Département fédéral de l'intérieur DFI Commission suisse de maturité CSM EXAMEN SUISSE DE MATURITE / HIVER 2011 PHILOSOPHIE ET PEDAGOGIE / PSYCHOLOGIE OPTION SPECIFIQUE Note : Durée : 3 heures NOM : ........................................ PRENOM : ........................................... No : ............... L’épreuve comporte trois (3) parties : - la première est destinée à tous les candidats. (20 points) - la deuxième (partie 2a, philosophie) doit être faite par les candidats qui ont choisi la pédagogie/psychologie pour l’épreuve orale. (40 points) - la troisième (partie 2b, pédagogie/psychologie) doit être faite par les candidats qui ont choisi la philosophie pour l’épreuve orale. (40 points) Répondre aux questions sur papier libre. Respecter strictement l'ordre des questions et noter clairement leurs numéros. PARTIE 1 : interdisciplinarité 20 Points 1 H environ Lire le texte suivant de Plotin (philosophe néoplatonicien du IIIème siècle après JC) et répondre aux questions qui s’y rapportent. Chaque réponse vaut 2 points. « Il faut que nous comprenions bien ceci : le souvenir existe aussi dans toutes les dispositions internes qui résultent soit d’impressions, soit de perceptions antérieures. Il peut arriver que l’on possède ces dispositions internes sans en avoir conscience : elles ont alors beaucoup plus de force que si on les connaissait. En effet, quand on a conscience d’une disposition, on est différent d’elle ; quand on en est inconscient, on risque d’être soi-même identique à ce qu’on possède. C’est essentiellement ce type de passion qui fait déchoir l’âme. » (Plotin, Ennéades, IV, 4, 4) PPP 1 - Définissez les mots : a- dispositions internes (ligne 1) b- impressions (ligne 2) c- perceptions antérieures (ligne 2) d- passion (ligne 6) PPP 2 - Quelle est la thèse défendue par Plotin dans ce texte ? PPP 3 - Ce propos relève-t-il - de la philosophie ? - de la psychologie ? Justifiez votre réponse. SER / 632-009 / OS PPP / H11 Veuillez rendre ce feuillet avec votre travail, merci ! 1/8 PPP 4 - Quel projet implicite ce texte a-t-il ? Pourquoi ? PPP 5 - Que veut dire Plotin lorsqu’il affirme : « quand on a conscience d’une disposition, on est différent d’elle » ? Expliquez. PPP 6 - « C’est essentiellement ce type de passion qui fait déchoir l’âme. » - pourquoi « essentiellement » ? - que signifie concrètement « ce type de passion (…) fait déchoir l’âme » ? PPP 7 - Rejoignez-vous le point de vue de Plotin qui soutient au fond que le philosophe doit s’opposer à son inconscient ? Pourquoi ? PPP 8 - Que dirait Freud à la lecture de ce texte ? Comment argumenterait-il ? PPP 9 - Ce texte de Plotin conserve-t-il selon vous une certaine actualité ? Pourquoi ? PPP 10 - En quoi ce texte a-t-il une intention clairement pédagogique ? Expliquez. 2/8 PARTIE 2a : philosophie 40 Points 2 H environ Partie réservée aux candidats présentant la pédagogie/psychologie à l’oral Lisez attentivement le texte suivant : « L’homme mesure de toute chose » de Protagoras (rapporté par Platon) Socrate : La science est, dis-tu, la sensation? Théétète : Oui. S. : Cette définition que tu donnes n’est point à mépriser. C’est celle même qu’a donné Protagoras. (...) Tu as lu cela, sans doute? T. : Oui, plus d’une fois. S. : Ne dit-il pas à peu près ceci: telles m’apparaissent les choses, telles elles sont pour moi ; telles elles t’apparaissent, telles elles sont pour toi? Or nous sommes hommes toi et moi. T. : C’est en effet ce qu’il dit. (...) S. : J’ai été fort content de tout ce qu’il dit pour prouver que ce qui paraît à chacun est tel qu’il lui paraît. Mais j’ai été surpris qu’au commencement de son livre sur la vérité il n’ait pas dit que la mesure de toutes choses est le pourceau, le cynophale ou quelque être encore plus bizarre parmi ceux qui sont doués de sensation. (...) Si comme nous l’avons souvent dit, chacun juge uniquement selon ses impressions, et si tous les jugements sont vrais et droits, par quel privilège Protagoras serait-il savant au point de se croire en droit d’enseigner les autres et de mettre ses leçons à si haut prix ; tandis que nous ne serions que des ignorants, condamnés à aller à son école, puisque chacun est à soi-même la mesure de sa propre sagesse? Comment ne pas dire que Protagoras a parlé de la sorte en se moquant? (...) Car n’est-ce pas une extravagance insigne que d’entreprendre d’examiner et de réfuter mutuellement nos opinions, si elles sont toutes vraies pour chacun, et si la vérité est telle que l’a définie Protagoras (...) ? (...) Mais en second lieu, voici ce qu’il y a de plus plaisant. Protagoras, en déclarant que ce qui paraît à chacun est vrai, accorde que l’opinion de ceux qui contredisent la sienne et croient qu’il se trompe est vraie. T. : Effectivement. S. : Donc, il convient que son opinion est fausse puisqu’il reconnaît pour vraie l’opinion de ceux qui pensent qu’il se trompe? T. : Nécessairement. S. : Les autres, de leur côté, ne conviennent pas qu’ils se trompent? T. : Non, certainement. S. : Il est donc encore obligé de reconnaître cette opinion pour vraie, d’après ses écrits? T. : Apparemment. S. : Par conséquent, il y aura contestation de tous côtés, à commencer par Protagoras luimême. (...) Donc, puisqu’elle est contestée par tout le monde, la vérité de Protagoras n’est vraie pour personne, ni pour un autre ni pour lui-même. T. : Socrate, nous traitons bien mal mon ami. PLATON, extraits du «Théétète» 3/8 Répondez dans l’ordre aux questions ci-dessous. A. Connaissances préalables et carte d’identité du texte (9 points) Phi 1 - Enoncez le principe de non-contradiction. Peut-on refuser ce principe? Quelles en sont les conséquences sur la définition de la vérité? (question à 3 points) Phi 2 - Enoncez en une phrase l’interprétation que Platon fait de la thèse de Protagoras. Phi 3 - Résumez et caractérisez chacun des arguments par lesquels Platon contredit cette thèse. Phi 4 - En se référant au texte, comment peut-on définir le mot « opinion » ? B. Explication de détail/compréhension (12 points) Phi 5 - Quelle distinction Platon va-t-il faire entre l’opinion et la science et comment va-t-il justifier la distinction? Expliquez. Phi 6 - Le relativisme de Protagoras a des conséquences aux plans épistémologique et moral. Lesquelles, principalement? Phi 7 – Quels liens y a-t-il chez Platon entre la science et le monde des Idées ? Expliquez. Phi 8 - Comment atteint-on la vérité et la sagesse, selon Platon? Phi 9 - Quelle est la place de la sensation dans la philosophie platonicienne? Expliquez. Phi 10 - Peut-on selon vous dépasser philosophiquement le relativisme de la connaissance? Si non, pourquoi ? Et si oui, comment? C. Maîtrise des notions philosophiques (10 points) Dites à quel terme du vocabulaire philosophique présent dans le texte correspond chacune des 10 définitions suivantes. Voici un exemple : Définition : « Fait d’éprouver quelque chose, considéré comme susceptible d’enrichir la connaissance ». Réponse : « Expérience ». Phi 11 - Chez Platon, type de connaissance inférieur à la science qui comprend l’imagination et la croyance Phi 12 - (verbe dans le texte) Aspect trompeur des choses Phi 13 - (verbe dans le texte) Raisonnement visant à prouver qu’une thèse donnée est fausse Phi 14 - Phénomène physiologique produit par un excitant sur une terminaison nerveuse sensitive Phi 15 - Parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, alliée à une prudence de vie, et vers laquelle tend la philosophie 4/8 Phi 16 - Opération intellectuelle par laquelle nous affirmons ou nions Phi 17 - Chez Platon, type supérieur de connaissance Phi 18 - Phénomène psycho-physiologique par lequel nous appréhendons les qualités sensibles des réalités qui nous entourent Phi 19 - (adjectif dans le texte) Pour Platon, état de celui qui a atteint le niveau le plus haut de la connaissance et qui peut de ce fait légitimement enseigner Phi 20 - Jugement dont l’énoncé est adéquat au réel qu’il désigne D. Questions générales à développer (9 points) Phi 21 - Protagoras affirme implicitement que les sens humains ne sont pas trompeurs. Descartes affirme le contraire. Quels sont les arguments de chacun d’eux et qui a raison ? Pourquoi ? Phi 22 - Expliquez pourquoi le fait de soutenir que l’opinion est vraie (comme le fait Protagoras) est tout aussi contradictoire que d’affirmer qu’il n’existe aucune vérité. Phi 23 - Doit-on être savant pour pouvoir enseigner ? Expliquez et justifiez votre réponse. 5/8 PARTIE 2b : pédagogie/psychologie 40 Points 2 H environ Partie réservée aux candidats présentant la philosophie à l’oral Lisez attentivement le texte suivant : 5 10 15 20 25 30 35 Quand le ça tente d'imposer à un être humain quelque exigence pulsionnelle d'ordre érotique ou agressif, la réaction la plus simple, la plus naturelle du moi, maître des systèmes cogitatif et musculaire, est de satisfaire par un acte cette exigence. Cette satisfaction de l'instinct, le moi la ressent comme un plaisir, tandis que l'insatisfaction aurait provoqué pour lui du déplaisir. Toutefois, il peut arriver que le moi, du fait de quelque obstacle extérieur, par exemple s'il s'aperçoit que l'acte en question entraînerait un grave danger, renonce à cette satisfaction. Le renoncement à une satisfaction, à une pulsion, par suite d'obstacles extérieurs, par obéissance, comme nous disons, au principe de réalité, n'est jamais agréable. Il provoquerait une tension et un déplaisir durables s'il ne se produisait, en même temps, grâce à un déplacement d'énergie, une diminution de la force pulsionnelle elle-même. Mais il peut arriver que le renoncement se produise pour des motifs que nous pouvons à juste titre qualifier d'extérieurs. Au cours de l'évolution individuelle, une partie des forces inhibitrices du monde extérieur se trouve intériorisée ; il se crée dans le moi une instance qui, s'opposant à l'autre, observe, critique et interdit. C'est cette instance que nous appelons le surmoi. Dès lors, le moi, avant de satisfaire les instincts, se trouve obligé de tenir compte non seulement des dangers extérieurs, mais encore des exigences du surmoi et il aura ainsi d'autant plus de motifs de renoncer à une satisfaction. Mais alors que le renoncement dû à des raisons extérieures ne provoque que du déplaisir, le renoncement provoqué par des raisons intérieures, par obéissance aux exigences du surmoi a un effet économique différent. A côté d'un déplaisir inévitable, il assure aussi un gain en plaisir, une sorte de satisfaction compensatrice. Le moi se sent exalté et considère comme un acte méritoire son renoncement à la pulsion. Nous croyons avoir compris le fonctionnement de ce mécanisme : le surmoi est le successeur et le représentant des parents (et des éducateurs) qui, pendant les premières années de l'individu, ont surveillé ses faits et gestes. Le surmoi continue, sans y presque rien changer, à remplir les fonctions de ces parents et éducateurs, ne cessant de tenir le moi en tutelle et d'exercer sur lui une pression constante. Comme dans l'enfance, le moi reste soucieux de ne pas perdre l'amour de ce maître, dont l'estime provoque en lui un soulagement et une satisfaction, et les reproches, un remords. Quand le moi a fait au surmoi le sacrifice de quelque satisfaction des instincts, il en attend, en retour, un surcroît d'amour. Le sentiment d'avoir mérité cet amour se transforme en fierté. A une époque où l'autorité ne s'était pas encore intériorisée et muée en surmoi, la relation entre la crainte de n'être plus aimé et l'exigence pulsionnelle devait avoir été la même. Un sentiment de sécurité et de satisfaction naissait chaque fois que, par amour filial, l'être renonçait à quelque satisfaction des instincts. Ce bon sentiment ne pouvait avoir acquis son caractère narcissique particulier qu'une fois l'autorité intégrée elle-même dans le moi. Sigmund FREUD, Moïse et le monothéisme, Editions Gallimard, pp. 174 à 176 6/8 Répondez dans l’ordre aux questions ci-dessous. A. Carte d’identité du texte et connaissances préalables (8 points) PP 1 - Dans un petit résumé (maximum 10 lignes), faites ressortir les thèses essentielles de ce texte. PP 2 - Quel est le mode d'apparition des diverses instances de la personnalité et quels sont les principes auxquels elles obéissent ? PP 3 - Quelles sont leurs relations réciproques ? Référez-vous au texte. PP 4 - Quel degré de conscience appartient à chacune de ces trois instances ? B. Explication de détail/compréhension (10 points) PP 5 - Que signifie : « Le moi, maître des systèmes cogitatif et musculaire » ? (lignes 2-3) PP 6 - Pourquoi le renoncement à la satisfaction ne produit-il pas un déplaisir durable » ? (dès la ligne 7) PP 7 - Que signifie « une partie des forces inhibitrices du monde extérieur se trouve intériorisée » ? (lignes 12-13) PP 8 - Comment Freud explique-t-il le fait que le renoncement provoqué par des raisons intérieures assure une sorte de satisfaction compensatrice ? (dès la ligne 18) PP 9 - Expliquez la dernière phrase du texte : « Ce bon sentiment Æ intégrée elle-même dans le moi ». C. Maîtrise des notions de psychologie (10 points) Dites à quel terme du vocabulaire psychologique présent dans le texte correspond chacune des 10 définitions suivantes. Voici un exemple : Définition : « Ensemble des ajustements effectués par un individu pour lui permettre de se réaliser dans un ensemble social donné ». Réponse : « Adaptation ». PP 10 - Ensemble des instincts qui constituent le fond de la personnalité. Une des trois instances de l’appareil psychique PP 11 - (adjectif dans le texte) Fixation affective à soi-même qui se traduit par un investissement de la libido sur le moi PP 12 - Supériorité ou ascendant personnels en vertu desquels on se fait croire, obéir, respecter, on s’impose au sentiment d’autrui PP 13 - Sentiment de douleur analogue à une morsure, éprouvée par celui qui a conscience d’avoir commis une faute grave et souvent irréparable PP 14 - Secteur de la personnalité qui est la source de toutes les réalisations supérieures de l’homme (art, littérature, droit, morale, religion) PP 15 - Tendance de la sensibilité qui nous porte vers un être ou un objet reconnu ou ressenti comme bon PP 16 - Pôle de la vie affective caractérisé par la prise de conscience de la satisfaction d’une tendance. En même temps, le principe régulateur de l’énergie psychique 7/8 PP 17 - Secteur de la personnalité qui est la source de la conscience individuelle. Une des trois instances de l’appareil psychique PP 18 - Comportement automatique et inconscient des animaux qui se caractérise par le déclenchement, sous l’impulsion de stimuli externes, d’un mécanisme de réactions PP 19 - Concept limite entre le psychique et le somatique désignant une inconsciente d’origine biologique orientant le sujet vers un objet qui lui procurera la satisfaction du désir. D. Questions générales (6 points) PP 19 - Connaissez-vous une explication autre que celle de Freud du processus dit de « mauvaise conscience » ? Expliquez. PP 20 - Selon Freud, l’homme a-t-il des instincts ? Et selon vous ? Argumentez. E. Questions ouvertes (6 points) PP 21 - Selon vous, quel est le fondement des notions de « bien » et de « mal » ? Justifiez votre réponse en argumentant. PP 22 - Quelles conséquences pédagogiques, respectivement éducatives, découlent de la conception freudienne de la personnalité ? *** FIN *** 8/8