_reportage : Botswana La perle de l’Afrique : le Botswana, démocratie libérale Le Botswana est, en Afrique noire, un pays dont le développement connaît une des progressions les plus fulgurantes. Ses taux de croissance impressionnants, la prudence de sa gestion économique, sa stabilité politique et l’efficacité de son système social sont vantés dans les cercles internationaux. Pourtant, malgré ses avancées économiques et sociales considérables, le Botswana demeure confronté à des problèmes de taille : la pauvreté, le chômage, la pandémie de VIH/SIDA et la nécessité de dynamiser le secteur privé. Sean Foster - Seba Botswana Contrairement à la plupart des pays africains, le Botswana a connu un formidable essor économique. Autrefois l’un des pays les plus pauvres au monde, il est aujourd’hui considéré comme un pays à moyens revenus dans la classification de la Banque mondiale. De 1966 à 1980, le PIB botswanais a augmenté à un taux annuel de 14,5 %, qui en a fait pendant longtemps l’une des économies de la planète à la croissance la plus rapide. Son PIB par habitant a quintuplé durant les deux premières décennies de son indépendance. Pendant les années 1990, avec l’intensification de la mondialisation des marchés, sa croissance s’est ralentie, même si son PIB a continué à progresser de quasi 10 % par an. En 2001-2002, la croissance du PIB en chiffres réels n’était plus que de 2,3 %, ce qui constitue une très nette baisse par rapport au chiffre de 8,4 % enregistré en 2000-2001. Selon les prévisions officielles nationales, il devrait renouer avec les 5 % en 2002-2003. Le rôle de l’Etat La découverte et l’exploitation d’abondantes réserves de diamants sont à la base de ce miracle économique, mais ce développement remarquable n’aurait pas été possible sans une bonne discipline fiscale et une réelle stabilité politique. Le Botswana a certes bénéficié de la manne diamantaire mais, contrairement aux autres pays en développement subitement gratifiés d’un tel don du ciel (pétrole ou autre matière première), il a réussi à gérer sagement les revenus qu’il en a tirés et a beaucoup investi au profit de sa population. On ne peut dissocier cette croissance économique de l’émergence au Botswana d’un Etat en développement. En effet, si le Botswana est souvent réputé suivre un mode de développement capitaliste, axé sur les forces du marché, il faut bien constater que l’Etat a joué un rôle de premier plan dans la promotion de cette 54 le Courrier ACP-UE n° 198 mai-juin 2003 Gaborone croissance économique et de ce développement social. Depuis l’indépendance, il a en effet mené des politiques visant à les soutenir et s’est doté de plans de développement assortis d’objectifs réalisables. D’une manière générale, ces plans sont d’une très grande qualité et ont abouti à des résultats impressionnants, l’essor du secteur diamantaire étant l’exemple le plus frappant. Cette stratégie a poursuivi un double objectif : l’obtention de retours d’investissement miniers aussi rapides que volumineux et leur réinvestissement dans l’amélioration des conditions de vie des Batswana 1. Le développement humain Pour les citoyens, cette croissance économique phénoménale s’est traduite par une nette amélioration des services sociaux : politique de santé publique, gratuité de l’enseignement, approvisionnement en eau potable, etc. Le système éducatif botswanais est considéré comme le meilleur d’Afrique. L’enseignement primaire et secondaire est dispensé gratuitement, même si le gouvernement a récemment annoncé l’introduction d’un partage des coûts de l’offre éducative. Plus de 90 % des enfants achèvent leur scolarité primaire et 70 % d’entre eux poursuivent des études secondaires. Il reste cependant beaucoup à faire, puisque le système éducatif ne répond pas encore à tous les besoins du pays. L’existence d’une main-d’œuvre qualifiée est une condition sine qua non à la réalisation de l’objectif de diversification économique que s’est fixé le gouvernement. C’est la raison pour laquelle, depuis deux ans, ce dernier accorde la priorité au développement de la formation technique et professionnelle. Dans le domaine de la santé, le gouvernement a investi énormément dans les infrastructures et la formation. L’accès aux soins de santé est très bon : la quasi-totalité de la population urbaine et plus de 80 % de la population rurale vivent à moins de quinze kilomètres d’un dispensaire. L’évolution des indices de développement humain au Botswana sont dès lors impressionnants, à une exception près : le VIH/SIDA. Selon ONUSIDA, 38,8 % d’adultes sont séropositifs. L’espérance de vie est passée à 44 ans en 2001. Le VIH/SIDA a de lourdes implications sur les ressources humaines et sur la productivité, car il touche principalement les segments les plus productifs de la population. Le gouvernement a lancé plusieurs programmes de lutte contre la pandémie : le projet de traitement aux antirétroviraux, la campagne de prévention de la transmission de la mère à l’enfant ou encore la mise sur pied du laboratoire de référence sur le VIH Botswana-Harvard, qui se consacre à la recherche. L’augmentation de la demande de soins pour les maladies associées au VIH/SIDA fait subir une pression démesurée au système de santé publique et nécessite une augmentation exponentielle du budget de la santé. L’Etat finance également des campagnes de sensibilisation aux ravages du VIH/SIDA. Malgré ses performances économiques impressionnantes, le Botswana reste marqué par un degré élevé de pauvreté et de chômage. Selon des chiffres récents, près de la moitié des ménages vivent en état de pauvreté, essentiellement en zone rurale. Il convient cependant de noter que certains avantages non-quantifiables, tels que le développement des infrastructures, l’offre de lotissements, l’éducation universelle et la santé publique, ne sont pas intégrés dans cette mesure de la faiblesse des revenus. La démocratie Le Botswana fait preuve d’une stabilité politique hors du commun. Depuis son indépendance, en 1966, il organise des élections libres et impartiales tous les cinq ans. Il a la réputation de ne pratiquement pas connaître la corruption. Son pouvoir judiciaire est totalement indépendant. Les droits de l’homme sont relativement bien respectés dans ce pays qui n’a pas de prisonniers politiques. Parmi les grandes réformes entreprises ces dernières années, citons la création d’une Commission électorale indépendante, l’abaissement de l’âge du droit de vote (de 21 Vision 2016 En 1996, à l’occasion des trente ans de l’indépendance du Botswana, le président H.E. Sir Ketumile Masire alors à la tête du pays lançait le « Cadre d’une vision à long terme pour le Botswana ». Après une consultation nationale approfondie, ce cadre a été développé dans un document intitulé « Vision 2016 : la prospérité pour tous » qui fixe les objectifs à long terme pour le peuple botswanais, définit les défis à relever pour les atteindre et propose un ensemble de stratégies pour s’en donner les moyens. Les plans de développement du Botswana s’appuient sur quatre grands principes : la démocratie, le développement, l’autonomie et l’unité. Un cinquième principe vient d’y être ajouté : le Botho, un terme setswana qui signifie le respect. Selon Vision 2016, le Botswana sera d’ici à 2016 « une nation formée et informée » (accès de tous les citoyens à un enseignement de qualité et à des informations et des technologies fiables), « une nation prospère, productive et innovante » (diversification de l’économie, égalité des chances entre les hommes et les femmes, protection de l’environnement), « une nation de bien-être et de confort » (suppression de la pauvreté et éradication des conséquences négatives de la pandémie de VIH/SIDA), « une nation sans danger » (suppression de la criminalité, respect total des droits de l’homme), « une nation transparente, démocratique et responsable » (participation de la société civile au développement du pays, mise en avant du rôle des chefs tribaux), « une nation morale et tolérante » (tolérance à l’égard des cultures différentes, des traditions ethniques, des religions et des handicaps) et, enfin, « une nation unie et fière d’ellemême » (partage d’idéaux, d’objectifs et de symboles communs). Ulf Nermark - Seba Botswana _Botswana Malgré d’importantes campagnes de sensibilisation et la distribution de préservatifs, la transmission du VIH/SIDA s’est accélérée aux quatre coins du pays à 18 ans) et la mise en place d’un bureau de médiation indépendant afin de remédier aux éventuels abus commis dans l’administration publique. Il subsiste néanmoins plusieurs points faibles, tels que la fragmentation de l’opposition, la faiblesse de la société civile et le sousdéveloppement des médias. Le Parti démocratique du Botswana (PDB) est au pouvoir depuis l’indépendance et, même si son pouvoir s’érode peu à peu, l’opposition n’est jamais parvenue à le supplanter, en raison de ses scissions et de la prolifération de petits partis. A de rares exceptions près, la société civile s’exprime peu. Malgré le développement des médias privés, l’Etat contrôle toujours le principal journal (le seul qui soit gratuit), la station de radio la plus importante ainsi que la seule chaîne de télévision. La question des Basarwa Depuis une bonne dizaine d’années, le gouvernement a lancé plusieurs campagnes destinées à persuader les Basarwa, une ethnie minoritaire, de quitter la réserve de chasse du Kalahari central. Au fil du temps, ceux-ci ont été nombreux à aller s’installer dans les lotissements construits à leur intention à l’extérieur de la réserve, poussés à la fois par des sécheresses récurrentes et par les incitants mis en place par le gouvernement, dans le souci d’offrir aux Basarwa les mêmes possibilités de développement qu’au reste de la population botswanaise. Le nombre de Basarwa vivant dans la réserve n’a donc cessé de diminuer. En mars 2002, le gouvernement a interrompu l’offre de services publics à ces derniers habitants, pour des raisons financières (le coût élevé paraissait disproportionné par rapport au nombre restreint de personnes concernées). Cette décision s’est heurtée à de vives critiques, non seulement de la part des organisations locales de la société civile, mais aussi d’une ONG basée au Royaume-Uni, Survival International. L’année dernière, celle-ci a lancé une vaste campagne de sensibilisation fondée sur l’hypothèse selon laquelle le déplacement des Basarwa s’inscrivait dans le cadre d’un projet d’exploitation minière dans la réserve. Ditshwanelo, une organisation de défense des droits de l’homme locale a dénoncé l’agressivité de cette campagne. Elle s’est désolidarisée de Survival International et soutient les actuelles négociations avec le gouvernement afin d’explorer toutes les voies légales qui permetteraient une résolution de la question du Basarwa, tandis que le gouvernement répète qu’il n’y a aucun projet d’extraction minière dans la région. ■ MC 1. Signifie « Botswanais » en setswana, la langue du pays. n° 198 mai-juin 2003 le Courrier ACP-UE 55