
1 
 
L’HUMANITE, 12/02/2016 
 
La semaine de 32 heures est-elle la solution contre le chômage ?  
Entretiens croisés réalisés par Dany Stive 
 
Face  à  Face  entre  Nicolas  Bouzou,  directeur  du  cabinet  de  conseil  Asterès  et  Nasser  Mansouri-Guilani, 
économiste, syndicaliste CGT 
La semaine de 32 heures est-elle le bon moyen pour lutter contre le chômage ? 
Nicolas  Bouzou  On  peut  répondre  à  cette  question  en  se  demandant  si  le  passage  de  39 
heures à 35 heures a permis de créer des emplois. Or, avec du recul, la réponse est non. Par exemple, les 
économistes ont comparé l’évolution de l’emploi entre 2000 et 2001 des entreprises de plus de 20 salariés, 
alors obligées d’appliquer les 35 heures, et dans les autres. Ils n’ont pas noté de différence entre les deux 
groupes. Même constat quand on a observé les comportements relatifs des entreprises en Alsace-Moselle, 
où la réduction du temps de travail a été moins forte que dans le reste de la France, pour une histoire de 
différence de jours fériés. S’il y a eu des créations d’emplois au moment du passage aux 35 heures, c’est 
parce que la croissance économique était forte. Il n’y a donc pas d’argument solide pour le passage aux 32 
heures, proposition qui procède du marqueur politique et non du raisonnement économique. 
Nasser Mansouri-Guilani Sept millions de personnes sont exclues du travail pour des raisons 
économiques, dont la moitié officiellement au chômage (catégorie A). Si la durée légale hebdomadaire du 
travail  est  de  35  heures,  la  durée  réelle  est  de  39  heures.  Arithmétiquement, le  passage  aux 32  heures 
permettrait donc de créer 4,5 millions d’emplois et de réduire le chômage. Les choses sont plus complexes 
dans la réalité. L’enjeu n’est pas simplement un partage du travail. Une telle vision se trompe de diagnostic. 
Il est indispensable d’éviter l’arbitrage RTT et salaire. Il est possible de réduire le temps de travail sans perte 
de  salaire ;  cela  suppose  de  rompre  avec  la  logique  qui  domine  actuellement  les  choix  de  politique 
économique et de gestion des entreprises. Il s’agit d’inscrire la RTT dans  une démarche globale pour  un 
nouveau mode de développement qui respecte les travailleurs et préserve l’environnement. Les enjeux sont 
multiples : finalité et conditions de travail, qualification, rémunération… Ces enjeux dépassent les frontières 
nationales, d’où l’importance de coopérations, surtout à l’échelon syndical, pour améliorer les conditions des 
travailleurs partout. 
À quelles conditions la semaine de 32 heures est-elle réalisable sans réduction des salaires ? 
Nasser Mansouri-Guilani Il faut mettre à contribution le capital pour créer des emplois, accroître l’effort de 
formation et de recherche-développement, améliorer l’appareil productif, augmenter les salaires et réduire 
le temps de travail. Il y a trente ans, pour 100 euros de salaire, les entreprises versaient 7 euros de dividendes 
; aujourd’hui, elles en versent 5 fois plus. Il y a trente ans, les dividendes versés représentaient 10 jours de 
travail,  contre  45  jours  actuellement.  En  2014,  les  entreprises  ont  versé  235  milliards  d’euros  à  leurs