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L E S C A H I E R S D E L A M A I S O N J E A N V I L A R – N ° 1 0 5
À Béjart qui souhaite, dès 1957, donner un spectacle
à Chaillot, Vilar répond ne pas avoir rendu au TNP son
seul caractère théâtral pour le laisser revenir à
d'autres activités parallèles…
Les deux hommes se rapprochent définitivement en
1963 grâce à Maria Casarès, interprète de La Reine
verte, essai de spectacle total alliant plusieurs disci-
plines dont Vilar admire et salue l'audace. Leur ami-
tié artistique se concrétise deux ans plus tard avec la
venue dans la Cour d'honneur du Palais des papes,
du Ballet du XXesiècle (1966, XXeFestival d'Avignon).
Maurice Béjart reviendra chaque année jusqu'en
1969.
Cette invitation est la manifestation de l'ouverture,
par Vilar, du Festival d’Avignon à d'autres disciplines
et la fin de l'exclusivité théâtrale : la danse n'est plus
une activité parallèle mais centrale. Bientôt le
cinéma, puis le théâtre musical avant d'autres formes
de recherches contemporaines, feront entrer Avignon
dans une ère nouvelle.
Rêvant d'une « association » avant l'heure pour un
bail à long terme, Vilar souhaite qu'Avignon soit pour
Béjart ce qu'il fut pour lui-même en 1947 : non pas un
lieu de tournée comme un autre, mais une plate-
forme de création, un rond-point à la fois artistique et
populaire où son art sera reconsidéré au contact
d'une ambiance nouvelle née de quelques assem-
blées de plein air, dans ces rapports public et artistes
qu'Avignon, après dix-neuf ans, est un des rares lieux
à offrir. Et de conclure, visionnaire : Avignon doit être
aussi bénéfique à Béjart que Béjart sera bénéfique
aux Avignons 1966-1976 !
Mais l'économie du Festival est - déjà - fragile,
et le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles,
où exerce le Ballet du XXesiècle, n'a pas les moyens
d’offrir à Avignon les créations ardemment souhai-
tées par Vilar.
Il faudra attendre 1974 pour qu'un autre rêve prenne
forme entre Béjart et Paul Puaux, successeur de Jean
Vilar à Avignon, celui d'un festival concentré dans un
enclos de pureté : à l'abri des tumultes de la ville, au
cœur d'une aire limitée autour du Palais des papes,
Béjart envisageait une véritable Acropole où la danse
serait rituellement célébrée dès le matin avec un salut
au soleil ! Puis, au long de la journée, l'enseignement
de toutes les formes de chorégraphies (classiques,
modernes, traditionnelles, venues de tous les hori-
zons du monde…) alterneraient avec les spectacles
des compagnies françaises et étrangères.
Un spectacle collectif associant danseurs profession-
nels et amateurs devait parachever cette exaltation des
corps et des esprits en une immense fête populaire…
Comme avec Vilar en 1970, ce rêve d'une ville entiè-
rement prise par la danse - ce qui ne laissait pas d'in-
quiéter - n'a pu se réaliser pour des raisons essen-
tiellement économiques.
Béjart en Avignon
1966 - 1969
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