Aphra Behn (1640-1689)
Aphra WHO ?
Angeline Goreau, auteure dʼune biographie dʼAphra Behn parue en 19802, raconte dans un colloque3
que lorsquʼelle a commencé ses recherches à la Bibliothèque du British Museum en 1974, chaque fois
quʼelle évoquait son sujet on lui répondait « Aphra Behn Who ?». En effet, Aphra Behn a été
complètement oubliée jusquʼaux années 70, où quelques universitaires et féministes lʼont redécouverte,
notamment grâce à Virginia Woolf qui lui rend hommage dans Une chambre à soi. En France, Aphra
Behn reste très peu connue, à lʼexception des spécialistes de littérature anglaise.
Ci-dessous un bref rappel des principaux faits dʼarmes de la « George Sand de la Restauration »4 par
Bernard Dhuicq, traducteur et spécialiste dʼAphra Behn en France :
« Aphra Behn naît près de Cantorbéry en 1640. Son enfance coïncide avec une des périodes les plus
troublées de lʼhistoire dʼAngleterre. (…) Après un court séjour au Surinam, elle revient à Londres en
1663 mariée à un marchand hambourgeois. Veuve dès 1665, espionne à Anvers en 1666, emprisonnée
pour dettes à son retour dʼAngleterre, elle entame en 1670 une carrière dʼécrivain professionnel.
Pour le théâtre très libre de la Restauration, elle écrit une vingtaine de pièces satiriques dans lesquelles
elle fustige la pratique des mariages « forcés », attaque le code masculin et prône lʼégalité des sexes
dans le débat amoureux. Pour le commerce de la librairie, en plein essor, elle traduit Fontenelle et La
Rochefoucauld. Elle publie aussi plusieurs récits personnels où elle prend le contrepied de la moralité
convenue. Cependant, tout en affichant sa marginalité, elle soutient lʼordre établi et la royauté. Elle
condamne les mauvais traitements infligés aux esclaves, mais ne condamne pas lʼesclavage. Son
engagement va plus loin lorsquʼelle défend les femmes et prouve par son propre exemple que la
dépendance vis-à-vis de lʼhomme peut être surmontée. En 1689, année de sa mort, elle refuse de faire
lʼéloge des nouveaux souverains choisis par le Parlement de Westminster pour remplacer le dernier
Stuart auquel elle était demeurée fidèle. »5
‘PUNK and POETESS’
« Punk and poetess » 6 , cʼest ainsi quʼun pamphlet contemporain désigne Aphra Behn. Première
femme dramaturge de la littérature européenne, au XVIIème siècle, lʼanglaise Aphra Behn (1640-1689)
est une figure présente dans mon imaginaire depuis 13 ans. A lʼépoque de la Restauration anglaise, elle
a voyagé au Surinam, été espionne à Anvers pour le compte de Charles II sous le nom de code Astrea,
mariée puis veuve à 26 ans, elle sʼassume sans devoir se remarier grâce à ses pièces de théâtre.
Indépendante, libre, première femme de lettres professionnelle, elle développe dans ses pièces une
critique violente de la société patriarcale, notamment en comparant le mariage arrangé à une forme de
prostitution.
Figure transgressive mais aussi écrivaine prolixe et de talent, elle laisse une œuvre considérable, pour
lʼessentiel non traduite en France. Elle publie des novels (courts récits en prose, sorte de petits romans)
parmi lesquels Love-letters between a nobleman and his sister, premier exemple de roman épistolaire,
et Oroonoko or The royal slave : a true history, première occurrence de la forme moderne du roman.
Pour le théâtre, elle écrit une vingtaine de pièces dont 18 comédies ou tragi-comédies. Elle compose
des poèmes, des dédicaces. Enfin elle traduit du français Les Maximes de La Rochefoucauld et
lʼEntretien sur la pluralité des mondes de Fontenelle.
2 Goreau Angeline, Reconstructing Aphra Behn : A Social Biography of Aphra Behn, New-York, Dial Press, 1980.
3 OʼDonnel Mary Ann, Dhuicq Bernard, Leduc Guyonne (dir.), Aphra Behn (1640-1689) : Identity, Alterity, Ambiguity, Actes du colloque du 7 au 10
juillet 2000 à la Sorbonne, Paris, LʼHarmattan, « Des idées et des femmes », p.43.
4 Le socialiste de la fin du XIXème siècle Lichtenberger la nomme ainsi.
5 Préface, in Aphra Behn, Orounoko , lʼesclave royal, trad. B.Dhuicq, Paris, Les Editions dʼEn Face, 2008.
6 Robert Gould : « For punk and poetess agree so pat / You cannot well be this and not be that. » cité par Maureen Duffy in The Passionnate
Shepherdess : Aphra Behn 1640-89, London, Cape, 1977, p.280. Lʼexpression se traduit littéralement par « Pute et Poétesse ».