Backhouse et Medema, JEP [2009]
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Rétrospectives sur la définition de l’Economie
Référence exacte de l’article :
R. Backhouse et S. Medema [2009], « Retrospectives On the Definition of
Economics », Journal of Economic Perspectives, vol. 23, n°1, Winter, pp.
221-233.
Plan :
I] Introduction
II] Early Definitions : National Wealth and Human Behavior
III] The Robbins Definition : Scarcity
IV] The Evolving Relationship between Scarcity and Choice
V] The Expanding boundaries of Economics
VI] Conclusion
Remarque liminaire :
A l’exception des quelques phrases qui apparaissent en italiques et qui
sont nôtres, le présent papier est une traduction libre et résumée de cet article
de Backhouse et Medema, et a pour objet d’inciter à une lecture de ce dernier,
grâce à la présentation et à la vulgarisation que nous en proposons.
Résumé de l’article :
I] Introduction
Comme le soulignent les auteurs, il suffit d’examiner plusieurs des
nombreux manuels d’Economie existants pour constater que les économistes
sont loin d’être unanimes quant à la définition de leur discipline, ainsi que,
plus largement, quant à son objet d’étude. Le constat serait sans doute
identique si l’on procédait à l’analyse de divers articles, traitant de cette
question et figurant dans les principales revues de la profession.
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Dès lors, à l’issue de ce constat, soit l’on peut en inférer que la
détermination d’une définition de la discipline économique n’a qu’un intérêt
mineur, circonscrit au domaine pédagogique et ne concernant que les premiers
enseignements dispensés en début de cursus, puisque, par la suite, les
professionnels en font l’économie (le fait de définir précisément ce qu’est
l’économie ne leur est d’aucune utilité dans leurs pratiques) ; soit l’on en
conclu qu’il est impossible de parvenir à proposer une définition précise qui
soit unanimement acceptée, eu égard à l’étendue et à la richesse des domaines
qu’elle embrasse, comme semblent le soutenir implicitement, par exemple, R.
Lipsey, lequel ne présente, dans son manuel, aucune définition de la discipline
économique mais développe, au contraire, une série d’exemples de problèmes
économiques ; ou encore J. Viner qui, selon K. Boulding [1941, p. 1], aurait
déclaré lors d’une conversation que « l’économie c’est ce que font les
économistes ».
Bien que proches de la conception de J. Viner selon laquelle les
pratiques sont plus importantes que les définitions, les auteurs considèrent
comme majeur de définir ce qu’est l’économie, car cette caractérisation
permet à la fois de cerner, mais aussi de divulguer quels sont les problèmes,
méthodes d’analyse, approches et techniques que les économistes doivent
considérer.
II] Premières définitions : richesse nationale et comportement humain
C’est au grec Xénophon que les auteurs attribuent l’invention du mot
« économie », au IVème siècle avant Jésus-Christ, laquelle était utilisée pour
désigner la gestion du domaine du citoyen.
L’ajout, par la suite, du vocable « politique » indique que cette gestion
du domaine peut être élargie au niveau de la cité, donc de la nation.
Presque deux millénaires plus tard, A. Smith décrit l’économie
politique comme « une branche de la science de l’homme d’Etat ou
législateur » et développe, dans son œuvre majeure, la richesse des Etats, tout
en analysant les politiques pouvant permettre l’enrichissement du peuple et du
souverain.
De façon générale, pour les économistes classiques, l’économie
politique concerne la richesse nationale et la croissance économique.
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Par la suite, J-B. Say [1803] définit l’économie politique comme la
« science » qui traite de « la production, la distribution et la consommation de
la richesse ».
Il est à remarquer que, bien que l’économie politique conserve, plus ou
moins, la même acception que celle qui lui avait été reconnue durant la
période classique, les définitions données de celle-ci commencent à faire
allusion à une approche méthodologique. Ainsi, c’est dans cette veine que l’on
peut considérer la définition que proposa J-S. Mill [1844, p. 323]
laquelle détermine l’économie politique comme : « La science qui expose les
lois des phénomènes de société qui proviennent des opérations combinées des
hommes pour la production de richesse, dans la mesure où de tels phénomènes
ne sont pas modifiés par la poursuite de tout autre objet ».
Par ailleurs, certaines définitions du XIXème siècle commencent à
appréhender le facteur individuel et, de ce fait, postulent que la richesse
provient de la valeur d’échange et donc que c’est l’échange et non la richesse
qui est le phénomène fondamental. Dès lors, l’économie politique concerne
l’interaction des individus dans un contexte social plus large. Ainsi, R.
Whately [1832] propose de renommer la discipline et de l’appeler
« catallactique », c’est-à-dire science des échanges. Cette acception se
retrouvera, d’ailleurs, dans l’analyse moderne, tant avec L. von Mises, F. von
Hayek que J. Buchanan.
En outre, ce facteur individuel se retrouve dans la définition de C.
Menger [1871, p. 48] selon laquelle la discipline économique est « liée aux
activités pratiques des hommes qui économisent », celle de S. Jevons [1871, p.
vi] « un calcul des peines et des plaisirs », ou encore celle de A. Marshall
[1890, 1.1.1-2] qui constitue un apport essentiel car, pour lui : « l’Economie
Politique ou Economie est l’étude des hommes dans les affaires ordinaires de
la vie ; elle examine la partie des actions individuelles et sociales qui est
fortement liée à l’obtention et l’usage des conditions matérielles requises au
bien-être… Elle est donc d’un côté l’étude de la richesse ; et de l’autre, qui est
le côté le plus important, une partie de l’étude de l’homme ». Cet élément
individuel est encore plus prononcé dans l’approche autrichienne ou dans
celles qui s’en inspirent, à l’instar de K. Wicksell [1901] ou Ph. Wicksteed
[1910] établissant l’économie comme la discipline visant à l’élimination des
gaspillages dans la gestion des ressources.
On doit également constater que c’est à cette époque que les auteurs
commencèrent à préférer le vocable d’ « économie » à celui d’ « économie
politique ». K. Wicksell justifie ce choix par le fait que les décisions sont
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toujours prises par des individus, soulignant ainsi l’inadéquation, voire
l’impropriété du terme « économie politique ». Ph. Wicksteed le rejoint sur ce
point en expliquant que les économistes examinent « les principes généraux de
la gestion des ressources, que cela soit pour un individu, un ménage, une
affaire, ou un Etat ». Enfin, A. Marshall justifie cette transformation par le fait
que cette discipline doit devenir un champ scientifique et qu’elle doit, en
conséquence, se distancier de toute participation politique directe, ainsi que de
tout engagement idéologique envers le laisser-faire.
III] La définition de Robbins : rareté
La définition de L. Robbins [1932, p. 15] selon laquelle l’économie est
« la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des
fins et des moyens rares qui ont des usages alternatifs » est peut-être celle la
plus couramment acceptée aujourd’hui. Pourtant, elle est critiquée par certains
comme étant trop large (ex : F. Knight), alors que d’autres, au contraire, la
considèrent comme trop restreinte (ex : les institutionnalistes).
Pour les auteurs de l’article que nous présentons, le mouvement graduel
d’acceptation de la définition de L. Robbins, après la Seconde guerre
mondiale, est significatif de la limitation de la conception de la discipline
économique, ainsi que de sa plus grande technicité. Cette évolution se
constate, par exemple, dans les manuels et notamment dans celui de P.
Samuelson.
IV] L’évolution de la relation entre la rareté et le choix
La définition de L. Robbins peut sembler simple, pourtant elle a été
interprétée de manières différentes. Par exemple, si l’on considère la relation
entre la rareté et le choix, l’idée semble être que la rareté implique le choix, et
que ce dernier se fait à travers un processus de maximisation rationnel.
Toutefois, comme les auteurs le remarquent, le fait que la rareté implique le
choix n’entraîne pas, nécessairement, que l’économie doive se concentrer sur
le processus de choix individuel, ni que ce choix doive être rationnel.
Ainsi, la définition de M. Friedman [1962, p. 6] selon laquelle
l’économie est « la science portant sur la façon dont une société particulière
résout ses problèmes économiques » où « les problèmes économiques existent
lorsque des moyens rares sont utilisés pour satisfaire des fins alternatives », ne
fait aucune mention de la rationalité ni d’un quelconque comportement
maximisateur. Pour lui, en accord avec sa méthodologie, la maximisation de
l’utilité n’est rien d’autre qu’une hypothèse pour « prédire » le comportement.
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G. Stigler [1942, p. 12] fera, quant à lui, un pas supplémentaire par
rapport à M. Friedman en définissant l’économie comme « l’étude des
principes gouvernant l’allocation des ressources rares entre des fins
concurrentes lorsque l’objectif de l’allocation est de maximiser la réalisation
de fins ».
Quant à K. Arrow [1951] et à ceux qui préfèrent une approche
axiomatique de la théorie économique, ceux-ci se concentrent sur l’action
rationnelle qui est une notion plus large que la maximisation.
A partir des années 1970, le concept de rationalité et celui de
comportement maximisateur furent parfois combinés, comme par exemple
avec G. Becker [1976, p. 5], pour qui « l’association des hypothèses de
comportement maximisateur, d’équilibre de marché, et de préférences stables,
utilisés de façon constante et résolument, forment le cœur de l’approche
économique tel que je le vois ». L’économie n’est alors plus un sujet, mais une
approche ; définition certes beaucoup plus étroite que celle de L. Robbins,
mais en totale cohérence avec cette dernière.
V] L’expansion des frontières de l’économie
L’expansion des frontières de l’économie est consécutive au fait de ne
plus concevoir cette dernière comme traitant de la rareté, mais de la centrer sur
la notion de choix.
Les auteurs remarquent toutefois que tous ceux qui sont associés à
l’expansion des frontières de l’économie ne sont pas en accord avec la
définition de L. Robbins et a fortiori avec celle de G. Becker. Ainsi, J.
Buchanan [1964, p. 220] préfère définir l’économie comme « l’étude de tout le
système des relations d’échange » et considère que la définition de L. Robbins
a retardé le progrès scientifique de l’économie. De façon similaire, pour R.
Coase [1977, p. 487] l’économie consiste en l’étude « des institutions sociales
qui lient ensemble le système économique ». Dès lors, pour l’un comme pour
l’autre, l’économie est définie par son sujet et non par son approche.
VI] Conclusion
Les définitions sont utilisées pour expliquer, tout en le justifiant, ce que
les économistes font et/ou permettent d’infléchir les orientations vers
lesquelles leurs auteurs souhaitent que la discipline et ses pratiques tendent.
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