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Rencontres 2013 : L’économie française souffre-t-elle de la
globalisation financière ?
Dans le cadre des rencontres annuelles organisées par l’Institut pour l’éducation financière du
public (IEFP), s’est tenue le 3 avril 2013 une conférence sur le thème de la globalisation financière à
destination des enseignants d’économie d’Ile de France.
Tous les ans, le thème choisi se veut en rapport avec l’actualité. Cette année, la
conférence s’articulait autour du thème « l’économie française souffre-t-elle de la
globalisation financière ? ». Animée par Bernard Simler, vice-président de l’IEFP,
elle réunissait :
, Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne etJézabel Couppey-Soubeyran
conseillère scientifique au Conseil d’analyse économique ;
, Economiste et Directeur de la revue Sociétal ;Jean Marc Daniel
, Docteur d’Etat en Sciences Economiques et président de l’IEFP ;Georges Pauget
, Directeur du département Analyse et Prévision de l’OFCE.Xavier Timbeau
Bernard Simler introduit les débats en justifiant le choix d’un tel thème.« Depuis quelques années, la
finance est au cœur de tous les débats puisqu’elle est accusée de tous les maux et d’être responsable
.de la crise que nous vivons et qui se prolonge depuis maintenant cinq ans[…] La globalisation financière
concerne bien évidemment l’économie française mais également l’ensemble des économies mondiales.
Or, tous les pays n’ont pas été impactés de la même façon par la crise […] Qu’est ce que la globalisation
financière ? Quels effets en étaient attendus ? Et enfin pourquoi la globalisation peut ou non être
»considérée comme responsable des maux de l’économie française ?
La globalisation financière : une interdépendance de variables économiques dont dépend la
croissance
L’activité financière : variable indissociable de l’activité économique…
Après avoir énoncé les différentes fonctions du système financier, Georges
rappelle que l’activité économique constitue « Pauget le support de la
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». Sur ceglobalisation financière notamment en ce qui concerne les échanges
point, force est de constater que l’évolution de la croissance du vaPIB mondial
de pair avec celle des exportations mondiales. Autrement dit, il existe un lien
statistique significatif et positif entre la croissance des exportations et la
croissance mondiale. Les mouvements financiers sont très influencés par ce qui
se passe au niveau de la balance commerciale ; les pays excédentaires
accumulent des réserves, les pays déficitaires s’endettent.
… mais dont la croissance est anormalement élevée…
« Il existe un lien entre les évolutions commerciales et les évolutions financières
mais à cela il faut également ajouter la politique monétaire des banques
centrales. Les banques centrales pratiquent des politiques dites accommodantes,
». À priori,c'est-à-dire qu’elles créent de la monnaie et nécessairement augmentent la base monétaire
aucun rapport direct entre la politique monétaire et l’économie d’un pays… et pourtant,« les banques
prennent appui sur cette base monétaire pour développer le système financier, à tel point que la croissance
des actifs financiers se révèle significativement plus élevée que celle du PIB mondial, sur la période
». Autrement dit, le développement de la sphère financière est « anormalement » élevé par2000-2007
rapport à celle de l’économie réelle sur cette période.
… quoique conditionnée par la conjoncture économique
Logiquement, et du fait de la relation d’interdépendance entre l’activité économique d’une part et l’activité
financière d’autre part, l’évolution de la croissance des actifs financiers est beaucoup plus faible entre 2008
et 2011. Les anticipations euphoriques qui prédominaient sur la période 2000-2007 laissent place à un
ralentissement significatif de la croissance des actifs financiers suite à la crise de 2008. On note
notamment une chute de 61 % des flux de capitaux entre 2007 et 2012.
Sur ce point, Georges Pauget insiste sur le fait que cette relation d’interdépendance entre la conjoncture
économique d’un pays et la croissance de ses flux financiers se vérifie particulièrement en Europe.« Suite
à la crise financière, le marché mondial des capitaux s’est contracté. Progressivement, on a assisté à une
» En France et à l’instar d’autres économiesrenationalisation de ces marchés, faut-il s’en satisfaire ?
européennes, l’investissement repose essentiellement sur l’épargne des ménages mais pas seulement…
dans un contexte globalisé, il repose également sur la capacité d’un pays à pénétrer les marchés
internationaux afin de trouver de nouvelles sources de financement.
Le financement de l’économie se pose désormais en termes globaux :« Les exportations génèrent de la
croissance à condition d’être compétitifs. Les flux financiers sont en partie conditionnés par les échanges
commerciaux, eux-mêmes déterminés par les stratégies des banques centrales et déterminées par les
acteurs du système financier dont les banques font parti sans en être les seuls : à cette problématique
».globale il faudrait donc une réponse globale
La régulation : une réponse partielle mais inégale à la globalisation financière
De ce constat d’interdépendance, Georges Pauget insiste sur les progrès inégaux effectués en matière de
régulation depuis la crise financière de 2008 et notamment sur les initiatives internationales entreprises : la
dotation de nouveaux pouvoirs au Fonds Monétaire International ( ), le ,
le , le projet d’ , etc…Union bancaire
Or, même si les progrès et les initiatives en matière de régulation ne peuvent être niés,« il ne suffit pas
FMI Conseil de Stabilité Financière
comité de Bâle
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d’avoir des règles communes, il faut aussi qu’elles soient appliquées de façon homogène et qu’il y aitun
» (recul decontrôle harmonisé. Or de ce point de vue, il y a toujours eu historiquement des défaillances
l’application de Bâle III aux Etats-Unis, régulation quasi-inexistante en Asie, etc…). Dans ce contexte,
l’absence d’homogénéité des règles prudentielles n’annule pas le risque de contagion des défaillances
bancaires d’un continent à l’autre. Sur ce point, Georges Pauget rappelle que l’absence d’harmonisation de
ces règles provient également de la concurrence qui s’opère entre les différentes places boursières
mondiales.
Georges Pauget conclut sur la nécessité d’adopter des mécanismes de surveillance efficacement
coordonnés à l’échelle mondiale car la simple dictée de règles ne suffit pas à créer une régulation efficiente
(éternel problème de l’interprétation des règles…) : « il ne faut pas s’imaginer qu’en contrôlant les seules
».banques, on contrôle entièrement le système financier
Xavier Timbeau introduit son exposé en rappelant que la globalisation financière,
incontestable aujourd’hui, a d’abord « suscité beaucoup d’espoir et était perçue
» au début descomme un élément porteur de croissance et de liberté individuelle
années 1970 et 1980.
La chute du système de Bretton Woods ou la naissance de la globalisation
financière
« La globalisation financière s’est avant tout construite sur les ruines du système
»,rappelle Xavier Timbeau. Ce système dede Bretton Woods en 1971
convertibilité dollar/or permettait aux économies dont la était
déficitaire de se refinancer auprès d’économies présentant une balance courante
excédentaire par l’intermédiaire des banques centrales :« lorsqu’un pays présentait un solde déficitaire de
façon récurrente, l’idée du système de Bretton Woods était que ces économies pouvaient procéder à une
dévaluation réelle et non nominale, de manière à pouvoir produire un rééquilibrage effectif de leurs
».balances courantes
L’ouverture des comptes de capitaux
En 1971, l’inflation mondiale est jugée insoutenable et les autorités américaines peinent à la contenir.
Résultat, le concours de différents éléments pousse Nixon, alors président des États-Unis, à prononcer la
fin de la convertibilité du dollar en or. Dès lors, chaque pays se refinance par l’intermédiaire des marchés,
c’est l’ouverture du compte de capital :« si vous voulez financer un pays, vous ne vous adressez pas à la
banque centrale mais vous vous adressez directement au projet que vous voulez financer […] l’un des
bénéfices est qu’il permet aux agents économiques d’échapper à la tutelle de leurs banques centrales et à
».celle de leurs systèmes bancaires
Une nouvelle contrainte : la volatilité des taux de change
La chute du système de Bretton Woods donne donc la possibilité aux agents économiques de se
refinancer à l’extérieur et de mettre en concurrence ces potentielles sources de financement en termes de
rémunération pour l’épargne et en termes de taux d’intérêt pour les emprunts. Or, l’ouverture des marchés
des capitaux fait naitre une nouvelle contrainte : celle de la volatilité des taux de change. Cette volatilité est
un risque auquel les agents économiques doivent désormais faire face. Entre les années 1980 et 1990, la
plupart des pays, notamment industrialisés, cherchent donc à réduire la volatilité de leurs taux de change
et au début des années 1990, débute « l’ère de la Grande Modération ».
La « Grande Modération » ou l’essor de la finance internationale…
balance courante
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La « Grande Modération » ou l’essor de la finance internationale…
« Cette phase s’est traduite d’une part par le maintien d’une forte croissance et d’autre part par une très
». Elle associaitgrande stabilité financière, en terme d’inflation, en terme de volatilité des taux de change
beaucoup de croissance et peu d’inflation. Résultat, selon Xavier Timbeau, « cette phase de Grande
Modération a induit un fantastique développement de la finance internationale, on retrouvait les conditions
économiques qui prévalaient avant la chute du système de Bretton Woods auquel s’ajoutait la libre
». Parallèlement, les économies émergentes se développent et contribuent encorecirculation des capitaux
davantage à l’essor de la finance internationale.
Le développement des fonds de pension
Dans ce contexte, Xavier Timbeau rappelle que l’économie se finance essentiellement par l’épargne des
ménages qui finance elle-même leurs propres besoins de financement (l’immobilier par exemple) et les
entreprises. En France notre système par répartition bloque en quelque sorte ce stock potentiel de
financement mais dans d’autres systèmes, traditionnellement anglo-saxons, cette épargne est gérée par
des fonds de pension.
Cette masse d’épargne finance des projets d’entreprises dans un monde où la libre circulation des capitaux
prime.« L’intérêt de la globalisation est que le capital et notamment son rendement n’est pas limité aux
».frontières du pays auquel il appartient
…et ses conséquences
L’euphorie financière et le mythe des anticipations auto réalisatrices
Cependant, « l’apparente réussite du système fait que l’on devient de plus en plus confiant dans ses ».capacités à s’autoréguler, à gérer les crises […] et à penser que ces dernières ne se reproduiront pas
Ce système est capable de capturer l’épargne des ménages mais « passe également son temps à essayer
d’anticiper le futur et de lui donner un prix […] mais est ce que les marchés financiers sont capables de
». Pour Xavier Timbeau, la théorie de l’efficience des marchés illustre l’idée que lesprévoir le futur ?
marchés financiers essayent de prévoir le futur du mieux qu’ils le peuvent, or « certains considèrent que le
».mieux que l’on peut prévoir équivaut à réellement prévoir
La création de bulles financières
L’euphorie financière contribue à alimenter le sentiment d’optimisme des agents économiques, la valeur
des actifs est surévaluée et des apparaissent. Or, dans un contexte globalisé,« bulles financières les
».bulles sont à l’échelle de ce que le système financier est à même de générer
Le doublement de la capitalisation boursière mondiale
Le doublement de la capitalisation boursière mondiale en l’espace d’une décennie constitue également une
conséquence de la Grande Modération qui s’est opérée au début des années 1990. Autre constat, les
évolutions des capitalisations boursières aux États-Unis, en Europe et dans le reste du monde sont
identiques (exception faite de la bulle internet de 2001 où l’essor de la capitalisation boursière de l’Europe
est relativement moins marqué qu’aux États-Unis). Autrement dit, la globalisation financière a créé un
phénomène d’interdépendance entre les économies mondiales :« la finance globalisée a créé un système
où l’on gère des masses d’épargne qui sont considérables et où s’opèrent des phénomènes de bulles
financières qui créent de l’instabilité, parce que ce système n’est pas régulé […] et sûrement impossible à
».réguler
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Xavier Timbeau insiste sur le fait que « le véritable problème de la globalisation financière est
qu’elle a créé une instabilité fondamentale, et que cette instabilité fondamentale a des effets
» et conclut positivement à la question posée : « sur l’économie réelle Oui, la France souffre
».de la globalisation financière
Jean Marc Daniel quant à lui revient sur les éléments qui portent à penser que la
finance est en grande partie responsable « de tous les maux ».
La finance : « bouc-émissaire » de la crise…
Pour Jean Marc Daniel, le rôle d’une banque est avant tout de faire du crédit et
de créer de la monnaie : « la finance n’est pas l’art de recycler de l’épargne mais
l’art de générer de la monnaie, des moyens de paiement, des capacités de
».dépense qui sont confiés à des individus qui vont créer de la richesse
D’un point de vue microéconomique, la finance s’illustre avant tout par la relation
qui existe entre un entrepreneur et son banquier :« le véritable enjeu dans un
mécanisme économique et financier, c’est la relation entre l’entrepreneur et le
banquier et c’est la façon dont le banquier évalue ce que réalise l’entrepreneur […] le banquier n’est pas un
».gestionnaire de risque, il est un créateur de monnaie
Pour Jean-Marc Daniel, la relation prédominante entre les banques et les entrepreneurs qui in fine stimule
la création de richesse dans une économie n’est pas à l’origine de la crise actuelle : « ce n’est pas le
banquier qui est à l’origine de la crise, c’est la disparition de l’entrepreneur : l’origine de la crise c’est
». La crise économique de 2009 s’inscrit dans un cadre cyclique et est le produitl’absence de croissance
des enchaînements habituels, c'est-à-dire d’un recul de l’investissement qui a nécessairement plongé
l’économie dans la récession.
… dont le recul du progrès technique est avant tout responsable
Or, depuis la succession de crises que nous avons connues et qui s’inscrivent logiquement dans la
tradition cyclique de l’économie (crise de 1993, crise de 1982 aux Etats-Unis, crise de la bulle internet en
2011, etc…), la reprise s’amorce de moins en moins facilement. Pourquoi ? Parce que l’efficacité du
système productif européen s’essouffle. Le banquier, et par extension la finance, n’est donc pas
responsable de la crise économique.
Pour Jean Marc Daniel, l’économie française souffre avant tout du recul du progrès technique et non pas
de la globalisation financière. Cependant, une certaine responsabilité de la finance incarnée par le
banquier n’est pas à exclure.
« Le banquier est-il par ailleurs exempt de tout reproche ? »
Le problème des banques « Too big to fail »
« A partir du moment où la faillite d’une banque a des conséquences qui sont politiquement,
économiquement et humainement douloureuses, on va lui attribuer des formes de protection aberrantes
». Jean Marc Daniel fait ici référence à la nécessité de venirpar rapport aux autres activités économiques
en aide au système bancaire et financier lorsque ce dernier est en péril puisque le risque que sa faillite fait
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