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AFVP Monographie Maladies allergiques
Chapitre 6
Rhinite allergique
Dr. Corinne ELOIT
Service ORL, Hôpital Lariboisière
10, Rue Ambroise Paré, 75010, Paris
Service d’Allergologie, Centre Médical Institut Pasteur
211, Rue de Vaugirard, 75015, Paris
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Chapitre 6
Rhinite allergique (Corine ELIOT)
Définition
La rhinite allergique est définie par l’ensemble de manifestations fonctionnelles nasales induites
par l’inflammation IgE dépendante de la muqueuse nasale après exposition à l’allergène.
Symptomatologie
Définition
Les réactions allergiques IgE dépendantes se manifestent en deux temps. La première phase
est silencieuse : phase de sensibilisation des cellules lymphocytes B qui fabriquent les IgE
spécifiques de l’allergène.
La deuxième phase est l’expression des symptômes cliniques lors de la réexposition à ce même
allergène. Les réactions immédiats apparaissent en quelques minutes et sont dues à la
libération d’histamine stockée dans les éosinophilies et mastocytes du tissu cible.
Les réactions retardées sont expliquées par la constitution en quelques heures d’un infiltrat
cellulaire polymorphe par recrutement, chimiotactisme et activation des éosinophiles et
mastocytes circulants, auxquels s’ajoutent progressivement les lymphocytes T et les cellules
épithéliales. Il en résulte la libération des cytokines et chimiokines par les cellules activées et
l’interconnexion avec le système immunitaire et la moelle osseuse.
Cette phase retardée est caractérisée par des réactions durables, qui s’intensifient avec
l’exposition. Une hyperréactivité non spécifique s’installe, le sujet éternue au moindre
changement de température, à l’exposition au soleil, etc. Cette Hyperréactivité non spécifique
pérennise et aggrave le processus inflammatoire ; elle explique la persistance et l’aggravation
des symptômes de la rhinite et favorise les complications cliniques.
Epidémiologie
La rhinite allergique a une prévalence variable selon les zones du globe et les pays mais
constitue la 4ème maladie la plus répandue (selon l’Organisation Mondiale de la Santé) pour les
maladies chroniques. Elle est en augmentation surtout dans les pays en voie de développement
et atteint 7% en moyenne pour les enfants de 6/7 ans, 14% en moyenne pour les enfants de
13/14 ans. Elle représente plus de 25% de la population générale (30 dernières années) et a un
impact sur la qualité de vie, la productivité à l’école et au travail. Le coût de cette maladie était
de 6,22 milliard de dollars aux Etats Unis en 1990. Ses liens avec l’asthme sont très étroits : il
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y a 8 fois plus d’asthmatiques chez les patients atteints de rhinite que dans la population
tout-venant.
Symptômes cliniques
Les symptômes cliniques sont la conséquence immédiate et retardée de la libération des
médiateurs (dégranulation) des cellules présentes dans la muqueuse nasale et rhino-pharyngée.
Les symptômes classiques sont les éternuements en salve, la rhinorhée claire et le prurit nasal
et vélo-palatin.
Lorsque la symptomatologie se prolonge dans le temps (exposition prolongée) ces symptômes
sont souvent associés à un prurit conjonctival (50 à 80% rhino-conjonctivite), une irritation
pharyngée (40%), une atteinte inflammatoire sinusienne (congestion douloureuse) et de l’oreille
moyenne (sensation d’oreilles bouchées voire otite séreuse).
En dehors de la sphère ORL les patients se plaignent souvent de fatigue, de troubles du
sommeil, de céphalées consécutives à l’obstruction nasale, de toux due à l’irritation pharyngée
ou, dans un tiers des cas à un asthme. Le syndrôme dermo-respiratoire de pronostic parfois
redoutable associe les dermatites atopiques aux symptômes respiratoires ORL et bronchiques.
Les allergènes
Les pneumallergènes (aéroportés) les plus fréquemment en cause dans la rhinite allergique
sont:
Les allergènes domestiques : acariens, animaux domestiques, blattes, moisissures. Les
moisissures émettent des spores de petite taille qui pénètrent aussi bien dans le nez que
les bronches. Les plus couramment rencontrées, bien que globalement elles soient
rarement en cause, sont l’alternaria, le cladosporium, l’aspergillus et le Pénicillium.
Les allergènes atmosphériques : pollen de graminées, pollen d’herbacées (armoise) le
pollen d’arbres différents selon les régions géographiques bétulacées (bouleau, aulne
dans les régions nordiques) oléacées (frêne ou olivier) fagacées (chêne) cupressacées
(cyprès dans le sud). Le calendrier pollinique ainsi que les sites renseignant sur la
concentration pollinique tel le site du RNSA (réseau national de surveillance
atmosphérique) sont très utiles pour mettre en place le traitement symptomatique et
confirmer la corrélation clinique.
Les allergènes professionnels : latex (professions de santé), boulangers (farines),
coiffeuses (persulfates), biologistes, vétérinaires (animaux) …
Les allergies croisées tels latex-banane-kiwi-avocat sont très fréquentes en particulier pour les
pollens de bétulacées (frits à noyaux telles pêches, pommes, cerises, ou noisette, carotte, persil,
céleri). La liste des allergies croisées est longue. Il n’y a pas de relation apparente la plupart du
temps entre le pneumallergène et l’allergène alimentaire croisé. Il faut interroger les patients sur
l’existence de réactions alimentaires telles des gonflements localisés des lèvres, des brûlures,
picotements ou gonflement de la langue ou du pharynx à l’ingestion des aliments pouvant être à
l’origine d’allergies croisées.
Diagnostic
Le diagnostic d’une rhinite allergique repose sur un interrogatoire précis associé à des tests
cutanés positifs concordants aux données de l’interrogatoire (prick-tests). Ainsi, les symptômes
cliniques fortement évocateurs sont la rhinorhée, les éternuements, l’obstruction nasale, le prurit
nasal et vélo-pharyngé et l’absence de troubles de l’odorat (contrairement aux idées reçues, une
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rhinite allergique non compliquée ne présente pas de troubles de l’odorat). Ces symptômes
surviennent en rapport avec une exposition animale ou selon une périodicité annuelle évocatrice
de pollinose en cas de rhinite périodique. Dans le cas d’une rhinite perannuelle, la
symptomatologie est souvent atténuée par les médications. Les symptômes associés sont très
souvent une conjonctivite et une toux (ou un asthme) survenant en accompagnement des
symptômes.
Les éléments d’orientation sont importants : caractère saisonnier, histoire personnelle ou
familiale atopique, association à des co-morbidités (broncho-pulmonaires, otlogiques,
conjonctivales, sinusiennes, dermatologiques), efficacité des traitements anti-histaminiques
et/ou corticoïdes locaux.
Le diagnostic d’une rhinite allergique consiste à mettre en évidence une réponse immunitaire
spécifique médiée par IgE détectables. Les prick-tests cutanés sont très sensibles, faciles à
réaliser et peu coûteux. Ils peuvent être réalisés avec des extraits standardisés ou bien avec
l’élément natif. Cette méthode est fréquemment utilisée pour les allergies alimentaires croisées
aux allergies respiratoires, car souvent plus sensible que les extraits du commerce. S’il est
besoin de confirmer le diagnostic, la recherche d’IgE spécifiques sériques est précise mais son
coût limite son utilisation. Les tests réalistes de « provocation allergénique » au niveau de
l’organe cible présentent un intérêt indiscutable en particulier en matière de médecine du travail.
Test de provocation allergénique
La réponse à l’exposition allergénique repose sur le calcul d’un score établi par l’estimation
clinique des symptômes provoqués (éternuements, rhinorhée, larmoiement, prurit nasal) et le
calcul objectif de l’obstruction nasale. Les produits appliqués sont standardisés, commercialisés
par les laboratoires (Stallergènes) et les doses appliquées sont alors cumulatives. Dans d’autres
cas le test est « réaliste » et consiste à mettre le patient sous des conditions strictes, dans les
mêmes conditions que celles de sa profession par exemple. Des protocoles validés sont utilisés
dans ces cas. L’examen objectif est la mesure de la perméabilité nasale. En effet, l’obstruction
nasale en réponse à la provocation allergénique est un symptôme cardinal. Cette mesure est
réalisée à l’aide d’un rhinomanomètre (calcul du débit respiratoire nasal en utilisant la mesure de
la pression et du débit) ou d’un rhinomètre acoustique (mesure du volume respiratoire nasal par
l’utilisation d’une sonde émettant des ultrasons). Le résultat de ces mesures est très fiable,
spécifique et reproductible. Cependant, de tels examens doivent être pratiqués par un personnel
rompu à cette pratique pour éviter des accidents d’exposition et suivre des méthodes
consensuelles et validées.
De multiples dosages d’IgE sériques existent par ailleurs. La plupart sont des multi-tests
qualitatifs ou semi-quantitatifs. Ils ne sont généralement pas utiles et souvent chers. Le
Phadiatop est le plus couramment utilisé. La liste des pneumallergènes qu’il contient est
maintenant précisée par la plupart des laboratoires. Ce test a une valeur d’orientation en
particulier lorsque les tests cutanés sont impossibles (dermographisme cutané).
En résumé : l’arbre décisionnel du diagnostic de rhinite allergique
Interrogatoire + histoire clinique >> Tests Cutanés (TC) par la méthode des prick-tests
1. Si les tests cutanés sont positifs, la sensibilisation est confirmée à condition d’une bonne
corrélation clinique.
2. Si les tests cutanés sont négatifs mais qu’il existe une forte suspicion, le dosage des IgE
spécifiques permet d’affirmer le diagnostic.
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3. Si l’interrogatoire, l’histoire clinique, le résultat des tests cutanés et IgE spécifiques sont
discordants, et que l’enjeu professionnel ou thérapeutique (indication d’une éviction par
ex.) le justifie, le test de provocation nasale (TPN) est indiqué, bien que peu de centres
le pratiquent.
Diagnostic differentiel
Toutes les pathologies rhinologiques (Fig.6) peuvent simuler une rhinite allergique ou comporter
une part d’allergie, associée à d’autres étiologies. Les rhinites et les rhino-sinusites sont des
pathologies fréquentes. Le diagnostic d’allergie suppose d’avoir éliminé ou de faire la part, d’une
inflammation non spécifique.
Le diagnostic différentiel le plus fréquent est la polypose naso-sinusienne dont la spécificité
clinique est d’associer un trouble de l’odorat aux autres symptômes et comme eux, d’être
cortico-réversible. Le diagnostic de polypose repose sur un examen endoscopique (endoscopes
souples ou rigides) sous anesthésie locale pour vérifier la partie haute des fosses nasales :
méats moyens, les fentes olfactives et le cavum. Les rhinites à éosinophiles sont peut-être des
formes de début de polypose naso-sinusienne. Leur caractéristique est l’agressivité des
symptômes cliniques, en relation probable avec le nombre élevé d’éosinophiles souvent
dégranulés, retrouvés au décompte des prélèvements cytologiques aux méats moyens.
Une composante allergique peut être associée à toute autre anomalie locale ou systémique.
L’indication d’un examen ORL spécifique permet en général d’apporter des précisions
indispensables dans le diagnostic et la prise en charge thérapeutique.(Fig.1 et 2)
1. anomalie du squelette (déviation septale, cornets moyens bulleux) (Fig.3 et 4)
2. hypertrophie muqueuse (végétations adénoïdes) ou tumorale du cavum,
3. hypertrophie des cornets inférieurs, réalisant souvent une obstruction à bascule
nocturne, sans rhinorhée (cycle nasal physiologique aggravé par l’augmentation de
volume des cornets) (Fig.1)
4. corps étrangers ou imperforation choanale (chez l’enfant),
5. valve nasale étroite ou collabée dont le diagnostic est fait par l’inspection clinique (pointe
du nez relevée), des mouvements respiratoires des ailes du nez,
6. tumeurs bénignes ou malignes (Fig.5) (souvent unilatérales, avec épistaxis : une rhinite
allergique ne saigne jamais, mais l’utilisation prolongée des corticoïdes locaux peut
expliquer un saignement récidivant)
7. dyskinésie ciliaire (Fig.8)
8. granulomatoses : Wegener, sarcoïdose
9. rhinorhée cérébro-spinale (généralement dans un contexte traumatique parfois ancien)
unilatérale
Le diagnostic de pathologie associée ou différentielle nécessite également une imagerie
adéquate. La radiologie simple n’a plus aucune indication. Elle ne permet pas d’éliminer une
polypose ni de faire le diagnostic d’une pathologie spécifique, en dehors des corps étrangers
intra nasal chez l’enfant. Le scanner des sinus (Fig 2) en coupes axiales (horizontales) et
1 / 16 100%