Expérience clinique
Chez l’homme, le rhu Mab HER-2 a fait l’objet dans les can-
cers du sein métastatiques de trois essais de phase I, de cinq
essais de phase II et d’un essai de phase III dont les résultats
très probants ont conduit à un enregistrement récent par la
FDA sous le nom d’Herceptine. Le schéma recommandé uti-
lise une dose de charge de 4 mg/kg administrée en perfusion
de 90 minutes, suivie de perfusions hebdomadaires (2 mg/kg)
de 30 minutes.
Le premier essai de phase I a permis d’évaluer la toxicité
d’une seule dose, le deuxième celle de doses multiples, le troi-
sième celle de l’association au cisplatine. Ils ont confirmé
l’excellente tolérance (aucune toxicité de grade 3 ou 4) pour
des doses comprises entre 10 et 500 mg par injection. La demi-
vie est de 5,8 jours (1,7 à 12 jours), pouvant être plus courte en
cas de libération dans le plasma de la partie extramembranaire
d’HER-2.
Dans les deux premiers essais de phase II, l’anticorps seul
s’est montré actif.
– Dans le premier, rapporté par Baselga en 1996 (10),
46 patientes présentant un cancer du sein métastatique surex-
primant HER-2 ont reçu une dose de charge intraveineuse de
250 mg suivie de 10 perfusions hebdomadaires de 100 mg. En
l’absence de progression tumorale, le même traitement était
poursuivi une fois par semaine. La plupart des patientes
avaient été lourdement prétraitées et présentaient une maladie
étendue. Cinq patientes sur 43 évaluables ont présenté une RO
(dont une RC durable à 60 mois), soit un taux de réponse de
11,6 % (IC 95 % : 4,36 % - 25,9 %). Il faut aussi noter une sta-
bilisation chez 14 patientes et deux réponses mineures.
– Le deuxième essai de phase II a évalué l’efficacité du rhu
Mab HER-2 administré selon les mêmes modalités, associé au
cisplatine (75 mg/m2J1, J28 et J57) chez 39 patientes prétrai-
tées par chimiothérapie. Les résultats ont été publiés dans le
Journal of Clinical Oncology (11) en 1998. Huit RO sur
37 patientes évaluables ont été enregistrées (24,3 %). La toxi-
cité était essentiellement due au cisplatine. La durée médiane
de réponse était de 5,3 mois. La pharmacologie du rhu Mab
HER-2 n’a pas été modifiée par le cisplatine.
Ces résultats encourageants ont conduit à la mise en place
d’une vaste étude multicentrique internationale (12).
Elle a inclus 222 patientes dont la tumeur surexprimait HER-2
(2 ou 3 + avec une lecture centralisée), traitées par deux ou
trois lignes de chimiothérapie (y compris le traitement adju-
vant) en utilisant une dose de charge de 4 mg/kg suivie d’une
dose hebdomadaire de 2 mg/kg. Le taux de RO rapporté par
les investigateurs a été de 21 % (IC 95 % : 16-27 %) et de
15 % par le comité d’évaluation indépendant mis en place
(IC 95 % : 10-20 %). La durée médiane de réponse a été de
8,5 mois et la médiane de survie de 13 mois.
En parallèle, a été initiée en 1995 une étude multicentrique
internationale (États-Unis, Canada, Europe, Australie, Nou-
velle- Zélande) de phase III en première ligne métastatique
chez des patientes dont les tumeurs surexprimaient fortement
HER-2 (2 ou 3 +), posant la question d’une potentialisation de
certains cytotoxiques. Elle comparait en première ligne méta-
statique une chimiothérapie délivrée tous les 21 jours, soit de
type AC (adriamycine 60 mg/m2, cyclophosphamide
600 mg/m2), soit avec paclitaxel en cas d’utilisation préalable
d’anthracycline en adjuvant (175 mg/m2), au même traitement
associé à l’anticorps selon le même schéma que dans l’essai
précédent. Quatre cent soixante-neuf patientes surexprimant
c-erb-B2 (avec le même contrôle centralisé) ont été incluses
dans cette étude (13).
La différence s’est avérée très significative dans tous les cas en
faveur du bras avec anticorps tant en taux de réponse (36,2 %
versus 62 %, p < 0,01) qu’en durée de réponse (4,3 mois ver-
sus 7,3 mois, p = 0,0001).
Avec la combinaison AC, le taux de réponse objective aug-
mentait de 42,1 à 64,9 % (p = 0,0068).
Avec le paclitaxel, la différence était encore plus nette : 25 %
versus 57,3 % (p < 0,0001).
Par contre, il a été constaté une cardiotoxicité élevée dans le
groupe AC associé à l’anticorps : 18 % de grades 3-4 selon la
classification de la NHA (National Heart Association) contre
3 % dans le groupe traité par la même association sans l’anti-
corps. Cette cardiotoxicité n’avait pas été prévue par les études
animales et les essais de phases I-II chez l’homme. Le méca-
nisme physiopathologique n’est pas clair. Les neurégulines
étant impliquées dans le développement embryonnaire du cœur
et l’adaptation à des stress physiologiques ou des atteintes
pathologiques, l’anticorps pourrait, en bloquant le récepteur
c-erb-B2, inhiber des mécanismes intervenant dans la répara-
tion de lésions induites par l’adriamycine (14).
L’actualisation des données de cette étude, rapportée par Larry
Norton cette année à l’ASCO à Atlanta (15), a confirmé le
maintien des résultats avec une amélioration significative de la
survie : 24,4 mois versus 20,3 mois (p = 0,025), en cas d’utili-
sation de l’anticorps avec la chimiothérapie. Il n’a pas été
retrouvé de facteurs prédictifs de la réponse en dehors d’une
tendance en faveur de l’intensité de la surexpression en immu-
nohistochimie.
Une étude plus récente conduite en première ligne métasta-
tique chez 114 patientes refusant la chimiothérapie, randomi-
sées pour recevoir soit le même schéma conventionnel, soit de
plus fortes doses (dose de charge de 8 mg/kg suivie de doses
d’entretien de 4 mg/kg), a donné un taux de réponse de 23 %
(IC 95 % : 15-31 %) avec 6 RC et 20 RP. Dans le groupe pré-
sentant la surexpression la plus importante (3 + en immunohis-
tochimie), ce taux montait à 31 %. Il n’a pas été retrouvé de
différence en termes de réponse entre les deux doses, et la
médiane de durée de réponse a été de 8 mois.
Un essai de phase II d’association hebdomadaire de paclitaxel
(90 mg/m2) et de trastuzumab (dose de charge de 4 mg/kg puis
injections hebdomadaires à la dose de 2 mg/kg) est en cours au
Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC) depuis
mai 1998 dans les cancers du sein métastatiques traités au
maximum par trois lignes de chimiothérapie. Fornier (16) en a
193
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 5 - octobre 1999