Grèce exposé RC

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Grèce ou Allemagne : qui doit payer ? Christian Descamps1 Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la situation de l’économie grecque est aujourd’hui assez sombre alors qu’il y a un peu plus d’un an, au printemps 2014, on pensait le pays tiré d’affaires grâce aux deux plans d’aides successifs de 2010 et 2012 (240 milliards) et à l’effacement d’une bonne partie de sa dette privée2. De nombreux chiffres témoignent de cet état : la production du pays est de 25 % inférieure à ce qu’elle était il y a 5 ans (dégringolade sans équivalent depuis 1929), la croissance est anémique et ne présente pas de perspective favorable avant 2017 dans le meilleur des cas, la dette publique tutoie des sommets (312 milliards, soit 175 % du PIB avant les nouvelles aides qui vont arriver et qui vont évidemment majorer la facture), le système bancaire – malgré plusieurs recapitalisations récentes – est en quasi-­‐faillite. Ses ratios de solvabilité sont très dégradés et d’ailleurs les banques grecques ne prêtent ni ne garantissent plus rien, ce qui paralyse un peu plus les entreprises, notamment celles qui importent. Il ne faut donc pas s’étonner que les investissements aient chuté des deux-­‐tiers depuis 2009 et que dans le même temps 200 000 entreprises aient fermé leurs portes. Le taux de chômage est le plus élevé de la zone euro à plus de 25 % (il atteint même 60 % chez les jeunes de moins de 25 ans). Le bilan humanitaire n’est pas brillant non plus : un quart de la population vit en-­‐dessous du seuil de pauvreté, la malnutrition des enfants et la mortalité infantile ont fortement augmenté, la tuberculose a réapparu et les cas de sida se multiplient par défaut de prévention ; faute de moyens également, les hôpitaux publics peinent à soigner les malades. Je n’insiste pas davantage sur ce pénible constat. J’en viens à mon propos principal : comment en est-­‐on arrivé là ? La Grèce pourra-­‐t-­‐elle s’en sortir grâce au nouveau plan d’aide de 86 milliards décidé cet été et payer ce qu’elle doit ? Enfin, si vous avez bien noté le titre de mon exposé, en quoi l’Allemagne est-­‐elle concernée dans cette affaire (ou pourquoi le serait-­‐elle plus que la France, par exemple) ? I – Les causes de la crise Nous n’allons pas nous livrer à un procès en sorcellerie pour rechercher les responsabilités de la situation. Pas de doute qu’elles soient multiples. 1
-­‐ Maître de conférences émérite, Université de Bourgogne, chercheur au LEDi. -­‐ Les banques, assurances, fonds de pension, qui détenaient des obligations publiques grecques ont accepté au printemps 2012 – sans doute pas de gaieté de cœur – de les échanger contre de nouveaux titres ne représentant plus que 30 % de la valeur des titres anciens. 2
On rappellera pour mémoire que les comptes publics du pays ont été maquillés pour lui permettre d’être intégré à la zone euro en 2001. Il fallait en principe respecter de rigoureux critères (les célèbres « critères de Maastricht ») pour réussir l’examen de passage, notamment des critères de qualité des comptes publics (déficit et dette). Et l’on a su (après coup) qu’ils n’ont jamais été remplis puisque les déficits publics grecs ont constamment flirté avec les 10 % du PIB dans les années 80-­‐90 là où ils devaient être contenus à 3 %. Mais du fait de son appartenance à la zone euro, la Grèce a pu bénéficier d’une manne financière, d’un déluge de crédits à bon marché : -­‐
d’une part des aides et subventions de l’UE (mais cela, ça n’est pas nouveau puisque la Grèce, adhérent depuis 1981 à la CEE, a reçu chaque année plusieurs milliards, l’équivalent de 4 % de son PIB, en subventions diverses pour lui permettre de rattraper son retard de développement) ; -­‐
et d’autre part et surtout (parce que ceux-­‐là, en principe il fallait les rembourser), la Grèce a bénéficié de prêts des banques internationales qui ne se sont pas montrées très regardantes sur les garanties que le pays était en mesure d’apporter au moment où il empruntait. L’appartenance à l’UE paraissait constituer une garantie suffisante. Et de fait, tout cet argent public et privé (la dette bancaire atteignait 140 milliards en 2009) a permis de financer des infrastructures inutiles ou de faire plaisir à l’électorat (le clientélisme et la corruption étant des pratiques récurrentes) mais il n’a en rien conforté la base productive du pays. Au surplus, l’appartenance à la zone euro, avec une monnaie trop forte, a contribué à désindustrialiser la Grèce comme d’autres pays du Sud (France comprise) ou à engendrer des bulles (comme l’immobilier en Espagne). Je ne reviens pas sur ce point que j’ai déjà évoqué ici même plusieurs fois : l’euro a créé l’illusion de la convergence et n’a pas vraiment servi l’intégration de l’Union. Les choses se sont brutalement dégradées au moment de la crise financière, de la crise des subprimes, à partir de 2007-­‐2008. Cette crise n’a pas épargné la Grèce et, à l’automne 2009, le Premier ministre Papandréou, nouvellement élu, a révélé que le déficit public du pays atteignait 15 % du PIB. Ce fut un véritable coup de tonnerre : la note du pays – qui traduit sa solvabilité -­‐ a été immédiatement dégradée par les agences de notation, les taux d’intérêt des emprunts grecs ont atteint des niveaux extravagants et de ce fait, la Grèce a été exclue de tout nouvel accès au marché financier, alors qu’elle parvenait jusqu’alors à boucler son budget sans problème par ce moyen. C’est là naturellement le point noir puisque, en règle générale, un pays «normal », raisonnablement solvable, n’a pas à se soucier du remboursement de sa dette. En fait, il ne la rembourse jamais. Peut-­‐être savez-­‐vous que ce que l’on appelle dans la loi de finances (le « budget ») la « charge de la dette », ce sont uniquement les intérêts que l’on verse aux porteurs d’obligations d’Etat ou de bons du Trésor. Ainsi, en France, cela représente en 2015 45 milliards (sur un encours global de dette publique proche de 2 100 milliards) ; c’est 2 relativement peu grâce, on le sait, à la modicité des taux d’intérêt (et ça se gâterait très vite si les taux remontaient brutalement) elle-­‐même liée à la qualité de la signature de l’Etat. En revanche, toujours pour un pays ordinaire, les titres qui viennent à échéance sont « refinancés », c’est-­‐à-­‐dire que l’Etat emprunte les sommes nécessaires à l’amortissement de la dette. C’est ainsi que l’agence France-­‐Trésor (voir son site sur Internet) va lever à peu près 200 milliards en 2015, somme qui lui est nécessaire à la fois pour financer le déficit budgétaire de l’année (autour de 80 milliards) et pour payer les tombées d’emprunts (environ 120 milliards). Auprès de qui ces financements sont-­‐ils obtenus ? Sur le marché des capitaux, auprès de prêteurs privés, qui sont pour les deux-­‐tiers des « institutionnels », des investisseurs privés non-­‐résidents. La France n’est pas en situation « d’excédent budgétaire primaire » qui lui permettrait de trouver dans ses propres ressources de quoi payer, au moins en partie, tout l’argent qu’elle doit à ses créanciers. Quand cette voie d’alimentation est rompue, que l’on ne peut plus se financer sur les marchés, les choses se compliquent fortement. On doit à la fois serrer les boulons pour réduire les besoins de financement (réduction des dépenses publiques, hausses des impôts, privatisations, etc.) et surtout solliciter les institutions, la fameuse « Troïka » dans le cas de la Grèce, pour qu’elles apportent ce que le marché ne procure plus. Dans l’hypothèse d’un refus, le pays sera déclaré « en défaut ». Dans ce cas, les prêteurs sont nus, leurs créances ne valent plus rien ou seront négociées avec une très forte décote (comme ce fut le cas de l’Argentine en 2001). Mais du côté du pays failli, plus aucun bailleur de fonds, qu’il soit privé ou public, ne lui viendra en aide. Il devra vivre en autarcie financière et ne compter que sur ses propres ressources pour financer son train de vie. Dans le cas de la Grèce, si le défaut avait été prononcé comme on l’a redouté au début de l’été, les banques n’auraient plus eu la possibilité de se refinancer auprès de la BCE. C’en était fini de l’appartenance de la Grèce à la zone euro. Et l’on aurait pu redouter des dégâts collatéraux : si la dette grecque ne vaut plus rien, les investisseurs y regarderont à deux fois avant d’acheter des obligations espagnoles ou portugaises. II – Des aides remboursées un jour ? La Grèce s’est donc soumise à de nombreuses reprises (9 fois en 6 ans, je passe sur leur chronique) à des programmes d’austérité draconiens, conditions imposées par les bailleurs de fonds (le FMI, l’UE, la BCE) pour qu’ils apportent leurs concours (110 milliards en mai 2010, 130 milliards en 2012 et 86 milliards cette année). Ces sommes, bien sûr, ne sont pas versées en une fois mais débloquées par tranches en fonction du degré de réalisation des objectifs du programme. Ajoutons qu’en pratique, les entreprises et les ménages grecs n’en ont vu que très peu les retombées puisque pour l’essentiel, l’argent a servi à rembourser les créanciers. 3 Quant aux programmes eux-­‐mêmes, ils reposent – comme vous le savez – sur la nécessité d’ajustement, de rééquilibre, des comptes publics (par compression des dépenses, hausses des impôts, réforme des prestations sociales comme les retraites…) assortis de mesures de libéralisation tous azimuts concernant certains marchés et certaines activités, de la vente d’entreprises et d’infrastructures publiques… tout ce que les pays en difficulté expérimentent habituellement quand ils s’adressent au FMI. Le Mémorandum de cette année 2015 est particulièrement rigoureux pour la Grèce, une sorte de plan Macron à la puissance 10 que le Parlement a dû avaler non pas, comme chez nous, à la suite de plusieurs semaines de débats contradictoires, mais en 48 heures. Le gouvernement s’est engagé à ne prendre aucune mesure budgétaire sans l’accord préalable des créanciers – comme au temps des empires coloniaux – et les mesures fiscales sont censées permettre de dégager, en 3 ans, un excédent budgétaire « primaire » (c’est-­‐à-­‐dire hors charge de la dette) de 3,5 % du PIB (ce qui est, rappelons-­‐le, très loin d’être le cas de notre pays). Quant aux « bijoux de famille » de la Grèce (ses aéroports, son port du Pirée…) – 50 milliards, représentant presque 30 % de son PIB – ils devront être rassemblés dans un fonds de privatisation géré par ses créanciers en vue de leur revente. Je ne développe pas le détail des mesures : la presse s’en est fait l’écho, mais tout doit aller très vite (le Parlement doit voter des textes par dizaines dans un délai très court). Est-­‐ce que cela va marcher, le plan est-­‐il viable ? Evidemment, non ! Personne n’y croit, ni parmi les responsables politiques grecs, ni parmi les économistes qui l’ont tous jugé « irréaliste », « délirant » et même « effrayant ». Administrer de telles purges déflationnistes en continu, une discipline de fer qui dure depuis 6 ans, à un pays en proie à la récession, dont l’économie (en dehors du tourisme) et notamment l’industrie sont déliquescentes, et cela uniquement pour le mettre en mesure de payer ses créanciers, est évidemment une absurdité, un véritable non-­‐sens d’un point de vue économique. Réduire les dépenses et relever les impôts dans un tel contexte débouche sur un cocktail à l’huile de foie de morue, mais en plus amer et sans ses effets bénéfiques : la baisse du PIB plombera les recettes fiscales et contrairement au but visé, le déficit et la dette exploseront. Nous avons connu ces pratiques mortifères en Europe au cours de l’entre-­‐deux guerres : le retour à l’étalon-­‐or en 1925 en Grande-­‐Bretagne, la politique du chancelier Brüning en Allemagne au tout début des années 30, l’obsession française des années 34-­‐35 en France de rétablir l’équilibre des comptes publics, le gouvernement Laval imposant un abattement de 10 % de la dépense publique : toutes ces politiques ont toujours raté leur but. Et ceci en raison de ce que les économistes des années 30 ont appelé la « déflation par la dette » : lorsqu’on cherche à rembourser ce que l’on doit en vendant des actifs, la valeur des titres et actifs s’effondre, l’économie s’enfonce dans la crise et au final, l’encours de la dette 4 diminue moins vite que la valeur des actifs qui la gagent ; donc sa valeur « réelle », sa charge pour les débiteurs, augmente. Puisque nous sommes en Grèce, disons que la dette c’est un peu comme l’Hydre de Lerne, ce monstre dont les têtes se régénèrent quand elles sont tranchées. Mais n’est pas Héraclès qui veut et l’on peut douter de la réussite des créanciers qui imaginent toujours des scenarii de croissance, de rentrées d’impôts ou de recettes de privatisations qui ne marchent jamais. Disons donc, pour conclure cette partie, les choses simplement : la dette grecque, à son niveau actuel, est « insoutenable », c’est-­‐à-­‐dire qu’elle ne peut pas être financée avec les ressources actuelles du pays, sauf (et encore…) à le mettre à feu et à sang en ramenant la population à l’âge de pierre. Même si, par extraordinaire, l’excédent budgétaire pouvait être pérennisé à 3 ou 4 % de PIB (ce qui suppose une croissance économique hors de portée), il faudrait 3 ou 4 générations, peut-­‐être même un siècle, pour qu’elle soit amortie. Et donc, pour répondre à une partie de l’interrogation de mon exposé, la Grèce ne remboursera pas, en tout cas pas tant qu’elle n’aura pas accès aux marchés financiers ; tout simplement parce que c’est impossible. Prétendre la faire payer sans une restructuration massive de son endettement est une hypothèse totalement fantasmagorique. III – Et l’Allemagne dans tout ça ? En quoi (si vous reprenez l’intitulé de mon exposé) l’Allemagne est-­‐elle engagée dans l’endettement grec ? Elle l’est bien sûr, comme la France, l’Italie, l’Espagne… tous les pays de l’Union ayant cautionné les prêts du Fonds Européen de Stabilité Financière et ayant accordé des prêts bilatéraux (pour la France, cela représente environ 42 milliards soit, comme l’écrivent les journaux, 650 € pour chacun de nous). Mais l’Allemagne qui aime à se présenter comme un parangon de vertu financière, comme un premier de la classe et qui use de ce statut pour donner des leçons à tout le monde – stigmatisant en particulier le laxisme grec -­‐ oublie qu’elle-­‐même a profité en 1953 de conditions extrêmement généreuses de la part de ses créanciers à l’occasion du paiement de ses propres indemnités : -­‐
reliquat d’indemnités de la 1ère guerre mondiale puisque tous les remboursements prévus par les plans Dawes et Young dans les années 20 -­‐ déjà fortement réduits 10 ans après le Traité de Versailles -­‐ avaient été interrompus par Hitler ; -­‐
et indemnités de la seconde guerre mondiale, notamment vis-­‐à-­‐vis de la Grèce qui avait été particulièrement accablée par l’invasion des armées nazies au printemps 1941. Je vous invite à vous reporter à l’ouvrage de l’historien américain Mark Mazower qui décrit la brutalité et la violence dont a fait preuve la Wehrmacht en Grèce, qui n’eurent d’égales 5 que la sauvagerie qu’elle a déployée à la même époque en Pologne et en URSS3. Plusieurs centaines de villages ont été détruits de même que 80 % des ouvrages d’art, des sites ont été pillés et les Grecs ont été martyrisés. Sur une population à l’époque de 7 millions d’habitants, il y a eu 100 à 200 000 personnes exécutées ou déportées mais encore 300 à 500 000 personnes (selon les estimations) sont mortes de faim en 1941 et 1942, le pays étant mis en coupe réglée, les communications impossibles, les échanges commerciaux paralysés, les réquisitions allemandes confiscatoires. Les témoignages de cette barbarie sont bouleversants (je n’insiste pas) : il y a eu, comme à Oradour-­‐sur-­‐Glane, plusieurs villages anéantis par simples représailles et pour mettre un terme à ce panorama cauchemardesque, j’emprunterai ma conclusion à Manolis Glezoz (le résistant qui a, en 1942, arraché le drapeau nazi sur l’Acropole et qui est aujourd’hui – à 91 ans – le doyen du Parlement européen) en disant que les occupants ont imposé à la Grèce « l’esclavage le plus sanglant qu’elle ait jamais connu au cours de son histoire pourtant agitée ». En 1946, une conférence de paix s’est tenue (la conférence des « 21 nations ») : la Bulgarie et l’Italie ont versé des indemnités financières et procédé à des concessions territoriales au bénéfice de la Grèce, l’Allemagne devait lui verser 7 milliards de dollars (dollars de 1938) au titre des réparations, plus le remboursement d’un emprunt forcé effectué pendant la guerre auprès de la banque centrale grecque. Mais en 1946, l’Allemagne n’existait pas en tant qu’Etat et par la suite elle n’a jamais reconnu cet accord. Lorsqu’au début des années 1950, le gouvernement allemand a voulu accéder à la reconnaissance financière et emprunter sur les marchés internationaux, le chancelier Adenauer, comme gage de crédibilité, a cherché à apurer cette question des dettes de guerre. Des négociations se sont déroulées à Londres pour déboucher sur un accord signé en 1953 (voir son contenu sur Internet). A l’époque, la RFA constituait un rempart contre le bloc communiste, son économie redémarrait et ses créanciers (sous la pression américaine) ont fait preuve de beaucoup de mansuétude en son endroit en « écrêtant » la facture. Il fallait que le fardeau ne soit pas trop écrasant et qu’il n’asphyxie pas le pays : ni les exportations allemandes, ni les conditions de vie de la population, ni la croissance ne devaient être gênées. De fait, les dettes ont été considérablement allégées (de plus de 60 %), un moratoire de 5 ans a été accordé et les annuités versées n’ont jamais dépassé 5 % de la valeur des exportations du pays. Privilège supplémentaire : elles pouvaient être versées en deutsche marks et non en dollars ou autres devises étrangères. Grâce à la bienveillance américaine et à l’habileté de ses négociateurs, l’Allemagne est donc le pays qui a le mieux esquivé ses engagements financiers et il n’est pas douteux que l’accord de 1953 a contribué au miracle économique de la RFA de l’après-­‐guerre. Elle semble aujourd’hui frappée d’amnésie lorsqu’on lui rappelle les factures qu’elle a laissées impayées notamment vis-­‐à-­‐vis de la Grèce. Paradoxalement, la piqure de rappel a 3
-­‐ Dans la Grèce d’Hitler, Editions Perrin (version originale publiée aux Etats-­‐Unis en 1993) 6 été administrée au Parlement européen (en février 2012) par un Allemand, Daniel Cohn-­‐
Bendit : « les Allemands, qui rechignent à financer un second plan de sauvetage pour la Grèce, devraient se souvenir de tout ce qu’ils ont pillé dans ce pays pendant la seconde guerre mondiale ». Pour quel montant ? Les réparations (les 7 milliards de dollars de 1938) représentent (sans les intérêts) 108 milliards d’euros d’aujourd’hui et l’emprunt forcé 54 milliards (toujours sans les intérêts) : 162 milliards au total, que l’on peut évidemment rapprocher des 312 milliards dus par le pays. Et encore ce chiffre est-­‐il contesté : ainsi la Cour des comptes grecque pousse les feux jusqu’à une note supérieure à de 300 milliards. On peut évidemment douter du désir des Allemands d’aborder aujourd’hui ce sujet, d’autant que la Grèce a signé l’accord de 1953 et qu’elle n’a rien réclamé pendant des décennies. Le gouvernement Merkel n’entend pas satisfaire ce type de revendication qui pourrait d’ailleurs faire boule de neige. Et il est difficile de connaître la détermination grecque : la société civile, les parlementaires sont très remontés, mais la diplomatie impose au gouvernement Tsipras une certaine réserve. Pour conclure sur mon interrogation, qui de la Grèce ou de l’Allemagne paiera sa dette ? Vous l’avez compris, à mon avis, personne parce qu’il manque à l’Europe une deuxième jambe : une monnaie unique ne peut pas fonctionner sans fédéralisme budgétaire. Mais ceci est une autre histoire. De prochains exposés en perspective… 7 
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