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Rencontres 2013 : L’économie française souffre-t-elle de la
globalisation financière ?
Dans le cadre des rencontres annuelles organisées par l’Institut pour l’éducation financière du
public (IEFP), s’est tenue le 3 avril 2013 une conférence sur le thème de la globalisation financière à
destination des enseignants d’économie d’Ile de France.
Tous les ans, le thème choisi se veut en rapport avec l’actualité. Cette année, la
conférence s’articulait autour du thème « l’économie française souffre-t-elle de la
globalisation financière ? ». Animée par Bernard Simler, vice-président de l’IEFP,
elle réunissait :
Jézabel Couppey-Soubeyran, Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et
conseillère scientifique au Conseil d’analyse économique ;
Jean Marc Daniel, Economiste et Directeur de la revue Sociétal ;
Georges Pauget, Docteur d’Etat en Sciences Economiques et président de l’IEFP ;
Xavier Timbeau, Directeur du département Analyse et Prévision de l’OFCE.
Bernard Simler introduit les débats en justifiant le choix d’un tel thème.« Depuis quelques années, la
finance est au cœur de tous les débats puisqu’elle est accusée de tous les maux et d’être responsable
de la crise que nous vivons et qui se prolonge depuis maintenant cinq ans[…] . La globalisation financière
concerne bien évidemment l’économie française mais également l’ensemble des économies mondiales.
Or, tous les pays n’ont pas été impactés de la même façon par la crise […] Qu’est ce que la globalisation
financière ? Quels effets en étaient attendus ? Et enfin pourquoi la globalisation peut ou non être
considérée comme responsable des maux de l’économie française ? »
La globalisation financière : une interdépendance de variables économiques dont dépend la
croissance
L’activité financière : variable indissociable de l’activité économique…
Après avoir énoncé les différentes fonctions du système financier, Georges
Pauget rappelle que l’activité économique constitue « le support de la
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globalisation financière notamment en ce qui concerne les échanges ». Sur ce
point, force est de constater que l’évolution de la croissance du PIB mondial va
de pair avec celle des exportations mondiales. Autrement dit, il existe un lien
statistique significatif et positif entre la croissance des exportations et la
croissance mondiale. Les mouvements financiers sont très influencés par ce qui
se passe au niveau de la balance commerciale ; les pays excédentaires
accumulent des réserves, les pays déficitaires s’endettent.
… mais dont la croissance est anormalement élevée…
« Il existe un lien entre les évolutions commerciales et les évolutions financières
mais à cela il faut également ajouter la politique monétaire des banques
centrales. Les banques centrales pratiquent des politiques dites accommodantes,
c'est-à-dire qu’elles créent de la monnaie et nécessairement augmentent la base monétaire ». À priori,
aucun rapport direct entre la politique monétaire et l’économie d’un pays… et pourtant,« les banques
prennent appui sur cette base monétaire pour développer le système financier, à tel point que la croissance
des actifs financiers se révèle significativement plus élevée que celle du PIB mondial, sur la période
2000-2007 ». Autrement dit, le développement de la sphère financière est « anormalement » élevé par
rapport à celle de l’économie réelle sur cette période.
… quoique conditionnée par la conjoncture économique
Logiquement, et du fait de la relation d’interdépendance entre l’activité économique d’une part et l’activité
financière d’autre part, l’évolution de la croissance des actifs financiers est beaucoup plus faible entre 2008
et 2011. Les anticipations euphoriques qui prédominaient sur la période 2000-2007 laissent place à un
ralentissement significatif de la croissance des actifs financiers suite à la crise de 2008. On note
notamment une chute de 61 % des flux de capitaux entre 2007 et 2012.
Sur ce point, Georges Pauget insiste sur le fait que cette relation d’interdépendance entre la conjoncture
économique d’un pays et la croissance de ses flux financiers se vérifie particulièrement en Europe.« Suite
à la crise financière, le marché mondial des capitaux s’est contracté. Progressivement, on a assisté à une
renationalisation de ces marchés, faut-il s’en satisfaire ? » En France et à l’instar d’autres économies
européennes, l’investissement repose essentiellement sur l’épargne des ménages mais pas seulement…
dans un contexte globalisé, il repose également sur la capacité d’un pays à pénétrer les marchés
internationaux afin de trouver de nouvelles sources de financement.
Le financement de l’économie se pose désormais en termes globaux :« Les exportations génèrent de la
croissance à condition d’être compétitifs. Les flux financiers sont en partie conditionnés par les échanges
commerciaux, eux-mêmes déterminés par les stratégies des banques centrales et déterminées par les
acteurs du système financier dont les banques font parti sans en être les seuls : à cette problématique
globale il faudrait donc une réponse globale ».
La régulation : une réponse partielle mais inégale à la globalisation financière
De ce constat d’interdépendance, Georges Pauget insiste sur les progrès inégaux effectués en matière de
régulation depuis la crise financière de 2008 et notamment sur les initiatives internationales entreprises : la
dotation de nouveaux pouvoirs au Fonds Monétaire International ( FMI ), le Conseil de Stabilité Financière ,
le comité de Bâle , le projet d’ Union bancaire, etc…
Or, même si les progrès et les initiatives en matière de régulation ne peuvent être niés,« il ne suffit pas
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d’avoir des règles communes, il faut aussi qu’elles soient appliquées de façon homogène et qu’il y aitun
contrôle harmonisé. Or de ce point de vue, il y a toujours eu historiquement des défaillances » (recul de
l’application de Bâle III aux Etats-Unis, régulation quasi-inexistante en Asie, etc…). Dans ce contexte,
l’absence d’homogénéité des règles prudentielles n’annule pas le risque de contagion des défaillances
bancaires d’un continent à l’autre. Sur ce point, Georges Pauget rappelle que l’absence d’harmonisation de
ces règles provient également de la concurrence qui s’opère entre les différentes places boursières
mondiales.
Georges Pauget conclut sur la nécessité d’adopter des mécanismes de surveillance efficacement
coordonnés à l’échelle mondiale car la simple dictée de règles ne suffit pas à créer une régulation efficiente
(éternel problème de l’interprétation des règles…) : « il ne faut pas s’imaginer qu’en contrôlant les seules
banques, on contrôle entièrement le système financier ».
Xavier Timbeau introduit son exposé en rappelant que la globalisation financière,
incontestable aujourd’hui, a d’abord « suscité beaucoup d’espoir et était perçue
comme un élément porteur de croissance et de liberté individuelle » au début des
années 1970 et 1980.
La chute du système de Bretton Woods ou la naissance de la globalisation
financière
« La globalisation financière s’est avant tout construite sur les ruines du système
de Bretton Woods en 1971 »,rappelle Xavier Timbeau. Ce système de
convertibilité dollar/or permettait aux économies dont la balance courante était
déficitaire de se refinancer auprès d’économies présentant une balance courante
excédentaire par l’intermédiaire des banques centrales :« lorsqu’un pays présentait un solde déficitaire de
façon récurrente, l’idée du système de Bretton Woods était que ces économies pouvaient procéder à une
dévaluation réelle et non nominale, de manière à pouvoir produire un rééquilibrage effectif de leurs
balances courantes ».
L’ouverture des comptes de capitaux
En 1971, l’inflation mondiale est jugée insoutenable et les autorités américaines peinent à la contenir.
Résultat, le concours de différents éléments pousse Nixon, alors président des États-Unis, à prononcer la
fin de la convertibilité du dollar en or. Dès lors, chaque pays se refinance par l’intermédiaire des marchés,
c’est l’ouverture du compte de capital :« si vous voulez financer un pays, vous ne vous adressez pas à la
banque centrale mais vous vous adressez directement au projet que vous voulez financer […] l’un des
bénéfices est qu’il permet aux agents économiques d’échapper à la tutelle de leurs banques centrales et à
celle de leurs systèmes bancaires ».
Une nouvelle contrainte : la volatilité des taux de change
La chute du système de Bretton Woods donne donc la possibilité aux agents économiques de se
refinancer à l’extérieur et de mettre en concurrence ces potentielles sources de financement en termes de
rémunération pour l’épargne et en termes de taux d’intérêt pour les emprunts. Or, l’ouverture des marchés
des capitaux fait naitre une nouvelle contrainte : celle de la volatilité des taux de change. Cette volatilité est
un risque auquel les agents économiques doivent désormais faire face. Entre les années 1980 et 1990, la
plupart des pays, notamment industrialisés, cherchent donc à réduire la volatilité de leurs taux de change
et au début des années 1990, débute « l’ère de la Grande Modération ».
La « Grande Modération » ou l’essor de la finance internationale…
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La « Grande Modération » ou l’essor de la finance internationale…
« Cette phase s’est traduite d’une part par le maintien d’une forte croissance et d’autre part par une très
grande stabilité financière, en terme d’inflation, en terme de volatilité des taux de change ». Elle associait
beaucoup de croissance et peu d’inflation. Résultat, selon Xavier Timbeau, « cette phase de Grande
Modération a induit un fantastique développement de la finance internationale, on retrouvait les conditions
économiques qui prévalaient avant la chute du système de Bretton Woods auquel s’ajoutait la libre
circulation des capitaux ». Parallèlement, les économies émergentes se développent et contribuent encore
davantage à l’essor de la finance internationale.
Le développement des fonds de pension
Dans ce contexte, Xavier Timbeau rappelle que l’économie se finance essentiellement par l’épargne des
ménages qui finance elle-même leurs propres besoins de financement (l’immobilier par exemple) et les
entreprises. En France notre système par répartition bloque en quelque sorte ce stock potentiel de
financement mais dans d’autres systèmes, traditionnellement anglo-saxons, cette épargne est gérée par
des fonds de pension.
Cette masse d’épargne finance des projets d’entreprises dans un monde où la libre circulation des capitaux
prime.« L’intérêt de la globalisation est que le capital et notamment son rendement n’est pas limité aux
frontières du pays auquel il appartient ».
…et ses conséquences
L’euphorie financière et le mythe des anticipations auto réalisatrices
Cependant, « l’apparente réussite du système fait que l’on devient de plus en plus confiant dans ses
capacités à s’autoréguler, à gérer les crises […] et à penser que ces dernières ne se reproduiront pas ».
Ce système est capable de capturer l’épargne des ménages mais « passe également son temps à essayer
d’anticiper le futur et de lui donner un prix […] mais est ce que les marchés financiers sont capables de
prévoir le futur ? ». Pour Xavier Timbeau, la théorie de l’efficience des marchés illustre l’idée que les
marchés financiers essayent de prévoir le futur du mieux qu’ils le peuvent, or « certains considèrent que le
mieux que l’on peut prévoir équivaut à réellement prévoir ».
La création de bulles financières
L’euphorie financière contribue à alimenter le sentiment d’optimisme des agents économiques, la valeur
des actifs est surévaluée et des bulles financières apparaissent. Or, dans un contexte globalisé,« les
bulles sont à l’échelle de ce que le système financier est à même de générer ».
Le doublement de la capitalisation boursière mondiale
Le doublement de la capitalisation boursière mondiale en l’espace d’une décennie constitue également une
conséquence de la Grande Modération qui s’est opérée au début des années 1990. Autre constat, les
évolutions des capitalisations boursières aux États-Unis, en Europe et dans le reste du monde sont
identiques (exception faite de la bulle internet de 2001 où l’essor de la capitalisation boursière de l’Europe
est relativement moins marqué qu’aux États-Unis). Autrement dit, la globalisation financière a créé un
phénomène d’interdépendance entre les économies mondiales :« la finance globalisée a créé un système
où l’on gère des masses d’épargne qui sont considérables et où s’opèrent des phénomènes de bulles
financières qui créent de l’instabilité, parce que ce système n’est pas régulé […] et sûrement impossible à
réguler ».
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Xavier Timbeau insiste sur le fait que « le véritable problème de la globalisation financière est
qu’elle a créé une instabilité fondamentale, et que cette instabilité fondamentale a des effets
sur l’économie réelle » et conclut positivement à la question posée : « Oui, la France souffre
de la globalisation financière ».
Jean Marc Daniel quant à lui revient sur les éléments qui portent à penser que la
finance est en grande partie responsable « de tous les maux ».
La finance : « bouc-émissaire » de la crise…
Pour Jean Marc Daniel, le rôle d’une banque est avant tout de faire du crédit et
de créer de la monnaie : « la finance n’est pas l’art de recycler de l’épargne mais
l’art de générer de la monnaie, des moyens de paiement, des capacités de
dépense qui sont confiés à des individus qui vont créer de la richesse ».
D’un point de vue microéconomique, la finance s’illustre avant tout par la relation
qui existe entre un entrepreneur et son banquier :« le véritable enjeu dans un
mécanisme économique et financier, c’est la relation entre l’entrepreneur et le
banquier et c’est la façon dont le banquier évalue ce que réalise l’entrepreneur […] le banquier n’est pas un
gestionnaire de risque, il est un créateur de monnaie ».
Pour Jean-Marc Daniel, la relation prédominante entre les banques et les entrepreneurs qui in fine stimule
la création de richesse dans une économie n’est pas à l’origine de la crise actuelle : « ce n’est pas le
banquier qui est à l’origine de la crise, c’est la disparition de l’entrepreneur : l’origine de la crise c’est
l’absence de croissance ». La crise économique de 2009 s’inscrit dans un cadre cyclique et est le produit
des enchaînements habituels, c'est-à-dire d’un recul de l’investissement qui a nécessairement plongé
l’économie dans la récession.
… dont le recul du progrès technique est avant tout responsable
Or, depuis la succession de crises que nous avons connues et qui s’inscrivent logiquement dans la
tradition cyclique de l’économie (crise de 1993, crise de 1982 aux Etats-Unis, crise de la bulle internet en
2011, etc…), la reprise s’amorce de moins en moins facilement. Pourquoi ? Parce que l’efficacité du
système productif européen s’essouffle. Le banquier, et par extension la finance, n’est donc pas
responsable de la crise économique.
Pour Jean Marc Daniel, l’économie française souffre avant tout du recul du progrès technique et non pas
de la globalisation financière. Cependant, une certaine responsabilité de la finance incarnée par le
banquier n’est pas à exclure.
« Le banquier est-il par ailleurs exempt de tout reproche ? »
Le problème des banques « Too big to fail »
« A partir du moment où la faillite d’une banque a des conséquences qui sont politiquement,
économiquement et humainement douloureuses, on va lui attribuer des formes de protection aberrantes
par rapport aux autres activités économiques ». Jean Marc Daniel fait ici référence à la nécessité de venir
en aide au système bancaire et financier lorsque ce dernier est en péril puisque le risque que sa faillite fait
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courir à l’économie réelle serait, dans l’hypothèse où elle se produirait, trop lourde de conséquences. Ces
banques potentiellement porteuses d’un risque systémique sont qualifiées de « too big to fail »,
littéralement « trop grosses pour tomber ».
Première solution :« Il faut faire en sorte que le banquier retrouve la logique d’une économie de marché, à
savoir la perte de ses fonds propres, au même titre que l’entrepreneur lorsqu’il fait faillite ».
Le défaut de concurrence et la garantie des dépôts
Deuxième solution : il faut faire en sorte que ces banques ne soient pas « too big » et donc que les
banques puissent se faire concurrence comme dans n’importe quel autre secteur d’activité. À ce titre, Jean
Marc Daniel rappelle que l’un des éléments mis en avant par le rapport Vickers est l’absence de
concurrence au sein du système bancaire européen.
Cependant, « comment associer le déposant au risque de faillite bancaire ? ».Pour faire en sorte que les
déposants soient protégés, des systèmes de protection ont été mis en place comme la garantie des dépôts
. En cas de faillite d’une institution bancaire, ce mécanisme assure aux déposants le remboursement de
leurs avoirs à hauteur d’un certain pourcentage tel que défini par la loi en vigueur. L’occasion pour Jean
Marc Daniel d’illustrer, au travers de ce mécanisme, le cas chypriote : « les banques chypriotes avaient
100 milliards d’actifs, on a annulé 4 milliards d’actifs grecs, elles ont donc perdu 4 % de leurs actifs, le
véritable enjeu pour les déposants de ces banques est d’évaluer leur capacité de réponse à cette
situation et pour le système financier de définir des règles claires permettant aux déposants de connaitre le
risque auquel ils s’exposent potentiellement ».
La régulation
Les règles prudentielles n’ont pas vocation à réguler le système bancaire puisque« la seule sanction
valable dans une économie libre est de faire faillite, la concurrence constitue donc la seule règle à mettre
en place ».
Selon Jean-Marc Daniel, le véritable enjeu est donc de redonner du souffle à l’économie française en
stimulant la création de richesse et cette création de richesse passe par la relation qu’il existe entre les
entrepreneurs et le système bancaire.
Dernier point soulevé par Jean Marc Daniel et partagé par Xavier Timbeau (une fois n’est pas coutume !) :
la volatilité des taux de change perturbe la conception et la vision à long terme des agents économiques.
Dès lors, l’une des solutions envisagées est de revenir à un système de change fixe :« il vaut mieux se
donner des règles autour d’un change fixe plutôt que d’empêcher l’activité naturelle de la banque, une
activité par définition commerciale ».
Le banquier, commerçant comme un autre, tel fut un des sujets « clivants » entre les
débatteurs. Défendue par Jean-Marc Daniel, cette idée fut contestée tant par Xavier Timbeau
que par Jezabel Couppey-Soubeyran qui fit observer que la finance recèle de fortes
externalités , négatives et positives.
Difficile de considérer qu’on peut traiter les banques comme n’importe quel commerçant. D’où l’idée qu’il
faut réguler les banques pour éviter qu’elles ne fassent faillite, une telle faillite pouvant entraîner, on l’a vu
avec l’exemple de Lehmann Brothers, un séisme dans l’économie mondiale.
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La crise économique actuelle est une conséquence de la crise financière
Tel est le premier argument invoqué par Jézabel Couppey-Soubeyran. On peut
considérer l’activité économique comme cyclique mais « la finance est par
définition une activité procyclique, elle accentue le cycle économique et provoque
ainsi des crises ».
Les crises financières sont coûteuses pour l’économie réelle
Jézabel Couppey-Soubeyran met en avant le fait que les crises financières ne
sont pas des évènements rares mais des évènements couteux pour l’économie
réelle : « les crises financières ne sont pas des chocs exogènes ».
En effet, les crises financières engendrent une augmentation très forte du
chômage, référence ici aux travaux de Reinhart et Rogoff réalisés en 2009, et un recul marqué de la
production. À ce jour, la crise actuelle aurait fait perdre plus de 18 millions d’emplois au sein de la zone
euro, dont 12 000 à 15 000 emplois par an en France, selon une étude de la Banque Centrale Européenne
( BCE ).
Les crises financières dégradent les finances publiques
En reprenant des travaux réalisés par des économistes du Fonds Monétaire International (FMI) (lien avec
dico), Jézabel Couppey-Soubeyran constate que le recul de la production engendre, d’une part une perte
significative de recettes fiscales et, d’autre part une perte de confiance liée à l’émission de titres
obligataires sur les marchés financiers. En effet, la crise des dettes publiques dégrade la confiance des
marchés envers les émetteurs d’obligations d’État. Résultat, les économies européennes se refinancent à
des taux d’intérêt beaucoup plus élevés.
Un cercle vicieux entre risque bancaire et risque souverain
Au terme de ce premier point, Jézabel Couppey-Soubeyran insiste également sur le lien pernicieux qui
existe entre le système bancaire et le financement des États. Le sauvetage des banques engendre
logiquement une dégradation des finances publiques qui conduit à une hausse des taux d’intérêts publics.
Les titres obligataires d’État perdent de la valeur et les banques elles-mêmes détentrices de ces titres
voient leurs bilans se dégrader.
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L’une des solutions envisagées pour « casser ce cercle » est de mettre en place une Union bancaire pour
contrôler ces grands groupes bancaires, les « too big to fail ».
Cette crise est la conséquence d’une croissance débridée du secteur bancaire et financier
Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, la crise économique actuelle est également le résultat « d’une
hypertrophie du secteur financier ». En 2010, le volume des transactions sur le marché des changes
représente 15 fois la valeur du PIB mondial : « Il existe une totale déconnexion entre la sphère financière et
la sphère réelle ». Cette hypertrophie du secteur financier s’illustre également par le volume des
transactions des titres obligataires mais avant tout par le poids du secteur bancaire dans les économies
européennes : « En 2011, la valeur totale des actifs du secteur bancaire européen représente en moyenne
près de 350 % du PIB généré par l’Union Européenne ! ».
Dans le même esprit, constat est fait de la disproportion entre le volume des crédits alloués par le secteur
bancaire et le volume des richesses créées par la plupart des économies européennes : « La Grande
Modération s’est logiquement traduite par des taux d’intérêt assez bas qui ont permis d’octroyer des
financements à bas coût, résultat : le crédit s’est littéralement envolé ». Schumpeter, à l’instar d’autres
économistes, considérait que la finance était un « puissant moteur de la croissance ». Or, aujourd’hui,
d’autres études académiques montrent que c’est effectivement le cas mais jusqu’à un certain seuil, au-delà
duquel le lien entre finance et croissance peut se renverser :« Quand le crédit dépasse 110 % à 120 % du
PIB, vous n’avez plus de lien positif entre finance et croissance, or ce seuil de 110/120 % a été dépassé
dans la plupart des pays de l’OCDE ».
Selon Jézabel Couppey-Soubeyran, il ne fait aucun doute que « la banque et le secteur
financier possèdent une part de responsabilité dans la crise actuelle car la finance peut porter
préjudice à la croissance ».
Le problème n’est pas la globalisation financière, mais le défaut d’adaptation de la régulation
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Le problème n’est pas la globalisation financière, mais le défaut d’adaptation de la régulation
financière
Une régulation sectorielle, nationale et micro-prudentielle
La conférencière revient sur les principaux points du développement de la globalisation financière : « cette
globalisation financière a été de pair avec une intégration des activités du secteur bancaire. Elles ont
développé des activités de gestion de titres, d’assurance et la relation entre les banques et les marchés est
devenue plus intense […] La globalisation a également été de pair avec l’internationalisation des activités
bancaires […] du fait de cette internationalisation et de cette intégration, les phénomènes de contagion se
sont accrues et avec eux le risque systémique ».
Or constate Jézabel Couppey-Soubeyran :
Premier constat : face à cette globalisation financière, la régulation est demeurée sectorielle : « on a pensé que l’on pouvait faire
fonctionner une finance globale avec une régulation locale ».
Deuxième constat, « la régulation est restée nationale jusqu’à l’Union bancaire qui démarre timidement en Europe ».
Dernier constat : « le risque systémique n’est pas une simple somme des risques individuels, or la régulation actuelle agit uniquement
sur ces risques individuels ». Autrement dit, la régulation demeure micro-prudentielle avec des ratios de solvabilité uniques pour
chaque banque puisque définis en fonction de leurs profils.
« Les réformes engagées sont-elles à la hauteur ? »
L’occasion de mettre en exergue les principales lacunes des réformes de régulation mises en place suite à
la crise financière.
Au Royaume-Uni, un seul régulateur était en charge de la surveillance de l’ensemble
des intermédiaires financiers. Depuis la crise, une partie des pouvoirs de ce
régulateur a été transférée à la banque d’Angleterre. Or, ce transfert renforce la
nature sectorielle de la régulation et remet en question « l’indépendance du
superviseur en tant que régulateur macro-prudentiel ».
D’autres défauts des réformes de régulation en cours sont également mis en avant, notamment en ce qui
concerne le projet d’Union bancaire. Sur ce point, Jézabel Couppey-Soubeyran déplore la nature tardive de
son application et la mise en place d’un seul de ces trois volets : le mécanisme de surveillance unique.
La BCE supervisera dès 2014 plus de 150 groupes bancaires. Or, cette politique de régulation sera
micro-prudentielle (puisque focalisée sur le secteur bancaire) et non macro-prudentielle.
Dans ce contexte, Jézabel Couppey Soubeyran insiste sur le faible nombre de mesures
macro-prudentielles envisagées dans les nouveaux textes de régulation (Bâle III par exemple) en citant par
ailleurs quelques avancées institutionnelles comme la création du Corefris en France en 2010.
Les mesures de séparation des activités bancaires envisagées aux Etats-Unis (rapport Volcker), au
Royaume-Uni (rapport Vickers) en Europe (rapport Liikanen) et en France (loi de séparation bancaire) ne
sont que des mesures « structurelles » : « ni sous une forme souple, ni sous une forme stricte, elles ne
constituent une solution car elles détournent le regard du prudentiel ».
Dernier point abordé : les mécanismes de résolution des faillites bancaires :« il faut mettre à contribution
les créanciers des banques (référence aux véritables créanciers et non aux petits déposants, ndlr) et ne
faire intervenirl’État qu’en tout dernier ressort […] ce que l’on appelle le « bail-in » afin que le secteur
bancaire assume ses propres prises de risque ».
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EN SAVOIR PLUS
Consulter les présentations de l’ensemble des intervenants :
Georges Pauget
Xavier Timbeau
Jézabel Couppey-Soubeyran
Ces rencontres s’inscrivent dans le cadre du tout nouveau Printemps de
l’économie, dont elles constituent une des manifestations
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