Problèmes éthiques posés par le s transplantations d`organes chez l

Problèmes éthiques posés par le
s
transplantations d'organes chez l'enfan
t
Pierr
e ROYER
Introductio
n
La transplantation d'organes est devenue un problème important de la médecin
e
des enfants
. Le rein a été le premier organe transplanté de façon courante à cet âge
. Es
t
en développement rapide la greffe de foie
. Plus limitée ou débutante, est celle de coeu
r
ou de l'ensemble coeur-poumons
. Nous limiterons l'exposé à ces seuls organes
. Quelque
s
liminaires sont nécessaires
.
Du point de vue de la réflexion éthique : l'enfant pose un problème particulie
r
dû à deux situations
: il est en développement biologique de la fécondation à l' âge adult
e
et en maturation de ses capacités mentales d'une part
; il a un statut de mineur, d'autr
e
part, l'âge où il atteint la majorité variant selon les époques et les nations
.
-
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-
P
.
ROYER
Du point de vue historique, bien que les aspects juridiques et moraux de l'exercic
e
de la médecine aient été considérés dès la plus haute antiquité, ce n'est que très récemmen
t
que des paragraphes ou articles particuliers des recommandations internationales ont ét
é
consacrées à l'enfant ou au mineur
.
Le premier texte est la Déclaration d'Helsinki adoptée en 1964 par la 18èm
e
Assemblée Mondiale de la Santé (Helsinki I)
. Elle a été complétée à Tokyo en 1975 pa
r
la 29ème Assemblée Mondiale de la Santé (Helsinki II)
. En 1982, à Paris, s'est tenu u
n
Colloque réunissant les responsables de l'Association Internationale de Pédiatrie et d
u
Centre international de l'Enfance dont les rapports et discussions très détaillées ont fai
t
l'objet d'un livre publié par P
.
Royer
et J
. Guignard : «Ethique et Pédiatrie»
. Le problèm
e
des transplantations d'organe n'y était pas directement traité
. Enfin, je rappelle que l
e
«Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique» qui nous réunit aujourd'hu
i
est issu du colloque sur «Biologie et Devenir de l'Homme» organisé en 1974 par le recteu
r
Robert
MALLET
;
j'étais chargé d'y traiter les problèmes propres à l'enfant et au mineur
.
Enfin, dernière remarque, du point de vue de l'éthique, les transplantation
s
d'organe ont des implications originales pour le médecin qui est un «transporteur» d
e
vie d
'
une personne à une autre, pour l'enfant qui peut y être ou donneur ou receveur
,
pour la société qui doit y engager des valeurs et des dépenses considérables
. D'où l
e
plan de l'exposé
: l'enfant comme donneur d'organes, l'enfant comme receveur d'organe
,
les sociétés et la transplantation d'organes chez l'enfant
.
L'enfant comme donneur d'organe
s
Dans ce domaine, les discussions éthiques de naguère ont donné lieu au déve-
loppement de textes juridiques importants et il ne persiste, sur le plan éthique, que pe
u
de sujets en discussion
.
Les données de base sont triples
. Tout d'abord, la difficulté majeure à l'extensio
n
de la pratique des transplantations est la trop faible disponibilité en organes trans-
plantables
: donc l'éthique est de favoriser, même chez l'enfant, le prélèvement d'organe
.
Ensuite, un problème technique peut s'y ajouter
: celui de la
compliance
entre le volum
e
d'un organe et la taille (ou l'âge) du receveur
; ceci n'est pas une contrainte sévère pou
r
le rein, l'est moins pour le foie depuis que s'impose la technique du foie réduit, l'es
t
de façon rigoureuse pour le coeur et l'ensemble «coeur-poumons»
. Enfin, le prélèvemen
t
peut se faire en principe, chez l'enfant comme chez l'adulte, sur un donneur vivant o
u
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.U
.R
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sur un donneur en état de «mort cérébrale» . Il est à rappeler que la définition de la «mor
t
cérébrale» reste parfois difficile chez le nourrisson et surtout le nouveau-né, ce qui doi
t
rendre sévère pour le prélèvement
. Il en est de même chez les nouveau-nés anencéphale
s
et les positions éthiques à ce sujet n'ont pas encore donné lieu à des accords unanimes
.
C'est pourquoi il reste indispensable d'appliquer la loi de façon stricte à cet âge et d
e
souhaiter que des textes plus précis soient proposés pour les prélèvements chez l
e
nouveau-né et le nourrisson
. En particulier, il est hors de question d'étendre la pratiqu
e
des prélèvements d'organes aux enfants en «état végétatif chronique» pour lesquels un
e
décision est prise d'interrompre la réanimation
.
La juridiction française a déjà beaucoup évolué pour ce qui concerne le
s
prélèvements d'organes
. Le droit traditionnel reposait sur l'indivisibilité du corps et d
e
la personne, l'inviolabilité et l'indisponibilité du corps
. Il a fallu, pour rendre légal l
e
prélèvement d'organe à visée thérapeutique, adopter des textes nouveaux
: la loi du 2
2
décembre 1976 (dite Loi Caillavet) et le décret du 31 mars 1978 qui autorisent l
e
prélèvement sur donneur vivant ayant donné son consentement éclairé devant le Présiden
t
.
du Tribunal de Grande Instance, et le prélèvement sur un sujet en «état de mort cérébrale
»
sur simple présomption de son consentement
. Le Comité national d'Ethique est reven
u
sur ce problème et a marqué l'importance de quatre règles
: la finalité thérapeutique, l
e
consentement éclairé, la gratuité totale et la non-commercialisation, le contrôle médical
.
Le Conseil d'Etat vient de reprendre, dans son ouvrage «Sciences de la Vie . De l'éthiqu
e
au droit» (1988), cette analyse et vient de déposer un projet de loi devant le gouvernemen
t
en mars 1989, qui ne devrait pas modifier la loi du 22 décembre 1976
.
Qu'en est-il du problème du prélèvement d'organe chez les mineurs dans ce
s
textes ? Le prélèvement d'organe chez un donneur vivant ne se pose que pour le rein
;
il est légal grâce à plusieurs conditions : don uniquement pour le frère ou la soeur, ave
c
consentement des parents (ou du tuteur légal) et non-objection de l'enfant, après avi
s
favorable de trois experts médicaux non-impliqués dans la transplantation
. Au
pla
n
éthique, on peut être réservé sur cette possibilité et, en vérité, à notre connaissance, ell
e
n'a jamais été utilisée en France
. Le prélèvement chez un mineur en état de «mort cérébrale
»
est légal si les parents (ou le tuteur) ont donné l
'
autorisation préalable
. Du point de vu
e
éthique, les médecins responsables ont donné beaucoup de détails sur la façon de mene
r
la conversation avec les parents et de les amener à considérer qu'en acceptant ils fon
t
don de la vie à un autre enfant
. Nous avons déjà dit combien était plus délicat l
e
prélèvement chez l'anencéphale ou le nouveau-né en «mort cérébrale» probable
.
Un problème particulier est le prélèvement d'organe chez le foetus, le thymu
s
ou le foie, par exemple . Il est légal et éthiquement acceptable à condition que la finalit
é
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-
P
.
ROYE
R
du prélèvement soit thérapeutique et que le principe de gratuité soit observé . Le Comit
é
national d'Ethique estime que la mère a un droit d'objection avant le 22ème semain
e
de vie intra-utérine, et qu'après cette date le consentement éclairé du père et de la mèr
e
doit être obtenu
.
L'enfant comme receveur d'organ
e
A cet égard, les problèmes posés par l'enfant sont plus du domaine éthique
,
que juridique
.
En effet, la réception d'un organe pose les mêmes problèmes que toute actio
n
ou tout essai en médecine que la thérapeutique soit médicamenteuse, diététique, chirur-
gicale, physique ou psychologique
.
Cependant, l'enfant est, bien entendu, considéré comme toute personne humain
e
et les principes essentiels sont à considérer en fonction de la maturation physiologiqu
e
et mentale de l'organisme et du statut juridique de mineur
. Le consentement éclairé (dériv
é
du principe d'autonomie) est fourni par les parents et la non-objection de l'enfant obtenu
e
dès qu'il est dans la seconde décennie de son existence
; le bénéfice probable pour l'enfan
t
est clair, exprimable en possibilité de survie et en qualité de la vie
; la sécurité exig
e
que les risques et l'inconfort -qui ne sont pas nuls en l'occurrence- soient acceptable
s
en fonction du bénéfice considérable escompté
; la réalisation d
'
une transplantatio
n
nouvelle ou de modification de méthodes et de techniques doit être précédée d'un
e
expérimentation positive sur l'animal en développement et d'un essai concluant su
r
l'homme adulte avant d'être entreprise chez l'enfant
; la compétence des équipe
s
médicales pour effectuer la greffe doit être assurée et aussi la permanence de la vigilanc
e
éthique de cette équipe avant, pendant et après la transplantation
; l'approbation de
s
programmes d'essai des modifications techniques ou des nouvelles greffes par un Comit
é
d'Ethique habilité par sa composition à aborder les problèmes médicaux et non médicau
x
concernant l'enfance
; la prise en compte du niveau culturel, des aptitudes linguistiques
,
des croyances et traditions de l'enfant, de ses parents et de sa communauté
.
Certains aspects éthiques sont encore délicats : les désaccords entre parents
:
l'opposition de ceux-ci à une transplantation avec une évidence favorable à l'enfant
;
la situation concernant les enfants ayant une autre maladie ou un autre handicap, un
e
arriération mentale, par exemple
; la décision d'une seconde transplantation après reje
t
du premier greffon, dans certains cas peu encourageant
. Il est clair, enfin, que si un
e
-
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«frange d'incertitude» peut être tolérée lors de la mise en route de la transplantation d'u
n
organe chez l'enfant, elle doit être programmée comme une recherche clinique et ne pa
s
se poursuivre au-delà d'un certain temps . Quant au problème de la transplantation d'organ
e
provenant d'animaux, comme l'opération récente: «bébé-babouin», il ne me paraît pa
s
possible, dans l'état actuel des connaissances de la biologie humaine, de la considére
r
comme acceptable du point de vue éthique
.
Société et éthique des transplantations d'organes chez l'enfant
.
Une part non négligeable des problèmes éthiques concernant la santé intéress
e
directement la société, à travers l'Etat et ses responsables administratifs et gouvernemen
-
taux, et les collectivités nationales ou communautaires. Cette éthique des sociétés repos
e
sur le principe de «justice distributive»
. Elle peut être en contradiction avec l'éthiqu
e
de la personne
. On peut en trouver des exemples dans la pratique des vaccinations, l
a
supplémentation du sel en iode, de l'eau ou du sel en fluor, du lait en vitamine D
. O
n
parle, dans certains pays, de «macroéthique»
.
Pour ce qui concerne les transplantations d'organes chez l'enfant, trois problème
s
peuvent être rappelés à titre d'exemples
. Un organe à transplanter étant disponible,
à
égalité d'indications, doit-on préférer comme receveur un enfant plutôt qu'un adulte
;
dans notre pays et à l'habitude, l'enfant est choisi en terme de nombre d'années de vi
e
gagnées potentiellement
.
Une seconde question est posée pour l'option entre plusieurs actions médicales
.
La transplantation coûte très cher et ne bénéficie qu'à un petit nombre d'enfants
. Dan
s
les pays à budget de santé limité, est-il admissible de sacrifier à une telle pratique, le
s
crédits de l'hygiène, de la pédiatrie préventive et du développement des soins primaire
s
à l'enfant ? Mais à quel niveau se situe la barre financière au-dessous de laquelle o
n
doit renoncer totalement à toute pratique de la transplantation chez l'enfant ? Enfin, dernie
r
exemple, les budgets de la santé atteignent souvent - même dans les pays favorisés- l
a
limite des dépenses possibles. Ils entrent alors en compétition avec des programmes no
n
moins importants pour la société (et pour les enfants de cette société)
: créer de nouveau
x
emplois pour demain, adapter les écoles et les universités, protéger l'équilibre écologiqu
e
naturel
. A ce niveau, la décision ne peut venir que de la société elle-même
.
Il est souhaitable que dans le cadre des programmes de transplantation d'organe
s
chez l'enfant -en raison du développement très rapide de ces programmes- l'applicatio
n
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