TSP Final - La délinquance des jeunes d`origine immigrée

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économique et sociale
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LA DÉLINQUANCE DES JEUNES D’ORIGINE IMMIGRÉE :
UNE LUTTE POUR LA RECONNAISSANCE
Travail de synthèse personnelle
Jérôme Van Ruychevelt
33 86 06 00
Promoteur : Prof. Jean-Michel Chaumont.
Août 2012
2
Table des matières
Introduction générale .................................................................................................................. 3
Questions de départ ................................................................................................................ 3
Hypothèses .............................................................................................................................. 3
Méthodologie .......................................................................................................................... 4
1. La lutte pour la reconnaissance ........................................................................................... 5
1.1. La reconnaissance amoureuse ..................................................................................... 5
1.2. La reconnaissance juridique ........................................................................................ 6
1.3. La reconnaissance culturelle ........................................................................................ 7
1.4. Une ébauche formelle de la vie éthique ? .................................................................. 10
2. La délinquance des jeunes d’origine immigrée ................................................................ 11
2.1. Première considération éthique ................................................................................. 11
2.2. Le manque de capital économique comme source à la délinquance ......................... 11
2.2.1. Les explications socio-économiques initiales .................................................... 11
2.2.2. La délinquance conséquence d’un déficit au niveau institutionnel .................... 13
2.2.3. Honneth et le capital ........................................................................................... 14
2.3. La délinquance conséquence d’un conflit de culture ................................................. 16
2.3.1. Conflit de culture et mauvaise conduite : L. Wirth ............................................ 16
2.3.2. Conflit de culture et crime : T. Sellin ................................................................. 17
2.3.3. Famille, Identité et valeurs ................................................................................. 18
Conclusion générale ................................................................................................................. 21
Bibliographie ............................................................................................................................ 23
3
Introduction générale
Il y a quelques semaines, je suis tombé un peu par hasard sur le « rapport sur
la prévention de la délinquance (novembre 2010) »
1
de Jean-Marie Bockel
2
. Le document,
pétri de valeurs nationales, prescrit, dans les grandes lignes, d’affronter la déviance juvénile
avec un arsenal de mesures sécuritaires et un encadrement social aux allures paternalistes. Il
cible également une certaine frange de la population d’origine immigrée qui ne s’accoutume
pas assez bien « aux valeurs républicaines ». J’avais l’intuition profonde que ce document
n’amenait pas sur la bonne voie, mais il fallait que je me le prouve.
J’ai donc voulu affronter le sujet et explorer ce que la science sociale avait déjà pu
théoriser sur la délinquance des jeunes d’origine immigrée. J’ai donc délibérément choisi
d’articuler délinquance et immigration. C’est pourtant dangereux puisqu’on pourrait me
reprocher de conforter un processus d’exclusion en insistant sur le caractère étranger d’une
frange de la population d’un pays. C’est une nouvelle fois construire des barrières imaginaires
et insister sur une différence fictive. De plus, associer « délinquance » et « immigration »
participe à un processus de stigmatisation exclusif nauséabond. Je devais également ne pas
amalgamer origine et délinquance. Je savais d’emblée qu’il me fallait éviter ces pièges.
J’ai choisi de parler de la délinquance, mais j’aurais pu opter pour la problématique du
chômage. L’objectif est de décortiquer les rouages qui amènent une majorité à associer une
conduite non socialement prescrite à une population bien particulière.
Afin d’élever la réflexion au rang de l’éthique, il me fallait une boîte à outils qui
interroge les processus d’interactions entre les individus et l’importance du regard d’autrui sur
les comportements. La perspective éthique pour laquelle j’opte est celle de « La lutte pour la
reconnaissance » d’Axel Honneth. Il s’agit, selon moi, d’un excellent credo contemporain qui
peut fournir une dimension éthique aux théories sociologiques. La théorie peut en effet allier
reconnaissance identitaire et reconnaissance socio-économique dans une quasi théorie de
justice au potentiel très riche.
Questions de départ
Allier l’éthique d’Axel Honneth et la délinquance chez les jeunes d’origine immigrée
m’amène à poser la question de départ suivante : que peut apporter le concept de lutte pour la
reconnaissance à une appréhension éthique de la délinquance chez les jeunes d’origine
immigrée ?
Plus généralement, j’aimerais pouvoir aborder d’autres points : quels sont les facteurs
clefs de la délinquance chez un jeune ? Dans quelle mesure y a-t-il un lien entre notre regard
sur la culture d’autrui et la manière dont on perçoit la délinquance ? À quel déficit de
reconnaissance les immigrés sont-ils particulièrement sensibles ?
Hypothèses
o Les jeunes d’origine immigrée peuvent commettre des actes de délinquance à cause d’un
déficit de reconnaissance affective, juridique et culturelle.
1
BOCKEL J-M., rapport sur la prévention de la délinquance, Ministère de la Justice et des libertés, République
française, Novembre 2010, Paris, 94 p. Consulté sur
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000585/0000.pdf, le 2-07-2012.
2
Secrétaire d’État à la Justice sous Nicolas Sarkozy.
4
o Certains facteurs de la délinquance qui touche les jeunes d’origine immigrée sont
universels et s’appliquent donc à n’importe quel type de population quelque soit l’origine.
o Les auteurs d’actes de délinquance sont en lutte pour la reconnaissance.
Méthodologie
Je me suis retrouvé face à une littérature impressionnante. Il m’a fallu faire un tri et
j’ai sélectionné les travaux qui mettaient en avant, d’une manière ou d’une autre, l’importance
de la reconnaissance dans les relations sociales avec les immigrés. L’objectif étant d’associer
ces travaux à « La lutte pour la reconnaissance » d’Axel Honneth afin de leur fournir une
dimension éthique. La grille de lecture du philosophe à la tête de l’École de Francfort nous
aidera donc à donner de l’ampleur à deux approches importantes dans la littérature
sociologique sur la délinquance : le capital économique et la culture.
Malgré le fait que j’aimerais aboutir à des conclusions universelles, j’ai pris le risque
de prendre pour exemple, lorsque j’aborde la problématique du conflit de culture, les jeunes
d’origine maghrébine de Belgique et de France. Pourquoi ce choix contestable ? Pour des
raisons pratiques avant tout. Je possédais, après une première recherche exploratoire, pas mal
de sources intéressantes sur la culture arabo-musulmane et sa confrontation avec l’occident
dans le cadre de l’immigration. En outre, l’envie de greffer mon travail à une certaine
proximité et actualité m’a orienté définitivement.
En somme, je partirai de théories générales sociologiques, je les mettrai en parallèle
avec « La lutte pour la reconnaissance » et je les illustrerai, lorsque j’exposerai la
problématique du conflit de culture, par la population d’origine nord-africaine belge ou
française. Mon objectif final est de dégager, si possible, une évaluation normative que
pourrait écrire Axel Honneth au sujet de la délinquance chez les jeunes d’origine immigré.
Je commencerai par une mise en contexte de la théorie d’Axel Honneth en mettant en
avant les éléments qui vont nous être utiles par la suite. Ensuite, j’introduirai la problématique
par une certaine définition de la délinquance. Après, j’entamerai l’analyse proprement dite en
commençant par les théories concernant le capital puis par celles abordant le conflit de
culture. Enfin, la conclusion permettra de synthétiser l’analyse, de suggérer une certaine voie
à suivre pour appréhender la problématique traitée et enfin d’exposer les limites du travail.
5
1. La lutte pour la reconnaissance
Je vais présenter ici la grille de lecture initiale qui nous accompagnera tout au long du
travail. Axel Honneth combine deux auteurs et deux perspectives scientifiques différentes.
Tout d’abord, il reprend la prémisse nérale de Hegel qui prétend que la formation pratique
de l’identité individuelle s’élabore face à l’expérience d’une reconnaissance intersubjective.
Hegel distinguait trois sphères sociales des sociétés modernes au sein desquelles un certain
type de reconnaissance était attendu : la famille, la société civile et l’État. Honneth met Hegel
en lien avec la psychologie sociale de Mead qui aboutit sensiblement aux mêmes conclusions
que Hegel au sujet de la reconnaissance. La combinaison des deux approches permet à Axel
Honneth de construire une théorie expliquant « les processus de transformations sociales en
fonction d’exigences normatives qui sont structurellement inscrites dans la relation de
reconnaissance mutuelle »
3
.
Les individus doivent faire face à des contraintes normatives venant de leurs
partenaires d’interaction grâce auxquels ils se comprennent et se construisent. La
reconnaissance est l’élément qui permet d’exprimer socialement la rencontre de l’individu
avec les contraintes normatives. Les groupes sociaux luttent l’un contre l’autre pour une
reconnaissance mutuelle, que ce soit sur le plan institutionnel ou culturel, et sous des prétextes
moraux. C’est ainsi que s’opère la transformation normative des sociétés.
Axel Honneth distingue trois volets de reconnaissance réciproque contenue dans les
trois sphères sociales citées par Hegel. Par ailleurs, chaque volet contient des caractéristiques
particulières à propos : du vecteur de reconnaissance qu’il implique ; du rapport authentique à
soi qu’il dessine ; du déni de reconnaissance qui le menace ; du potentiel de lutte qu’il
contient.
1.1. La reconnaissance amoureuse
L’amour est donc le premier degré de la reconnaissance réciproque. « L’amour
comprendra ici toutes les relations primaires qui, sur le modèle des rapports érotiques,
amicaux ou familiaux, impliquent des liens affectifs puissants entre un nombre restreint de
personnes »
4
. Les deux êtres qui se sentent unis se vouent une estime mutuelle particulière.
Les relations affectives primaires demandent un équilibre entre autonomie et pendance
puisqu’on est « sois même dans le corps d’un étranger ». L’amour d’une mère à son enfant,
l’amitié ou une relation amoureuse sont le vecteur privilégié de la prise de conscience de son
autonomie et de l’affirmation de soi. En effet, sur base des expériences du pédiatre Winnicott,
Honneth avance que la relation ne peut fonctionner que si les sujets apprennent l’un de l’autre
afin de savoir comment se différencier pour s’affirmer comme des êtres indépendants.
Ce qui atteint à l’intégrité psychophysiologique de l’individu (menaces, agression
physique) est le contraire de la reconnaissance amoureuse. Le terme reconnaissance désigne
ici la réciprocité qui amène à la confiance. Celle-ci permet aux sujets de s’affranchir (pour
garder leur autonomie) tout en restant lié. Pour finir, la reconnaissance amoureuse fournit à
l’individu la confiance en soi « sans laquelle il ne peut participer de façon autonome à la vie
publique »
5
. Nous verrons dans la suite du travail que les relations des jeunes délinquants avec
leurs parents ainsi qu’avec des individus issus d’un autre milieu qu’eux prennent une
importance particulière.
3
HONNETH A., La Lutte pour la reconnaissance, Edition du Cerf, 2002, Paris, 232 p., p. 113.
4
Idem, p. 117.
5
Idem, p. 120.
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