PISTES DE LECTURE AUTOUR DE QUELQUES GRANDS ENJEUX DE 2012 LES RESTITUTIONS DE L’UEL « GRANDS DÉBATS CONTEMPORAINS » En 2011, l’UE libre « Grands débats contemporains » est devenue participative ! L’idée : investir les grands enjeux citoyens du temps présent à travers la lecture et la discussion des publications qui structurent le débat public. L’UE prend donc la forme d’un club de lecture et d’échange qui se réunit chaque semaine à la BU : dans une première phase, une liste d’enjeux est établie à partir de la lecture de la presse d’opinion ; chaque sujet de controverse est ensuite investi par deux étudiants, chacun explorant un versant des opinions en présence ; vient enfin le temps de la mise en tension des argumentaires dans la discussion. A la clé, le développement par chaque étudiant d’une expertise thématique et, sans sectarisme mais l’esprit critique aux aguets, une discussion éclairée des sujets qui nous tiennent à cœur. Au cours du premier semestre 2011, cinq sujets ont retenu l’attention des étudiants et ont donné lieu à des fiches de lecture : - Quel capitalisme face au réchauffement climatique ? - Quelle réforme du système d’assurance maladie ? - La réforme de la fiscalité : quelles priorités ? - Le Conseil français du culte musulman : problème ou solution ? - L’opportunité d’un protectionnisme européen ? Pour toute information complémentaire concernant l’UEL, vous pouvez vous adresser à Olivier Baguelin ([email protected]) ou Annie Güç ([email protected]). 1 QUEL CAPITALISME FACE AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ? ► BASTIEN La population de la planète augmente et les inégalités de développement suivent le même rythme : l’homme peut-il diminuer les inégalités sociales et le réchauffement climatique sans freiner le développement humain ? L’OUVRAGE Fitoussi J.-P. et E. Laurent, La nouvelle écologie politique Economie et développement humain, La République des idées, Editions du Seuil, Septembre 2008 LE COMMENTAIRE DE BASTIEN, L2 DROIT À L’UEVE Cet essai est consacré au développement humain et à la démocratie comme garants de la réussite sociale écologique. Peut-on diminuer les inégalités sociales et le réchauffement climatique sans freiner le développement humain ? Oui, répondent Fitoussi et Laurent1, en développant la démocratie. Le système démocratique a fait ses preuves en matière de droit et libertés fondamentales mais qu’en est-il en matière écologique alors de ces pays démocratiques que sont l’Inde ou encore les Etats-Unis et qui polluent pour 50% la planète contre 4% l’Afrique ? La démocratie est-elle vraiment le passage obligé vers l’écologie ? Les auteurs tranchent pour un oui franc par une promotion sans faille de la démocratie mais si cela est possible en théorie, trop peu d’exemples pratiques viennent appuyer ce discours optimiste qui devient par la même difficile à appréhender par un œil peu connaisseur en sciences économiques. Cet ouvrage trouve sa légitimité dans le fait qu’il colle parfaitement aux questions actuelles. La vision de la société et de la place que doit y prendre l’écologie défendue par Fitoussi et Laurent est clairement marquée à gauche. Il est intéressant de mettre cette vision en relation avec le programme du Parti Socialiste pour 2012. Parmi les projets prioritaires se trouvent la mise en place d’une TVA éco-modulable (qui consiste à diminuer la TVA des produits non polluants et à augmenter celle des produits polluants, le principe pollueur-payeur), l’orientation vers la pêche et l’agriculture locale et le développement des énergies renouvelables pour sortir de la dépendance au nucléaire et au pétrole. Ce programme paraît proche de la ligne de Fitoussi et Laurent en reniant la décroissance mais en croyant à la solidarité pour rendre le système économique moins polluant. Au final, cet essai se veut donc enrichissant sur la place prépondérante que prennent les questions environnementales dans notre société mais il est difficile de suivre un fil directeur au long de la lecture. On trouve de plus quelques contradictions telles que la négation de l’Indice de Développement Humain dans le dernier chapitre puis son utilisation comme source dans une étude annexe. Il aura donc manqué à cet ouvrage une approche plus concrète des solutions à mettre en place en pratique mais les auteurs ont préféré se placer du début à la fin d’un point de vue très économique et donc très théorique. 1 Jean-Paul Fitoussi : Professeur d’université à l’institut d’Etudes Politiques de Paris depuis 1982, il est également le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) depuis 1989. Eloi Laurent : Diplômé de Paris IX Dauphine et de Sciences-po en premier lieu, il est économiste sénior et conseiller scientifique à l’OFCE, le centre de recherche en économie de Sciences-po. Il fût attaché parlementaire à l’Assemblée Nationale en 1999 et 2000 puis Collaborateur au cabinet du premier ministre Lionel Jospin de 2000 à 2002. 2 QUELLE RÉFORME DU SYSTÈME D’ASSURANCE MALADIE ? ► ASSIA Responsabiliser les personnes sur les petites dépenses de santé ; garantir à tous une couverture santé satisfaisante ; mutualiser les grosses dépenses L’OUVRAGE Geoffard P.-Y., La lancinante réforme de l’assurance maladie, Opuscule du CEPREMAP, Edition ENS rue d’Ulm, Paris, janvier 2006 LE COMMENTAIRE D’ASSIA, L2 DROIT À L’UEVE Dans l'introduction, l'auteur énumère les nombreuses réformes qu'a connues le système social français ; il montre que ces réformes n'ont pas été probantes, le déficit de la sécurité sociale restant de l’ordre de 12,3 milliards d’€. La dernière réforme en date est le Plan Douste-Blazy. Ce Plan implique le désengagement de l'Assurance maladie qui nous conduit à aller vers une privatisation des systèmes de santé et donc moins de remboursement. Ce qui pourrait conduire à deux choses : les personnes privées vont se tourner vers des assurances complémentaires ; les patients devront payer plus. On peut donc s'attendre à une baisse de la demande de soin. Le mouvement de réforme de l'assurance maladie a touché tous les pays européens. De toutes ces réformes, l’auteur retient trois principes : la régulation du système fait de plus en plus appel à la mise en concurrence encadrée par les caisses d'assurance maladie ; la participation aux dépenses augmente systématiquement sous des formes similaires ; le mode de rémunération des offreurs de soin prend de plus en plus une forme forfaitaire. L'auteur commence par donner l'exemple des Pays-Bas. La dernière réforme est le Plan Simon de 1991 qui prévoit que chacun doit choisir sa caisse d'assurance maladie parmi des offreurs privés. Des transferts financiers sont opérés entre les différentes caisses d'assurance. Il y a une double obligation d'assurance pour les assuré et pour les compagnies qui ont l'interdiction de refuser un assuré en raison de son âge, de son sexe, etc. En Suisse, le principe de concurrence entre les assurances maladie est très ancien : il date de 1911 même si plusieurs réformes sont intervenues pour l’encadrer. La loi de 1996 pose la double obligation. De même selon cette loi il y a une franchise annuelle qui détermine la part que paie le franchisé, l'assurance maladie couvre toute dépense supérieure à ce niveau de franchise. Le niveau de franchise est choisi par les assurés et même s'il peut y avoir des assureurs complémentaires, ceux-ci ont l'interdiction de couvrir la franchise. L’analyse économique révèle que l’assurance santé se heurte à des asymétries d’information. Il existe une corrélation positive entre le niveau d'assurance et le montant des dépenses de soin. Deux interprétations peuvent être faites de cette corrélation. On peut considérer que comme l'assuré sait qu'il est mieux couvert il augmente sa demande de soin : c’est l'effet d'incitation (aléa moral). On peut aussi penser que comme les personnes savent qu'elles sont en mauvaises santé elles décident de souscrire un contrat avec une couverture plus complète : c’est l'effet de sélection. 3 L'auteur tire de son analyse un certain nombre de conclusions pour mieux réguler le système de santé. Premièrement, il doit y avoir un arbitrage entre le partage des risques et l'incitation. L'assurance est un transfert de risque de l'individu vers un organisme collectif. Il y a donc une mutualisation des risques. Le transfert de risque entraine un transfert de responsabilité. On peut alors imaginer deux arrangements : soit l'assurance ne se charge que des soins les plus couteux, « les dépenses catastrophiques » ; soit elle fait 50-50 avec l'assuré indépendamment du genre de soin dont il est question. La solution ici est d'éviter une couverture complète de tous les soins qui ont tendances à entrainer une hausse de la demande ; le mieux est d'assurer une bonne couverture des soins les plus couteux dans lesquels il ne peut y avoir une hausse de la demande. Il faut donc laisser une petite part de risque a l'assuré mais garantir une prise en charge complète des « dépenses catastrophiques ». Comment y arriver ? Tout d'abord il faut selon l’auteur mettre en place une franchise annuelle que les assureurs complémentaires ne seraient pas autorisés à couvrir, franchise qui serait plafonnée pour les « dépenses catastrophiques ». En France il y a un début de franchise, c'est le ticket modérateur. Son action est cependant limitée car il est couvert par les assurances complémentaires ce qui lui retire tous son effet modérateur. Pour régler ce problème, il faudrait une coordination entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires. La solution serait donc un ticket modérateur d'ordre public, cette idée est régulièrement invoquée. Le Plan Douste-Blazy, met en place un tel mécanisme en limitant le champ de ce que les organismes complémentaires peuvent couvrir (« contrat responsable »). Autre problème, ce ticket modérateur s'applique toujours pareil peu importe le montant : il faudrait donc mettre en place un ticket modérateur modulable, pour ne pas pénaliser les assurés les plus malades, on peut même envisager de moduler le ticket modérateur en fonction du revenu. Au-delà des enjeux de responsabilisation, la couverture du système français reste insuffisante. Même si la Couverture médicale universelle (CMU) couvre les plus pauvres ce n'est pas assez car une partie de la population doit se débrouiller seule même pour les soins les plus lourds. La cotisation serait donc à moduler selon les revenus dans le cadre d'un organisme unique. Le système français prête en outre le flanc à des problèmes d'autosélection – un montant de cotisation élevé sélectionne les personnes aux dépenses de soin élevées. Les organismes quant à eux cherchent les clients les plus solvables : cela peut entrainer une exclusion des assurés à risques. La mutualisation des risques devient alors plus compliquée du fait de la pression concurrentielle. La loi peut interdire la tarification à risque et mettre en place comme en Suisse et aux Pays-Bas une double obligation : cotisation obligatoire pour les assurés ; couverture obligatoire pour les assureurs. Selon moi, P.-Y. Geoffard fait une bonne analyse de la situation française, il trouve de bonnes solutions à travers le ticket modérateur et la double obligation. Ceci pourrait être un bon début pour LA réforme idéal. L’auteur laisse cependant de côté la question de l'offre de soins qui semble pourtant importante. 4 ► MANON Mieux contrôler l’industrie pharmaceutique en faisant entrer l’usager dans les décisions de financement de la recherche et de tarification des médicaments L’OUVRAGE Pignarre P., Comment sauver (vraiment) la Sécu ; et si les usagers s’en mêlaient ?, La Découverte - Edition Sur le vif, Paris, mars 2004 LE COMMENTAIRE DE MANON, L2 DROIT À L’UEVE Le déficit de l’Assurance maladie devient insupportable : les dépenses augmentent trop vite et le vieillissement de la population va aggraver la situation. Les solutions proposées reviennent souvent à tenir l’usager pour responsable se comportant comme un consommateur de soins. Et dans cette optique, l’évidence serait qu’un système privé serait plus efficace qu’un système public. C’est en fait l’inverse qui est vrai selon P. Pignarre comme l’illustre le système américain, plus cher et moins efficace qu’en Europe. Le déficit de la « Sécu » serait, selon l’auteur, plus le résultat d’une offre de soins toute puissante que d’un dérèglement de la demande de soins des usagers. Pourquoi les nouveaux médicaments dont on ne sait même pas s’ils sont efficaces sont-ils cent fois plus chers que les médicaments de référence dont la production n’est plus protégée par un brevet ? Pour l’auteur, il ne s’agit pas de défendre la Sécu telle qu’elle est, car elle est selon lui actuellement au service de l’industrie pharmaceutique : il faut la remettre au service des usagers en s’intéressant au rôle qu’ils peuvent jouer dans l’invention et la diffusion de nouvelles thérapeutiques. L’auteur du livre offre ici une proposition intéressante de ce que pourrait être la réforme pour « sauver la Sécu ». Il prend le problème d’une façon différente des propositions entendues jusqu’alors. Au lieu de s’intéresser aux salaires et de s’interroger sur une possibilité de privatisation, celui-ci propose et démontre qu’en instaurant un système plus transparent, mieux contrôlé et démocratique, avec l’entrée des usagers dans le processus de délivrance des autorisations de mise sur le marché, il serait possible de réduire le manque à gagner que subit aujourd’hui la Sécurité sociale. Il observe plus largement que l’adoption de cette solution à l’échelle mondiale permettrait de baisser considérablement le prix des médicaments ce qui permettrait aux pays pauvres d’en bénéficier. Il s’agit d’une critique de l’impact de la logique capitaliste dans le domaine pharmaceutique qui tend à délaisser les pays pauvres au faible potentiel de consommation. L’industrie pharmaceutique aurait en effet perdu la nature même de ce à quoi elle est destinée : l’élaboration de médicaments permettant de soigner les populations. Elle est devenue une industrie du profit qu’il faut repenser et modifier afin d’accroître son efficacité créative et permettre une distribution de masse de médicaments essentiels comme les anti-infectieux dans les pays pauvres. On souffre en France d’une sur-médication inutile des personnes âgées ; aux Etats-Unis de mauvais résultats en termes de santé du fait du difficile accès aux traitements, conséquence du prix public très élevé fixé par les industriels. Tandis qu’en Afrique, on n’a pas du tout accès à certains médicaments. Il y a une mauvaise répartition du potentiel médical mondial. L’auteur propose de prendre exemple sur l’Association française des Myopathies (AFM) : 5 cela permettrait de donner un nouveau souffle à l’industrie pharmaceutique. Il s’agit de faire entrer l’avis des patients et publics concernés dans le processus de médication. Constatant une défaillance tant financière que sociale du système privé, l’auteur propose donc un système public dans lequel les usagers auraient leur mot à dire. Cela permettrait transparence, équité et efficacité. 6 LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ : QUELLES PRIORITÉS ? ► ALEXIS Un impôt portant à la fois sur les revenus du travail et du capital entièrement individualisé et prélevé à la source selon un barème progressif L’OUVRAGE Piketty T., C. Landais et E. Saez, Pour une révolution fiscale, La République des Idées, Le Seuil, Paris, janvier 2011 LE COMMENTAIRE D’ALEXIS, L2 ECONOMIE-GESTION À L’UEVE Dans cet ouvrage, T. Piketty, C. Landais et E. Saez dressent un état des lieux du système fiscal français (taxes et impôts payés par les résidents) et proposent une réforme radicale de l’impôt sur le revenu. Au système actuel, les auteurs reprochent un manque de transparence et une insuffisante progressivité. Le manque de transparence tient à la multiplicité des impôts, à la complexité de leur calcul et au foisonnement des niches fiscales (allègements d’impôt ciblés). Un impôt est dit progressif s’il demande plus, en proportion, à ceux qui ont plus : l’insuffisante progressivité du système fiscal français apparaît dans le développement des inégalités de revenu au cours des dernières décennies. Le revenu moyen est en France de 33 300€ par an et par adulte, soit 2 800€ par mois. Ce chiffre moyen cache de fortes disparités tenant à l'inégalité des revenus du travail et du capital (patrimoine). Le revenu est un flux ; le patrimoine, un stock. Le patrimoine national privé se définit comme la valeur totale de tout ce que possèdent les résidents français à une date donnée. Selon les chiffres de l'Insee et de la Banque de France, chaque adulte français possédait en 2010 en moyenne 182 000€ de patrimoine non financier et financier soit à peu près 6 années de revenu moyen. Ce patrimoine se scinde en deux parts égales : le logement (valeur des résidences principales et secondaires, nette des dettes) d'un coté, les actifs financiers et professionnels (que l'on pourrait assimiler à la valeur des entreprises) de l’autre. Ainsi, chaque adulte possède en moyenne 91 000€ en logement et 91 000€ en entreprises. Malgré la récente crise financière, la fortune des français n’a que légèrement baissé. Il faut revenir à la Belle Epoque (début du 20ème siècle) pour obtenir un patrimoine équivalant à autant d'années de revenus. Aujourd'hui, on peut dire que les patrimoines se portent très bien et ont beaucoup progressé au cours de la dernière décennie, à l'inverse des revenus du travail qui ont crû assez faiblement. Le patrimoine est très inégalement réparti. Les 50% de français les plus pauvres en patrimoine, soit 25 millions d'adultes représentent seulement 4% du patrimoine total avec environ 14 000€ par adulte. A l'inverse, les 10% de français les plus riches en patrimoine, environ 5 millions d'adultes, représentent 62% du patrimoine total. Les classes moyennes, situées entre ces deux dernières catégories (40% restant) ont un patrimoine représentant 34% du total. Le cœur du propos porte sur la fiscalité du revenu. Il s’agit de créer un nouvel impôt qui remplacerait la contribution sociale généralisée (CSG), l'actuel impôt sur le revenu des 7 personnes physiques mais aussi le prélèvement libératoire, la prime pour l'emploi et le bouclier fiscal. Ce nouvel impôt serait payé par tous les français, entièrement individualisé, prélevé à la source à la fois sur les revenus du capital et du travail (à l'image de la CSG) selon un barème d'imposition progressif (tout comme l'actuel impôt sur le revenu). La réforme proposée ne concerne ni une hausse, ni une baisse des impôts mais un impôt plus transparent et une meilleure redistribution : il s’agit de rendre la fiscalité socialement acceptable ! Un système faiblement progressif: décomposition par impôts 60% Taux d'imposition 50% 40% Cotisations sociales et taxes sur les salaires Impôts sur la consommation: TVA+autres Impôts sur le capital: IS+TF+ISF+DMTG 30% Très aisées Les 1% les plus hauts Impôts sur le revenu: CSG+IRPP Classes aisées Les 10% les plus hauts 20% Classes populaires Les 50% des revenus individuels les plus bas 10% Classes moyennes Les 40% du milieu P99,999-100 P99,99-99,999 P99-99,9 P98-99 P99,9-99,99 Percentiles de revenu individuel P97-98 P96-97 P95-96 P90-95 P80-90 P70-80 P60-70 P50-60 P40-50 P30-40 P20-30 P10-20 P0-10 0% Source : Piketty et alii (2011) Cette révolution fiscale se fonde sur 3 principes : L'équité : le principe "à revenu égal, impôt égal" prévaudrait grâce au prélèvement à la source et à la suppression des niches fiscales. Equité entre revenus du travail et du capital mais aussi entre hommes et femmes grâce à l'individualisation et à la suppression du quotient conjugal. La progressivité : il s’agit d’appliquer des taux effectifs d'imposition plus élevés pour les hauts revenus que pour les moyens et les bas revenus. La démocratie : un système fiscal qui appliquerait des taux effectifs d'imposition plus faibles pour les hauts revenus ne serait pas efficace ; la révolution fiscale proposée représente des gains de pouvoir d’achat pour la majeur partie de la population. ► IVAN « une telle réforme ne peut être conduite sans qu’un certain nombre d’étapes ne soient franchies. La première d’entre elles est la convergence des politiques budgétaires européennes au moins à l’échelle de la zone Euro. Nous en prenons le chemin. La seconde est l’acceptation par nos principaux voisins que nous sommes désormais inclus dans le périmètre d’un espace économique aux solidarités fiscales forcément partagées, au risque qu’une concurrence fiscale ne produise un effet dévastateur à tous. La troisième est la prise de conscience d’une lutte absolue contre le déficit de fonctionnement des états, autrement dit de refuser tout crédit à la consommation pour financer un train de vie que nous ne pouvons plus nous permettre. A cet égard, la France est probablement parmi tous les pays 8 de la zone euro celui pour qui le chemin à accomplir est le plus grand. » (Rapport Chartier 2011, p. 5) LE DOCUMENT Chartier, J. « Réflexion pour une convergence fiscale francoallemande », Commission des finances de l’Assemblée Nationale, décembre 2010 LE COMMENTAIRE D’IVAN, L2 ECONOMIE-GESTION À L’UEVE La question de la réforme fiscale s’ancre dans la crise financière de 2007 : cette crise a cassé la croissance, détruit des emplois et mécaniquement diminué les rentrées fiscales de l'État. Elle a touché principalement les plus défavorisés, a fait ressortir le contraste entre l'enrichissement permanent des plus aisés et l'appauvrissement des classes moyennes. Auparavant ceci était masqué par la croissance. Aujourd'hui le pouvoir d'achat des ménages stagne voire recule, ce qui accroît les inégalités. Cette question touche aussi au ressenti des Français qui ont le sentiment que les riches échappent à l’impôt (bouclier fiscal, défiscalisation des droits de succession, loi TEPA, etc.) : il y a un sentiment d’injustice fiscale. La crise a creusé les déficits de l'État : la dette française s'élève désormais à 1500 milliards d'€. La France doit réduire son déficit public c’est-à-dire diminuer ses dépenses et/ou augmenter ses impôts. Le dossier de la réforme fiscale couvre divers aspects : suppression du bouclier fiscal instauré en 2007 par Nicolas Sarkozy, de l’ISF, de certaines niches fiscales... On se concentre ici sur un des projets du gouvernement concernant la fiscalité du patrimoine. La crise financière, les plans de sauvetages auxquels elle a donné lieu et le déséquilibre persistant des finances publiques dans la quasi-totalité des États de l’Union Européenne invitent à poser la question de la fiscalité à l’échelle européenne : les politiques fiscales de nos partenaires européens sont ainsi l’objet d’une attention accrue. L’objectif est de rapprocher le régime fiscal français de celui en vigueur en Allemagne. Jérôme Chartier, député UMP membre de la commission des finances a été chargé d’avancer des propositions. Son rapport nourrit le débat sur la réforme de la fiscalité du patrimoine. Il y propose des mesures qui feraient selon lui « plus de gagnants que de perdants » sans réduire les ressources de l'État. Ce rapport se décompose en quatre parties : 1. Les principales bases de taxation en France et en Allemagne ; 2. Les grandes orientations de la politique fiscale allemande ; 3. Les points de convergence qu’il serait utile d’explorer du côté français ; 4. Quelques améliorations possibles qui permettraient d’accroître significativement la compétitivité de notre dispositif fiscal frappant le patrimoine des personnes physiques résidant sur le territoire national et disposant de revenus très confortables. 9 LE CONSEIL FRANÇAIS DU CULTE MUSULMAN : PROBLÈME OU SOLUTION ? ► DJAMILA Le CFCM peut être perçu comme un instrument de notabilisation de certains musulmans : aux dépens d’une vraie reconnaissance de l’Islam en France ? L’OUVRAGE Zarka Y.-C. (dir.), S. Taussig, et C. Fleury, L’Islam en France, Quadrige, PUF, Octobre 2008 LE COMMENTAIRE DE DJAMILA, L1 ECONOMIE-GESTION À L’UEVE Le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) est une association destinée à représenter les musulmans de France. Le conseil d'administration est élu pour trois ans par les délégués des mosquées dont le nombre est déterminé par la surface des lieux de culte. Le CFCM a pour objet : de défendre la dignité et les intérêts du culte musulman en France par tous les moyens légaux, notamment devant toutes les juridictions compétentes, en vue de poursuivre toute personne physique ou morale qui porterait atteinte aux valeurs, à la dignité et aux intérêts du culte musulman ; de favoriser et d’organiser le partage d’informations et de services entre les lieux de culte ; d’encourager le dialogue entre les religions ; d’assurer la représentation des lieux de culte musulmans auprès des pouvoirs publics. Au-delà de ces intentions cependant, l'institutionnalisation de la représentation du culte Musulman en France pose de nombreuses questions. Les contributions de F. Frégosi2 et N. Guénif Souilamas3 s’intéressent aux enjeux politiques voire électoralistes de la promotion du CFCM ; G. Kepel4 et O. Roy5 s’interrogent sur la cohérence de la redéfinition du CFCM au principe de laïcité. Selon Frégosi, la promotion du CFCM fait intervenir les intérêts (divergents) des acteurs à toutes les échelles. Toutes les institutions représentant la religion musulmane en France ménagent des alliances afin de consolider au maximum leur influence ; certaines institutions ont été mises en conflit, notamment l'Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) et la Mosquée de Paris. Les pouvoirs publics seraient eux-mêmes plus acteurs politiquement intéressés qu'arbitres impartiaux. Pour preuve de la faiblesse de l’ambition réelle du CFCM au-delà d’enjeux institutionnels, Frégosi souligne que la durée des mandats est beaucoup trop courte pour mettre en place un quelconque projet ; difficile voire impossible d’engager certains chantiers déterminants tels que la formation des cadres religieux en l’espace de 2 Frégosi, F. « Quelle organisation de l’Islam dans la République : institutionnalisation et/ou instrumentalisation ? » (p. 94). Franck Frégosi est chargé de recherche CNRS au laboratoire « Société, droit et religion en Europe » de l’Université Robert Schumann de Strasbourg et responsable scientifique de l'Observatoire du religieux. 3 Guérif-Souilamas, N. « Notabilisation et stigmatisation : une dangereuse oscillation » (p. 125). Fille d’immigrants algériens née en 1959 dans la banlieue Nord de Paris, Nacira Guénif Souilamas est maître de conférences à l’université Paris 13. Sa thèse de doctorat, primée dans le cadre du Prix Le Monde de la recherche universitaire, porte sur les descendants d’immigrants nordafricains en France. Ses travaux portent notamment sur le rapport entre immigration et intégration dans le contexte des sociétés postmodernes et postcoloniales, les normes et assignations identitaires, les discriminations et le racisme. 4 Kepel, G. « Identité confessionnelle et identité politique » (p. 137). Spécialiste de l'Islam et du monde arabe, Gilles Kepel est directeur de la chaire « Moyen-Orient Méditerranée » à l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris. 5 Roy, O. « Fondamentalisme et laïcité en miroir » (p. 143). Olivier Roy est professeur à l'Institut universitaire européen de Florence (Italie) où il dirige le Programme Méditerranéen ; il mène une réflexion sur les rapports entre le politique et le religieux qui s'attache principalement à l'Islam. 10 trois ans. Ce conseil ne serait en définitive qu’une assemblée de notables communautaires, de présidents d'associations et de gérants de salles de prières et non une véritable assemblée de religieux. On peut d’ailleurs observer la fragilité interne du CFCM avec la démission, en 2003, de son président de l’époque Dalil Boubakeur. La mise en place du CFCM est partie, selon N. Guénif-Souilamas, d'une bonne intention ; sa dérive serait intervenue lors de la « désignation » en 2003 de son président par le ministère de l’Intérieur… en contradiction avec les statuts du Conseil. L'auteur estime que le Conseil répond plus aux besoins de l'Etat qu’à ceux de la communauté musulmane de France : la notabilisation se serait substituée à la reconnaissance, ses membres y participant plus dans une perspective politique que cultuelle. L’Etat y voit un outil pour traiter des maux sociaux attribués à la communauté musulmane. O. Roy estime que la relance du CFCM en 2003, censée favoriser un Islam « moderne » et « libéral » a en pratique légitimé deux organisations « fondamentalistes » : la Fédération nationale de musulmans de France (FNMF) et l’UOIF. Ces organisations ne correspondent pas selon lui un Islam « immigré » mais à un salafisme en rupture avec les traditions cultuelles des pays musulmans. Cette erreur de l’Etat sanctionne selon O. Roy un écart à la loi de 1905 et au principe de laïcité. Il rappelle que la laïcité s’est plus construite dans le combat contre le religieux que dans le consensus : en cherchant à intégrer l’Islam dans le champ politique, la promotion du CFCM ferait le jeu des tenants d’un Islam politique… contre les musulmans ? 11 L’OPPORTUNITÉ D’UN PROTECTIONNISME EUROPÉEN ? ► LORENZO Le commerce mondial n’est pas l’antidote parfait à la pauvreté mais il serait illusoire de penser que l’autarcie puisse emmener la croissance L’OUVRAGE Cohen D., La mondialisation et ses ennemis, Grasset, Paris, février 2004 LE COMMENTAIRE DE LORENZO, L2 AES À L’UEVE La Mondialisation et ses ennemis est un essai qui traite des causes et conséquences de la mondialisation avec une approche historique en reprenant des exemples concrets au cours de l’Histoire. Cet ouvrage tente de répondre à certaines idées préconçues sur la mondialisation et ses conséquences sur les peuples. Le cheminement des idées et des arguments du texte suit un ordre chronologique tout en rappelant les spécificités de la mondialisation sur ces différentes époques. Les découvertes majeures (agriculture, alphabet, etc.) ne se sont pas faites qu’en une fois. C’est le contact plus ou moins fort et rapide entre peuples qui favorise leur diffusion. La mondialisation fait partie de l’histoire de l’humanité, il y a toujours eu des échanges entre les peuples. Plus la population est importante plus les inventions se multiplient, et grâce à celles-ci, la population continue à croître (croissance endogène). Plus les sociétés se complexifient au contact d’autres sociétés et plus elles s’immunisent contre les effets néfastes de cette complexification. Le propos de l’ouvrage de D. Cohen s’articule autour de trois moments « mondialisants » : la mondialisation par les conquêtes occidentales ; la mondialisation coloniale ; la « nouvelle économie monde ». Chacun de ces trois moments fait intervenir des avancées technologiques et/ou organisationnelles. La conquête de l’Amérique à partir du 16ème siècle repose par exemple sur le transport maritime, l’utilisation du fer et des chevaux par les armées européennes et sur une organisation hiérarchique non centralisée. Au 19ème siècle, la mondialisation s’appuie sur le chemin de fer et le télégraphe qui contribuent à réduire les distances : les populations occidentales émigrent vers les territoires « vides » (basse densité) et les prix de la plupart des biens du commerce mondial tendent à se rapprocher. Dans ce contexte, les stratégies protectionnistes sont perdantes ; c’est ainsi que l’Inde, dont le marché du textile a été « protégé » de la concurrence britannique jusqu’au milieu du 19ème siècle, a finalement vu sa production nationale complètement balayée par une offre beaucoup moins coûteuse. Le protectionnisme a empêché l’Inde de profiter de ses avantages et d’échanger les produits et nouvelles techniques qui ont fondé l’avantage britannique. La « nouvelle économie monde » correspond au moment « mondialisant » le plus récent. Il correspond à un commerce entre pays similaires, plus particulièrement entre pays riches. On échange des produits semblables en recherchant des économies d’échelle sur des marchés 12 étendus. Le concept de « nouvelle économie monde » est marqué par la place des services immatériels dans la création de valeur. Cela peut être illustré avec le cas de l’offre de chaussures de sport. A la fin du processus de production, le consommateur paye autant l’objet d’un point de vue matériel (production stricte du bien) qu’immatériel (conception du produit, campagne de publicité, etc.) : pour le producteur, « il coûte aussi cher de mettre la chaussure au pied du consommateur qu’il en a coûté de la fabriquer au sens plein du terme » (p. 95). Dans cette nouvelle économie, ce n’est pas la fabrication en tant que telle qui coûte mais le développement et la mise sur le marché des produits : ce sont des coûts fixes qu’un marché de grande taille permet d’amortir (économies d’échelle). L’auteur accorde au total beaucoup d’importance à expliquer d’une manière concrète et historique la mondialisation et son évolution. Les nombreux exemples sont utiles et faciles à comprendre. Le livre est particulièrement pertinent contre les stéréotypes de la mondialisation actuelle et l’impact négatif qu’elle aurait sur le développement des pays pauvres. Le point de vue de l’ouvrage est que les déséquilibres actuels tiennent plus à un défaut de gouvernance locale et globale qu’au processus de mondialisation en tant que tel. ► DAVID « Les règles d’un protectionnisme relatif qui ont dominé des années 1950 aux années 1970 n’ont pas empêché le développement de notre commerce international, bien au contraire. La combinaison malencontreuse de la libéralisation financière, assortie de la perte de la souveraineté monétaire, et du démantèlement des instruments protectionnistes a bien créé un contexte dépressif » (p. 81) L’OUVRAGE Sapir J., La Fin de l’Euro-libéralisme, Edition du Seuil, Janvier 2006 LE COMMENTAIRE DE DAVID, L2 AES À L’UEVE Dans cet ouvrage, J. Sapir6 traite principalement de l’économie européenne en dénonçant la stratégie « eurolibérale » telle que l’a incarné le projet de Traité constitutionnel européen (TCE) rejeté lors du referendum du 29 mai 2005. L’auteur interprète ce rejet comme un refus : des abandons de souveraineté7 en matières monétaire (monnaie unique et Banque centrale européenne indépendante) et budgétaire (traité d’Amsterdam 1997) d’une part ; des principes de concurrence et de libre-échange promus par le projet de TCE d’autre part. L’application de ces principes serait, selon J. Sapir, la cause d’un chômage de masse touchant certaines catégories sociales vulnérables au dumping sociale et aux délocalisations. 6 Jacques Sapir est directeur d'études à l'EHESS où il dirige depuis 1996 le Centre d'études des modes d'industrialisation (CEMI-EHESS). 7 « Quand on ne peut plus peser sur la politique de la Banque centrale et sur les taux d’intérêt, le financement du déficit budgétaire devient rapidement une charge exorbitante », Sapir (2006, p. 15). 13 L’auteur estime que le projet européen a été perverti par une idéologie libérale voyant dans le libre-échange et la concurrence des forces régulatrices satisfaisantes. Il revient en ce sens à l’analyse qu’en faisait Adam Smith (à travers la notion de « Main invisible ») pour souligner que le pouvoir autorégulateur de la concurrence n’est pas démontré… mais postulé ! Il n’y aurait donc pas de vérité scientifique derrière la stratégie libérale mais un acte de foi. Or la mise en œuvre pratique de cette stratégie n’aurait rien de concluant. L’auteur donne deux exemples touchant à la libéralisation d’activités préalablement assurées par des monopoles publics : l’électricité en Californie ; le rail en Grande-Bretagne. L’approvisionnement en électricité de la Californie a été gravement perturbé suite à sa libéralisation : celle-ci aurait causé une hausse des prix et la faillite de la compagnie assurant la distribution. Côté britannique, la libéralisation du rail aurait causé une succession d’accidents dramatiques ayant conduit… à sa renationalisation ! Ces exemples illustrent l’incapacité du libre marché à satisfaire le bien-être des populations. La situation de la France (marquée en 2005 par des émeutes en banlieues) tiendrait ellemême à son exposition à la conjoncture internationale accrue depuis le début des années 70 par la libéralisation des mouvements de capitaux et l’ouverture à un libre-échange mondialisé. Dans les dernières pages de son ouvrage l’auteur propose donc à l’Union Européenne de revenir à son projet initial en rompant avec les politiques antérieurs. L’auteur propose un retour à la souveraineté sociale et fiscale, garantissant que les citoyens restent maîtres, en dernier ressort, des choix de leurs sociétés. Cela passerait par des protections tarifaires pénalisant les pays qui se livrent au dumping social, écologique et fiscal. Il propose en ce sens de mettre en place à titre transitoire des montants compensatoires sociaux et fiscaux sur le modèle des anciens montants compensatoires monétaires. Enfin, il propose que la BCE soit ramenée sous le contrôle des autorités politiques des pays de la zone euro, en imposant à celle-ci de changer ses objectifs vers le plein emploi et la croissance. 14