PROSPECTIVE | COMITE DE VEILLE |
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Pour Pierre-Yves Gomez, « ces nouvelles formes
d’organisation bouleversent la gouvernance des
entreprises »9. En effet, télétravail et co-working
soulignent la volonté d’une meilleure prise en
compte des besoins des salariés, pour leur
permettre un plus grand épanouissement au
travail – et par conséquent une meilleure
productivité. La gouvernance ne peut alors se
limiter aux seules attentes des détenteurs de
capitaux : « Nous entrons dans l’ère du
management du travail réel, qui mise sur les
compétences spécifiques, les savoir-faire
autonomes et les ̎tours de main̎ des
employés, plutôt que sur les normes générales
prescrites par la hiérarchie. »10
Le management du travail conduit à une plus
grande fluidité dans les organisations,
lesquelles vont davantage se structurer autour
de projets et de réseaux créatifs qu’en fonction
de la hiérarchie. L’enjeu est bien de créer de
l’engagement des salariés dans un contexte
d’incertitude, en leur donnant un droit à
l’initiative, ce que signale le récent phénomène
des « intrapreneurs sociaux », lesquels
inventent des activités nouvelles au sein de leur
entreprise pour « transformer "de l'intérieur" les
comportements et les métiers de l'entreprise
vers une meilleure prise en compte de son
impact social ou environnemental »11.
La révolution digitale entraîne donc avec elle
des nouveaux rapports au travail, mais plus
largement encore, elle conduit à de nouvelles
formes d’organisation de l’économie et de la
société.
Chris Anderson évoque ainsi dans Makers. La
nouvelle révolution industrielle l’émergence
d’un nouveau modèle de production, porté par
les fab-labs, espace où le rassemblement
d’outils technologiques (imprimantes 3D,
découpeuses lasers…) et de plans en open
source, permettent à chacun de produire ses
objets. La production est ainsi le résultat de
rassemblements entre individus, qui mettent en
commun leurs connaissances, outils et
9 Pierre-Yves Gomez, « La gouvernance en mutation »,
Le Monde
10 Ibid.
11 « L’intrapreneur social, le mouton à cinq pattes du
monde de l’entreprise ? », L’Express
compétences, sans s’inscrire dans des cadres
traditionnels. La question étant alors soulevée
de savoir si ce modèle conduit à une nouvelle
révolution industrielle. Il se caractérise en tous
les cas par « [l’émergence d’]une nouvelle façon
d’agir, d’entreprendre et de consommer, qui
rejoint (et doit certainement le faire plus encore)
la logique du partage et de l’accessibilité à tous
de l’économie collaborative et inclusive »12.
Les pratiques collaboratives s’appuient sur des
logiques de mises en relation. Comme le
souligne Monique Dagnaud, « plus de 7 500
plateformes de par le monde organisent ces
mises en relation, favorisant des externalités
environnementales et sociales : co-voiturage,
logement chez l’habitant, échanges de
service… »13. Tous ces nouveaux acteurs
soulèvent des questions importantes,
notamment quant à la mesure et à la
répartition de la valeur qu’ils produisent,
faisant de leur régulation un sujet d’actualité
parlementaire.
Il importe au demeurant de distinguer les
acteurs type Uber ou Airbnb, qui se contentent
de capter la valeur produite par les usagers
sans investir dans les outils de production, et les
véritables dynamiques de pairs à pairs, qui
fonctionnent sur la mise en commun, la
création collective de valeurs et le partage des
ressources, tels Wikipedia ou Linux.
Pour les associations, cette tendance vers la
production collaborative invite à réfléchir sur la
nécessité de développer des gouvernances plus
souples, de manière à ce que chaque bénévole
puisse engager des coopérations et intégrer au
mieux ses compétences nouvelles qui ne sont
pas encore très courantes et faire cohabiter des
personnes qui ne vivent pas le même type de
management au travail. Cela les incite
également à réfléchir à la mise en place de
coopérations interassociatives, s’appuyant sur
d’authentiques dynamiques de pairs à pairs.
Octobre 2015
12 « Fabriquer son futur : les nouvelles tendances de
l’innovation numérique et sociale », L’Express
13 Monique Dagnaud, « Economie collaborative : un
programme politique pour la jeunesse rebelle ? », Telos