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Industrialisation en Afrique, mode d’emploi
(MFI/04.06.2013) Le dernier rapport de la Banque africaine de
développement intitulé Perspectives économiques de l’Afrique met l’accent
sur l’industrialisation. Un processus sans lequel il n’y aura pas de décollage
économique du continent.
Les nouvelles en provenance des 48s assemblées générales de la Banque africaine
de développement (BAD), qui se sont tenues du 27 au 30 mai à Marrakech
(Maroc), sont plutôt bonnes. Et pas seulement parce que l’institution panafricaine,
qui avait déménagé en 2003 à Tunis pour cause de crise ivoirienne, va retrouver
l’an prochain son siège à Abidjan. L’Afrique est aussi décrite dans son dernier
rapport comme un « pôle de croissance dans une économie mondiale atone ».
La croissance moyenne du continent devrait atteindre 4,8 % en 2013, puis 5,3 %
en 2014. Ces perspectives seraient encore meilleures si les matières premières
(80 % des exportations en 2011, contre 60 % au Brésil, 40 % en Inde et 14 % en
Chine) faisaient enfin l’objet d’une transformation sur place au lieu d’être
exportées sous leur forme brute.
La BAD donne des pistes
La BAD donne des pistes, pour inciter les pays africains à franchir le cap de
l’industrialisation. Le seul moyen, selon ses experts, de créer des emplois
productifs et de venir à bout de la pauvreté et du chômage des jeunes les plus
lourds facteurs d’agitation sociale au sud du Sahara. Puisque la conjoncture est
favorable, il faut « saisir le moment », affirme Donald Kaberuka, le directeur de la
BAD. L’institution panafricaine livre même un guide pratique, avec une
méthodologie en quatre phases intitulée Bien faire les choses.
Force est de constater, malheureusement, que très peu de pays remplissent les
conditions de la toute première étape :« mettre en oeuvre des services publics de
qualité, un environnement institutionnel et réglementaire propice, une
administration compétente et un accès au financement et aux marchés ». Les trois
autres niveaux concernent la gestion efficace des droits de propriété - sur les
gisements de minerais comme sur les terres arables -, une fiscalité équilibrée et le
volontarisme de l’Etat, qui fait toute la différence.
Industrie de la taille de diamants au Botswana
Les exemples de Maurice et de la Tunisie, avec leurs industries tournées vers
l’exportation, sont déjà bien connus. Parmi les pays qui montrent la voie se
trouvent l’Afrique du Sud, avec son important réseau de fournisseurs locaux
d’équipements à l’industrie minière, mais aussi le Botswana, où les diamants
pèsent particulièrement lourd : « Un tiers du PIB, plus de 45 % des recettes
publiques et aux alentours de 70 % des recettes d’exportation », rappelle le rapport
de la BAD dans la note de conjoncture consacrée à ce pays. A lui seul, le
Botswana a fourni 28 % de la production mondiale de gemmes en valeur en 2012
(3,9 milliards de dollars). Cette manne devrait devenir encore plus importante,
avant l’épuisement prévu pour 2029 des quatre plus grosses mines actuelles, grâce
à l’essor d’une industrie locale de la taille.
Le pays a fait jouer ses bonnes relations avec le groupe sud-africain De Beers,
avec lequel il exploite conjointement ses principales mines. D’ici la fin 2013, la
fameuse Diamond Trading Corporation (DTC), le centre de tri et de vente des
diamants bruts du groupe De Beers, basé à Londres, va prendre ses nouveaux
quartiers à Gaborone. Elle devrait faire de la capitale du Botswana le nouvel
épicentre de l’industrie diamantaire mondiale, en attirant les 70 clients exclusifs
que compte De Beers. Des « sightholders » de divers pays, qui achètent les pierres
brutes pour ensuite les faire tailler en Belgique (Anvers), en Inde (Bombay) ou en
Israël (Tel-Aviv). Et pourquoi pas sur place ? C’est ce que veulent les autorités,
qui soutiennent activement les sociétés de taille (au nombre de 21 aujourd’hui), et
rêvent de voir éclore une filière joaillerie.
Transformation du bois au Gabon
Le Gabon, dans une moindre mesure, montre aussi l’exemple : ce petit pays
d’Afrique centrale, trop dépendant du pétrole, compte 46 % de chômeurs parmi les
moins de vingt-cinq ans. Il cherche à se diversifier, et à mieux mettre en valeur la
forêt, second secteur le plus important de son économie (6 % du PNB) et le plus
gros fournisseur d’emploi avec 30 000 salariés. L’essor d’une industrie du bois fait
l’objet du volet « Gabon vert », un des piliers de la stratégie de développement à
l’horizon 2025. Les autorités de Libreville ont interdit à partir de mai 2010 les
exportations de grumes à l’état brut, et encouragé l’émergence d’une industrie
locale de transformation du bois.
La Société nationale des bois du Gabon (SNBG) a obtenu en janvier 2012 un prêt
de 8 milliards de francs CFA de la Banque de développement des Etats d’Afrique
centrale (BDEAC) pour construire une usine à Owendo. En septembre 2011, une
Zone économique spéciale (ZES) a ouvert à Nkok, à 27 km de la capitale, un site
dédié à la transformation du bois qui doit comporter trois centres de formation.
Car le principal obstacle à l’essor de l’industrie du bois tient au manque de
qualifications dans la filière. D’où la mise en place d’un programme destiné aux
techniciens et aux ingénieurs, en octobre 2012, avec l’appui du Centre
d’enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foye (Cerfo), une
institution canadienne.
La BAD, en conclusion, invite des pays comme l’Ouganda, la Tanzanie, le
Mozambique et le Kenya, où la production à grande échelle d’hydrocarbures est
sur le point de débuter, « à tirer les leçons des succès et des échecs » des autres en
Afrique.
Sabine Cessou
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