Maison
Jean Vilar
A V I G N O N
ISSN 0294-3417http://maisonjeanvilar.org7,50
°
n105
Les Cahiers de la Maison Jean Vilar
1968
N° 105 - JUILLET 2008.
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À peine sortis d'une commémoration bourgeoise, forcément bourgeoise puisque médiatisée
par ceux-là mêmes - hommes et femmes d'affaires, d'art ou de politique souvent devenus
cyniques - qui prétendaient ne tenir à rien et s'accrochent à tout, voici le festivalier invité à se
resservir du plat gaucho-gaullo-facho, à faire la guéguerre et l'amour à la fois, et tout le bazar
nostalgique. La Maison Jean Vilar pouvait-elle ignorer ce rab de fulgurances et d'insultes ? Non.
La mise à distance des événements nous permettra peut-être de comprendre pourquoi Vilar, en
sa personne et en son art, s'est trouvé à ce point en bout de piste, incarnation de toutes les
horreurs capitalistiques. Sachons donc éviter la frénésie et nous poser, avec les outils
d'aujourd'hui, les questions d'hier restées vivantes.
Les temps difficiles que nous traversons ressemblent à un rappel à la réalité : fini de rire et de
rêver ! La démocratisation culturelle est un tel échec qu'il vaut mieux la ranger au magasin des
souvenirs, le théâtre service public une vieille lune qui pâlit sous l'éclairage cru du calcul
égoïste. La nomenklatura des Rassasiés d'hier prendra bien, à son tour, le chemin de la sortie
poussée par les Dévorants d'aujourd'hui, pires que les pères…
Mais le pire n'est pas toujours sûr : observons qu'il existe aussi, en de nombreux endroits
fameux ou discrets, des niches de résistance qui n'abritent ni des chiens ni des héros mais de
simples artisans du spectacle vivant, et qui font honnêtement leur travail sans être pour autant
les valets du fric ou des flics. Mais pour combien de temps ?
Voici quarante ans, Vilar servit donc de punching-ball aux enragés de tous bords : «Katangais»
gauchistes qui lisaient entre les lignes de son festival les oukases de la police culturelle, nervis
d'extrême droite qui lui reprochaient d'avoir fait entrer les chevelus dans leur gîte rural,
notables offusqués qui lui donnaient le baiser du boa, et ceux qui l'avaient déjà abandonné
dans les dédales de leurs déclarations. Comme Victor Hugo dont il aurait volontiers inscrit le
nom au fronton de son théâtre, Vilar se retrouvait seul contre tous. Cette solitude-même, fina-
lement souhaitée par lui, continue d'éclairer d'un jour complexe les débats, intéressés ou
désinteressés, autour de la chose culturelle, artistique, intellectuelle, particulièrement dans le
cadre du service public.
Vilar savait, comme le directeur de théâtre des Enfants du Paradis et de Jacques Prévert, que
la nouveauté, bah ! c'est jamais que du neuf avec du vieux !, mais aussi qu'il avait donné à son
effort (inutile ? dérisoire ?) pour un théâtre populaire les lettres d'une noblesse encombrante.
Non qu'il faille aujourd'hui jouer comme lui, monter les mêmes pièces que lui dans les mêmes
théâtres : ce n'est pas à cela que nous invitent les noms de Vilar et de ceux qui l'accompagnent
dans son temps*, mais à poursuivre un effort recommencé pour tenter de concerner les
Défavorisés plus que les Gavés, le peuple plus que le pipeul, en attendant qu'une meilleure
société favorise un meilleur théâtre. Et puis quoi ! Nous autres sociétés psychanalysées qui
jouissons sans entraves, savons désormais que le sacrifice du bouc émissaire n'a jamais déli-
vré du Mal.
Il est en ce siècle des caractères qui sont comme des caryatides dans un entresol. Ne doutons
pas que Vilar, grand lecteur de Chamfort, s'était lu dans ce magnifique aphorisme de cet autre
ennemi de toute Terreur.
Jacques Téphany
* Voir notre hommage à Hubert Gignoux en fin de cahier et notre rappel de la personnalité de Michel Saint-Denis
dans le supplément consacré aux rencontres d'été (Cahiers 105 bis)..
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À Béjart qui souhaite, dès 1957, donner un spectacle
à Chaillot, Vilar répond ne pas avoir rendu au TNP son
seul caractère théâtral pour le laisser revenir à
d'autres activités parallèles…
Les deux hommes se rapprochent définitivement en
1963 grâce à Maria Casarès, interprète de La Reine
verte, essai de spectacle total alliant plusieurs disci-
plines dont Vilar admire et salue l'audace. Leur ami-
tié artistique se concrétise deux ans plus tard avec la
venue dans la Cour d'honneur du Palais des papes,
du Ballet du XXesiècle (1966, XXeFestival d'Avignon).
Maurice Béjart reviendra chaque année jusqu'en
1969.
Cette invitation est la manifestation de l'ouverture,
par Vilar, du Festival d’Avignon à d'autres disciplines
et la fin de l'exclusivité théâtrale : la danse n'est plus
une activité parallèle mais centrale. Bientôt le
cinéma, puis le théâtre musical avant d'autres formes
de recherches contemporaines, feront entrer Avignon
dans une ère nouvelle.
Rêvant d'une « association » avant l'heure pour un
bail à long terme, Vilar souhaite qu'Avignon soit pour
Béjart ce qu'il fut pour lui-même en 1947 : non pas un
lieu de tournée comme un autre, mais une plate-
forme de création, un rond-point à la fois artistique et
populaire son art sera reconsidéré au contact
d'une ambiance nouvelle née de quelques assem-
blées de plein air, dans ces rapports public et artistes
qu'Avignon, après dix-neuf ans, est un des rares lieux
à offrir. Et de conclure, visionnaire : Avignon doit être
aussi bénéfique à Béjart que Béjart sera bénéfique
aux Avignons 1966-1976 !
Mais l'économie du Festival est - déjà - fragile,
et le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles,
exerce le Ballet du XXesiècle, n'a pas les moyens
d’offrir à Avignon les créations ardemment souhai-
tées par Vilar.
Il faudra attendre 1974 pour qu'un autre rêve prenne
forme entre Béjart et Paul Puaux, successeur de Jean
Vilar à Avignon, celui d'un festival concentré dans un
enclos de pureté : à l'abri des tumultes de la ville, au
cœur d'une aire limitée autour du Palais des papes,
Béjart envisageait une véritable Acropole où la danse
serait rituellement célébrée dès le matin avec un salut
au soleil ! Puis, au long de la journée, l'enseignement
de toutes les formes de chorégraphies (classiques,
modernes, traditionnelles, venues de tous les hori-
zons du monde…) alterneraient avec les spectacles
des compagnies françaises et étrangères.
Un spectacle collectif associant danseurs profession-
nels et amateurs devait parachever cette exaltation des
corps et des esprits en une immense fête populaire…
Comme avec Vilar en 1970, ce rêve d'une ville entiè-
rement prise par la danse - ce qui ne laissait pas d'in-
quiéter - n'a pu se réaliser pour des raisons essen-
tiellement économiques.
Béjart en Avignon
1966 - 1969
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Maurice Béjart
et le Ballet du XXesiècle
au Festival d’Avignon
16 chorégraphies signées Maurice Béjart
ont été programmées en 4 Festivals (1966 à 1969)
dont 3 créations majeures :
Messe pour le temps présent (1967-1968)
sur la musique électronique de Pierre Henry,
un ballet inspiré par l'Inde, Bakhti (1968-1969),
Nuit obscure (1968-1969) d'après saint Jean de la Croix,
qu'il interprète lui-même avec Maria Casarès.
1966
Bacchanale, musique Richard Wagner
Sonate à trois, (d’après Huis clos de Sartre),
musique Béla Bartok
Pierre et le loup, chorégraphie Patrick Belda
Pas de deux - Opus 5, musique Anton Webern
Boléro, musique Maurice Ravel
L'Art de la barre, musique Johann Sebastian Bach
Erotica, musique Tadeusz Baird
Cygne
Variations pour une porte et un
soupir, musique Pierre Henry
1967
Messe pour le temps présent, musique Pierre Henry,
création à Avignon (reprise en 1968)
Roméo et Juliette, musique Hector Berlioz (reprise en
1969)
1968
Bakhti, création à Avignon (reprise en 1969)
Cantates, musique Anton Webern
(reprise en 1969)
La Nuit obscure d’après saint Jean de la Croix, création à
Avignon (reprise 1969)
Ni fleurs ni couronnes, musique Fernand Schirren, 1968
Le Sacre du printemps, musique
Igor Stravinsky, 1968
Messe pour le temps présent
1969
Les Quatre fils Aymon, chorégraphie Maurice Béjart,
Lorca Massine et Paolo Bortoluzzi, musique Fernand
Schirren (création en France).
A la recherche de... : L’Art de la barre / Cantates / Nuit
obscure / Bakhti / Hi-Kyo / Nomos Alpha
Roméo et Juliette
1. Maurice Béjart dans Nuit obscure, Avignon 1968.
Photo John R. Johnsen.
2. pétition du Ballet du XXe siècle dans la Cour d’honneur, 1967.
Photo Mario Atzinger.
3. Hitomi Asakawa et Jorge Donn tent Roo et Juliette, 1967.
Photo Mario Atzinger.
Exposition - Projections
du 4 au 26 juillet
Maison Jean Vilar - Entrée libre
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