SUISSE
vendredi 19 juillet 2013 3
SUISSE PAGE
NICOLETTE DE JONCAIRE
La hausse des taux sera, en prin-
cipe, favorable aux marges ban-
caires. Il convient toutefois d’être
nuancé car chaque banque a ses
particularités, un mix de produits
différents et une gestion du risque
de taux qui lui est particulière.
«Depuis trois à quatre ans, les taux
zéro ont sensiblement réduit les
marges sur les passifs bancaires»
confirme Christophe Cherdel,
responsable de l’ALM à la Banque
Cantonale Vaudoise. L’écart en-
tre revenus et charges sur les dé-
pôts de la clientèle est faible et ne
peut être augmenté sauf à impo-
ser des intérêts négatifs - ce qui re-
viendrait à demander aux clients
de payer pour maintenir leur
compte en banque. Si les taux re-
montent, les banques devraient
pouvoir reconstituer une partie
de leurs marges sur le passif. Tou-
tefois, «une hausse trop brutale
peut-être stressante car elle ne
peut être répercutée à la clientèle
qu’au rythme des renouvelle-
ments des crédits.» explique-t-il.
«La vitesse du mouvement des
taux est tout aussi critique que son
amplitude. A la hausse comme à
la baisse».
Une hausse des taux encourage-
rait certains clients à investir une
partie de leurs fonds aujourd’hui
au bilan des banques sur les mar-
chés. Toutefois celles-ci disposent
actuellement de beaucoup de li-
quidités (350 milliards de francs
au passif de la BNS et donc à l’ac-
tif des banques), ce qui leur per-
met de faire face à ces sorties. «Par
ailleurs, les banques suisses ne de-
vraient avoir que peu difficulté à
se refinancer compte tenu de leur
relative solidité financière et du
faible volume d’émissions en
francs suisses» ajoute Christophe
Cherdel.
En dépit des spécificités de cha-
que banque, la pentification de
la courbe des taux (taux courts
bas/taux longs élevés) devrait être
bénéfique aux activités de crédit
à condition que les mouvements
de taux ne soient pas trop abrupts.
Les grandes banques universelles
estiment être mieux protégées des
à-coups par la diversité de leurs
portefeuilles et jugent toutes deux
qu’une hausse des taux impactera
favorablement leurs résultats.
Dans son rapport financier de fin
d’année, UBS estimait que cha-
que point de pourcentage supplé-
mentaire (sur une hausse paral-
lèle des taux courts et longs) lui
rapporterait 342,5 millions de
francs sur le portefeuille bancaire.
Le rapport financier publié par
Credit Suisse pour 2012 estime
à 959 millions une variation de
100 point de base sur le porte-
feuille hors négociation. Les dif-
férences tiennent à un mix diffé-
rent et à des méthodologies
difficiles à comparer mais le mou-
vement a un effet très positif dans
les deux cas.
Sur la masse des dépôts d’UBS à
fin mars 2013, soit 382 milliards
de francs, une hausse de 25 points
de base peut générer un revenu
supplémentaire d’un milliard.
Même chose chez Credit Suisse
qui dégagerait 800 millions des
317 milliards de dépôts enregis-
trés à la fin du premier trimestre.
De manière plus générale, Les
banques centrées sur la gestion de
fortune bénéficieront de la hausse
des taux et elles gagneront en re-
venus sur les portefeuilles d’in-
vestissement et les prêts Lombard,
selon Daniel Pfister et Guido Ver-
sondert d’Independent Credit
View.
Mais «certaines banques pour-
raient éprouver de la difficulté à
exploiter la hausse des taux si el-
les sont chargées de lourds por-
tefeuilles hypothécaires révisables
tous les cinq ou dix ans» expli-
quent Daniel Pfister et Guido
Versondert. «Surtout si elles n’ont
pas pris de précautions suffisan-
tes pour couvrir le risque de trans-
formation et que l’asymétrie des
échéances est mal couverte»
ajoute Yann Goffinet, analyste des
actions du secteur financier, chez
Pictet. Ce qu’il estime probable
dans le cas de certaines banques
régionales.
Hausse des taux signifie presque
automatiquement baisse de la va-
leur de l’immobilier car la de-
mande se fait plus rare. Entre, flé-
chissement de la valeur des biens
sur laquelle sont adossés les hypo-
thèques et difficultés croissantes
des emprunteurs à rembourser
des intérêts en hausse, la qualité
des portefeuilles risque de
s’amoindrir. «A moyen et long-
terme, les taux plus élevés peu-
vent causer une baisse de la qua-
lité des actifs, une hausse de la
probabilité de défaut. Un coût
croissant du risque de crédit que
nous pensons être inhérent à un
certain nombre de bilans bancai-
res suisses» confirment Daniel
Pfister et Guido Versondert.
Les produits indexés (sur le Libor
ou autres taux de référence) ap-
porteront des marges supplémen-
taires mais les prêts aux entrepri-
ses dépendront de la croissance.
Si elle se maintient, ces derniè-
res seront amenées à investir et
donc à emprunter. La hausse des
taux est généralement interpré-
tée comme un signal de crois-
sance. A moins de se trouver dans
le pire cas de figure: une hausse
des taux accompagnées d’une dé-
flation- comme en Italie ou en Es-
pagne en raison de la crise euro-
péenne -, un scénario dont la
probabilité est faible en Suisse.
Par contre, les portefeuilles obli-
gataires souffriront et cette dété-
rioration se verra rapidement sur
les bilans des banques qui les va-
lorisent au prix du marché. «La
dette à long terme de 1e classe en
francs suisses pourraient, en cas
de hausse probable des taux d`in-
térêt, faire partie des titres à taux
fixe qui souffriraient le plus. Cela
vaut en particulier pour les em-
prunts qui ne sont pas assurés
contre les variations monétaires»,
relevait il y a quelques jours le
CIO d’UBS, Alexander Fried-
man. A noter, cette détérioration
ne sera pas nécessairement visi-
ble sur le bilan des banques dont
les normes comptables les autori-
sent à réescompter les titres dé-
tenus jusqu’à leur échéance
(HTM: Held to Maturity). La
hausse devrait également affecter
négativement les fonds propres.
Il est certain que les banques ne
pourront gagner sur tous les
fronts et que la marge totale dé-
pend de la structure du bilan. En
tout état de cause, les résultats se-
mestriels qui seront publiés la se-
maine prochaine ne devraient pas
encore réellement refléter une
hausse des taux encore trop ré-
cente.
Effet des taux longs sur les marges
BANQUES SUISSES.
Elles devraient pouvoir reconstituer une partie de leurs marges sur le passif. Tout le reste dépend du mix de produits.
LUKAS GÄHWILER. UBS perdait
près d’un milliard de francs
sur les dépôts. Entre 2008 et 2012.
CERTAINES BANQUES
POURRAIENT ÉPROUVER
DES DIFFICULTÉS
SI ELLES SONT
CHARGÉES DE LOURDS
PORTEFEUILLES
HYPOTHÉCAIRES.
Le Tribunal
fédéral rejette
le recours
DIFFÉREND.
Norinvest
Holding contestait
le résultat de la procédure
arbitrale rendue
le 8 mars 2013.
IAN HAMEL
En quelques lignes, par un arrêt
du 15 juillet 2013, la Cour de
droit civil du Tribunal fédéral re-
jette le recours, déposé par Nor-
invest Holding SA, contre la sen-
tence rendue le 8 mars 2013 par
le Tribunal arbitral, siégeant sous
l’égide de la Chambre de com-
merce, d’industrie et des services
de Genève. Par ailleurs, Norin-
vest devra verser aux «intimés,
créanciers solidaires », une indem-
nité de 50.000 francs à titre de dé-
pens.
L’affaire remonte à 2010, Norin-
vest Holding (NIH), qui a acquis
l’année précédente la Banque de
Patrimoines Privés Genève
(BPG), déclare que les actifs en
gestion n’atteindraient pas
1,4 milliard de francs, mais moins
de 600 millions. Sur le montant
de la transaction (46,2 millions de
francs), 22,7 millions sont alors
déposés sur un compte «séques-
tre». Dans sa sentence, en mars
dernier, le Tribunal arbitral ordon-
nait que NIH libère la somme blo-
quée sur le compte «séquestre» et
y ajoute un solde de prix de vente
de 7,6 millions de francs. Ce paie-
ment complémentaire porte ainsi
le prix de vente total de la BPG
à 53,8 millions de francs.
Le niveau de rentabilité préservé
par un volume d’activité soutenu
BCN.
La banque a réalisé
un bénéfice net
de 21 millions de francs
en hausse de 5%
sur un an
au premier semestre.
La Banque cantonale neuchâte-
loise (BCN) a réalisé au premier
semestre 2013 un bénéfice net de
21 millions de francs, en hausse
de 5% sur un an, a-t-elle annoncé
hier. L’établissement bancaire es-
compte une «augmentation à un
chiffre» du bénéfice pour l’exer-
cice 2013 même si le deuxième
semestre s’annonce moins solide,
a indiqué son directeur général
Jean-Noël Duc. «Nous avons été
surpris en bien par les chiffres du
premier semestre», a ajouté Jean-
Noël Duc. «Nous sommes très sa-
tisfaits des résultats réalisés dans
un contexte difficile et alors que
les produits d’intérêt, notre prin-
cipal segment, ont diminué», a-t-
il déclaré.
Jean-Noël Duc attribue cette
baisse non pas à une diminution
des nouvelles hypothèques mais
«à des taux plus bas dans le renou-
vellement des hypothèques an-
ciennes». «Si les taux restent in-
changés, cela pourrait peser sur
nos marges à l’avenir», a-t-il pré-
cisé. Le bénéfice brut s’inscrit à
33,8 millions de francs, en hausse
de 8,8% sur un an. Le niveau de
rentabilité a été préservé en rai-
son d’un volume d’activité sou-
tenu, d’une augmentation des re-
venus du Private banking
(opérations de commissions) et
d’une réduction des coûts, selon
la banque.
La somme du bilan croît de 6% par
rapport à fin 2012 pour s’établir à
9 milliards de francs. Les fonds dé-
posés par la clientèle se chiffrent
à 5,7 milliards de francs, en aug-
mentation de 4,6%. Les crédits hy-
pothécaires ont augmenté de 3,1%
par rapport à fin 2012 pour s’éta-
blir à 1,2 milliard de francs. Les
prêts à la clientèle commerciale
augmentent de 5,8% pour attein-
dre 6,3 milliards de francs. Dans ce
poste, l’augmentation se chiffre à
«79 millions, soit 7,9% si l’on prend
en compte uniquement les entre-
prises», a précisé son directeur gé-
néral. La BCN conserve «une stra-
tégie neuchâteloise» en s’adressant
prioritairement aux résidents du
canton et à leurs investissements,
a indiqué Jean-Noël Duc. D’où l’ac-
cent mis sur les opérations hypo-
thécaires et les prêts accordés à la
clientèle commerciale. «Notre am-
bition pour les cinq ans à venir est
de doubler les prêts: nous voulons
être présents pour les PME», a dé-
claré Jean-Noël Duc. D’où une vo-
lonté de gagner des parts de mar-
ché dans ce secteur, avec par
exemple, «un produit destiné au
PME». «Nous prenons plus de ris-
ques par exemple dans les cas de
rachat de l’entreprise par les cadres,
en demandant moins de fonds pro-
pres et en tablant sur la personna-
lité des entrepreneurs», a indiqué
Jean-Noël Duc. Le produit d’ex-
ploitation a augmenté de 3,8% sur
un an à 64 millions de francs.
Dans le détail, les produits d’inté-
rêts ont reculé de 2,3% à 44,4 mil-
lions de francs, alors que les opé-
rations de négoce ont baissé de
7,2% à 4,5 millions de francs. Les
recettes tirées des opérations de
commissions ont bondi de 11,9%
à 11,6 millions de francs. «Nous
avons plusieurs opérations inté-
ressantes et encaissé de bonnes
commissions», a précisé Jean-
Noël Duc. L’objectif de la BCN
vise à ce que «le Private banking
représente 20% des revenus», a-t-
il indiqué. La BCN dispose de 600
mandats de gestion et collabore
avec la Banque cantonale zuri-
choise dans ce domaine. Au ni-
veau des charges, les coûts d’ex-
ploitation ont baissé de 1,4%,
démontrant «l’efficacité de la po-
litique de maîtrise des coûts».
Enfin, l’établissement bancaire a
alloué un montant de 8,3 millions
de francs à la réserve pour risques
bancaires généraux contre
4,3 mio en 2012. Mais le montant
des correctifs de valeur, provisions
et pertes, qui prendrait en compte
une éventuelle amende, ne s’éta-
blit qu’à 128.000 francs. «Nous ne
sommes pas concernés par le
conflit fiscal avec les Etats-Unis»,
a conclu Jean-Noël Duc.
LLB: prévision d’une
chute de 76% du bénéfice
La Liechtensteinische Landes-
bank (LLB), cotée à la Bourse
suisse, a émis hier un avertisse-
ment sur bénéfice pour le 1er se-
mestre 2013. Il est notamment lié
à la provision de 31 millions de
francs constituée pour régler un
litige fiscal avec les Etats-Unis. Se-
lon des données encore provisoi-
res, l’établissement liechtenstei-
nois prévoit ainsi une chute de
76% de son bénéfice semestriel
comparé à la période de référence
de 2012, à 14 millions de francs.
Les produits d’exploitation sont
pour leur part attendus en hausse
de 35%, à 280 millions de francs.
Fin juin, la LLB gérait des actifs
de la clientèle pour 50,5 milliards
de francs, en hausse de 1% durant
le semestre sous revue. – (ats)
SZKB: résultat net
en baisse de 19,3%
La Banque cantonale de Schwytz
(SZKB) a vu son bénéfice net plon-
ger au 1er semestre. Il est ressorti à
32,1 millions de francs, en baisse
de 19,3% sur celui de la période de
référence de 2012, a annoncé jeudi
l’établissement. Celle-ci avait tou-
tefois bénéficié de recettes extra-
ordinaires liées à l’immobilier. Le
bénéfice brut, reflet de la perfor-
mance de l’établissement, s’est lui
aussi sensiblement replié, de 20,2%
à 56,5 millions de francs, pour des
produits bancaires bruts en baisse
sur un an à 106,5 millions. – (ats)
LE PRIVATE BANKING
REPRÉSENTE 20%
DES REVENUS
SELON JEAN-NOËL DUC.
WEGELIN: repentir
de Konrad Hummler
La banque privée Wegelin a fait
naufrage pour n’avoir pas vu ve-
nir les changements qui se dessi-
naient dans les affaires bancaires,
estime Konrad Hummler. L’an-
cien associé-gérant principal de
l’établissement reconnaît aussi des
erreurs, et admet qu’il s’est sur-
estimé. Dans une interview à la
Weltwoche parue hier, M. Wege-
lin dit qu’existait «un sentiment
d’invulnérabilité». Comme pa-
tron, sa part de responsabilité est
de «100 pourcent». Il ajoute avoir
sous-estimé le danger des sanc-
tions américaines. La banque We-
gelin n’a pas réalisé qu’en prenant
part au système financier lié au
dollar, elle devait de facto se sou-
mettre à la législation américaine.
Elle n’a pas su voir qu’une menace
de plainte des autorités des Etats-
Unis pouvait suffire à envoyer
une banque suisse dans l’au-delà,
explique M. Hummler. Dans cette
interview, il ne conteste par ail-
leurs pas que la banque Wegelin
a utilisé les différences entre les
législations américaine et suisse
pour réaliser des affaires. Son éta-
blissement a continué à opérer
dans la conviction de la souverai-
neté de l’Etat de droit sur son pro-
pre territoire, alors même que les
standards légaux suivaient la voie
d’une globalisation rapide. La ban-
que privée s’était sabordée le 27
janvier 2012.