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La Fonda -
53 boulevard de Charonne 75011 Paris - Tél. 33(0)1 45 49 06 58 -fonda@fonda.asso.fr
La démarche écologique
et les associations
Auteur : Christian Lemaignan
L’écologie désigne la « science qui se donne
pour objet les relations des êtres vivants
(animaux, végétaux, micro-organismes, etc.)
avec leur habitat et l’environnement, ainsi
qu'avec les autres êtres vivants »1 .
Une mobilisation mondiale
Depuis les années 1970, des activités de
protection de l’environnement se sont
développées, par exemple avec la création de
parcs naturels régionaux et les premières
interrogations politiques sont apparues.
Aujourd’hui, la mobilisation est mondiale, avec
notamment les conférences sur le climat, en
particulier sous la pression :
- de la raréfaction de ressources agricoles et
minérales (métaux semi-précieux, énergies
fossiles, appauvrissement des sols agricoles,
amplifiés par l’option des agro-carburants pour
la transition énergétique…),
- des normes environnementales (ISO 14001,
création de l’Agence de l’environnement
européenne en 1995),
- des changements de comportement des
consommateurs vers une consommation
responsable et collaborative (leboncoin.fr,
blablacar, Air’n’b, velib…) s’éloignant de la
société du jetable du changement climatique
qui intervient dans un monde urbain et
sédentaire et entraîne avec lui, entre autres, une
montée du niveau des mers, un recul des terres,
une progression de la désertification et un
afflux de réfugiés climatiques à prévoir dans les
cinquante prochaines années
- le creusement des inégalités en trente ans
(selon Oxfam, les 1% les plus riches détiennent
près de la moitié des richesses mondiales).
Comme le souligne Yannick Roudaut, alors que
« nous assistons à l’effondrement de certaines
vérités : la permanence d’une croissance forte,
1 Cf. Wikipedia.
le nécessaire sacrifice du vivant pour
l’assurer… » et « face à l’urgence écologique, la
démographie, le mal-être social », « nous
sommes contraints de tout repenser »2 : nos
manières de consommer, de produire, de gérer
nos relations dans un cadre élargi, de vivre en
intelligence avec l’environnement et
l’humanité… Ce contexte nous invite à entrer
dans l’ère de l’économie du sens et de
l’économie du partage, à passer du copyright
aux licences Créative Commons… : « il va falloir
vivre avec le Vivant, et non contre ou sans le
vivant ! »
Si l’écologie est depuis un demi-siècle un terrain
de débat politique, l’idée d’une « économie verte
» est plus récente et cherche encore à devenir
un modèle spontanément légitime. Certains
pensent même que le plus urgent n’est pas
d’enclencher un cercle vertueux de ruptures
successives, mais de chercher à s’adapter à
cette nouvelle donne. Cependant, la société
civile et de nombreuses associations mobilisent
de manière déterminée et constante pour que
les responsables politiques prennent les
mesures à la hauteur de la situation.
Actuellement, le mouvement s’amplifie avec
une mobilisation plus importante des
scientifiques, au-delà des spécialistes du climat,
ou des responsables religieux et une
information bien suivie par la plupart des
citoyens.
Au-delà des actions sectorielles menées par les
associations spécialisées dans le domaine
environnemental, la situation pose un défi à
l’ensemble des associations pour favoriser des
actions transversales, un travail éducatif et
informatif. Par exemple, une expérience « Zéro
déchet », comme celle en cours à Roubaix, est
l’occasion d’une mobilisation transversale en
relation avec les collectivités territoriales.
2 Yannick Roudaut (entretien), « Entre effondrement et
Renaissance » in La tribune fonda, 227, 2015
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Quelles approches pour entrer
dans l’ère écologique ?
L’entrée dans l’ère écologique peut être pensée à
partir de différentes approches. Si ces approches
sont imbriquées, elles ne suivent cependant pas
toujours les mêmes objectifs ni n’empruntent les
mêmes chemins.
L’approche de l’écologie industrielle
Pour Suren Erkman, « l’écologie industrielle
s’intéresse à l’évolution à long terme du
système industriel dans son ensemble, et pas
seulement aux problèmes d’environnement »3 :
elle est une composante opérationnelle du
développement durable. Elle cherche à stopper
le fonctionnement linéaire des systèmes
industriels classiques qui agissent comme si les
ressources étaient infinies et produisent des
déchets en quantité illimitée, pour y substituer
des systèmes éco-industriels dont le
fonctionnement s’inspire des écosystèmes
naturels. Le terme « industriel », par son origine
américaine, désigne ici l’ensemble des activités
économiques dans la société industrielle, au-
delà donc du seul secteur secondaire. Le terme
écologie renvoie lui à la science qui étudie le
fonctionnement des systèmes vivants.
L’écologie industrielle vise autant à
reconceptualiser l’ensemble des activités qu’à
faire évoluer le système industriel.
En effet, dans le système industriel classique, la
contrainte environnementale est considérée en
aval, en fin de processus (« end of pipe »), et
consiste surtout à « réparer » en traitant la
pollution, ce qui nécessite des équipements
(pour traiter déchets, eau, polluants), des
infrastructures (pour le fonctionnement de ces
équipements) et des services associés (suivi,
conseil…). Dans cette perspective on s’attache à
minimiser les impacts du système industriel sur
l’environnement, vu comme extérieur à l’activité
économique. Pour utile et nécessaire que soit
cette approche, elle n’en reste pas moins :
- sectorielle séparant l’air, l’eau, les sols, et
pouvant donc induire des transferts de
3 Suren Erkman, Vers une écologie industrielle, Ed.
Charles Leopold Mayer, 1998 ; voir également
R. Frosch et N. Gallopoulos, « Des stratégies
industrielles viables », Pour la Science, 1989
pollution dans une biosphère qui est, elle, de
nature systémique ;
- incrémentale se traduisant par des petites
améliorations successives au niveau de
l’activité économique - et non par des
innovations radicales - et des coûts de plus en
plus élevés pour une efficacité augmentant
faiblement ;
- avec des effets économiques pervers : ces
activités sont comptabilisées dans le PIB, donc
augmentent la croissance économique, et leurs
technologies sont exportées dans les pays en
développement comme s’il s’agissait d’une voie
de développement à suivre ;
- et des effets incitatifs insuffisants, invitant les
entreprises à une attitude essentiellement
réactive, visant à satisfaire a minima aux
exigences de législation environnementale,
plutôt qu’à adopter une approche proactive et
préventive.
L’écologie industrielle porte à la fois une vision
très différente, le système économique étant
conçu comme un sous-système de la biosphère
dont il dépend, et un changement radical,
l’action se situant en amont et à l’échelle
systémique des activités : on cherche à
rapprocher le fonctionnement des industries de
celui, « cyclique » ou « circulaire », des
écosystèmes naturels. Cette rupture avec le
fonctionnement linéaire implique, d’une part,
une gestion optimisée des flux de matière et
d’énergie à travers la mise en œuvre de
synergies et de mutualisations de ces flux (au
niveau d’un groupe d’entreprises, de filières…),
et, d’autre part, la mise en place de filières de
recyclage, valorisation, réemploi… des produits.
À l’instar des écosystèmes naturels, les déchets
ou résidus des uns deviennent les ressources des
autres. Les actions entreprises peuvent ainsi
concerner : l’écoconception des produits, la
diminution de la consommation des ressources
naturelles, la réduction des déchets, l’éducation
à l’environnement, les certifications, le
développement des énergies renouvelables…
Pour fonctionner, l’écologie industrielle doit
prendre appui sur des coopérations entre
acteurs divers et complémentaires, agissant
dans un périmètre de proximité.
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L’écologie industrielle intègre trois éléments qui
renforcent l’enjeu qu’elle représente aujourd’hui
et qui concernent au premier chef les
associations :
La prise en compte des « translocations »,
c’est-à-dire des flux qui n’ont pas d’existence
économique (non comptabilisés par les
organisations, entreprises ou collectivités) mais
peuvent avoir des impacts environnementaux
non négligeables : l’eau d’irrigation, les
déplacements de terre et roches par exemple
quand on construit des infrastructures routières,
les résidus miniers stériles…
Une stratégie collective et coopérative entre
les différents acteurs sur un territoire formant
un « système industriel » (entreprises,
collectivités, consommateurs…), pour un usage
optimal des ressources dans toutes les activités
(industrie, agriculture, commerce, transport…).
Elle favorise la transition du système industriel
actuel vers un système viable, durable, inspiré
par le fonctionnement quasi cyclique des
écosystèmes naturels.
La prise en compte de la Responsabili
sociale des entreprises (RSE) et plus largement
encore de la Responsabilité sociale des
organisations (RSO)4
Il ne s’agit plus seulement de s’adapter aux
normes en matières de qualité, sécurité et santé,
environnement, développement durable (éco-
conception par exemple). Il faut aussi stimuler
l’innovation et relever le défi de la compétitivité
en s’appuyant sur les synergies entre acteurs,
les mutualisations et autres actions montées
collectivement pour répondre aux principes de
l’écologie industrielle. La symbiose industrielle,
comme à Kalundborg au Danemark, les parcs
et réseaux éco-industriels, comme Ecopal sur
Dunkerque, sont le produit de cette nouvelle
organisation des activités économiques sur un
territoire.
4 « (...) processus volontaires au moyen desquels des
organisations intègrent des préoccupations sociales et
environnementales à leurs activités et à leurs relations
avec les parties prenantes », livre vert de la
Communauté européenne, 2001
L’écologie culturelle
L’anthropologue américain Julian H. Steward
formule la méthode de l’écologie culturelle en
1955 et la définit en 19685 comme « l’étude des
processus par lesquels une société s’adapte à
son environnement ». Elle répond au problème
de savoir comment, c’est-à-dire par quels
modes de comportement, les sociétés humaines
s’ajustent à leur environnement. On s’intéresse
donc :
- au rapport entre environnement et technologie
d’exploitation et de production (« le système de
survie ») ;
- aux modes de comportement qui sont fonction
de la région particulière (et donc liée à la
technologie d’exploitation) ;
- à l’influence de ces modes sur d’autres aspects
de la culture.
La façon dont la culture perçoit et organise
l’environnement est prise en compte pour
expliquer la relation entre l’homme et son
milieu. Cette approche anthropologique a fait
l’objet de critiques. Pour A. P. Vayda et R.A.
Rappaport en 19686 notamment, la culture est
à voir plutôt comme un mécanisme
d’adaptation. Ils mettent en avant
l’anthropologie écologique qui, selon eux,
s’appuie sur la vision économique systémique
en se situant à un niveau moyen, alors que
l’écologie culturelle reste une approche micro.
La notion d’écologie culturelle fut surtout
utilisée dans les travaux portant sur les sociétés
qui semblent plus directement et plus fortement
sous l’influence de l’environnement biophysique
(sociétés de chasseurs-cueilleurs, de
cultivateurs nomades ou même de paysans
ruraux), où l’on voit mieux l’effet des facteurs
environnementaux sur le comportement
humain et l’organisation sociale. Dans les
sociétés industrielles, l’impact imdiat de
l’environnement sur le comportementcroît
dans la mesure où la complexité technologique
5 Julian H. Steward, “The concept and method of
cultural ecology”, in Theory of Cultural Change : The
Methodology of Multilinear Evolution, 1973
6 A. P. Vayda et R.A. Rappaport , “Ecology, cultural and
noncultural”, in Introduction to Cultural Anthropology.
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augmente la capacité humaine à modifier
l’environnement.
Actuellement, les individus cherchent à
maintenir leur niveau d’usage des biens et
services, alors que leur budget est limité et ne
leur permet plus toujours d’en faire l’acquisition.
Pour cela, les pratiques permettant de
mutualiser l’usage de certains biens (location,
prêt, achat groupé...) et d’allonger leur durée de
vie (réparation, réemploi...) se généralisent, sous
forme d’associations.
La consommation responsable se développe :
« Moins de biens, plus de liens » (Yannick
Roudaut)
L’approche de l’écologie urbaine
Cette approche renvoie à une « unité spatiale
déterminée où se déroule un ensemble de
relations entre environnement physique et
l’organisation sociale, vus sous trois angles :
- centre de transformation de la matière et de
consommation des biens,
- espace d’accès aux ressources et aux
services offerts selon les besoins des habitants
(politiques des temps urbains) ;
- lieu où les acteurs sociaux influent sur les
processus décisionnels et participent aux
grandes orientations sociétales. »7
Les axes de progrès attendus visent : la gestion
de l’espace, la gestion de l’urbain (temps,
mobilité, transport, énergie), la gestion des
populations (santé, risques alimentaires,
nutritionnels, liés aux conduites addictives,
emplois,…), la gestion des échanges (loisirs,
formation, vie associative)…
L’exploration de ce thème comprend trois
approches :
- La ville équilibrée avec son environnement :
la ville verte ;
- La ville et les services publics : la ville
rénovée ;
- La ville et la gestion du temps : la ville
mobile, ouverte jour et nuit.
7 Université citoyenne de Thouars, « La ville en équilibre
avec son environnement »
Avec la création de nouvelles solidarités et
d’échanges entre la ville et la campagne, les
limites entre ces deux espaces se recomposent.
La réflexion sur les services à la personne en est
un facteur important, ainsi que l’essor de la
prise en compte des enjeux écologiques. En
attestent l’interrogation sur le rôle tenu par les
villes dans la composition d’une offre de
services pour leur territoire environnant, la mise
en place de nouvelles formes d’agriculture
urbaine ou encore de mécanismes de
rapprochement entre les producteurs et les
consommateurs via les circuits courts.
L’écologie rurale
L’écologie rurale a trait à la préservation de la
biodiversité des espaces ruraux.
Les Conservatoires d’espaces naturels, en
grande partie associatifs, sont nés il y a
quarante ans, pour « connaître, gérer, protéger
et valoriser 2900 sites naturels. Ils sont
impliqués dans de nombreux programmes
(Natura 2000, programme life…) favorisant la
préservation de la biodiversité »8.
Dans un souci identique de préservation de la
biodiversité, mais avec une dimension
supplémentaire, l’agriculture à Haute Valeur
naturelle (HVN) a fait son apparition dans les
années 1990 en France et représenterait 18 % de
la surface agricole utile. Ce concept «
rassemble les formes d’agriculture dont les
pratiques ont en commun de favoriser une
grande richesse écologique » et « met en avant
la nécessité de conserver les systèmes de
productions susceptibles d’assurer le maintien
de cette diversité biologique »9.
Les associations se sont saisies de ces
problématiques d’écologie rurale, notamment
en organisant de filières bio ou en mettant en
place des dispositifs pour le recyclage par le
développement de l’insertion par l’activité
économique (Ateliers du bocage, réseau
Envie…). Octobre 2015
8 Annie-Claude Raynaud, « Protéger la biodiversité » in
La tribune fonda, 227, 2015
9 Centre d’études et de prospective, ministère de
l’Agriculture, « L’agriculture à HVN en France
métropolitaine », 2014
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