LA DIVERSITE EST-ELLE UN BIEN ? DIVERSITE BIOLOGIQUE ET DIVERSITE CULTURELLE INTRODUCTION • La culture /les cultures ? « Anthropologie » du 18e siècle : description des moeurs et des coutumes des peuples exotiques par les voyageurs dans les contrées lointaines. • les « mœurs », les « coutumes » et les usages • Souvent ramenés à des particularités raciales, et à des traits psychologiques qui les caractérisent. • Ainsi, pour Linné, l'Européen est "léger, vif, inventif; gouverné par des lois "; l'Asiatique (Asiaticus luridus) "orgueilleux, avare..., jaunâtre, mélancolique..., il est gouverné par l'opinion "et l'Africain (Afer niger)" rusé, paresseux, négligent..., noir, flegmatique..., il est gouverné par la volonté arbitraire de ses maîtres". • C. Von Linné, Systema Naturae sive regna tria naturae systematice proposita per classes, ordines, genera et species, Leyde 1735 « Evolutionnisme culturel », hiérarchie et progrès des formes sociales • Hiérarchie des cultures (évolutionnisme culturel du 19e siècle : diversité est à ranger sur une échelle progressive (sauvages/civilisés) • courant « darwinien » d’évolutionnisme culturel. • Cette école d'anthropologues et de préhistoriens se réclamant de Darwin produit à partir des années 1860 une abondante réflexion centrée sur l’évolution des formes de la culture, et notamment sur la question de l'évolution des formes de la famille et du mariage. • Les anthropologues anglais John Lubbock et Edward Tylor, le juriste écossais Mac Lennan, , l'ethnologue américain Lewis Morgan et le philosophe anglais Herbert Spencer s'illustrèrent dans cette réflexion. • Ces anthropologues évolutionnistes se donnaient pour tâche de reconstituer le devenir (le progrès) des cultures humaines depuis la préhistoire, en prenant pour modèle l'état primitif dans lequel seraient restés certains peuples "sauvages" actuels. Critiques de l’évolutionnisme culturel Au cours du premier tiers du 20e siècle, des anthropologues tels que Franz Boas aux Etats-Unis et Claude Lévi-Strauss en France condamnent fortement la perspective évolutionniste en anthropologie. • Irréductibilité des cultures humaines à l’évolution biologique • La diversité des cultures ne se conçoit pas de manière linéaire et hiérarchique sous la forme d’un progrès • L’évolutionnisme culturel n’est qu'une « tentative pour supprimer la diversité des cultures tout en feignant de la reconnaître pleinement. » (Levi-Strauss) • « En vérité, il n’existe pas de peuples enfants ; tous sont adultes, même ceux qui n’ont pas tenu le journal de leur enfance et de leur adolescence. » « Une première constatation s’impose : la diversité des cultures humaines est, en fait dans le présent, en fait et aussi en droit dans le passé, beaucoup plus grande et plus riche que tout ce que nous sommes destinés à en connaître jamais […] La notion de la diversité des cultures humaines ne doit pas être conçue d’une manière statique. […] Beaucoup de coutumes sont nées, non de quelque nécessité interne ou accident favorable, mais de la seule volonté de ne pas demeurer en reste par rapport à un groupe voisin qui soumettait à un usage précis un domaine où l’on n’avait pas songé soi-même à édicter des règles. » • Malgré ce phénomène d'échange, la pente naturelle d'un individu tend vers l’ethnocentrisme, c'est-à-dire qu'il tend à considérer sa culture comme La Culture. Cela consiste à « répudier purement et simplement les formes culturelles morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. » • • Il appartient à l’anthropologie, à l’ethnologie mais aussi aux arts du 20e siècle d’avoir imposé la reconnaissance de cette diversité / de l’originalité, la richesse des cultures non-européennes. • Cette reconnaissance conduisait dans le même temps, à la condamner. • Disparition des cultures non européennes, pas seulement par destruction volontaire • Anthropologie, colonialisme, impérialisme, introduction de la « civilisation », (disparition des objets, des langues) • E.g. les peuples indigènes en Amérique du Nord, en Sibérie soviétique ou Patagonie. Imposer à un peuple des formes culturelles (vêtement, habitat, modes de subsistance, alcool etc ,) qui ne sont pas les siennes a pu conduire à son anéantissement A l ’heure de la mondialisation, que signifie « préserver la diversité des cultures? » • Conservation des ethnies, des cultures (« réserves » d’Indiens en Amérique, place des Aborigènes en Australie). • Préserver la « pureté » d’une culture ? Ou bien lui assimiler d’autres formes culturelles ? Historicité des formes culturelles • Conservation, patrimonialisation (langues, coutumes, folklore, traditions, objets) • Triple risque : • Muséifier, patrimonialiser les cultures / promouvoir des cultures vivantes • Rigidifier les différences culturelles : ériger en conflit les rencontres de « cultures » différentes -- Fondamentalismes • Contradictions interêts économiques / culturels – transformer les cultures en marchandises Koïchiro Matsuura, Directeur général de l’UNESCO • « La Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle a été adoptée à l’unanimité dans un contexte très particulier. C’était au lendemain des événements du 11 septembre 2001, et la Conférence générale de l’UNESCO, qui se réunissait alors pour sa 31e session, était la première réunion de niveau ministériel à se tenir après ces événements terribles. • Ce fut l’occasion pour les États de réaffirmer leur conviction que le dialogue interculturel constitue le meilleur gage pour la paix, et de rejeter catégoriquement la thèse de conflits inéluctables de cultures et de civilisations. • Un instrument d’une telle envergure constitue une première pour la communauté internationale. Il érige la diversité culturelle au rang de « patrimoine commun de l’humanité », « aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l’ordre du vivant », et fait de sa défense un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. • La Déclaration vise à la fois à préserver comme un trésor vivant, et donc • renouvelable, une diversité culturelle qui ne doit pas être perçue comme • un patrimoine figé, mais comme un processus garant de la survie de l’humanité ; • elle vise aussi à éviter des ségrégations et des fondamentalismes qui, au nom des différences culturelles, sacraliseraient ces différences, allant ainsi à l’encontre du message de la Déclaration universelle des droits de l’homme. • • • La Déclaration universelle insiste sur le fait que chaque individu doit reconnaître non seulement l’altérité sous toutes ses formes, mais aussi la pluralité de son identité, au sein de sociétés elles-mêmes plurielles. • C’est ainsi seulement que peut être préservée la diversité culturelle comme processus évolutif et capacité d’expression, de création et d’innovation. • Le débat entre les pays qui souhaiteraient défendre les biens et services culturels « qui, parce qu’ils sont porteurs d’identités, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres », et ceux qui espéraient promouvoir les droits culturels a été ainsi dépassé, ces deux approches se trouvant conjuguées par la Déclaration qui a mis en évidence le lien causal unissant deux démarches complémentaires. • L’une ne peut exister sans l’autre. • • Cette Déclaration, accompagnée des lignes essentielles d’un Plan d’action, peut être un superbe outil de développement, capable d’humaniser la mondialisation. Elle ne formule évidemment pas de prescriptions, mais des orientations générales qui devraient se traduire en politiques innovantes par les Etats membres, dans leurs contextes spécifiques, en partenariat avec le secteur privé et la société civile. Cette Déclaration, qui oppose aux enfermements fondamentalistes la perspective d’un monde plus ouvert, plus créatif et plus démocratique, compte désormais parmi les textes fondateurs d’une nouvelle éthique promue par l’UNESCO au début du XXIe siècle. Je souhaite qu’elle puisse revêtir un jour la même force que la Déclaration universelle des droits de l’homme. La culture doit être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances La culture se trouve au coeur des débats contemporains sur l’identité, la cohésion sociale et le développement d’une économie fondée sur le savoir, le respect de la diversité des cultures, la tolérance, le dialogue et la coopération, dans un climat de confiance et de compréhension mutuelles sont un des meilleurs gages de la paix et de la sécurité internationales, Le processus de mondialisation, facilité par l’évolution rapide des nouvelles technologies de l’information et de la communication, bien que constituant un défi pour la diversité culturelle, crée les conditions d’un dialogue renouvelé entre les cultures et les civilisations. ARTICLE 2 De la diversité culturelle au pluralisme culturel Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, il est indispensable d’assurer une interaction harmonieuse et un vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes aux identités culturelles à la fois plurielles,variées et dynamiques. Des politiques favorisant l’inclusion et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de lavitalité de la société civile et de la paix. Ainsi défini, le pluralisme culturel constitue la réponse politique au fait de la diversité culturelle. Indissociable d’un cadre démocratique, le pluralisme culturel est propice aux échanges culturels et à l’épanouissement des capacités créatrices qui nourrissent la vie publique. • aux sources de la créativité Chaque création puise aux racines des traditions culturelles, mais s’épanouit au contact des autres. C’est pourquoi le patrimoine, sous toutes ses formes, doit être préservé, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l’expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité et d’instaurer un véritable dialogue entre les cultures. ARTICLE 8 Les biens et services culturels, des marchandises pas comme les autres Face aux mutations économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de vastes perspectives pour la création et l’innovation, une attention particulière doit être accordée à la diversité de l’offre créatrice, à la juste prise en compte des droits des auteurs et des artistes ainsi qu’à la spécificité des biens et services culturels qui, parce qu’ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres. ARTICLE 9 Les politiques culturelles, catalyseur de la créativité Tout en assurant la libre circulation des idées et des oeuvres, les politiques culturelles doivent créer les conditions propices à la production et à la diffusion de biens et services culturels diversifiés, grâce à des industries culturelles disposant des moyens de s’affirmer à l’échelle locale et mondiale. Il revient à chaque Etat, dans le respect de ses obligations internationales, de définir sa politique culturelle et de la mettre en œuvre par les moyens d'action qu’il juge les mieux adaptés, qu’il s’agisse de soutiens opérationnels ou de cadres réglementaires appropriés. • • • • • • • • • • • OBJECTIFS Les objectifs de la présente Convention sont : (a) de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles ; (b) de créer les conditions permettant aux cultures de s’épanouir et interagir librement de manière à s’enrichir mutuellement ; (c) d’encourager le dialogue entre les cultures afin d’assurer des échanges culturels plus intenses et équilibrés dans le monde en faveur du respect interculturel et d’une culture de la paix ; (d) de stimuler l’interculturalité afin de développer l’interaction culturelle dans l’esprit de bâtir des passerelles entreles peuples ; (e) de promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la prise de conscience de sa valeur aux niveaux local, national et international ; (f) de réaffirmer l’importance du lien entre culture et développement pour tous les pays, en particulier les pays en développement, et d’encourager les actions menées aux plans national et international pour que soit reconnue la véritable valeur de ce lien ; (g) de reconnaître la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d’identité, de valeurs et de sens ; (h) de réaffirmer le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire ; (i) de renforcer la coopération et la solidarité internationales dans un esprit de partenariat afin, notamment, d’accroître les capacités des pays en développement de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles. « La diversité culturelle du monde, c’est sa diversité en dialogue »? • Selon Levi-Strauss, ce dialogue a des limites : • « ... toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs pouvant aller jusqu'à leur refus et même leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l'autre, s'identifier à lui, et se maintenir différent. Pleinement réussie, la communication intégrale avec l'autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l'originalité de sa et de ma création. » • Levi-Strauss, Race et culture, UNESCO 1971 Ce texte est repris en 1983 en tête du recueil Le Regard éloigné, et suscite alors une polémique Mélanges et « métissages » culturels • Mélanges culturels • Langue comme mélange: la langue française est constituée en grande partie de racines grecques, grecques « romanisées », latines, celtes, etc. Certains mots ont des racines non-indoeuropéennes. • Histoire des langues, histoire des assimilations, des conquêtes, des peuples. Diversité incluse dans la langue même. Cependant au-delà question de la diversité des langues : imposer une langue pour tous les échanges/disparition des autres (cf défense de la francophonie) • valeur de la langue et de la diversité des langues (francophonie/ prééminence de l’anglais) Internationalisation des langues et des valeurs • Métissages culturels • Le métissage culturel désigne le mélange d'influences culturelles distinctes au niveau musical, pictural, sculptural, vestimentaire, et linguistique. • Le métissage culturel ne correspond pas forcément au métissage « génétique ». Il est souvent « volontaire », c'est-à-dire issu de choix consciemment effectués, en fonction de goûts et d'attirances libres pour des cultures au départ « étrangères ». • La question de la transmission et de l’éducation • Quelle langue, • Quelle histoire • Quelles traditions • Quels contenus? Analogie diversité biologique/diversité culturelle ? • • • • • • • • • • « L’Humanité est une biologiquement/ culturellement multiple » ?? Penser la diversité culturelle en termes biologiques ?? Malgré l’usage fréquent de métaphores qui semblent aller dans ce sens, le devenir des cultures n’est pas pensable en termes d’évolution biologique (variations aléatoires, sélection naturelle, très longue durée des temps géologiques) - Importance des choix volontaires, des découvertes et des décisions individuelles dans la mise au point, l’importation ou la transmission d’une innovation. -temporalité différente (la diffusion d’une innovation peut être très rapide, grâce à la transmission, à l’éducation). - Peut-on parler de « familles » de cultures (par ex. partagent une même langue, mais formes culturelles peuvent être très différentes) - Question de l’échange : espèce est une entité close. Une culture est jusqu’à un certain point ouverte au dialogue avec les autres cultures, à l’échange, à l’acculturation. - Erosion, extinction – faut-il « préserver » la diversité des cultures contre l’uniformisation, la mondialisation ? Non par une décision extérieure, mais c’est possible par choix des sujets. Importance des langues, de l’éducation. - Vision utilitaire : Considérer que la diversité culturelle ,comme la diversité biologique est une richesse pour l’humanité ? Savoirs traditionnels, locaux, indigènes, permettraient ent une adaptation aux conditions locales (de même que plantes endémiques et leur rôle dans la pharmacopée). «