Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie EXAMEN SUISSE DE MATURITE / ETE 2011 PHILOSOPHIE ET PEDAGOGIE / PSYCHOLOGIE OPTION SPECIFIQUE Note : Durée : 3 heures NOM : ........................................ PRENOM : ........................................... No : ............... L’épreuve comporte trois (3) parties : - la première est destinée à tous les candidats. (20 points) - la deuxième (partie 2a, philosophie) doit être faite par les candidats qui ont choisi la pédagogie/psychologie pour l’épreuve orale. (40 points) - la troisième (partie 2b, pédagogie/psychologie) doit être faite par les candidats qui ont choisi la philosophie pour l’épreuve orale. (40 points) Répondre aux questions sur papier libre. Respecter strictement l'ordre des questions et noter clairement leurs numéros. PARTIE 1 : interdisciplinarité 20 Points 1 H environ Lire le texte suivant de Sartre et répondre aux questions qui s’y rapportent. 5 10 L'humanisme signifie au fond ceci: l'homme est constamment hors de lui-même, c'est en se projetant et en se perdant hors de lui qu'il fait exister l'homme et, d'autre part, c'est en poursuivant des buts transcendants qu'il peut exister; l'homme étant ce dépassement et ne saisissant les objets que par rapport à ce dépassement, est au coeur, au centre de ce dépassement. Il n'y a pas d'autre univers qu'un univers humain, l'univers de la subjectivité humaine. Cette liaison de la transcendance, comme constitutive de l'homme […] et de la subjectivité, au sens où l'homme n'est pas enfermé en lui-même mais présent toujours dans un univers humain, c'est ce que nous appelons l'humanisme existentialiste. Humanisme, parce que nous rappelons à l'homme qu'il n'y a d'autre législateur que luimême, et que c'est dans le délaissement qu'il décidera de lui-même; et parce que nous montrons que ça n'est pas en se retournant vers lui, mais toujours en cherchant hors de lui un but qui est telle libération, telle réalisation particulière, que l'homme se réalisera précisément comme humain. Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Nagel, Paris 1970 SER / 632-007 / OS PPP / E11 Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie (2 points par question) PPP 1. - Définissez les mots : a- dépassement (ligne 4) b- transcendance (ligne 7) c- existentialiste (ligne 9) d- législateur (ligne 10) PPP 2 – En vous servant de votre propre vocabulaire, définissez l’humanisme selon Sartre. PPP 3 – ligne 1-2 : « l'homme est constamment hors de lui-même, c'est en se projetant et en se perdant hors de lui qu'il fait exister l'homme […] » Cette affirmation relève-t-elle - de la philosophie ? - de la psychologie ? Justifiez votre réponse. PPP 4 – Pourquoi Jean-Paul Sartre prend la peine de définir l’humanisme ? Quelle est son intention ? PPP 5 - Que veut dire Sartre lorsqu’il affirme : « Il n'y a pas d'autre univers qu'un univers humain, l'univers de la subjectivité humaine. » ? Expliquez. PPP 6 - « l'homme n'est pas enfermé en lui-même mais présent toujours dans un univers humain. » - comment comprenez-vous « enfermé en lui-même » ? - que signifie concrètement « présent toujours dans un univers humain » ? PPP 7 - Rejoignez-vous le point de vue de Sartre qui soutient au fond que l’homme existe comme humain uniquement lorsqu’il se projette et se perd hors de lui-même ? Pourquoi ? PPP 8 - Que dirait Freud à la lecture de ces thèses ? Comment argumenterait-il ? PPP 9 - Ce texte de Sartre a-t-il encore aujourd’hui une certaine actualité ? Pourquoi ? PPP 10 - En quoi ce texte a-t-il une intention clairement pédagogique ? Expliquez. SER / 632-007 / OS PPP / E11 Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie PARTIE 2a : philosophie 40 Points 2 H environ Partie réservée aux candidats présentant la pédagogie/psychologie à l’oral Lisez attentivement le texte suivant « L’usage ou l'emploi de la force de travail, c'est le travail. L’acheteur de cette force la 5 10 15 20 25 30 consomme en faisant travailler le vendeur. Pour que celui ci produise des marchandises, son travail doit être utile, c’est à dire se réaliser en valeurs d'usage. C'est donc une valeur d’usage particulière, un article spécial que le capitaliste fait produire par son ouvrier. De ce que la production de valeurs d’usage s'exécute pour le compte du capitaliste et sous sa direction, il ne s'ensuit pas, bien entendu, qu'elle change de nature. Aussi, il nous faut d'abord examiner le mouvement du travail utile en général, abstraction faite de tout cachet particulier que peut lui imprimer telle ou telle phase du progrès économique de la société. Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu'il agit par ce mouvement, sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ, c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c’est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles; il y réalise du même coup son propre but, dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté. Et cette subordination n'est pas momentanée. L’œuvre exige pendant toute sa durée, outre l'effort des organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut elle-même résulter que d'une tension constante de la volonté. Elle l'exige d'autant plus que par son objet et son mode d'exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui, comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles; en un mot, qu'il est moins attrayant. » Karl MARX, le Capital, livre premier, section III, chapitre VII, sur le développement de la production capitaliste. http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/index.htm SER / 632-007 / OS PPP / E11 Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie Répondez dans l’ordre aux questions ci-dessous. A. Connaissances préalables et carte d’identité du texte (6 points) Phi 1 – Qu’est-ce que le « travail utile » selon Marx ? Expliquez. Phi 2 – En quoi le capitaliste utilise-t-il la force de travail de l’ouvrier ? Expliquez. Phi 3 – En quoi, dans le travail, l’homme et la nature sont-ils réciproquement liés ? B. Explication de détail/compréhension (12 points) Phi 4 – Marx affirme que le travail humain est spécifique et qu’on ne peut ainsi pas dire que les animaux travaillent. Quels sont ses arguments ? Sont-ils selon vous convaincants ? Justifiez. Phi 5 – Pourquoi, selon Marx, le travail humain a-t-il (à son époque) perdu sa vocation naturelle et sa noblesse ? Peut-on selon vous, dans un système capitaliste, mettre en place des conditions de travail à la fois attrayantes et rentables ? Phi 6 – Quelle est la place du travail dans les options fondamentales de la pensée philosophique de Karl Marx ? Expliquez. C. Maîtrise des notions philosophiques (6 points) Dites à quel terme du vocabulaire philosophique présent dans le texte correspond chacune des 6 définitions suivantes. Voici un exemple : Définition : « Fait d’éprouver quelque chose, considéré comme susceptible d’enrichir la connaissance ». Réponse : « Expérience ». Phi 7 - La quantité de travail nécessaire à l’entretien ou à la production issue de l'énergie agissante de l'ouvrier. Phi 8 - La valeur d'un bien ou d'un service pour un consommateur en fonction de l'utilité qu'il en retire par rapport à sa personne, à ses besoins et à ses connaissances dans des circonstances données. Phi 9 - La faculté d'exercer un choix libre et rationnel indépendamment des tendances instinctives. Phi 10 - (adjectif dans le texte) La totalité ou partie innée des comportements, tendances comportementales et mécanismes physiologiques sous-jacents des animaux. Chez l'homme, il constitue la nature qui s'oppose traditionnellement au concept de culture. Phi 11 - La faculté dont l’homme se sert pour transformer et façonner la nature et les choses. Phi 12 - Pour Marx, celui qui profite du régime économique et social tendu vers la recherche du profit et dans lequel les travailleurs ne sont pas propriétaires de leurs outils, mais seulement de leur force de travail. SER / 632-007 / OS PPP / E11 Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie D. Questions générales : le travail dans la pensée philosophique (16 points) Phi 13 - « Dans l'Antiquité grecque, le travail est dévalorisé et considéré simplement comme le genre d'activité propre aux esclaves. Aristote se demande si l’esclavage n'est pas contraire à la justice. Son argument central est qu’on ne sait pas comment faire pour se passer de cette institution, indispensable à la vie de l'ensemble de la cité. Les esclaves disparaîtraient si les « navettes tissaient d'elles-mêmes et les plectres jouaient tout seuls de la cithare. » L'esclavage est donc reconduit comme une nécessité éternelle. D’autant plus que les hommes libres doivent savoir user judicieusement des esclaves s'ils veulent conserver leur temps libre, leur loisir au sens noble (la skolé), pour la philosophie et la vie publique. Ainsi, travailler, c'est vivre la condition de l'esclave, et la liberté n'est possible que lorsqu'on mène une vie libérée de la contrainte du travail. » Questions - Argumentez chacune de vos réponses a) Le travail est-il selon vous une activité propre aux « esclaves » et l’esclavage estil contraire à la justice ? b) La pensée philosophique et l’activité politique sont-elles selon vous un loisir au sens noble ? Phi 14 - « Cette idée que le travail est l'activité ignoble par excellence se retrouve chez des auteurs nostalgiques du passé grec et elle y est utilisée comme critique d'un monde moderne soumis à la rationalité technicienne. Cependant le socialisme utopique (notamment Fourier) va soutenir que l'avantage de la technique et du développement de l'industrie moderne permettent d'envisager comme une possibilité réelle la construction d'une organisation sociale libérée du travail, d'une société dans laquelle, à la différence de la cité antique, la skolé, loin d'être le privilège d'une minorité pourrait être envisagée comme la skolé pour tous. C’est ce que semble viser Karl Marx. » Questions - Argumentez chacune de vos réponses c) Grâce aux fruits de la technique (robots, etc.) pourra-t-on selon vous libérer l’homme du travail ? d) Selon Karl Marx, quelle révolution engendrera automatiquement le bonheur de tous ? Qu’en pensez-vous ? Phi 15 - « Selon Hannah Arendt, l'époque moderne s'accompagne de la glorification théorique du travail et elle arrive en fait à transformer la société tout entière en une société de travailleurs. C'est une société de travailleurs que l'on va délivrer des chaînes du travail. Mais le problème est que cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. Dans cette société égalitaire, car c'est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d'aristocratie politique ou spirituelle qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l'homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et, parmi les intellectuels, il ne reste plus que quelques solitaires pour considérer ce qu'ils font comme des œuvres et non comme des moyens de gagner leur vie. » e) Partagez-vous la vision d’Hannah Arendt ? Pourquoi ? Argumentez. SER / 632-007 / OS PPP / E11 Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie PARTIE 2b : pédagogie/psychologie 40 Points 2 H environ Partie réservée aux candidats présentant la philosophie à l’oral Répondez dans l'ordre aux questions suivantes : TEXTE I (15 points) « L'examen d'autres malades hystériques et d'autres névrosés nous conduit à la conviction qu'ils n'ont pas réussi à refouler l'idée à laquelle est lié leur désir insupportable. Ils l'ont bien chassée de leur conscience et de leur mémoire, et se sont épargné, apparemment, un grande somme de souffrances, mais le désir refoulé continue à subsister dans l'inconscient : il guette une occasion de se manifester et il réapparaît bientôt à la lumière, mais sous un déguisement qui le rend méconnaissable; en d'autres termes, l'idée refoulée est remplacée dans la conscience par une autre qui lui sert de substitut (...) et à laquelle viennent s'attacher toutes les impressions de malaise que l'on croyait avoir écartées par le refoulement. Ce substitut de l'idée refoulée - le symptôme - est protégé contre de nouvelles attaques de la part du Moi; et, au lieu d'un court conflit, intervient maintenant une souffrance continuelle. (...) Si l'on parvient à ramener ce qui est refoulé au plein jour - cela suppose que des résistances considérables ont été surmontées - alors le conflit psychique né de cette réintégration, et que le malade voulait éviter, peut trouver sous la direction du médecin une meilleur solution que celle du refoulement. Une telle méthode parvient à faire évanouir conflits et névroses. » Sigmund FREUD, Cinq leçons de psychanalyse, pp. 30-31, Editions Payot 1966 PP 1 - Définissez le contexte historique et scientifique de l’ouvrage de Freud. Qu’a-t-il apporté à la psychologie ? PP 2 - Faites ressortir les idées maîtresses de ce texte et expliquez pourquoi le refoulement est une solution à court terme? PP 3 - Avons-nous tous des idées refoulées, selon vous ? Justifiez votre réponse. PP 4 - Après avoir expliqué et illustré par un exemple la notion de sublimation, pourquoi l’idée refoulée serait remplacée dans la conscience par une autre ? PP 5 - Quelles différences fondamentales y a-t-il entre la psychologie de la philosophie ancienne (Aristote par exemple) et la psychologie selon Freud? Pourquoi la psychologie est considérée comme une « science expérimentale » depuis la fin du XIXème siècle ? SER / 632-007 / OS PPP / E11 Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie TEXTE II (10 points) 5 « […] On ne peut se dispenser de la domination de la masse par une minorité, car les masses sont inertes et dépourvues de discernement, elles n'aiment pas le renoncement pulsionnel, ne peuvent être convaincues par des arguments que celui-ci est inévitable, et les individus qui les composent se confortent mutuellement en donnant libre cours à leur dérèglement. Seule l'influence d'individus exemplaires, qu'ils reconnaissent comme leurs meneurs, peut les amener à des prestations de travail et à des renonciations dont dépend l'existence de la culture. » Sigmund Freud, L'avenir d'une illusion, PUF, coll. « Quadrige Grands textes », 23 décembre 2004 (1re éd. 1927), p.7 Répondez dans l’ordre aux questions ci-dessous. PP 6 - Quelles sont les caractéristiques de l’inertie et de l’absence de discernement dont parle Freud ? Quels en sont les contraires ? PP 7 – A qui Freud applique-t-il le concept de « masse » dans ce passage ? Et quelles sont les caractéristiques de ces hommes ? PP 8 – Qui sont les « individus exemplaires » selon Freud ? Quel est leur rôle dans la société humaine ? PP 9 - Freud parle de renoncement (l. 2) et de renonciations (l. 7). A quoi devrait-on selon lui renoncer ? Et pourquoi ? PP 10 – La division de la société en deux catégories (les masses et les individus exemplaires) peut-elle rapportée à la théorie de l’inconscient ? Justifiez. TEXTE III (15 points) 5 « Les enfants sont éduqués par ce que l’adulte est et non par ses bavardages ». Un homme de valeur inférieure n’est jamais un bon maître, il dissimule sa dangereuse infériorité, empoisonneuse secrète des élèves, derrière d’excellents procédés et une brillante aptitude intellectuelle à l’élocution. Certains bons élèves peuvent être « bons » par leurs bonnes méthodes et non par ce qu’ils sont. L’éducateur doit veiller à l’éducation de l’être et non au paraître. […] « La meilleure méthode [éducative] est celle qui sait faire pousser un arbre de façon à ce qu’il remplisse le plus parfaitement possible les conditions de croissance mises en lui par la nature. » L'Âme et la Vie, textes essentiels de Carl Gustav Jung, réunis et présentés par Jolande Jacobi, introduits par Michel Cazenave. SER / 632-007 / OS PPP / E11 Examen suisse de maturité / Session d’été 2011 Option spécifique Philosophie et pédagogie-psychologie Répondez dans l’ordre aux questions ci-dessous. PP 11 - L’enfant suit-il selon vous des hommes-modèles ou plutôt les conseils judicieux de ses éducateurs ? Argumentez. PP 12 - En matière d’éducation, qu’est-ce qu’un homme de valeur inférieure, selon Jung ? Comment peut-on selon lui le détecter ? Que pensez-vous de ce jugement ? PP 13 - Quel est l’objectif principal que Jung nous encourage à viser en matière d’éducation ? Et lequel doit être évité ? Expliquez cette distinction. PP 14 - En quoi y a-t-il une opposition fondamentale entre Jung et Sartre dans la conception de la nature humaine ? Justifiez en vous appuyant notamment sur le texte. PP 15 - Jung distingue deux catégories de « bons » élèves. Quels sont les critères qu’il retient ? Etes-vous du même avis que Jung en ce domaine ? Pourquoi ? Expliquez. *** FIN SER / 632-007 / OS PPP / E11 ***