
RAPPORT – PREMIÈRE PARTIE : Diagnostic Page 5/66
2.1.4.- L’irréalisme du dimensionnement budgétaire
Quand les autres pays engagés dans la mise en œuvre d’un dossier médical dématérialisé ont prévu un
calendrier de développement et de déploiement de long terme, généralement étalé sur une décennie et doté
d’emblée d’un budget indicatif de programme, la France s’est placée dans la situation paradoxale d’afficher
l’ambition d’un projet réalisable en trois ans à partir du vote de la loi.,
La comparaison des coûts prévisionnels des projet français et étrangers devrait inciter à la
prudence
Les expériences étrangères sont difficilement transposables, car elles se différencient à la fois par le
périmètre du projet, son architecture, le procès d’implémentation retenu, la structure du contenu du
dossier médical, le contexte institutionnel dans lequel il s’inscrit. En outre, les chiffres annoncés ou
accessibles ne sont pas toujours objectivés ou faciles à interpréter. On ne peut toutefois qu’être
interpellé par l’ampleur des écarts de dimensionnement budgétaire. Ainsi, par exemple, selon l’étude
de « benchmark international » réalisée par le cabinet Bearing Point pour le compte du GIP DMP, le coût
global estimé [13] serait :
– de 6,5 Md€, pour le projet canadien de « Dossier de santé électronique », soit un coût estimé par
habitant de 225 € ;
– de 14 Md€
(dont 8,7 Md€ dépensés) pour le projet anglais « Connecting For Health », soit un coût
estimé de 233 € par habitant ;
– de 1,4 Md€ pour les projets danois « Medcom », soit un coût estimé par habitant de 264 € ;
– de 4 Md€ pour les projets allemand « E-Health Card » et « SCIPHOX », soit un coût estimé par
habitant de 50 € ;
– de 1,2 Md€ pour le projet australien « Health-Connect », soit un coût estimé par habitant de 60 €..
En France, le projet a été annoncé comme réalisable en 26 mois, sans budget ni financement précis,
et avec une structure de maîtrise d’ouvrage et de conduite de projet à laquelle on n’a cessé de compter
les moyens humains et techniques.
L’effectif du GIP a atteint la soixantaine après plus de deux années d’activité. A titre indicatif, en
Angleterre, le « NHS Connecting for Health », créé en avril 2005, pour ainsi dire en même temps que le
GIP DMP, emploie environ 600 personnes (informaticiens, médecins, juristes, etc.).
Aux États-Unis, les médecins consacrent en moyenne 3 minutes par patient au dictaphone, mais cette
tâche nécessite un travail de saisie sur ordinateur de 30 minutes par compte-rendu enregistré, et mobilise
400 000 personnes au total : rapporté à la France, cela équivaudrait, pour la seule collecte des données, à
un coût de 4,5 Md€, et l’emploi de 100 000 personnes.
En France, le coût global du DMP serait de 1,1 Md€ sur 5 ans [14], soit un coût par habitant de 18 € [15].
Notre pays serait ainsi en mesure de mettre en œuvre un projet d’une telle complexité en trois fois
moins de temps et avec trois à dix fois moins d’argent qu’il en faut aux autres pays engagés dans
une entreprise similaire.
Il est vrai que le projet DMP s’inscrit dans un contexte où, grâce aux systèmes développés par et pour
l’assurance maladie, préexiste une importante infrastructure : l’existence de répertoires nationaux des
assurés sociaux et des professionnels de santé, d’une carte de professionnelle de santé, de la carte vitale
et du dispositif de télétransmission qu’elle a permis de développer, représente une base technique et un
capital d’expérience considérable. Les investissements réalisés au cours des vingt dernières années pour
mettre en place cette infrastructure ne sont plus à réaliser pour bâtir un DMP, même si d’importants coûts
d’extension ou d’évolution sont à prévoir. Cela donne un avantage indéniable au projet français.
Il convient cependant de se garder des présentations trop simplistes et, par voie de conséquence, trop
optimistes. Le DMP, parce qu’il va se situer à l’interconnexion de la plupart des systèmes d’information de
santé, va engendrer sur cet environnement un grand nombre d’évolutions et d’adaptations dont le coût ne
lui est pas directement rattaché. Si des projets tels que le Dossier communicant de cancérologie (DCC), la
carte Vitale 2, la généralisation de la carte de professionnel de santé (« CPS ») aux praticiens hospitaliers,
[13] L’étude s’efforce de reconstituer un coût global à partir du coût d’investissement et du coût d’exploitation sur dix ans.
[14] Le chapitre 4.5 fourni un tableau détaillé par postes et année par année. Il s’agit d’une estimation budgétaire pluriannuelle
(que la mission considère fortement sous-estimée : cf. chap. 4.5.) et non d’un véritable budget de programme
[15] À titre indicatif, pour la feuille de soin électronique (FSE), le coût de a mise à niveau du parc informatique de la CNAMTS
est estimée à 2 Md€, alors que rembourser une feuille de soins est nettement plus simple.