Affichage et impression du document en format PDF

publicité
Asthme lié au travail
Document de travail à l’intention du
Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et
de l’assurance contre les accidents du travail
Novembre 1996
Références actualisées en janvier 2002
Révision en mars 2014
préparé par :
Dre Susan M. Tarlo, MB BS FRCPC
Pneumologue
La Dre Susan M. Tarlo a obtenu son doctorat en médecine de la London University à
Londres, en Angleterre, en 1969. Elle a fait des études postdoctorales en médecine
interne au Westminster Hospital et au Brompton Hospital au Royaume-Uni ainsi que
des résidences en allergie, en immunologie clinique et en pneumologie à l’Université
Queen’s et à l’Université McMaster en Ontario. Elle s’est jointe au corps professoral
de l’Université de Toronto en 1977, et elle est actuellement professeure à la faculté de
médecine de cet établissement. Elle s’intéresse à la pratique clinique et à la recherche
dans les domaines des maladies respiratoires et des allergies professionnelles. Elle a
publié de nombreux de recherche dans ces domaines. Elle pratique principalement à
titre de clinicienne en pneumologie au Toronto Western Hospital, Réseau universitaire
de santé, mais aussi à l’hôpital St. Michael’s. La Dre Tarlo agit également à titre
d’assesseure médicale du Tribunal depuis 1986.
Ce document de travail médical sera utile à toute personne en quête de renseignements
généraux sur le sujet médical traité. Il vise à donner un aperçu général d’un sujet médical
fréquent dans les appels.
Chaque document de travail médical est rédigé par un expert reconnu dans son domaine qui a
été choisi sur la recommandation des conseillers médicaux du Tribunal. Chaque auteur a pour
directive de brosser un tableau équilibré de l’état des connaissances médicales sur le sujet traité.
Les documents de travail médicaux ne font pas l’objet d’un examen par les pairs, et ils sont
rédigés pour être compris par les personnes n’appartenant pas à la profession médicale.
Asthme lié au travail
Les documents de travail médicaux ne reflètent pas nécessairement le point de vue du Tribunal.
Les décideurs du Tribunal peuvent tenir compte des renseignements contenus dans les
documents de travail médicaux et s’appuyer sur ceux-ci, mais le Tribunal n’est pas lié par les
opinions exprimées dans ces documents. Chaque décision du Tribunal doit être fondée sur les
faits entourant le cas particulier visé. Les décideurs du Tribunal reconnaissent que les parties à
un appel peuvent toujours s’appuyer sur un document de travail médical, s’en servir pour établir
une distinction ou le contester à l’aide d’autres éléments de preuve. Voir Kamara c. Ontario
(Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal) [2009] O.J. No. 2080 (Ont Div Court).
Traduit de l’anglais par Language Marketplace Inc.
Asthme lié au travail
Introduction
L’asthme est un trouble commun pouvant se déclencher à tout âge. En général, on
n’en connaît pas la cause, bien qu’il y ait un élément génétique (c.-à-d. qu’il apparaît
souvent chez plus d’un membre d’une même famille) et qu’il soit souvent associé
à l’allergie (jusqu’à 80 % des enfants qui développent l’asthme présenteraient un
élément allergique et ce taux irait jusqu’à 50 % chez les adultes). L’association avec
l’allergie est souvent manifeste en raison d’antécédents personnels ou familiaux de
rhinite allergique (symptômes semblables au rhume des foins) ou d’eczéma. Les
réactions allergiques à l’asthme sont associées à la production d’anticorps IgE contre
des protéines ou glycoprotéines précises étrangères à l’organisme et qui, en général,
sont inhalées, p. ex., protéines de chat, d’acarien détriticole ou de champignon. Ces
protéines et glycoprotéines se nomment allergènes.
Asthme lié au travail
L’asthme lié au travail est le terme utilisé pour décrire l’asthme soit causé ou aggravé
par une exposition à certaines substances au travail (Fig. 1).
Figure 1 - Sous-types d’asthme lié au travail
3
Asthme lié au travail
Parmi les adultes qui développent l’asthme pour la première fois (appelé asthme
de l’adulte), on estime que de 10 % à 15 % peut souffrir d’asthme CAUSÉ par
une exposition à certaines substances au travail et on parle alors d’ASTHME
PROFESSIONNEL (AP). Dans ce cas, l’AP est généralement provoqué par une
réaction ALLERGIQUE ou, parfois, par une réaction se comportant de manière
semblable à une réaction allergique, mais pour laquelle le mécanisme n’est pas
évident (ces réactions agissant comme une réaction allergique s’appellent aussi
SENSIBILISATION). Les expositions à un irritant à un niveau élevé peuvent provoquer
un AP CAUSÉ PAR UN IRRITANT. L’autre sous-groupe d’asthme lié au travail, en plus
de l’AP, est l’ASTHME EXACERBÉ PAR LE TRAVAIL, dont nous parlerons plus tard.
Asthme professionnel (AP)
Le mécanisme d’AP le plus évident est une réaction allergique à une protéine ou
glycoprotéine inhalée au travail, comme les protéines animales (p. ex., chez les
préposés aux soins des animaux, les vétérinaires ou les agriculteurs) ou les protéines
végétales et alimentaires (comme le blé ou d’autres protéines de boulangerie, les
protéines de poivrons chez les ouvriers de serre, les protéines de latex de caoutchouc
naturel chez les travailleurs de la santé qui utilisent des gants de latex poudrés ou
les glycoprotéines de champignons). D’autres exemples comprennent les protéines
inhalées d’insectes ou les enzymes. De nombreuses protéines ou glycoprotéines
inhalées ont causé de l’AP par le biais d’un mécanisme allergique et il semble que
presque toutes les protéines étrangères inhalées peuvent entraîner une telle réaction
chez un travailleur prédisposé. Cependant, parmi les personnes exposées, seule
une minorité développera cette réaction (10 % ou moins) et on ne comprend pas très
bien les raisons qui expliquent cette prédisposition chez certaines personnes. Il existe
un certain lien avec l’ampleur de l’exposition, c.-à-d., des expositions moindres sont
associées à l’asthme dans un pourcentage plus faible de travailleurs que les grandes
expositions. Toutefois, même à des niveaux d’exposition très bas, certains travailleurs
peuvent devenir « sensibles » (c.-à-d., développer des anticorps IgE spécifiques),
puis développer l’AP, fort probablement associé à la prédisposition génétique. Les
travailleurs qui développent des anticorps IgE spécifiques contre un agent du travail
peuvent également développer des symptômes nasaux allergiques (rhinite allergique)
qui, souvent, précèdent ou coïncident avec le développement de l’AP.
Voici les aspects importants de la réaction allergique qui cause l’AP : a) l’existence
d’une « phase latente » d’exposition avant la sensibilisation, c’est-à-dire que
le travailleur est exposé à l’agent étiologique pendant des semaines, voire des
années, avant la première apparition des symptômes – puisqu’il s’agit d’une
réaction immunologique, elle ne provoque pas de symptômes lors des premiers
jours d’exposition; b) cependant, une fois l’AP développé avec sensibilisation,
alors l’exposition, même à des niveaux bas de l’agent étiologique, déclenchera des
symptômes d’asthme – à moins que les symptômes ne soient supprimés par des
médicaments pour l’asthme; c) la réaction asthmatique d’un patient atteint d’AP peut
4
Asthme lié au travail
commencer dans les minutes qui suivent chaque exposition (réaction immédiate) ou
peut être plus évidente 4 à 6 heures après l’apparition de l’exposition (réaction tardive)
ou encore, il peut y avoir combinaison de réaction immédiate et tardive.
Certains produits chimiques peuvent également provoquer l’AP par l’entremise
d’une réaction allergique démontrable, p. ex., sels de platine complexes et autres
sels métalliques, anhydrides d’acide (utilisés pour fabriquer le plastique), persulfates
(chez les coiffeurs) et pénicilline (p. ex., chez les travailleurs de pharmacie). D’autres
produits chimiques peuvent aussi provoquer l’asthme professionnel et posséder des
caractéristiques semblables à l’égard de la sensibilisation relative aux anticorps IgE,
mais par le biais de mécanismes qu’on ne comprend pas pleinement et, en général,
sans anticorps IgE spécifiques démontrés.
Ces produits chimiques qui causent de la sensibilisation par des mécanismes
incertains comprennent les diisocyanates et la poussière de thuya géant : on peut
identifier les anticorps IgE spécifiques uniquement chez une minorité des personnes
souffrant d’AP bien documenté causé par ces agents et ils provoquent le plus souvent
une réaction tardive isolée chez les personnes atteintes d’AP causé par eux. D’autres
produits chimiques pouvant causer l’AP par des mécanismes incertains comprennent
les composés acryliques, les composés d’ammonium quaternaire et les aldéhydes
tels que le glutaraldéhyde et le formaldéhyde. La plupart des produits chimiques
ayant provoqué l’asthme professionnel possèdent des chaînes moléculaires latérales
hautement réactives.
Des listes ont été compilées pour les causes déclarées d’AP avec ou sans anticorps
IgE spécifiques. Elles sont souvent divisées en sensibilisants de poids moléculaire
élevé (normalement, les protéines et glycoprotéines) et en sensibilisants de faible
poids moléculaire (normalement, les produits chimiques). Plus de 300 agents sont
déclarés, certains décrits dans peu d’études de cas et d’autres dans de grands
groupes de travailleurs (aucune liste n’est entièrement exhaustive étant donné que de
nouvelles causes sont décrites tous les ans). Parmi les sensibilisants chimiques, les
diisocyanates et l’acide plicatique (dans le thuya géant) sont les mieux étudiés.
Les diisocyanates constituent des produits chimiques très réactifs utilisés pour
faire des produits à base de polyuréthane, comme les systèmes de peinture au
pistolet à base de polyuréthane à deux phases, l’isolant en mousse à vaporiser
pour les maisons, les revêtements d’uréthane, la mousse de polyuréthane pour
l’ameublement ou une utilisation dans les voitures (sièges, appuis-tête, pare-chocs,
etc.). On les utilise également dans les moules de fonderies et comme adhésif dans
les panneaux de particules et les panneaux de lamelles orientées. Ces produits
chimiques constituent la cause unique la plus commune d’AP dans nombre de régions
industrialisées, dont l’Ontario, depuis plusieurs années. Pour cette raison, il existe
un système de surveillance médicale en Ontario créé par le ministère du Travail de
l’Ontario qui limite les niveaux d’exposition admissibles et exige des questionnaires et
tests respiratoires réguliers chez les personnes exposées pour la détection précoce de
l’AP.
5
Asthme lié au travail
Diagnostic d’AP causé par un sensibilisant
Étant donné que l›asthme peut commencer à tout âge et se développer sans cause
liée au travail, la nouvelle apparition de l›asthme chez un travailleur n›a pas toujours
pour cause l›exposition au travail – elle peut commencer parallèlement au travail pour
des raisons inconnues. Bien qu’il faille soupçonner l’AP chez tout travailleur adulte qui
développe l’asthme, on recommande de réaliser des tests objectifs chez ces patients;
le diagnostic d’AP n’est pas fiable s’il repose uniquement sur l’exposition déterminée à
une substance sensibilisante connue et la nouvelle apparition de l’asthme.
Plusieurs documents de consensus ou lignes directrices ont été créés pour le
diagnostic d’AP de plusieurs pays différents avec une approche recommandée
semblable. Les antécédents médicaux doivent indiquer des détails de symptômes
respiratoires et le moment de l’apparition de ces symptômes reliés à l’exposition au
travail et les jours de congé/vacances.
Diagnostic objectif d’asthme
Il doit y avoir des tests objectifs visant à confirmer un diagnostic d’asthme, ce qui
nécessite la démonstration d’une réaction importante au bronchodilatateur lors d’une
spirométrie (hausse de 12 % et 180 ml du VEMS après un bronchodilatateur) ou un
test de provocation à la méthacholine positif (PC20 8mg/ml ou moins). Cependant,
bien que ces tests puissent confirmer un diagnostic d’asthme, ils ne prouvent pas la
causalité par le travail. De plus, si les tests sont réalisés lors d’une période pendant
laquelle le patient est absent du travail, les conclusions normales n’excluent pas la
possibilité d’AP puisque les patients qui en souffrent peuvent parfois être totalement
débarrassés de l’asthme lorsqu’ils ne sont pas au travail. Inversement, si ces tests
sont tout à fait normaux au cours d’une période de travail du patient symptomatique
(surtout dans les 24 heures de l’exposition professionnelle), alors il est très peu
probable que les symptômes du patient soient dus à l’asthme et il faut considérer un
autre diagnostic (comme il est expliqué plus loin).
Soutien pour une cause professionnelle de l’asthme
Chez un travailleur souffrant d’asthme et avec des antécédents laissant entendre
de l’AP, d’autres tests peuvent appuyer une causalité par le travail, comme la
démonstration d’anticorps IgE spécifiques contre le sensibilisant au travail (lorsque
ces tests sont offerts), bien que ces tests puissent être positifs même chez certains
travailleurs asymptomatiques. Des tests allergologiques cutanés ou analyses
sanguines pour anticorps IgE spécifiques peuvent détecter ces anticorps à l’aide
d’une solution contenant la protéine étiologique soupçonnée du travail (p. ex., blé
des boulangeries ou extraits d’animaux pour les personnes qui travaillent dans des
laboratoires avec des animaux). Même si plusieurs extraits sont accessibles pour
évaluer les anticorps IgE spécifiques avec les protéines de travail, il existe également
de nombreux sensibilisants de travail pour lesquels il n’y a pas de test cutané ou
d’analyse sanguine fiable. De plus, la présence d’anticorps IgE spécifiques sans
6
Asthme lié au travail
autres tests objectifs venant confirmer l’asthme ne prouve pas le diagnostic d’AP
puisque les tests pour IgE peuvent se révéler positifs chez certains travailleurs
exposés asymptomatiques.
D’autres tests qui indiquent des changements sur le plan de l’asthme pendant les
périodes de travail comparativement aux périodes d’absence sont utiles (comme les
valeurs de débit de pointe en série et les tests de provocation à la méthacholine en
série, ou la cytologie des expectorations induites).
On obtient les valeurs de débit de pointe en demandant au travailleur d’utiliser un petit
appareil à main pour mesurer un test respiratoire plusieurs fois par jour, au travail et
en congé, sur plusieurs semaines, ainsi que pour enregistrer le résultat en plus de
consigner les symptômes, la consommation de médicaments pour l’asthme, l’endroit
des expositions ou les expositions au travail. On peut ainsi obtenir une estimation des
changements sur le plan de l’asthme pendant des périodes au travail et hors du travail
(de préférence en incluant au moins dix jours loin de l’exposition professionnelle) et
aider à déterminer la probabilité d’asthme professionnel. Cependant, la plupart du
temps, ces graphiques sont enregistrés automatiquement et, par conséquent, on
les considère un peu moins objectifs que les autres tests d’asthme lié au travail. Le
résultat de débit de pointe est également touché par l’effort du travailleur et peut être
faussement bas à la fin d’une journée de travail où le patient est fatigué. Il peut y
avoir d’autres facteurs ayant des répercussions sur des résultats tels que l’absence
d’exposition au sensibilisant du travail pendant la période d’enregistrement ou une
infection virale respiratoire intercurrente. L’utilisation d’un débitmètre pour débit de
pointe électronique ou d’un spiromètre portatif peut aider à fournir des résultats plus
objectifs, mais ces appareils sont dispendieux et pas d’utilisation courante dans la
pratique.
Le test de provocation à la méthacholine sert souvent de test de diagnostic pour
l’asthme, en particulier si le VEMS initial à la spirométrie est normal, sans réaction
importante au bronchodilatateur. Le test procure une mesure de la réactivité des voies
aériennes normalement accrue en cas d’asthme (enregistrée en tant qu’indice PC20,
avec un PC20 inférieur signifiant une plus grande hyperréactivité). On peut réaliser
le test vers la fin d’une semaine ordinaire de travail avec des symptômes (lorsqu’on
s’attend à ce que l’hyperréactivité des voies aériennes soit à son pire niveau) et après
une période de dix jours ou plus loin du travail (lorsqu’il peut y avoir une certaine
amélioration de l’hyperréactivité). Une amélioration du PC20 au moins triple loin de
l’exposition au travail est très suggestive d’AP. Cependant, ce test peut ne pas montrer
beaucoup d’amélioration hors du travail chez tous les patients atteints d’AP, donc
l’absence d’amélioration importante en PC20 hors du travail n’exclue pas le diagnostic
d’AP. De plus, il peut y avoir d’autres facteurs à part l’exposition au travail pouvant
influencer le résultat d’un test de provocation à la méthacholine; il faut considérer ces
facteurs dans l’interprétation des résultats, y compris un rhume récent, l’exposition à
des allergènes environnementaux communs pertinents (comme un chat) et l’utilisation
de médicaments pour l’asthme avant le test.
7
Asthme lié au travail
Une autre caractéristique de l’asthme avec une réaction allergique est la découverte
d’une inflammation dans les voies aériennes, en général avec une augmentation
des éosinophiles (un type de globule blanc commun lors de réactions allergiques),
ce qu’on peut évaluer en réalisant une analyse des expectorations induites (pour
l’heure, réalisée uniquement dans quelques centres ontariens). Si le test est répété
à la fin d’une période de travail et de nouveau loin de l’exposition professionnelle (un
peu comme les mesures jumelées du test de provocation à la méthacholine), alors
le résultat d’une réduction importante des éosinophiles des expectorations loin du
travail par rapport à pendant des périodes de travail laissent entendre une réaction
allergique des voies aériennes au travail. Cette situation peut se produire en tant
que caractéristique de l’AP et moins souvent comme résultat plus isolé de bronchite
éosinophilique (explication plus en détail ci-dessous). Comme pour les autres tests
ci-dessus, il peut y avoir des résultats faussement positifs et négatifs. Le test peut
être influencé par une consommation récente de corticostéroïdes en inhalation pour
l’asthme, ainsi que par l’exposition à des déclencheurs d’allergie sans lien avec
le travail. De plus, certains patients atteints d’AP à cause d’un sensibilisant n’ont
pas un nombre suffisant d’éosinophiles d’expectorations, mais présentent plutôt un
accroissement des neutrophiles (qu’on peut également constater avec la bronchite
chronique ou la bronchite infectieuse).
Les tests de provocation particuliers en laboratoire sont considérés comme des
« étalons de référence » pour le diagnostic, mais ils ne sont pas sans risque, exigent
beaucoup de temps et ne sont pas toujours commodes. Pour ces raisons, on les
utilise rarement en Ontario.
Combinaisons de tests et estimation de la probabilité d’asthme professionnel
Une combinaison de tests est recommandée pour le diagnostic lorsque c’est possible,
étant donné que chaque test individuel peut s’avérer faussement négatif ou positif. De
plus, il se peut que certains tests ne soient pas possibles (comme les tests d’anticorps
pour la plupart des sensibilisants chimiques et les tests en série au travail et hors du
travail chez un patient qui s’est déjà absenté du travail et ne peut pas y retourner).
Le cours de l’asthme chez un travailleur ayant quitté le travail et qui ne peut pas
subir un test objectif peut permettre une certaine estimation de probabilité d’AP. En
cas d’évaluation objective permettant de confirmer l’asthme au travail et s’il y a des
preuves comparatives démontrant une amélioration considérable depuis le départ du
travail où il y a un sensibilisant connu (et si on ne peut pas expliquer l’amélioration par
les médicaments pour l’asthme ou d’autres expositions), il y a un certain soutien pour
l’AP. Un manque d’amélioration n’élimine pas l’AP, mais le rend moins probable. Des
antécédents d’asthme pendant l’enfance, de sensibilité à l’aspirine ou de polype nasal
n’éliminent pas non plus l’AP, mais sans autres renseignements à l’appui, le diagnostic
devient moins probable.
8
Asthme lié au travail
AP causé par un irritant
On parle ici de l’AP causé par un niveau élevé d’exposition à un irritant, en général
lors d’un accident ou d’un incendie au travail. Contrairement à l’AP découlant d’un
sensibilisant, en général, il n’y a pas de période de latence – les symptômes d’asthme
commencent habituellement dans les 24 heures qui suivent l’exposition accidentelle.
L’exposition peut survenir avec des niveaux élevés d’émanations, de fumée, de
poussière ou de gaz irritants et, en général, les symptômes d’asthme sont assez
graves pour mener à une visite imprévue à l’urgence ou auprès d’un fournisseur de
soins de santé dans les 24 heures. Les symptômes habituels persistent pendant
au moins trois mois, sans maladie respiratoire précédente et les changements de
l’asthme sur le plan de la fonction pulmonaire sont consignés (une réaction importante
au bronchodilatateur ou un test de provocation à la méthacholine positif, les deux
décrits précédemment).
En présence de l’ensemble des caractéristiques ci-dessus, on peut établir un
diagnostic d’AP causé par un irritant avec confiance (on parlait auparavant de
bronchite irritative). Il est difficile d’établir un diagnostic lorsque ces résultats habituels
ne sont pas tous présents : par exemple, les symptômes apparaissent plusieurs jours
après l’exposition ou ne mènent pas au départ à une visite chez le médecin, ou encore
les symptômes durent moins de trois mois ou disparaissent avant les explorations
fonctionnelles respiratoires qui étaient alors normales, ou le travailleur a déjà été
un gros fumeur avec des antécédents possibles de BPCO. On ne peut pas réaliser
d’autres tests pour clarifier le diagnostic et il faudra peut-être prendre des décisions
sur la prépondérance des probabilités avec l’information accessible.
Certains renseignements laissent entendre un risque accru de développer l’asthme
d’expositions aux irritants du travail qui ne sont pas importants (p. ex., produits de
nettoyage par pulvérisation), mais on ne peut pas, pour l’instant, déterminer clairement
ce risque pour un travailleur individuel ni le distinguer de l’apparition par coïncidence
de l’asthme.
Asthme exacerbé par le travail
En plus de l’AP, les expositions au travail peuvent aggraver ou exacerber (empirer
de façon passagère) l’asthme chez les travailleurs qui souffrent d’asthme non causé
par le travail. Les personnes atteintes d’asthme présentent une réactivité accrue des
voies aériennes et, en général, l’asthme peut empirer par l’exposition à l’air froid et
sec, par l’exercice, par l’exposition à la poussière, à la fumée, aux émanations ou
aux pulvérisations, ou encore par l’exposition à des allergènes environnementaux
communs auxquels le patient a une réaction allergique. Même sans réaction
allergique, ces expositions ont tendance à déclencher des symptômes d’asthme et
un rétrécissement passager des voies aériennes, en particulier si l’asthme est grave
9
Asthme lié au travail
et mal contrôlé. Si une telle exposition survient au travail et empire les symptômes
d’asthme, on parle d’ASTHME EXACERBÉ PAR LE TRAVAIL.
On estime que l’asthme exacerbé par le travail survient chez 25 % des travailleurs
atteints d’asthme. Il cause souvent une aggravation de courte durée des symptômes,
pouvant mener à quelques jours de congé ou aucune absence du travail. Moins
souvent, surtout si l’exposition déclenchante survient tous les jours au travail, la
situation peut évoluer en une aggravation plus sévère et prolongée de l’asthme et une
absence plus longue du travail. Si le travailleur développe son asthme parallèlement
au fait de travailler, puis constate une aggravation quotidienne des symptômes au
travail, on peut alors soupçonner l’AP, en particulier en cas d’exposition connue à
un sensibilisant. Il faut alors examiner le travailleur de la manière la plus exhaustive
possible, comme il est indiqué ci-dessus, dans le but de savoir si le diagnostic est
réellement de l’AP ou de l’asthme exacerbé par le travail. Certains des tests utilisés
pour diagnostiquer l’AP peuvent aussi être positifs chez les patients atteints d’asthme
exacerbé par le travail de façon quotidienne ou fréquente, par exemple les valeurs de
débit de pointe, scores de symptômes et besoins en médicaments peuvent s’accroître
au travail et quelques patients peuvent même voir la méthacholine PC20 s’améliorer
loin du travail. On ne s’attend pas à des anticorps IgE spécifiques pour un agent
particulier du travail en cas d’asthme exacerbé par le travail, ni à une amélioration
au chapitre des éosinophiles d’expectorations induites pour l’asthme exacerbé par le
travail.
On considère généralement qu’il est probable que l’asthme exacerbé par le travail
entraîne une aggravation temporaire de l’asthme. On ignore si l’asthme exacerbé
par le travail peut provoquer une aggravation permanente de la gravité de l’asthme.
Ce point est difficile à déterminer puisque l’asthme constitue un trouble variable et
les études au fil des ans laissent entendre que sans lien avec le travail, environ un
tiers des personnes atteintes d’asthme verront leurs symptômes empirer, un tiers
notera une amélioration et un tiers ne percevra pas de changement. Par conséquent,
pour une personne souffrant d’asthme (non provoqué par le travail), il est difficile
de déterminer si une aggravation au travail a modifié le cours à long terme de son
asthme.
Autres difficultés sur le plan du diagnostic
Un diagnostic certain d’asthme nécessite des explorations fonctionnelles respiratoires
indiquant les changements, comme il est décrit pour l’AP. Les symptômes semblables
à l’asthme sont plus communs que l’asthme véritable et peuvent avoir d’autres
causes, p. ex., la rhinite (symptômes nasaux) ou le reflux gastro-œsophagien, qui peut
mener à une toux pouvant imiter l’asthme, ainsi qu’à une bronchite ou autre maladie
pulmonaire (p. ex., bronchectasie) pouvant provoquer des symptômes semblables.
Certains patients développent des symptômes laryngiens pouvant aussi imiter
l’asthme, mais présentant un mécanisme différent. On parle ici de « syndrome
10
Asthme lié au travail
du larynx irritable » et chez certains patients, il peut y avoir un « syndrome de
dysfonction des cordes vocales ». Il peut constituer la seule cause des symptômes
ou coexister avec l’asthme, puis être une raison expliquant la mauvaise réaction à
la prise en charge de l’asthme. En général, il cause des symptômes de raideur au
cou, d’enrouement, de difficulté à respirer et de respiration sifflante à l’inspiration. Il
est important de le reconnaître puisqu’il diffère de l’asthme et nécessite un traitement
différent. Ce diagnostic est généralement confirmé par l’évaluation des voies
aériennes supérieures d’un oto-rhino-laryngologiste spécialisé pour ce trouble.
Un autre trouble rare, mais pouvait occasionner des symptômes semblables à
l’asthme et être causé par une sensibilisation envers une substance au travail est
la bronchite éosinophilique. Ce terme fait référence à une inflammation des voies
aériennes pouvant être causée par un sensibilisant au travail et provoquer la toux et
un serrement de poitrine, mais d’habitude, les tests respiratoires pour l’asthme sont
normaux avec ce trouble. On peut diagnostiquer cette inflammation par une analyse
de cytologie des expectorations induites si c’est possible, dans l’idéal répétée à la
fin de la semaine de travail et après une période d’absence du travail dans le but
d’identifier des changements liés au travail. Si la cause est le travail, la prise en charge
ressemble à celle utilisée pour l’AP.
Prise en charge de l’asthme lié au travail
Le présent document de discussion est axé principalement sur le diagnostic. La
prise en charge de l’asthme lié au travail diffère selon le type d’asthme. La prise en
charge fondamentale de l’AP causée par un sensibilisant est d’éviter complètement
toute autre exposition à la substance, ce qui, en général, nécessite un transfert à un
endroit ou lieu de travail différent où il n’y a pas d’exposition aérogène à la substance
(l’utilisation d’un appareil respiratoire ne constitue pas une solution de rechange
adéquate). De plus, on fait usage de médicaments comme pour les autres formes
d’asthme et il faut contrôler l’exposition aux autres déclencheurs d’asthme. L’asthme
ne disparaît pas toujours après l’élimination de l’exposition, mais s’améliore en
général. Toutefois, les patients atteints d’AP qui passent à un autre emplacement
de travail pourraient alors développer de l’asthme exacerbé par le travail lors d’une
exposition à des déclencheurs d’asthme au travail.
Les patients atteints d’AP par l’exposition à un irritant et ceux souffrant d’asthme
exacerbé par le travail pourraient être en mesure de continuer le même travail, mais
avec des modifications visant à réduire l’exposition potentielle aux agents irritants
pouvant exacerber leur asthme (l’utilisation de courte durée d’un appareil respiratoire
peut s’avérer appropriée dans le but de prévenir les symptômes d’asthme associés
aux expositions passagères). Il faut optimiser les médicaments pour l’asthme,
ainsi que réduire au minimum l’exposition aux déclencheurs d’asthme pertinents à
l’extérieur du milieu de travail.
11
Asthme lié au travail
Autres ressources
Work-related asthma web tool (developed as an educational tool on work-related
asthma)
http://lung.ca/workrelatedasthma/ [Avis : Cet organisme n’offre pas son site Web en
version française.]
Lectures complémentaires
1. Tarlo SM, Lemiere C. Occupational Asthma– medical progress. N Engl J Med.
2014; 370:640-649.
2. Tarlo SM, Balmes J, Balkissoon R, et al. Diagnosis and management of workrelated asthma: American College Of Chest Physicians Consensus Statement.
Chest. 2008;134:1S-41S.
3. Baur X. A compendium of causative agents of occupational asthma. J Occup Med
Toxicol. 2013;8:15.
4. Baur X, Bakehe P. Allergens causing occupational asthma: an evidence-based
evaluation of the literature. Int Arch Occup Environ Health. 2013.
5. Lemiere C, Chaboillez S, Bohadana A, Blais L, Maghni K. Noneosinophilic
responders with occupational asthma: A phenotype associated with a poor
asthma prognosis. J Allergy Clin Immunol. 2013.
6. Lemiere C, Boulet LP, Chaboillez S, et al. Work-exacerbated asthma and
occupational asthma: do they really differ? J Allergy Clin Immunol. 2013;131:704710.
7. Henneberger P, Liang X, Lemiere C. A comparison of work-exacerbated asthma
cases from clinical and epidemiological settings. Can Respir J. 2013;20:159-164.
8. Henneberger PK, Redlich CA, Callahan DB, et al. An official american thoracic
society statement: work-exacerbated asthma. Am J Respir Crit Care Med.
2011;184:368-378.
9. Lemiere C. Occupational and work-exacerbated asthma: similarities and
differences. Expert Rev Respir Med. 2007;1:43-49.
10.Chiry S, Cartier A, Malo JL, Tarlo SM, Lemiere C. Comparison of peak expiratory
flow variability between workers with work-exacerbated asthma and occupational
asthma. Chest. 2007;132:483-488.
12
Asthme lié au travail
11.Pala G, Pignatti P, Moscato G. Occupational nonasthmatic eosinophilic bronchitis:
current concepts. Med Lav. 2012;103:17-25.
12.Tarlo SM. Irritant-induced asthma at work. Current Allergy and Asthma Reports.
2013, (doi 10.1007/s11882-013-0406-4). 2014;14(1):406-411.
13
Téléchargement