sans trop se préoccuper de la
manière dont ils se concrétisent.
Dans les chapitres consacrés à la mondialisation de l’économie, nous avons vu que les forces
montantes du capital mettaient en œuvre une nouvelle régulation du capital : elles voulaient
un maximum de liberté et donc de dérégulation pour pouvoir se déployer. La politique
néolibérale qui s’appuie sur le discours de la pensée unique est celle des forces montantes.
Elle triomphe à l’heure actuelle.