SECTION I LE MONDE DES ME
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2On emploie le mot média en des sens multiples. Au point,
souvent, de désespérer de trouver une unité, en deçà de ses différentes acceptions.
Le quotidien Libération est un média, au même titre que la chaîne de télévision
Canal+ou la station de radio Europe 1. Ce que l’on désigne, en pareil cas, ce sont
des institutions sociales : l’aboutissement d’initiatives calculées, ayant chacune ses
équipements techniques, ses professionnels attitrés et ses règles particulières, écrites
ou non écrites.
On dit également de l’affichage qu’il constitue un média, comme on le dit du
roman, du cinéma, ou du reportage sur l’actualité. Ce que l’on entend alors, c’est
inséparablement une technique, permettant l’expression de la pensée et l’une des
formes — ou l’un des genres — que cette expression peut revêtir. Ou bien, si l’on
préfère, une technique qui est devenue, à la faveur de ses utilisations successives,
un art véritable, au sens le plus courant du terme : la presse à imprimer faisant
naître le journalisme, le genre romanesque, ou bien encore l’affichage ; le cinémato-
graphe des frères Lumière donnant naissance au « septième art » ; la télévision
constituant le creuset où sont nés les vidéomusiques, les feuilletons télévisés...
Afin d’écarter toute équivoque, il convient de ne pas confondre la technique avec
les institutions qui ont recours à elle : la presse de Gutenberg avec les journaux ;
les ondes hertziennes avec TF1 ou France Télévisions ; le « fusil photographique »
avec l’œuvre de fiction cinématographique. On ne saurait oublier davantage que
toutes les techniques ne donnent pas nécessairement naissance à un art original et
reconnu comme tel : certaines, et non des moindres, constituent seulement le support
pour des formes d’expression qui sont nées ailleurs et auxquelles elles n’apporteront
peut-être jamais rien.
Le journalisme d’information « générale » est peut-être né des rotatives au
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cle, lorsque celles-ci ont permis le tirage simultané de millions d’exemplaires de
journaux quotidiens. De la même façon, l’œuvre cinématographique est la fille d’une
technique, inventée et mise au point par les frères Lumière. Mais la télévision est-
elle encore autre chose qu’un chargé d’affaires, pour des œuvres de la pensée ou
des genres d’expression qui sont nés d’autres techniques, la presse écrite, la radio
ou le cinéma ? En tant que technique, la télévision a-t-elle donné naissance à une
forme d’expression vraiment originale ?
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INTRODUCTION
A. DES « MASS MEDIA » AUX ME
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3Techniques, institutions, domaines privilégiés d’activités — l’in-
formation, le divertissement, la publicité, l’éducation, la création artistique —, formes
d’expression particulières, — le journalisme, le cinéma, l’affichage publicitaire, le
feuilleton de télévision, les sites du Web : l’inventaire des médias décourage
toute tentative de définition. Francisé en 1973, avec un accent aigu et un « s » au
pluriel, le mot « média » s’est imposé au tournant des années 1980. Jusque-là, on
parlait seulement des « mass media » : forgée dès les années 1950 en Amérique du
Nord, l’expression désignait, ensemble, toutes les techniques permettant d’atteindre
simultanément une audience étendue, diverse et dispersée, le cinéma comme la
télévision, la presse au même titre que la radio.
Vers la fin des années 1960 et au début des années 1970, le succès des thèses
d’un essayiste canadien, Marshall McLuhan (1911-1980) contribua sans nul doute
à populariser le mot « média », précipitant du même coup l’abandon de l’expression
« mass media ». La consécration du mot, par l’usage, n’est guère indifférente : elle
marque le déplacement de l’attention, de l’examen du « pouvoir » de la presse ou
de la télévision vers celui des institutions auxquelles elles ont donné naissance, de
leur mode d’organisation et de « fonctionnement », de leurs œuvres et de leurs
audiences respectives. En s’imposant, le mot rejoignait son étymologie : un média
est d’abord un moyen — un outil, une technique ou un intermédiaire — permettant
aux hommes de s’exprimer et de communiquer à autrui cette expression, quel
que soit l’objet ou la forme de cette expression. Mais un média se définit également
par son usage, lequel désigne un rôle ou une fonction ayant fini par s’imposer, ainsi
que la meilleure façon de remplir ce rôle ou cette fonction.
L’utilisation qui est faite d’un média, à un moment et en un lieu donnés, dépend
des usages ou des habitudes qui ont fini par prévaloir, en raison notamment des
attentes ou des besoins des individus, ainsi que des règles ou des contraintes détermi-
nant l’expression de ces besoins ou de ces attentes. Comme le souligne Josiane
Jouët, « les usagers s’approprient les attributs [...] de la machine pour satisfaire leurs
propres aspirations de complétude » (Technologies de l’information et société, 1989).
Un média échappe en réalité difficilement à la destination que l’usage lui a assignée :
organe d’information, outil de communication, moyen de divertissement, support
ou vecteur d’œuvres — ou de chefs-d’œuvre — artistiques.
B. LES TROIS FAMILLES DE ME
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4Les médias diffèrent les uns des autres par l’étendue de leur
audience, potentielle ou effective : le temps est aujourd’hui révolu où l’on ne parlait
guère que des « mass media », les grands quotidiens nationaux, les chaînes ou les
réseaux de télévision. Ils diffèrent par la nature des messages acheminés : on a
coutume d’opposer, désormais, l’audiovisuel à l’écrit ou au numérico-textuel. Ils
diffèrent enfin par les virtualités qu’ils recèlent ou par leur inclination, réelle ou
supposée, à atteindre certains objectifs plutôt que d’autres : distraire plutôt qu’infor-
mer, propager des savoirs ou former le jugement, influencer, persuader, ou créer
des œuvres originales.
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Mais un seul critère permet, semble-t-il, de dresser un inventaire des médias
qui soit à la fois complet et pertinent. Complet en ce qu’il n’établit aucune discrimina-
tion entre les techniques, qu’elles soient très anciennes ou d’apparition récente.
Pertinent par rapport à son objet : rendre compte de la diversité des modalités de
l’échange entre les hommes, des formes variées du « commerce des idées » auquel
ils se livrent. Ce critère, les sociologues pourraient l’appeler, indifféremment, forme
ou « modalité de communication », là où les ingénieurs parleraient de « structure
de la communication » et les juristes de « mise à disposition du public ».
L’application de ce critère permet de distinguer trois familles de médias. La
première famille est celle des médias autonomes. Elle comprend tous ceux des
supports sur lesquels sont inscrits les messages et qui ne requièrent de raccordement
à aucun réseau particulier : ainsi les livres, les journaux, les disques audio, vidéo
ou informatiques. Pour en permettre la « lecture », certains équipements sont indispen-
sables : magnétophones, magnétoscopes, ordinateurs, consoles de jeux. Les enregis-
treurs de DVD avec disque dur sont en passe de devenir, pour les images animées
et sonorisées, ce que représentent, depuis longtemps, le livre et le journal pour la
propagation des textes imprimés.
Deuxième famille : celle des médias de diffusion, que cette diffusion soit large
ou étroite. Depuis la TSF, dont le brevet fut déposé par Marconi en 1896, des
émetteurs et des relais terrestres permettent la transmission, par la voie des ondes
hertziennes, de programmes de radio dans une zone de « couverture » dont l’étendue
varie selon la puissance des équipements émetteurs et des équipements récepteurs
utilisés. Depuis les années 1930, des programmes de télévision sont également
acheminés par la même voie. Les modes de diffusion se sont multipliés, dès 1975 :
câbles, satellites, télévision numérique terrestre, Internet.
Troisième famille : les médias de communication, qu’il s’agisse d’une télécom-
munication bipolaire ou multipolaire. Elle comprend tous les moyens de télécommuni-
cation permettant d’instaurer, à distance et à double sens, soit une relation de dialogue
entre deux personnes ou entre deux groupes, soit une relation entre, d’un côté, une
personne ou un groupe, et de l’autre, une machine, comprenant une batterie de
programmes ou de services.
Inauguré en 1876 par Graham Bell, le téléphone est l’ancêtre, en même temps que
le parangon, de ces techniques qui permettent « l’interactivité », — ou l’interaction —,
immédiate et directe, entre les différents protagonistes de l’échange de messages.
De nombreux dispositifs, apparus après 1978-1980, permettent désormais à chacun
des usagers d’obtenir les programmes ou les services de son choix, sur simple
commande individuelle, c’est-à-dire à l’instant qu’il a lui-même choisi. Parmi ces
dispositifs d’accès à la demande figurent la vidéographie, dans sa version diffusée
(le télétexte) ou interactive, la télématique, domestique ou professionnelle, et, depuis
1993-1995, les services d’Internet. Ces équipements établissent un commerce jus-
qu’ici inédit de textes, de graphiques, d’images fixes ou animées, associées ou non
à des sons, et non plus seulement l’échange d’une conversation téléphonique entre
deux personnes.
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