Croissance et environnement socioculturel
La croissance économique suppose une attitude favorable de la population. L'élément essentiel est l'existence d'un nombre
suffisant de personnes animées de l'esprit d'entreprise - le chef d'entreprise au sens que lui donnait Schumpeter - disposées à
courir des risques, à lancer de nouvelles combinaisons de production, à ne pas se contenter de suivre l'exemple du passé, mais
à innover résolument. Il faut aussi, bien entendu, que l'ensemble de la population accepte les mutations inhérentes au
processus de croissance.
Cette aptitude au changement, facteur clé de la croissance, a plusieurs dimensions.
En premier lieu, si la population préfère le soleil au travail - ce qui est un choix sociétal légitime - toute croissance matérielle
est évidemment difficile. Toutefois, cette aptitude au changement doit être distinguée de la capacité de travail : ainsi, avant
guerre, dans diverses régions de France, les paysans travaillaient très dur, mais présentaient une très forte résistance à tout
changement dans les méthodes de travail, aussi leur production et leur productivité n'augmentaient-elles que très faiblement.
En second lieu, les travailleurs doivent non seulement accepter de modifier leurs habitudes de travail, mais aussi,
éventuellement, de changer de métier, voire même de région, dans la mesure où [...] les effectifs de chaque branche d'activité
sont amenés à se modifier, certains en hausse, d'autres en baisse ; cette mobilité du travail, professionnelle et géographique,
est très poussée aux États-Unis, alors qu'elle reste modique en France. En troisième lieu, le comportement des détenteurs de
capitaux doit accompagner et ne pas freiner l'esprit d'entreprise. La croissance requiert un sérieux effort d'investissement; cela
suppose qu'il y ait une forte épargne nationale - complétée éventuellement par une aide extérieure - et qu'elle soit orientée
vers les investissements productifs et non pas vers des placements purement financiers ou des dépenses improductives.
L’organisation des marchés financiers doit favoriser cette affectation, mais beaucoup dépend du comportement des agents
économiques et notamment des détenteurs de revenus élevés. Enfin, de façon plus générale, l'ensemble de la population doit
accepter délibérément que puissent être à tout moment remises en cause les situations acquises.
B Maillet et P. Rollet, La croissance économique, PUF, coll. « Que sais-je ?», 1998.
Croissance et institutions :
Que faut-il donc entendre par institutions ? Il s'agit des règles écrites (le droit) et non écrites (les codes de
conduite, les normes de comportement, les coutumes, les mentalités). [...] Dans le domaine de l'innovation,
l'institution déterminante est la mise au point de brevets (Titre de propriété sur une invention ) qui ajoutaient,
selon Lincoln, « le fuel de l'intérêt au feu du génie ».
D’après Jacques Brasseul, « La dynamique de l'innovation », Alternatives économiques hors série n° 65, 2005.
« Les institutions sont les contraintes humaines qui structurent les interactions politiques, économiques et
sociales. Elles consistent à la fois en des contraintes informelles (sanctions, tabous, coutumes, traditions et codes
de conduite), et de règles formelles (constitutions, lois, droits de propriété). À travers l'histoire, les institutions
ont été conçues par les êtres humains pour créer un ordre et réduire l'incertitude dans les échanges. »
D. North Journal of economic perspectives 1991
Par exemple, pour que l’économie de marché fonctionne, « il faut que tout le monde reconnaisse les droits de
propriété, c'est-à-dire le droit des détenteurs d'une ressource de l'utiliser comme bon leur semble. Une compagnie
minière ne fera aucun effort pour extraire du minerai si elle s'attend à ce que celui-ci lui soit dérobé. Elle ne le
fera que si elle espère pouvoir gagner sa vie en vendant le minerai. Les tribunaux sont donc importants dans une
économie de marché, dans la mesure où ils assurent la défense des droits de propriété. Le système judiciaire
pénal décourage le vol pur et simple. Le système judiciaire civil s'assure que les acheteurs et les vendeurs respec-
tent bien leurs obligations.
Dans les pays développés, on a tendance à considérer les droits de propriété comme une évidence ; les habitants
des pays moins développés savent que l'absence de droits de propriété pose de sérieux problèmes. En outre, dans
de nombreux pays, le système judiciaire est peu efficace : les contrats sont rarement respectés, la fraude demeure
impunie. Dans les situations extrêmes, le gouvernement est non seulement incapable de faire respecter les droits
de propriété, mais il ne les respecte pas lui-même. Pour pouvoir opérer dans certains pays, les entreprises doivent
verser des dessous-de-table aux représentants du gouvernement. Cette corruption freine le bon fonctionnement
des marchés, décourage l'épargne locale et l'investissement étranger. »
D’après Gregory MANKIW,Principes d'économie, Economica, 1998.
Donnez des exemples d’institutions favorables et des exemples d’institutions défavorables au développement.
Pour des auteurs comme David North, historien-économiste américain, prix Nobel d'économie en 1993, la crois-
sance économique s'explique surtout par les « incitations » institutionnelles (fiscalité, législation, droits de
propriété) qui encouragent l'accumulation du capital, la technologie et les économies d'échelle.
Conclusion : La croissance économique suppose une mobilisation de facteurs de production permettant
d'élever la capacité productive (moyens matériels et financiers + efficience = productivité des facteurs) et
déterminant les frontières du possible (croissance potentielle) mais aussi une stimulation de l'offre par la