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RÉSUMÉ
L’économie de plantation représente une aire privilégiée d’observation des
mutations des sociétés paysannes africaines. En effet, le développement des cultures
commerciales dans un premier temps, puis la crise économique dans un second temps,
entraînent successivement
un
certain nombre de changements dans l’organisation
sociale des zones rurales africaines. Ces changements se révèlent dans toute leur
ampleur
à
travers les relations aînés-cadets, mais aussi
à
travers les relations hommes-
femmes. Cet article traite précisément de l’évolution de ces deux types de relations
dans une société rurale ivoirienne (la région de Sassandra) convertie depuis le début
des années
1970
à
la production cacaoyère et caféière
et
qui traverse depuis la fin des
années
1980
une grave crise économique. L’étude s’appuie principalement
sur
les
données d’une enquête qualitative réalisée dans le cadre des travaux du laboratoire de
population de Sassandra coordonnés conjointement par 1’Orstom et 1’Ensea d’Abidjan.
L’enquête, menée entre mai
1994
et juillet
1995
a couvert six villages de la région de
Sassandra ainsi que la ville même de Sassandra.
Les résultats de cette étude montrent que si le développement des cultures
d’exportation a permis aux jeunes générations d’agriculteurs de s’affranchir de
l’autorité des aînés du lignage, la crise économique vient compromettre cet acquis
fondamental. La mévente des cultures sur le marché international, la baisse corrélative
du pouvoir d’achat des paysans, la diminution des réserves forestières, etc., sont autant
d’aléas qui conduisent
à
une réintroduction des anciennes situations de dépendance
économique et sociale entre les générations. Par ailleurs, la généralisation du modèle
de famille nucléaire, en tant qu’unité de production autonome, qui accompagne la mise
en place des cultures de rente, n’a pas conduit
à
une plus grande égalité entre les
conjoints. L’analyse de l’organisation domestique et de la rbpartition des tâches
productives entre les hommes et les femmes révèle une inégalité des pouvoirs et même
une incompatibilité des intérêts entre époux. La crise révèle avec une acuité singulière
ces inégalités statutaires entre hommes et femmes. Dans la situation actuelle, les
femmes en quête d’une amélioration de leur condition se trouvent face
à
un dilemme
:
opter pour une solution qui les oblige
à
s’éloigner de la cellule maritale ou tenter une
hypothétique négociation avec le mari. Le choix est difficile
à
faire dans un contexte
où
le mariage reste socialement prisé et
où
les situations hors mariage offrent tous les
signes d’une relative précarité.
MOTS-CLÉS
:
AGRICULTURE, CôTE
D’IVOIRE,
ÉCONOMIE
DE
PLANTATION,
FEMMES,
JEUNES,
SASSANDRA.