PARTIE 2a : philosophie 40 Points 2 H environ
Partie réservée aux candidats présentant la pédagogie/psychologie à l’oral
Lisez attentivement le texte suivant : « L’homme mesure de toute chose » de Protagoras
(rapporté par Platon)
Socrate : La science est, dis-tu, la sensation?
Théétète : Oui.
S. : Cette définition que tu donnes n’est point à mépriser. C’est celle même qu’a donné
Protagoras. (...) Tu as lu cela, sans doute?
T. : Oui, plus d’une fois.
S. : Ne dit-il pas à peu près ceci: telles m’apparaissent les choses, telles elles sont pour moi ;
telles elles t’apparaissent, telles elles sont pour toi? Or nous sommes hommes toi et moi.
T. : C’est en effet ce qu’il dit. (...)
S. : J’ai été fort content de tout ce qu’il dit pour prouver que ce qui paraît à chacun est tel qu’il
lui paraît. Mais j’ai été surpris qu’au commencement de son livre sur la vérité il n’ait pas dit
que la mesure de toutes choses est le pourceau, le cynophale ou quelque être encore plus
bizarre parmi ceux qui sont doués de sensation. (...)
Si comme nous l’avons souvent dit, chacun juge uniquement selon ses impressions, et si tous
les jugements sont vrais et droits, par quel privilège Protagoras serait-il savant au point de se
croire en droit d’enseigner les autres et de mettre ses leçons à si haut prix ; tandis que nous ne
serions que des ignorants, condamnés à aller à son école, puisque chacun est à soi-même la
mesure de sa propre sagesse? Comment ne pas dire que Protagoras a parlé de la sorte en se
moquant? (...) Car n’est-ce pas une extravagance insigne que d’entreprendre d’examiner et de
réfuter mutuellement nos opinions, si elles sont toutes vraies pour chacun, et si la vérité est
telle que l’a définie Protagoras (...) ? (...)
Mais en second lieu, voici ce qu’il y a de plus plaisant. Protagoras, en déclarant que ce qui
paraît à chacun est vrai, accorde que l’opinion de ceux qui contredisent la sienne et croient
qu’il se trompe est vraie.
T. : Effectivement.
S. : Donc, il convient que son opinion est fausse puisqu’il reconnaît pour vraie l’opinion de
ceux qui pensent qu’il se trompe?
T. : Nécessairement.
S. : Les autres, de leur côté, ne conviennent pas qu’ils se trompent?
T. : Non, certainement.
S. : Il est donc encore obligé de reconnaître cette opinion pour vraie, d’après ses écrits?
T. : Apparemment.
S. : Par conséquent, il y aura contestation de tous côtés, à commencer par Protagoras lui-
même. (...) Donc, puisqu’elle est contestée par tout le monde, la vérité de Protagoras n’est
vraie pour personne, ni pour un autre ni pour lui-même.
T. : Socrate, nous traitons bien mal mon ami.
PLATON, extraits du «Théétète»
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