n° 9402
LE
CHOMAGE INVOLONTAIRE
DANS
LES
ANALYSES
DU
CIRCUIT
Patrice BOUVET
juin
1994
LE
CHOMAGE INVOLONTAIRE
DANS
LES ANALYSES DU CIRCUIT.
Patrice BOUVET
Allocataire de recherche
LATEC-CEMF
-
Université
de
Bourgogne
4,
Bd Gabriel 21100
Dijon
FRANCE
Résumé: Uétude du chômage
s*effectue
généralement en terme de marché. Dans ce cadre d'analyse il n'est toutefois
pas
facile
de mettre en évidence le chômage involontaire. Pourtant, il est maintenant difficile
de
nier l'existence de cette
dimension du sous-emploi. Dans la continuité de la théorie
keynésienne,
il
nous
parait
donc intéressant de se tourner
vers l'analyse en terme de circuit. En la matière
trois
schémas d'interprétation s'affrontent. Si l'on donne crédit à l'idée
de
thésaurisation, apparemment, le chômage involontaire
s'explique
par
un
déficit de l'écoulement. Malheureusement,
à
l'échelle macroéconomique cette explication
ne
peut pas être acceptée; si ce
n
'est
pas à la suite d'un achat spontané,
l'achat
du
produit de la
période
s'opère
par
un
achat
forcé.
Lorsqu
'elle
ne retient pas l'idée de thésaurisation, l'analyse
qui
s'appuie sur
une
conception
"circulatoire
"
du circuit économique,
affirme
que le développement du chômage résulte
de
l'insolvabilité
de certaines firmes. Hélas, dans les
faits,
cette explication ne peut pas non plus être retenue car le
paiement des salaires
n
'endette
pas les entreprises envers les banques, mais, au travers de celles ci, envers les
titulaires
de
revenus.
'
Pour parvenir à une explication satisfaisante du chômage involontaire il faut se tourner vers une autre
conception du circuit économique; il est alors possible de montrer que le développement du sous-emploi résulte de la
dépense
d'un profit
"induit"
sur le marché des services producteurs.
Summary:
Studying unemployment is generally done in terms
of
market. In
this
type
of
analysis
is not, however, easy
to show compulsory redundancy.
Furthemore,
it's
nowadays
difficult to deny the existence of
this
kind of
underemployment. According to the keynesian theory it seems interesting to consider the
analysis
in terms
of
circulation.
In
this
respect three outlines are in confrontation. If we accredit the idea of the building up of
capital,
compulsory
redundancy
could be explained by a deficit in the
flow.
Unfortunately, from a macroeconomic point of
view
this
explanation cannot be accepted;
if
a
product is not bought spontaneously, the sale
of
the
product is implemented by
force.
Tlie
analysis
based on the "circulatory" conception of the economic circulation (when rejecting the idea of
building up
capital)
states
that
the development of unemployment is the result of the insolvency of certains firms.
Unfortunately, in
reality,
this
explanation can no longer be accepted because
the
payment
of
salaries doesn't make the
firms get
into
debt
with
the banks, but trough the banks they get
into
debt
with
the income holders. In order to arrive
at a
satisfactory
explanation of compulsory redundancy it's necessary to consider another conception of economic
circulation: it's
then
possible to show
that
the development
of
underemployment
results
from
the expense
of
an
"induced"
profit on the service production market.
Le
chômage n'est pas une catégorie immuable mais un phénomène qui évolue.
Reconstituant la genèse du phénomène, R. SALAIS, N.
BAVEREZ,
B. REYNAUD1 situent
Témergence
du statut de chômeurs dans la seconde moitié du
XIXémc
siècle, lorsque le salariat
s'affirme comme forme dominante des rapports de travail. La chômage se différencie alors
progressivement dans le vocabulaire économique et dans celui du syndicalisme des autres formes
d'absence de
travail.
Au niveau théorique, la notion de chômage telle
qu'elle
est aujourd'hui conçue
est apparue lorsque les économistes néoclassiques, notamment L. WALRAS et W.
PARETO,
ont
commencé à raisonner en termes de marché du travail. Dans le cadre des hypothèses de la théorie
néoclassique, il ne peut exister que deux formes de chômage:
-
le chômage volontaire qui apparaît lorsque les demandeurs d'emploi n'acceptent pas de
travailler
au salaire qui se forme sur le marché.
-
le chômage frictionnel qui correspond aux périodes d'inactivité de courte durée
liées
au
passage d'un emploi à un
autre.
Fondamentalement, la théorie néoclassique repose sur deux postulats:
-
les entrepreneurs embauchent de la main d'oeuvre jusqu'au point où la productivité
marginale
est égale au salaire réel en vigueur
(1er
postulat)
-
les salariés choisissent de travailler tant que le pouvoir d'achat de leur rémunération est
supérieur à la valeur monétaire de l'effort que leur demande le travail
(2*"°
postulat). En fonction
de ces deux postulats, il existe un niveau de salaire réel qui permet d'égaliser l'offre et la demande
et d'assurer le
plein
emploi. A ce niveau d'emploi, étant donné les capacités de production
disponibles, on peut associer un certain volume de production qui correspond à l'activité de
plein
emploi. LM.
KEYNES
fut l'un des premiers à
remettre
en cause le deuxième postulat de la théorie
néoclassique. Ce rejet le conduisit à reconnaître l'existence d'un type de chômage exclu de la
théorie néoclassique: le chômage involontaire. Il en donna la définition suivante: "Il existe des
chômeurs involontaires, si en cas d'une légère hausse du prix des
biens
de consommation ouvrière
par
rapport aux salaires nominaux, l'offre globale de main d'oeuvre disposée à travailler aux
conditions courantes de salaires et la demande globale de main d'oeuvre s'établissent toutes deux
au-dessus du niveau antérieur de l'emploi."2
A.
LEIJONHUFVUD
a proposé une interprétation assez claire3 de cette définition.
Malgré
cela, un grand nombre d'auteurs la considèrent encore comme
trop
elliptique pour vraiment
VALAIS,
BAVEREY,
REYNAUD
(1986).
2KEYNES
(1975)
p. 37.
3LEIJONHUFVUD
(1968)
p. 94.
INTRODUCTION
permettre
de se prononcer quant à la nature du chômage, notamment en raison de l'imprécision du
concept de "taux de salaire courant". En dépit de ces difficultés pour
J-P.
FITOUSSI
il est tout de
même
possible
d'envisager une "méthode" pour tester l'existence du chômage involontaire. "On
peut cependant suggérer une
autre
méthode complémentaire pour tester la présence du chômage
involontaire: si le salarié révise dans le
sens
de la baisse, le taux de salaire qu'il considère comme
normal
à mesure que sa situation de chômeur dure, il doit être considéré comme un chômeur
involontaire."4 Dans la mesure où
elle
est
elle
aussi basée sur la notion de "salaire normal", cette
méthode butte en fait sur la même difficulté que la définition keynésienne. La
seule
"méthode" qui
permettrait
de véritablement tester l'existence du chômage involontaire serait de faire en sorte que
les conditions de concurrence entre les firmes soient
telles
que les salaires réels puissent s'ajuster
à
la baisse jusqu'au minimum de subsistance. Dans ces conditions, si une fraction de la population
ne parvenait pas à trouver un emploi, il faudrait conclure à l'existence d'un chômage involontaire.
Bien évidemment, la réalisation d'une telle "expérience" n'est pas envisageable;
l'affirmation
selon
laquelle le chômage est toujours volontaire n'est pas une conjecture réfutable
au
sens
de Popper5. Ainsi, la
seule
solution permettant de se prononcer quant à l'existence du
chômage involontaire consiste à interroger les faits. Or, que montrent les statistiques?
Depuis
quelques années, le chômage de longue durée ne cesse de progresser, y compris dans les pays à
faible protection sociale.6 Dans la mesure où Ton peut légitimement penser que peu de ménages
souhaitent rester au chômage lorsqu'ils sont privés de rémunération, force est donc de conclure à
l'existence du chômage involontaire. Une chose est de constater l'existence du chômage
involontaire,
autre
chose est de l'expliquer. Lorsqu'elle ne s'appuie pas sur
l'idée
de "circulation",
la
théorie du circuit est un instrument analytique particulièrement
bien
adaptée pour mener à
bien
cette
tache. En effet, comme nous allons essayer de le montrer, si les deux premières tentatives
d'explication du chômage involontaire
issues
de la théorie du circuit ne sont pas satisfaisantes1
et
2),
l'explication du chômage involontaire par la dépense du profit induit sur le marché des
services producteurs s'avère quant à
elle
beaucoup
plus
fructueuse
(§3).
I)
L'explication du chômage involontaire par la thésaurisation pathogène.
Lorsqu'on
raisonne en terme de circuit, la première idée qui vient à l'esprit est
4FITOUSSI
(1973)
p. 138.
5Dans une optique poppérienne: "un système faisant partie de la science empirique
doit
pouvoir
être
réfuté
par
l'expérience."
POPPER
(1978)
p. 37.
6Pour
les chiffres concernant les principaux pays de l'OCDE voir OCDE Statistique de la
population
active,
Annuaire 1990.
1 / 19 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !