bloc infra claviculaire : sa place est-elle réelle

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BLOC INFRA CLAVICULAIRE :
SA PLACE EST-ELLE RÉELLE ?
Vincent Minville, Aline Colombani
Département d’anesthésie et de réanimation. Centre hospitalo-universitaire de Toulouse, Hôpital Rangueil, 1, Avenue Jean Poulhès, 31400
Toulouse, France.
INTRODUCTION
Décrit au début du XXe siècle, le bloc infra claviculaire (BIC) a récemment
connu un engouement important lié aux avantages de cette technique. En effet,
le BIC permet une anesthésie efficace du plexus brachial permettant de réaliser
la chirurgie de l’ensemble du membre supérieur à l’exception de l’épaule, et ce,
sans avoir à mobiliser le bras à anesthésier [1]. Par ailleurs, le trajet de l’aiguille
reste à distance des structures neuro-vasculaires du cou, mais aussi reste extrathoracique avec un très faible risque de pneumothorax [2].
Cependant, devant le choix des techniques d’anesthésie locorégionale (ALR)
disponibles actuellement pour le membre supérieur, le BIC a-t-il réellement une
place dans l’arsenal technique de l’anesthésiste ?
1. EVALUATION DU BLOC INFRA CLAVICULAIRE
Il existe de nombreuses variantes techniques à la réalisation du BIC. On
peut schématiquement en différencier deux groupes :
• Les techniques dans lesquelles l’aiguille est dirigée vers la clavicule. Elles
sont a écarter car grevées d’un important taux d’échec [3], d’un grand risque
de ponction vasculaire [4], mais surtout d’un risque majeur de pneumothorax [5].
• Les techniques para-coracoïdes, où l’aiguille fuit le dôme pleural, ce qui diminue
le risque de pneumothorax [1, 6]. En effet, dans la technique du BIC en double
stimulation que nous décrivons ici [1], l’aiguille est introduite latéralement par
rapport au poumon [2]. En outre, la distribution restrictive de l’anesthésique
local à la région infra-claviculaire évite le bloc du nerf phrénique, du nerf récurrent ainsi que l’apparition d’un syndrome de Claude Bernard Horner [6, 7].
Le BIC en double stimulation a un taux de succès de 92 %, un taux acceptable pour la pratique d’une ALR (classiquement supérieur à 90 %), d’autant que
la localisation du BIC autorise la réalisation de blocs de complément en aval du
plexus brachial : au canal huméral par exemple qui avec un taux de succès au
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alentour de 95 % [8], permet d’augmenter le taux de succès global de l’ALR à
98 % [1]. La double stimulation, lors de la réalisation du BIC, augmente le taux
de succès par rapport à la mono-stimulation [9]. La recherche de trois réponses
nerveuses n’a en revanche aucun intérêt, car elle augmente les risques potentiels
de ponction vasculaire sans apporter de bénéfice en termes d’efficacité [10].
2. DESCRIPTION DU BIC
Après mise en place d’une voie veineuse périphérique, du monitorage de
surveillance réglementaire, et dans les conditions de sécurité pour la réalisation
d’une ALR, le patient est installé en décubitus dorsal la tête tournée du côté
opposé au membre à anesthésier, et le bras est posé sur l’abdomen ou laissé
dans une position au choix du patient s’il est traumatisé. Les repères osseux
sont faciles à palper quel que soit le morphotype du patient : la clavicule et le
processus coracoïde. Le point de ponction se situe à un centimètre en dessous de
la clavicule, et à un centimètre en dedans du processus coracoïde (Figure 1).
Figure 1 : Repères cutanés pour la réalisation du bloc infraclaviculaire.
Abréviation : Cl : Clavicule ; PC : Processus coracoïde ; PDP : Point De Ponction.
L’aiguille est introduite en direction du sommet du creux axillaire, avec un
angle de 45 à 60° par rapport à la peau. On stimule alors le nerf musculo-cutané
sur lequel on injecte 10 ml de solution d’anesthésique local. Puis l’aiguille est
retirée et redirigée médialement et postérieurement afin de rechercher une
réponse distale du nerf radial, soit du nerf médian soit du nerf ulnaire (Figure 2).
On injecte alors 30 ml de solution d’anesthésique local.
3. PLACE DU BLOC INFRA-CLAVICULAIRE
Pour l’anesthésie du plexus brachial sous anesthésie locorégionale, l’anesthésiste a, à sa disposition, trois techniques ayant fait preuve de leur validité
dans la littérature scientifique. Ce sont le BIC, le bloc axillaire et le bloc au canal
huméral. On retrouve des taux de succès variables pour ces trois techniques
en fonction de la définition du succès du bloc, mais ils restent toujours aux
alentours de 90 %.
A.L.R.
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Figure 2 : Dissection de la région infraclaviculaire. On voit que lorsque l’on part
du point de ponction en direction du processus coracoïde, on atteint le nerf musculo-cutané. On voit également que lorsque l’on se retire et que l’on se redirige
plus postérieur et plus médial, on atteint le reste du plexus brachial (faisceaux
postérieur, médian et latéral). Abréviations : Cl : Clavicule ; PC : Processus coracoïde ; PDP : Point De Ponction, Mc : Musculo-cutané ; FP : Faisceau Postérieur ;
FM : Faisceau Médian ; FL : Faisceau Latéral ; A : Artère ; V : Veine.
3.1. AXILLAIRE VS BIC
Le bloc axillaire est le bloc le plus utilisé dans le monde pour l’anesthésie du
plexus brachial. Cependant, bien qu’ayant un taux de succès similaire au BIC [11],
il reste bien moins confortable pour les patients [12]. Les patients perçoivent
également le bloc axillaire comme plus douloureux que le bloc au canal huméral [13]. Par ailleurs les taux de succès sont similaires [13] voire meilleurs pour le
bloc huméral [8]. Il semblerait donc licite d’exécuter un BIC ou un bloc huméral
plutôt qu’un bloc axillaire afin de réaliser une anesthésie du plexus brachial.
3.2. HUMÉRAL VS BIC
Le bloc huméral est une technique efficace et sûre. En effet, mis à part les
risques liés à l’injection de la solution d’anesthésique local dans l’organisme
(comme pour toute ALR), elle ne présente que le risque de ponction vasculaire.
Ce risque est faible et de toutes façons sans conséquences cliniques puisque
cette ponction se fait dans une zone aisément comprimable. En outre, par la voie
humérale les nerfs sont anatomiquement individualisés, permettant éventuellement une administration sélective de solutions d’anesthésique local différentes
sur chaque nerf selon le type de chirurgie. Ceci permet d’obtenir une analgésie
postopératoire ciblée aux nerfs impliqués dans la chirurgie sans bloquer tout le
membre supérieur [14]. Quand on compare le bloc huméral au BIC, on retrouve
des taux de succès identiques [15]. Cependant, bien qu’ayant un délai d’installation plus court, le bloc huméral est plus long a réaliser par rapport au BIC [15].
Ceci implique que même si le patient est disponible pour la chirurgie dans un
même délai, l’anesthésiste est plus rapidement libéré et peut ainsi être disponible
pour une autre procédure dans une zone proche. Enfin, l’avantage majeur du BIC
par rapport à l’huméral est la traumatologie : pas de mobilisation du membre
traumatisé, deux stimulations versus quatre (c’est-à-dire quatre mobilisations
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du foyer de fracture) [16]. De plus, en cas d’échec sur un nerf après un BIC,
l’analgésie est suffisante pour la mobilisation du bras, et permet de réaliser un
bloc huméral de complément sur les nerfs manquants, augmentant le taux de
succès de l’ALR chez un patient à l’estomac plein.
CONCLUSION
Le BIC a donc bien réellement une place dans l’arsenal thérapeutique de
l’anesthésiste. C’est une technique sûre, efficace, simple à réaliser, d’apprentissage facile [17], et surtout confortable pour le patient [16].
Bien que sa place de prédilection soit la traumatologie, il peut-être utilisé
pour toute la chirurgie du membre supérieur (du tiers inférieur de l’humérus à la
main) que ce soit en traumatologie d’urgence ou pour la chirurgie réglée.
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