–à la régionalisation de l’offre de soins périnatals ;
–aux possibilités de prévention par la corticothérapie
anténatale administrée pour accélérer la maturation du
fœtus.
Les complications de la prématurité, qui touchent les
différents appareils (respiratoire, neurologique, circula-
toire, digestif notamment) tendent à survenir de façon
progressive, séquentielle. Le franchissement thérapeu-
tique d’un obstacle après l’autre comporte le risque de
mener subrepticement à une escalade thérapeutique,
dont le caractère déraisonnable peut n’apparaître mal-
heureusement qu’a posteriori, à un moment où les choix
d’abstention ou de limitation thérapeutique sont rendus
plus difficiles compte tenu du temps écoulé et de l’auto-
nomie des fonctions vitales du patient.
Les complications neurologiques de la grande pré-
maturité se développent au cours des premières semaines
de vie, le plus souvent de façon asymptomatique, et se
révèlent lors des examens systématiques d’échographie
cérébrale réalisés de principe, alors que l’état clinique
du patient, y compris sur le plan neurologique, est pré-
servé. La prise d’une décision d’interruption thérapeu-
tique est de ce fait bien plus difficile en l’absence de
signes cliniques, et alors que le pronostic ne peut être éta-
bli que sur l’imagerie en résonance magnétique nucléaire.
Si celle-ci est suffisamment informative dans un certain
nombre de cas pour emporter la conviction d’un mauvais
pronostic à long terme, elle n’est malheureusement que
d’une valeur limitée dans les formes de sévérité moyenne,
qui sont fréquentes. De plus, la complexité de la prise de
décision est accentuée par la conscience de l’enfant, qui
est souvent préservée, alors que des dommages cérébraux
de gravité comparable entraîneraient un coma profond à
tout autre âge de la vie.
Les particularités du contexte psychologique entou-
rant la naissance ont été soulignées depuis des décennies
par la psychologie et la psychiatrie périnatales. La mère,
les parents de l’enfant, qui sont les interlocuteurs des
équipes soignantes et ses représentants, sont ainsi le plus
souvent dans une situation émotionnelle intense, propre à
la naissance, au projet d’enfant, à la symbolique de la
parentalité. La naissance s’accompagne d’une évolution
relationnelle s’exprimant dans les interactions de la mère
et des parents avec l’enfant, comme avec les soignants.
Les conséquences d’une altération précoce des inter-
actions relationnelles à cette période critique peuvent
être graves et durables. Ces facteurs se trouvent amplifiés
en cas de naissance extrêmement prématurée. La place
symbolique qu’occupe le nouveau-né dans le conscient
et l’inconscient de la famille qui l’accueille, et qui sera
son représentant et l’interlocuteur dans les situations de
dilemme, est variable, mais nécessite toujours une prise
en compte spécifique.
La particularité symbolique
Cette particularité est liée à la place subjective qu’a
toujours occupée l’enfant nouveau-né dans la famille
humaine, en tant que personne. L’autonomie de décision
du nouveau-né est évidemment réduite, comme l’est celle
de tout sujet non en mesure d’exprimer sa propre volonté,
et est considérée comme représentée naturellement par
celle de ses parents [3], dans les limites d’éventuels
conflits d’intérêt. Mais, si l’enfant nouveau-né, même pré-
maturé et de poids de naissance extrêmement faible, est
une personne et dispose donc d’un statut de patient à part
entière, force est de constater à travers le vécu des situa-
tions réelles, que la perception de son statut de personne
et de son degré d’autonomie n’est socialement pas com-
parable à celle que susciterait un enfant plus âgé, ne
serait-ce que de quelques mois, ou un adulte. L’éventua-
lité de la mort d’un nouveau-né, en particulier s’il est né à
proximité de la limite de viabilité, pour inacceptable
qu’elle soit, en particulier pour sa mère, peut néanmoins
être perçue comme d’une portée différente de celle d’un
patient qui serait au-delà de la période néonatale, en par-
ticulier dans les situations où des limitations ou interrup-
tions thérapeutiques sont discutées.
Il est possible que la proximité du seuil symbolique de
la naissance, temps initial de la vie au sens commun, atté-
nue inconsciemment le poids d’une décision d’abstention
thérapeutique. L’immaturité de l’enfant nouveau-né
contribue peut-être à ce type de sentiment. Le caractère
immature des traits du visage, l’expression relationnelle
encore réduite font de l’enfant nouveau-né, a fortiori s’il
est né prématurément (il est dénommé nouveau-né ou
prématuré, plus souvent qu’enfant), un sujet en transition
seulement vers la vie. Les limites connues de l’état de
conscience d’un nouveau-né, en termes relationnels,
mais également la mémoire que chacun a de cette
période de sa vie, la fragilité et la vulnérabilité propres à
cet âge sont également susceptibles d’expliquer une telle
perception. Enfin, c’est dans le domaine de la prématurité
que des choix de limitation thérapeutique de portée col-
lective, déterminés sur un seul critère, sont envisagés avec
une légitimité perçue que l’on ne retrouve pas aux autres
âges de la vie.
Une autre particularité est liée à la proximité et à la
continuité apparente avec la période fœtale. Nombre de
situations de dilemme émergent en période prénatale.
Le développement de la médecine fœtale montre que le
fœtus est bien considéré comme un patient. Il ne possède
cependant pas le statut juridique d’une personne, sauf en
cas de naissance, même extrêmement prématurée.
Ce n’est qu’en période néonatale que l’enfant, du moins
lorsqu’il est né vivant et déclaré viable (à partir de
22 semaines d’aménorrhée et d’un poids de naissance
minimum de 500 g, selon les normes de l’OMS) acquiert
un statut juridique de personne, et est inscrit à l’état civil.
mt pédiatrie, vol. 12, n° 6, novembre-décembre 2009 409
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