L'AUBERGE ESPAGNOLE DU REVENU
L'AUBERGE ESPAGNOLE DU REVENU
UNIVERSEL
UNIVERSEL
: COMMENT S'Y RETROUVER
: COMMENT S'Y RETROUVER
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1) LE REVENU UNIVERSEL ET SES POSTULATS
2) LES DIFFERENTES PROPOSITIONS DE REVENU
UNIVERSEL
ANNEXE 1. REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET CHOMAGE : UNE SOLUTION
TOUJOURS VALIDE
ANNEXE 2 . LES PRINCIPES D'UNE BONNE RTT
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1. LE REVENU UNIVERSEL ET SES POSTULATS
Tous les projets de RU, revenu d'existence (ou autre appellation), partent d'une idée de
base ou d'un postulat qu'il faut préalablement interroger : c'est l'idée de la fin du travail.
Les gains de productivité, la robotisation et l'informatisation rendraient le plein emploi
caduc et hors d'atteinte. Ils aboutiraient à une hécatombe inévitable d'emplois et à la fin du
salariat. Dès lors le droit à l'emploi serait historiquement dépassé : les richesses produites
devraient être distribuées sous forme d'un RU déconnecté de l'emploi, seule alternative
possible. D'où la formule extraordinaire de B. Stiegler : « la bonne manière de supprimer
le chômage, c'est de supprimer l'emploi » ! 1
Première critique : ce postulat de base est basé sur un pronostic très fantaisiste, qui
autorise les théoriciens de la fin du travail à des affirmations dogmatiques et proches du
« n'importe quoi ».
A. Negri affirme qu'il suffirait dans un avenir imminent de « travailler deux heures
par jour ...»
Un peu d'humour : deux heures par jour = 500 heures par an (50 semaines de 5
jours). Or en France, en 1996 (chiffres de l'OCDE), il y avait 37 milliards d'heures
travaillées et 22,4 millions de salariés. Bref, chaque salarié travaillait, en moyenne,
1 640 heures par an. Si les 37 milliards devaient être assurés par des des salariés
à 500 heures par an, il en faudrait 73 millions, plus que la population française
totale !
A titre de comparaison, s'il y avait eu en 1996 une réduction du temps de travail
(RTT) de 1/6 (soit 1 250 heures par an au lieu de 1 640), on aurait pu créer 4,5
millions d'emplois.2
Mais, pour nos prophètes, c'est une idée ringarde…
André Gorz3 affirmait : « l'industrie post-fordiste abolit le travail, abolit le salariat et
tend à réduire à 2 % la part de la population active assurant la totalité de la
production matérielle ». Pour qu'une telle affirmation puisse avoir un semblant de
vérité, il faudrait démontrer que la productivité du travail s'est accélérée
considérablement au cours de la période récente. Ce qui est faux. Si on compare la
1 B. Stiegler, « L'emploi est mort, vive le travail », 2015, édition des mille et une nuits.
2 Je reprends ici les calculs de M. Husson dans sa note hussonet n° 99 (mai 2016). Sur les modalités nécessaires de la
RTT, afin d'obtenir ce résultat, je renvoie à l'annexe : RTT et chômage, une solution toujours valide.
3 Dans son livre « Richesse du possible , misère du présent»
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période 1960-1973 (avant) et la période 1982-1994 (après, ou période de la phase
néo-libérale du capitalisme), on voit que le taux de croissance annuel moyen de la
productivité est le suivant en France :
AVANT APRES
5,3 2,1
C'est ce qu'on appelle le paradoxe de Solow : « les ordinateurs sont partout, sauf dans les
statistiques de productivité ». Les faits sont là : les gains de productivité sont moindres
aujourd'hui, avec les ordinateurs et les robots, que dans les années 50 et 60, sans eux.
Il faudrait aussi, pour valider le pronostic d'A. Gorz, que le volume de travail nécessaire
s'amenuise à une vitesse considérable. FAUX LA ENCORE (en termes de taux de
croissance annuel moyen).
AVANT APRES
+ 0,1 - 0,2
On est loin d'une société d'abondance où le TT social serait d'ores et déjà rétréci
comme une peau de chagrin, de sorte qu'il serait vain de le réduire encore.
L'OCDE a publié un tableau du volume de travail nécessaire (en milliards d'heures)
dans les six principaux pays capitalistes de 1960 à 1996. On peut y voir qu'il a
augmenté de 18 % entre 1960 et 1996. Et en Europe, il tend à se stabiliser depuis
les années 80. En France 4 il a même augmenté de 2 % entre 1990 et 2014
(passant de 39,4 à 40,2 milliards).
Il y a un autre aspect dans ce postulat lié à la productivité. Les robots et
l'automatisation / informatisation impliqueraient une hécatombe d'emplois. Des
chiffres circulent dans différents rapports : 47 % des emplois menacés aux USA,
42 % en France, 59 % en Allemagne etc.
L'OCDE vient de doucher les espoirs ou les prévisions des « techno-optimistes » :
selon elle, il faut diviser par 5 ces prévisions. Seuls 9 % des emplois présenteraient
un risque élevé d'automatisation.
Enfin, dernier aspect, l'idée court qu'Internet va supprimer le salariat classique au
profit du travail indépendant « uberisé » (dans le cadre d'une offensive plus large
4 Je reprends ici les calculs de M. Husson qui ont le mérite d'aller au-delà de 1996.
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pour favoriser l'auto-entreprenariat). Là encore, il y a gonflette sur l'ampleur du
processus. Le salariat reste la forme dominante de l'emploi (90 % environ, soit 10
points de plus qu'en 1970) et ce, même si l'emploi « indépendant » est passé de 9
à 10,3 % de l'emploi total entre 2000 et 20145. Sans compter le fait qu'il n'y a rien
d'inévitable : voir la mobilisation actuelle des chauffeurs de VTC (il y en a 22 000 en
France qui travaillent via les plate formes, dont 15 000 pour UBER). L'ubérisation
n'est en rien un dépassement positif du rapport salarial mais un retour en
arrière,vers une forme d'exploitation plus violente, celle des travailleurs à domicile
d'avant la naissance des manufactures. La seule attitude correcte serait de refuser
l'uberisation et imposer (contre elle) la continuité du salaire et des droits sociaux
pour les soi-disant travailleurs indépendants, qui ne sont que des salariés déguisés
et privés des droits du salariat « classique ».
Deuxième critique : le postulat de la fin du travail est non seulement hasardeux,
quant à l'analyse des évolutions récentes, mais il a surtout le défaut de
« ringardiser » non seulement l'idée du plein-emploi mais aussi le moyen le plus
rationnel d'y parvenir, à savoir la RTT (comme axe stratégique toujours et même
plus que jamais valide). Non seulement la RTT est soumise à l'offensive des libéraux
comme Cahuc et Zylberberg6. Mais les idéologues de la « fin du travail » y voient une
fausse solution, solidaire d'un monde révolu, en clair une croyance archaïque et
nostalgique7.On l'a vu, les analyses et les pronostics sont plus que contestables. Mais,
même si la thèse de « la fin du travail » est contraire à la réalité, admettons la à titre
purement hypothétique. Imaginons qu'il faille, par un coup de « baguette magique », un
volume de travail diminué de moitié pour assurer la même production de richesses. On
peut en déduire deux scénarios.
1) On décide que les salariés travaillent autant qu'avant. Alors une moitié d'entre eux
sera « dispensée » de travail (et disposera éventuellement d'un RU)
2) Mais on peut aussi profiter de la « manne technologique » pour diviser par deux le
TT de chacun8.
5 On peut d'ailleurs remarquer que le RU, dans sa version minimaliste et libérale (voir plus loin), est un excellent
moyen pour accompagner et favoriser la diffusion de l'auto-entreprenariat.
6 Leur thèse est simple : la RTT ne peut créer aucun emploi et sa défense relève du « négationnisme économique ».
Voir, là encore, l'annexe sur la RTT.
7 Pour reprendre l'expression de J. Rifkin, dans son livre de 1995 sur La fin du travail, ce serait « faire tourner à
l'envers la roue de l'histoire ».
8 Voir le petit calcul fictif dans l'annexe de ce texte sur la RTT.
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Même l'OCDE évoque cette possibilité toujours valide dans un rapport de mai
2016 : « Même si le besoin de main d’œuvre est moindre dans un pays particulier,
cele peut se traduire par une réduction du nombre d'heures travaillées et pas
nécessairement par une baisse du nombre d'emplois ». On peut d'ailleurs
remarquer que c'est ce qui s'est passé entre 1890 et 20089 en France.
Productivité en 2008 : une heure de travail produit un volume de biens et
services 18 fois plus élevé qu'en 1890.
Cela n'a pas empêché les emplois d'augmenter de 40 % (de 18,3 à 25,8
millions)
Pourquoi ? Parce que le TT a été divisé à peu près par deux (il est passé de 2
849 heures par an à 1 526). En clair, nous travaillons à mi-temps par rapport au
19 ème siècle. Et si la durée du travail était restée inchangée depuis 1890,
l'emploi (à croissance inchangée) ne serait aujourd'hui que de 12 millions et le
chômage serait de 55 % (au lieu de 10%). Ce scénario fictif prouve simplement
que les gains de productivité, à long terme, ont eu un double usage :
L'augmentation du PIB a favorisé l'accroissement du niveau de vie.
Mais cette progression est inférieure aux gains de productivité. Ce qui veut dire
que ces derniers ont été affectés en partie à la RTT, donc à des créations
d'emplois qui ont empêché le chômage d'exploser à 55 %. Ce qui, bien sûr, ne
s'est pas fait automatiquement ou « amicalement » mais sous la pression des
luttes sociales contre le capital et des changements politiques (législation sur le
TT). La vraie question, toujours valide, c'est la répartition des gains de
productivité – pour les salariés sous forme de RTT et pas seulement
d'augmentation du pouvoir d'achat. Toute l'histoire du mouvement ouvrier a été
scandée par les combats sur le TT : par quel miracle en serait-il autrement
aujourd'hui ?
Rajoutons un dernier argument décisif. La question n'est pas de savoir si la
durée du travail baisse (ou baissera) mais comment elle baisse (ou baissera).
Chacun peut le constater : depuis les années 80 (la période néo-libérale du
capitalisme) la RTT opère en permanence. Mais c'est une RTT « sauvage », qui
réduit globalement le TT, au prix de l'exclusion : soit par le chômage de masse,
soit par le temps partiel imposé, soit par les mini-jobs sans horaire garanti
(soumis aux besoins et aux décisions arbitraires des patrons, comme le contrat
9 Voir l'article de M. Husson dans « Pour le droit à l'emploi » Syllepse 2011, p. 71-90.
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