Stimuler la sécrétion d`insuline : nouvelles approches du contrôle

Contrôle glycémique
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Décembre 2004 Volume 49 Numéro spécial
Stimuler la sécrétion d’insuline :
nouvelles approches du
contrôle glycémique
[ Jens Juul Holst
Lorsque nous mangeons, la concentration de glucose dans
notre sang augmente en raison de l’apport en glucose
provenant de la digestion de l’amidon et d’autres hydrates
de carbone dans l’intestin. Chez les personnes saines, cette
augmentation est modérée ; le fait de manger active d’autres
processus qui contrebalancent toute augmentation. Un des
processus les plus importants est la production d’insuline à
partir des cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas.
Si l’augmentation de la glycémie normalement observée après
un repas est reproduite via l’infusion directe de glucose dans
le sang, la quantité d’insuline sécrétée est nettement moindre
que celle sécrétée en réaction à un repas. Cette différence est
due à la libération d’hormones ’incrétines’ dans l’intestin qui
stimulent la sécrétion d’insuline induite par le glucose. Jens
Juul Holst nous informe des traitements possibles du diabète
basés sur la stimulation ou la reproduction pharmacologique
de ’l’effet incrétine’.
>>
L’effet incrétine est responsable de
jusqu’à 70 % de l’insuline produite
après l’ingestion d’hydrates de carbone.
Deux hormones distinctes produites
par l’intestin sont impliquées dans
l’effet incrétine.1 L’une est appelée le
GIP (glucose-dependent insulinotropic
polypeptide) ; l’autre est le GLP-1
(glucagon-like peptide-1). Toutes deux
sont produites en réaction à l’ingestion
d’un repas composé d’aliments variés
et stimulent de façon directe et
importante la production d’insuline par
les cellules bêta induite par le glucose.
Les îlots de Langerhans sécrètent
également une autre hormone, le
glucagon. De plusieurs façons, le
glucagon fait le contraire de l’insuline.
Il est sécrété par le pancréas lorsque
les taux de glycémie sont bas et stimule
la production de glucose par le foie.
Le GLP-1 (mais pas le GIP) inhibe
également fortement la sécrétion de
glucagon et par conséquent le GLP-1
contribue à arrêter la production de
glucose par le foie dès que l’ingestion
d’hydrates de carbone commence.
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Que se passe-t-il chez les personnes
atteintes de diabète de type 2 ? Chez
elles, l’effet incrétine est fortement
altéré.2 Il est probable que cette
altération contribue à l’un des
problèmes clés de cette condition :
l’incapacité des cellules bêta à
réagir correctement au glucose. La
recherche a démontré que la cause la
plus probable de cette altération de
l’incrétine chez les personnes atteintes
de diabète était une altération de
la sécrétion du GLP-1 et une perte
presque complète de l’activité de
stimulation de l’insuline par le GIP.1
Thérapies potentielles
Suite à ces observations, il a été
suggéré que la sécrétion d’insuline
pourrait être restaurée si les personnes
atteintes de diabète recevaient du
GLP-1, d’une part pour remplacer
la déficience de cette hormone et
d’autre part pour remplacer l’action
manquante du GIP. Cela s’est avéré
juste. Grâce au GLP-1, il est possible
de restaurer complètement la capacité
des cellules bêta d’une personne
atteinte de diabète à réagir au
glucose via une sécrétion d’insuline
appropriée. Naturellement, cela a
suscité de nombreuses tentatives de
développer le GLP-1 comme nouveau
traitement du diabète de type 2.
Grâce au GLP-1, il est
possible de restaurer
complètement la
sécrétion d’insuline
chez une personne
atteinte de diabète.
En plus de ses actions sur la
sécrétion d’insuline et de glucagon,
le GLP-1 semble avoir d’autres effets
intéressants, comme le blocage de
la vidange gastrique. Par conséquent,
le glucose pénètre dans le petit
intestin beaucoup plus lentement.
Moins de glucose est donc absorbé
par l’intestin et l’augmentation de la
glycémie est ralentie. En raison de
ces actions, le GLP-1 peut presque
normaliser les taux de glycémie chez
les personnes atteintes de diabète
de type 2. De plus, le GLP-1
bloque l’appétit et donc l’apport
alimentaire (il s’agit probablement
d’un des régulateurs physiologiques
naturels de l’appétit), ce qui limite le
gain de poids. Enfin, des études ont
démontré qu’il améliorait la survie
des cellules bêta, bien que uniquement
sur les animaux jusqu’à présent.
Ces données sont très intéressantes
car le diabète de type 2 provoque
la destruction progressive des
cellules bêta au fil du temps.
Surmonter les inconvénients
Il y a toutefois un problème majeur.
Le GLP-1 est une petite hormone
peptide (protéine) de 30 acides
aminés (les constituants normaux
des protéines). S’il est pris par voie
orale, il est détruit immédiatement
dans l’estomac, comme l’insuline.
Cela signifie qu’il doit être injecté.
De plus, il est détruit extrêmement
rapidement dans le sang ; après
injection, il est désactivé en quelques
minutes par un enzyme appelé le
dipeptidyl-peptidase IV (DPP-IV).
Dans une étude visant à déterminer
la faisabilité d’un traitement du
diabète de type 2 basé sur le GLP-1,
des personnes atteintes de diabète
ont reçu une infusion sous-cutanée
continue de GLP-1 pendant 6 semaines
(par le biais de pompes portables
conçues à l’origine pour les infusions
d’insuline).3 Chez ces personnes, la
glycémie a été réduite d’environ
5 mmol/l (90 mg/dl) et la concentration
d’hémoglobine glyquée (HbA1c, une
mesure du contrôle glycémique
à long terme) a été fortement
réduite ; l’appétit et l’ingestion
d’aliments ont été réduits et ces
personnes ont perdu du poids
(2 kg en moyenne) ; leur
insulinosensibilité et leur capacité
à sécréter de l’insuline ont été
fortement améliorées et l’effet
s’est maintenu pendant 6 semaines.
Aucun effet secondaire n’a été
observé. Les chercheurs en ont
conclu qu’un traitement du diabète
© superbild
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à base de GLP-1 était faisable et serait
probablement efficace. Toutefois, la
façon de développer un médicament
cliniquement efficace restait en suspens.
Pour résoudre ce problème, deux
approches ont été retenues :
U
le développement d’analogues
du GLP-1 qui soient résistants
aux actions du DPP-IV et qui
aient une durée d’action plus
longue que le GLP-1 d’origine
U
le développement d’inhibiteurs
du DPP-IV.
Ces deux approches ont donné
des résultats encourageants.
Un traitement du
diabète à base de GLP-1
est faisable et serait
probablement efficace.
Analogues résistants
Il y a deux groupes principaux
d’analogues résistants. L’un d’eux
est basé sur un peptide isolé à
partir d’un lézard. Ce peptide
(exénatide) est assez similaire en
termes de structure et d’action
au GLP-1 original. L’exénatide est
injecté deux fois par jour et, jusqu’à
présent, il s’est avéré très efficace
dans une étude sur 30 semaines.4
La plupart des personnes impliquées
dans cette étude ont connu une
amélioration durable du contrôle
glycémique, avec des taux de
HbA1c égaux ou inférieurs à 7 %
(un niveau recommandé). Le
traitement entraînait une perte de
poids linéaire d’environ 1,8 kg. Les
chercheurs espèrent que, sous réserve
d’approbation par la FDA américaine,
l’exénatide fera son apparition sur
le marché américain d’ici 2005.
Les analogues appartenant à l’autre
groupe dépendent tous d’un processus
de liaison à une grande molécule,
comme l’albumine, à travers laquelle
l’analogue acquiert la stabilité
métabolique d’une plus grande
molécule. Alors que ces analogues ont
démontré leur efficacité clinique et
ont été bien tolérés, aucun d’entre eux
n’est encore entré en développement
clinique de phase 3, ce qui signifie
que leur apparition sur le marché ne
se fera pas avant au moins 2 ans.
Les inhibiteurs d’enzyme
Il a été démontré que les inhibiteurs
de la DPP-IV étaient capables de
protéger le GLP-1 de l’organisme. Par
conséquent, des augmentations se
produisent dans les concentrations
de l’hormone active intacte. Il est
important de souligner que ces
inhibiteurs sont des petites molécules
stables qui peuvent être prises par voie
orale, sous la forme de comprimés. En
raison de concentrations plus fortes
de GLP-1 pendant l’inhibition de la
DPP-IV, la sécrétion d’insuline est
stimulée, la sécrétion de glucagon est
bloquée et, par conséquent, la glycémie
chute. Cela a été observé chez des
personnes atteintes de diabète de
type 2 : plus récemment, les résultats
de 52 semaines de traitement ont été
présentés.5 Les personnes atteintes de
la condition ne parvenaient pas à un
contrôle optimal avec uniquement de la
metformine, mais l’ajout de l’inhibiteur
LAF 237 (Novartis) a entraîné une
amélioration importante et prolongée
du contrôle glycémique (avec des
taux de HbA1c autour de 7 %).
Dans le groupe de contrôle, par contre,
la situation s’était fortement dégradée.
Cette étude pourrait représenter le
premier signe d’un effet protecteur
sur les cellules bêta humaines d’une
thérapie basée sur le GLP-1. Un
certain nombre de sociétés tentent
actuellement de développer des
inhibiteurs cliniquement efficaces,
dont les premiers sont attendus sur
le marché d’ici quelques années.
[ Jens Juul Holst
Jens Juul Holst est Professeur de
physiologie médicale auprès du
département de Physiologie médicale,
Panum Institute, University of Copenhagen,
Copenhague, Danemark.
Références
1 Vilsbøll T, Holst JJ. Incretins, insulin secretion
and Type 2 diabetes mellitus. Diabetologia 2004;
47: 357-66.
2 Nauck M, Stockmann F, Ebert R, Creutzfeldt W.
Reduced incretin effect in type 2 (non-insulin-
dependent) diabetes. Diabetologia 1986; 29:
46-52.
3 Zander M, Madsbad S, Madsen JL, Holst JJ. Effect
of 6-week course of glucagon-like peptide 1 on
glycaemic control, insulin sensitivity, and beta-
cell function in type 2 diabetes: a parallel-group
study. Lancet 2002; 359(9309): 824-30.
4 Buse JB, Henry RR, Han J, Kim DD, Fineman MS,
Baron AD. Effects of Exenatide (Exendin-4) on
glycemic control over 30 weeks in sulfonylurea-
treated patients with type 2 diabetes. Diabetes
Care 2004; 27: 2628-2635.
5 Ahren B, Gomis R, Standl E, Mills D, Schweizer A.
Prolonged efficacy of LAF237 in patients with
type 2 diabetes (T2DM) inadequately treated
with metformin. Diabetes 53, 7-LB. 2004. Ref
Type: Abstract
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