De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne
DE LA COCAÏNE À LA LIDOCAÏNE
DE LA COCAÏNE À LA LIDOCAÏNE
Cours 4 – Passage à la lidocaïne
Pr ARDISSON
Ce document est un support de cours datant de l’année 2013-2014 disponible sur www.tsp7.net 1
I. Cocaïne: premier anesthésique local
A. Effets
B. Structure chimique
C. Orientation des recherches
II. Lidocaïne : propriétés physico-chimiques, synthèse
A. Propriétés physicochimiques
B. Problématique de la synthèse
C. Stratégie de synthèse
III. Lidocaïne: relation structure-activité
A. L'amide inversé par rapport à l'ester
B. La lipophilie
C. Le pKa
D. Le Canal Ionique
E. Formes thérapeutiques et emploi
IV. Autres anesthésiques locaux
A. Chlorhydrate de procaïne
B. Analogues de la lidocaïne
C. Évolution des recherches
De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne
La classe thérapeutique des anesthésiques locaux et régionaux est définie par les produits capables de
provoquer une anesthésie en interrompant la conduction nerveuse, mais du fait de leur toxicité générale (=si
utilisés par une voie qui active l’ensemble du corps), ils ne sont employés que localement. Leur dénomination
commune internationale comporte le suffixe « -caïne ».
I. COCAÏNE : PREMIER ANESTHÉSIQUE LOCAL
A. Effets
La cocaïne exerce un effet excitateur sur le système nerveux central recherché par les toxicomanes, puis
une paralysie à haute dose. Sur le système nerveux autonome, elle a un effet sympathomimétique avec
mydriase et vasoconstriction. Elle est un anesthésique local puissant mais toxique.
B. Structure chimique
La cocaïne est un dérivé de l'ecgonine (= acide tropanol carboxylique), plus précisément elle est une
méthylbenzoyl-ecgonine : l'ecgonine possède un squelette tropane caractéristique, composé d'une pipéridine
(cycle à 6 chaînons dont un N), fusionné avec une pyrrolidine(cycle à 5 dont 1 azote), l'azote étant méthylé.
(formules cours 1 :
La ecgonine possède 2 substituants en CIS : un acide carboxylique en axial et un alcool en équatorial Dans
la cocaïne, sur cette ecgonine sont ajoutées une fonction méthyle (ester méthylique) sur l'acide (en 2) et une
fonction benzoate (ester benzoïque) sur l'alcool. (en 3)
L’ecgonine est donc une molécule coudée avec deux substituants sur la face supérieure.
C. Orientation des recherches
La cocaïne est le premier anesthésique local, la conception de nouveau AL se font à partir de la cocaïne
(rechercher ses effets sans sa toxicité).
La recherche d'anesthésiques locaux de synthèse répond à plusieurs buts : différencier l'effet
anesthésique des effets toxiques de la cocaïne, simplifier sa structure afin d'identifier ses groupements
efficaces (amine tertiaire et ester benzoïque) et aussi pour s'affranchir de problèmes d'approvisionnements
liés à la substance naturelle.
Passage de la cocaïne à des eucaïnes toxiques
(mais moins toxiques que la cocaïne tout de même)
(on a toujours le cycle à 6 chaînons du tropane, mais
on a perdu celui à 5 chaînons. On a conservé l'ester
benzoïque ainsi que la substitution azotée. C'est de
cette façon que l'on a réussi à obtenir des premiers
dérivés simplifiés. Cependant leur toxicité les rendait
impropre à une utilisation thérapeutique.) puis à la
stovaïne (on a conservé l'amine tertiaire et l'esther
benzoique, mais on a cassé le cycle à 6 chaînons du
noyau tropane) qui est le premier AL. (mais n’a pas
été utilisé dans un but thérapeutique.)
La synthèse de la stovaïne se fait en 3 étapes (cours 1)
:
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De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne
Une substitution nucléophile (amine secondaire +
halogénure d’alkyle) : substitution sur un nucléotide
chargé (produit non chargé) ou non (produit chargé et
donc nécessité d’une déprotonation)
Une addition nucléophile d’un dérivé organo-magnésien sur la fonction cétone (l’alcool tertiaire) :
formation d’un carbone intermédiaire tétraédrique.
Une estérification (introduction de l’ester benzoïque) : en présence d’un catalyseur acide. Mais
réaction réversible car l’eau attaque la liaison et produit un acide et un alcool.
Pour supprimer la réversibilité :
Éliminer l’eau (difficilement réalisable).
Utiliser un dérivé d’acide qui conduit à la formation de HL- et non pas d’eau.
D’autres dérivés ont été obtenus à partir de la cocaïne :
La procaïne, premier AL synthétique utilisé en thérapeutique, a subi plusieurs changements important par
rapport à la cocaïne: la disparition du bicycle tropane, la conservation de l'amine tertiaire mais substitué par
des éthyles plus volumineux, la disparition de l'acide carboxylique et enfin la conservation de l'ester benzoïque
formé à partir de l'alcool. La structure de la lidocaïne sera expliquée en détail dans la 2e partie. (encore
simplifiée et possédant toujours l’activité anesthésique)
On peut néanmoins montrer les points communs dans la structure de ces 2 AL synthèse, qui sont
extensibles à toute la classe thérapeutique des AL : ils ont tous les 2 un pôle lipophile constitué ici d'un noyau
aromatique, suivi d'une chaîne intermédiaire (jouant un rôle d’espaceur) de taille < 0,9nm qui les
différencient, un ester pour la procaïne et un amide inversé ( = le carbonyle est relié à l’amine et non plus au
benzène comme dans la procaïne, plus stable et donc plus actif physiologiquement) pour la lidocaïne et enfin
un pôle hydrophile formé d'une fonction amine tertiaire basique, protonnée à pH physiologique en sel
d'ammonium qui est plus hydrophile que la forme basique.
NB : ester et amide sont isostères, ils ont la même polarité et occupent la même position dans l'espace,
aussi l'amide ne garantit pas de différences d'activité pharmacologique, mais simplement empêche
l'hydrolyse de la molécule (l'ester est beaucoup plus sensible à l'hydrolyse) : la lidocaïne a une durée d'action
plus longue que la procaïne
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De nombreux anesthésiques locaux ont été synthétisés, et voilà un historique récapitulatif:
1884: cocaïne, 1905: Procaïne, 1932: Dibucaïne.
1933: tétracaïne toujours utilisée en pastilles contre les douleurs de gorges
1948: lidocaïne qui est une révolution dans cette classe thérapeutique, à partir d'elle, les nouveaux AL
synthétisés n'apportent que de petites améliorations
1955: chloroprocaïne 1956: mépivacaïne 1960: prilocaïne 1963: bupivacaïne.
Découvertes rapprochées dues aux recherches menées pendant la seconde guerre mondiale.
1971: Etidocaïne, 1997: ropivacaïne, 1999: levobupivacaïne.
II. LIDOCAÏNE : PROPRIÉTÉS PHYSICO-CHIMIQUES, SYNTHÈSE
A. Propriétés physicochimiques
Par rapport à la procaïne il y a conservation de l'azote tertiaire et du
noyau aromatique à l'autre pôle. La lidocaïne possède donc un noyau
aromatique disubstitué en ortho par rapport à l'azote (2,6-xylidine),
protégeant par gène stérique une fonction amide inversée (le noyau
aromatique n'est plus substitué directement par le carbonyle) qui est donc
résistante à l'hydrolyse, ainsi qu'une diéthylamine.
L'azote de l'amide est hybridé sp2 et conjugué au carbonyle et au noyau
aromatique, le carbone du carbonyle est hybridé sp2, et l'azote de l'amine
est hybridé sp3, c'est cet azote qui porte la fonction basique. La lidocaïne est donc une base selon Brönsted
avec un pKa (HNR3+/ NR3) de 7,94. (Dans la forme protonée le + se trouve sur l’amine tertiaire). La forme
acide ou sel d'ammonium est la forme anesthésique active. Elle possède un pôle hydrophile et un pôle lipo-
phile.
Rappel : l'acide selon Lewis est accepteur d'un doublet (paire) d'éléctrons non liant, la base est donneuse
de doublet alors que selon Brönsted l'acide est donneur de proton tandis que la base accepteuse de proton.
→ Amine sp3 = base selon Lewis.
pKa = capacité d'une molécule à capter un proton.
En solution, la lidocaïne est à l'équilibre entre la forme Base et la forme protonnée. Cet équilibre est régi
par une constante, Ka :
On peut connaître la proportion de la forme acide grâce à l'équation d'Henderson-Hasselbalch :
Comme les différents fluides biologiques ont des pH différents, il en résulte que la lidocaïne aura des
propriétés physico-chimiques et des proportions entre forme ionisée et non ionisée différentes selon le
fluide dans lequel elle se trouve :
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En pourcentages
De la cocaïne à la lidocaïne – Passage à la lidocaïne
B. Problématique de la synthèse
Il faut d'abord choisir nos composés de bases, sachant que les 2 fonctions clés à synthétiser sont la fonction
amide et la fonction amine tertiaire.
On va donc utiliser une amine secondaire, une amine primaire aromatique (la 2,6 xylidine), que l'on doit
relier par une fonction amide, les réactions envisagés sont des actions nucléophiles d'addition-élimination,
dans chaque réaction il nous faudra donc un nucléophile avec un électrophile.
Classement de la réactivité des éléctrophiles (on ne mentionne pas l'acide carboxylique, il est inutilisable) :
Pour l'amide l'idée de base serait de faire réagir une amine avec un acide carboxylique (bon éléctrophile),
mais cela donnerait un sel inutilisable car l'amine est une base et la réaction acido-basique serait
prépondérante. Pour l'éviter on n’a pas d'autre choix que d'utiliser un dérivé de la fonction acide carboxylique
pour attaquer le nucléophile. (chlorure / anhydride d’acide tres bons nucléophile ).
Pour la synthèse de l'amine (liaison C-N) tertiaire la réaction la plus simple est l'alkylation d'une amine
secondaire (Sn2); nos molécules de bases sont donc :
Une amine aromatique dérivée de l'aniline: 2,6-diméthylaniline dont le nom
usuel est 2,6-xylidine (car propriétés de l'aniline et du xylène (=diméthylbenzène) ) :
C'est une amine aromatique donc elle est peu nucléophile car le doublet de l'azote
est délocalisé avec le noyau aromatique (N sp2) il est donc nécessaire d'avoir un
bon électrophile pour que la réaction d'addition se fasse.
Une amine secondaire (diéthylamine) (sp3), très bon
nucléophile car assez basique et avec un doublet bien localisé grâce à la di-substitution, mais
cela entraîne un risque d'obtenir des mélanges d'amines tertiaires (voulus) et d'ammonium
(produit secondaire, indésirable) avec des dérivés halogénés si la réaction n'est pas contrôlée.
Le dérivé d'acide carboxylique qui nous servira à la substitution (Sn2) avec l'amine
aromatique. Mais il faut comprendre que cette réaction se fera en 2 temps, d'abord
une addition (nécessitant un X électronégatif) sur le carbone 2 suivi de l'élimination
de X (qui est le groupement que l'on cherche pour augmenter l'efficacité de la
réaction) gouverné par la polarisabilité (plus X- est stable et plus l’élimination est
favorisée).
Plusieurs facteurs influencent son efficacité:
L'éléctrophilie du carbonyle influence l'addition, et dépend de l'importance de la sonance
(délocalisation des paires d’électrons de X à O) (elle doit être la plus faible possible) et de l'effet
électronique de X (doit être attracteur pour augmenter l'électrophilie du C2).
L'aptitude nucléofuge de X- pour faciliter la β-élimination est liée à sa polarisabilité.
Rappel : la polarité est la différence de répartition des charges négatives au sein d'une molécule, la
polarisabilité est la capacité à se polariser à l'approche d'un réactif, c'est un moment dipolaire
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