D O S S I E R T H É M A T I Q U E Traitement chirurgical de l’ascite réfractaire du cirrhotique ● O. Farges* P O I N T S F O R T S P O I N T S F O R T S ■ La transplantation hépatique est le traitement le plus radical de l’ascite réfractaire et doit être systématiquement évoquée chez les patients de moins de 60 ans ayant une cirrhose, avec insuffisance hépatocellulaire, qui n’est pas susceptible de s’améliorer. Le TIPS semble être le meilleur traitement de l’ascite dans l’attente de cette transplantation, en cas d’échec ou d’impossibilité du traitement médical. ■ L’anastomose porto-cave chirurgicale est devenue un traitement exceptionnel de l’ascite réfractaire, en raison de ses risques et des alternatives thérapeutiques (TIPS et transplantation). ■ La dérivation péritonéo-jugulaire reste indiquée chez un très faible pourcentage de patients ayant une ascite réfractaire sans insuffisance hépatocellulaire. Elle doit s’accompagner d’une évacuation peropératoire de l’ascite et d’une antibioprophylaxie qui réduisent l’incidence des troubles de l’hémostase et de l’insuffisance cardiaque postopératoires. Le taux de récidive de l’ascite est d’environ 50 % à 1 an. Une thrombose du shunt apparaît chez environ 80 % des patients à 2 ans mais ne s’accompagne pas toujours d’une récidive de l’ascite. ne ascite survient chez 50 % des patients au cours des 10 ans qui suivent le diagnostic d’une cirrhose compensée et en représente donc la complication la plus fréquente (1). Le caractère réfractaire de l’ascite concerne environ 10 % des patients (2, 3). Lorsque l’ascite devient réfractaire, les survies à 6 et 12 mois sont respectivement de 50 et 25 % (4). Outre les ponctions itératives et le shunt porto-systémique par voie transjugulaire (TIPS) qui font l’objet d’un chapitre séparé, l’ascite réfractaire peut être accessible à trois autres traitements qui sont chirurgicaux : U * Service de chirurgie digestive et de transplantation hépatique, université Paris VII, hôpital Beaujon, Clichy. 200 - l’anastomose porto-cave ; - la dérivation péritonéo-jugulaire ; - la transplantation hépatique. ANASTOMOSES PORTO-CAVES CHIRURGICALES L’anastomose porto-cave (APC) est un traitement classique et très efficace de l’ascite réfractaire du cirrhotique (5). L’importance du geste opératoire, dont il existe actuellement une alternative moins invasive par le TIPS, et le risque de complications précoces et d’encéphalopathie à long terme ont conduit au presque abandon de cette technique qui n’est plus actuellement réalisée que par un très faible nombre d’équipes. Principe et conséquences Les dérivations porto-systémiques latéro-latérales agissent sur l’ascite en diminuant la pression dans les veines du territoire portal, dans les capillaires intestinaux et dans les sinusoïdes hépatiques (5). Les deux dérivations les plus utilisées sont l’anastomose porto-cave latéro-latérale et l’anastomose mésentéricocave par greffon interposé. La réalisation d’une anastomose porto-cave latéro-latérale peut être compliquée par l’épaississement du péritoine, du fait de l’ascite, et par l’hypertrophie du lobe de Spiegel qui éloigne la veine porte de la veine cave. L’utilisation d’un greffon veineux ou prothétique permet de contourner cette difficulté. En revanche, l’anastomose porto-cave termino-latérale est moins efficace pour diminuer la pression portale intrahépatique, elle peut même l’augmenter et être responsable d’une majoration au moins transitoire de l’ascite (6). L’intervention de Warren (anastomose spléno-rénale distale), dont l’objectif est de maintenir un certain degré d’hypertension mésentérico-porte, est également inadaptée au traitement de l’ascite. Risques et surveillance postopératoires La mortalité postopératoire est passée de 15 à 40 % dans les années 1960 - 1970 à environ 5 % dans les séries les plus récentes (7, 8). La principale cause de décès est l’insuffisance hépatocellulaire. Les principales complications postopératoires précoces, dont l’incidence est corrélée au stade de la cirrhose, sont un ictère ou une encéphalopathie transitoires et l’infection du liquide d’ascite qui surviennent respectivement chez 57, 33 et 7 % des patients (7). La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 4 - vol. III - septembre 2000 Résultats à long terme Les deux principales études récentes (7, 8) (tableau I) sur le traitement de l’ascite réfractaire par APC sont concordantes dans l’appréciation du risque opératoire (mortalité de 5 à 6 %) et de l’efficacité sur le contrôle de l’ascite (98 à 100 %). La disparition de l’ascite est habituellement retardée de 1 à 2 mois. Les principales causes d’échec sont la thrombose de l’anastomose et une insuffisance cardiaque. Celle-ci doit être recherchée en préopératoire, en particulier chez les patients ayant une cirrhose alcoolique. Ces deux études sont en revanche discordantes sur le risque d’encéphalopathie (15 versus 50 %) et la survie à long terme (88 versus 36 % à 3 ans). Cette discordance peut être expliquée par une différence dans la définition de l’ascite réfractaire, la sévérité de l’hépatopathie et l’association à une altération de la fonction rénale. Un autre point commun à ces deux études, provenant pourtant d’équipes spécialisées dans le traitement de l’hypertension portale, est le faible nombre de patients sélectionnés. Dans l’étude d’Orloff en particulier (8), cette indication n’a été retenue en moyenne que pour un patient par an et ne représentait que 2 % des APC latéro-latérales. Tableau I. Résultats des anastomoses porto-caves dans le traitement de l’ascite réfractaire du cirrhotique. Période d’inclusion Nombre de patients Score de Child Pugh Franco et al. (7) Orloff et al. (8) 1971-1985 1963-1996 57 34 B 81 % 68 % C 19 % 32 % Mortalité hospitalière 5% 6% Disparition de l’ascite 98 % 100 % 15 % Encéphalopathie Survie Total 50 % Sévère 22 % 6% 1 an 72 % 92 % 3 ans 36 % 88 % 5 ans 25 % 75 % Conclusions L’ascite réfractaire n’est qu’exceptionnellement une indication d’APC. Elle peut être indiquée : en cas de contre-indication à une transplantation et d’échec d’un TIPS ou d’une dérivation péritonéo-jugulaire, en particulier chez les patients ayant des antécédents d’hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes et n’ayant ni insuffisance hépatocellulaire sévère ni encéphalopathie. DÉRIVATIONS PÉRITONÉO-JUGULAIRES La dérivation péritonéo-jugulaire (DPJ) a été développée dans sa forme actuelle par LeVeen et al., en 1974, comme un traitement physiologique de l’ascite. Ce traitement a connu un grand succès dans les années 1970 - 1980, mais cet enthousiasme a considérablement diminué à la suite d’études rapportant une incidence La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 4 - vol. III - septembre 2000 de complications précoces d’environ 50 %, une thrombose presque inéluctable du shunt à moyen terme et l’absence de bénéfice sur la survie. Principe et conséquences Le principe de la DPJ est de réaliser une réinfusion continue d’ascite dans la veine cave supérieure. Le dispositif est constitué d’un large cathéter multiperforé que l’on place dans la cavité péritonéale, et d’un cathéter de plus faible diamètre dont l’extrémité est placée, via la veine jugulaire, dans la veine cave supérieure le plus près possible de l’oreillette droite. Ces deux cathéters sont solidarisés par l’intermédiaire d’une valve unidirectionnelle, fonctionnant lorsque le gradient de pression entre la cavité abdominale et la veine cave est de 3 à 4 mm de mercure. Ce gradient peut être augmenté, soit en assurant une compression abdominale par une sangle, soit en favorisant la dépression thoracique par une kinésithérapie respiratoire. À l’inverse, une insuffisance cardiaque droite limite l’importance de ce gradient et représente donc une contre-indication à sa réalisation. Les autres contre-indications sont l’obstruction des veines jugulaires, l’infection du liquide d’ascite et les anomalies sévères de l’hémostase. Les conséquences d’une dérivation péritonéo-jugulaire sont : – sur le plan hémodynamique, une augmentation du volume plasmatique, du débit cardiaque, du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire, ainsi qu’une diminution des résistances vasculaires périphériques et, à terme, de la pression sinusoïdale ; – sur le plan hormonal, une diminution des concentrations sériques ou plasmatiques de catécholamines, de rénine et d’aldostérone ; – sur le plan métabolique, une augmentation de la clairance de la créatinine, de la diurèse et de la natriurèse ainsi qu’une amélioration du bilan azoté. Risques et surveillance périopératoires La mortalité périopératoire est habituellement comprise entre 5 et 50 % et corrélée à l’importance de l’insuffisance hépatocellulaire (9, 10). Elle est de 100 % lorsque la bilirubinémie est supérieure à 60 µmol/l et que les facteurs de coagulation sont inférieurs à 30 % (9, 11). Le taux de complications est compris entre 30 et 40 % (10, 12). Les principales complications précoces sont les troubles de l’hémostase, le sepsis, les hémorragies digestives hautes, l’insuffisance cardiaque et hépatocellulaire. Les troubles de l’hémostase sont liés à la présence de substances procoagulantes dans l’ascite, responsables d’une coagulation intravasculaire disséminée (13). Celle-ci se traduit par des ecchymoses le long du trajet sous-cutané du cathéter. Les conséquences cliniques plus graves sont habituellement évitées par l’évacuation peropératoire de l’ascite et sa substitution par du sérum physiologique (14). La moitié des complications infectieuses sont liées au staphylocoque doré (15), et leur incidence est réduite par une antibioprophylaxie. Les septicémies ne sont pas toujours contemporaines d’une infection du liquide d’ascite. Celle-ci est favorisée par une fuite au niveau de la cicatrice abdominale. Le diagnostic précoce est essentiel mais peut être difficile en postopératoire dans la mesure où les signes cliniques sont sou201 D O S S I E vent absents. Une augmentation de la concentration de polynucléaires dans l’ascite supérieure à 250/mm3 reste le critère le plus fiable (16). L’infection de l’ascite doit conduire au retrait du shunt. L’insuffisance cardiaque et l’œdème pulmonaire en particulier sont favorisés par une insuffisance cardiaque préalable ; leur incidence est réduite par l’évacuation peropératoire de l’ascite et l’administration postopératoire de diurétiques. L’ascite disparaît précocement chez la majorité des patients. Les arguments en faveur de la perméabilité du shunt sont : – cliniquement, une augmentation de la diurèse, une diminution du poids ; – biologiquement, une augmentation de la natriurèse, une thrombopénie et une diminution du taux de prothrombine. Une obstruction précoce du shunt est observée chez 10 % des patients. Elle justifie une réintervention de principe à la recherche d’une plicature ou d’une malposition du cathéter. R T H É M A T I Q U E Tableau II. Résultats de deux études prospectives contrôlées comparant dérivations péritonéo-jugulaires (DPJ) sans ou avec extrémité en titane et traitements médicaux chez les patients cirrhotiques ayant une ascite réfractaire. Gines et al. (12) Traitement médical DPJ Gines et al. (20) Traitement médical DPJ titane Nombre de patients 41 48 42 39 Première hospitalisation Mortalité (%) Morbidité (%) Durée (jours) 7 22 11 12 31 19 3 26 12 8 38 29 Réhospitalisation (%) Ascite (%) Délai (médiane, mois) Nombre de réhospitalisations pour ascite Encéphalopathie (%) Infection (%) Hémorragie (%) 97 79 2 125* 37 24 16 88 59 8 38 26 36 9 90 71 2 193* 22 22 22 78 42 12 43 17 28 11 Durée totale d’hospitalisation 48 44 50** 68 Survie un an (%) 57 43 52 60 Survie à 3 ans (%) 57 43 52 60 * p < 0,001. ** p = 0,05. Tous les autres résultats ne sont pas significativement différents. Résultats à long terme La DPJ est habituellement très efficace dans les 6 premiers mois qui suivent sa mise en place ; elle entraîne une disparition presque complète de les autres patients, elle reste asymptomatique mais peut gêner la l’ascite et une très nette amélioration de l’état nutritionnel et réalisation ultérieure d’une transplantation hépatique. immunitaire (17). Cependant, une récidive est observée chez 30 Les résultats des études contrôlées comparant DPJ et traitements à 80 % des patients après un délai médian compris entre 8 et 18 médicaux (10, 12, 20) sont concordants (tableau II). La DPJ est mois (9, 10, 12). La moitié des récidives sont secondaires à une associée : à un risque opératoire comparable (10, 12, 20) ou un peu obstruction du shunt au niveau de la valve, du cathéter veineux plus élevé (4), en particulier chez les patients n’ayant pas d’insufou de la veine cave (9, 12). L’obstruction de la veine cave par un fisance hépatocellulaire, à une disparition plus rapide et plus caillot peut être responsable d’embolies pulmonaires (18) ou d’un durable de l’ascite, pour une durée d’hospitalisation et un coût comsyndrome cave supérieur mais ces complications semblent rares. parables. En revanche, la DPJ ne prolonge pas la survie (10, 12, Quelle qu’en soit la cause, la probabilité d’obstruction de la valve, 20) qui est principalement corrélée au stade de la cirrhose et à son si l’on n’explore que les seuls patients ayant une récidive de étiologie. Chez les patients ayant une cirrhose alcoolique, le sevrage l’ascite, est de 40 % à 1 an et de 50 à 60 % à 2 ans (12). Ce chiffre de l’alcool entraîne fréquemment une amélioration significative de est en fait beaucoup plus élevé, car la moitié des patients n’ayant la fonction hépatique. Les causes de décès sont les mêmes que plus d’ascite ou une ascite résiduelle minime ont également une celles d’un groupe contrôle. Les incidences des hémorragies digesobstruction de leur shunt (19), si bien qu’au total, seuls 15 à tives par rupture de varices œsophagiennes et d’infection du liquide 20 % des patients vivants à 2 ans gardent un shunt perméable. d’ascite ne sont en particulier pas augmentées. Les modifications techniques telles que l’addition d’un embout Indications en titane sur le versant veineux du cathéter ou d’une pompe sous● L’ascite réfractaire non compliquée peut être une indication cutanée (valve de Denver ou de Cordis-Hakim) n’ont pas réduit de DPJ chez les patients qui ne sont pas candidats à une transl’incidence de thromboses (20, 21). Le non-fonctionnement de plantation et lorsque les ponctions d’ascite itératives sont contrela dérivation peut être confirmé par l’injection de produit de indiquées ou rendues difficiles par la présence de cicatrices abdocontraste dans le cathéter sous-cutané ou par l’injection intrapéminales ou l’éloignement géographique. Des études récentes sur ritonéale de microsphères radioactives (22). En l’absence de le pronostic à long terme de ces valves permettent d’être encore thrombose cave, ces obstructions peuvent être traitées par la mise plus sélectif sur ces indications. La survie est corrélée à un antéen place d’une nouvelle valve (23). cédent d’hémorragie digestive par rupture de varices œsophaUne péritonite encapsulante apparaît chez 38 % des patients (24). giennes (25) ou d’infection spontanée du liquide d’ascite Dans la moitié des cas, elle est symptomatique, responsable (25, 26), à une concentration de protides dans l’ascite inférieure d’occlusions dont le taux de mortalité peut atteindre 50 %. Chez 202 La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 4 - vol. III - septembre 2000 à 15 g/l (26), à l’existence d’une insuffisance rénale et au degré d’insuffisance hépatocellulaire (25, 27). ● L’ascite thoracique peut, comme l’ascite péritonéale, être traitée par des ponctions itératives. Celles-ci sont cependant associées à un taux élevé de complications iatrogènes et sont rapidement responsables d’un cloisonnement de l’épanchement qui complique les ponctions ultérieures. Ces ascites peuvent être efficacement traitées dans près de 80 % des cas par la mise en place d’une DPJ associée ou non à la création d’une symphyse de la cavité pleurale (28, 29). ● Les cures de hernies chez les patients cirrhotiques ascitiques sont associées à une mortalité élevée et à une récidive dans plus de 70 % des cas (30). La mise en place d’une DPJ dans le même temps opératoire est le traitement de choix pour éviter cette complication (31). Elle a l’avantage, sur les autres traitements chirurgicaux, de la simplicité du geste et de la rapidité de son action sur l’ascite. ● Le syndrome hépato-rénal a par le passé été traité avec succès par la mise en place d’une DPJ (32). En règle générale, cependant, le shunt semble effectivement efficace à éviter l’aggravation de l’insuffisance rénale, mais ne permet pas d’augmenter la survie (33). Conclusion La DPJ est une intervention simple, efficace à contrôler rapidement l’ascite à court et moyen terme mais pas à long terme ; elle améliore le confort du malade en réduisant les besoins en diurétiques et le nombre de réhospitalisations, mais elle ne prolonge pas la survie. Elle ne doit être proposée qu’aux patients n’ayant pas d’insuffisance hépatocellulaire sévère. Elle n’est indiquée que chez un faible pourcentage de patients. TRANSPLANTATION HÉPATIQUE La probabilité de survie d’un malade ayant une ascite est inférieure à celle d’un malade sans ascite et lorsque celle-ci est réfractaire, la probabilité de survie à 2 ans est d’environ 25 % quel que soit le traitement. À titre comparatif, la survie à 5 ans des transplantés hépatiques est d’environ 70 %. La transplantation hépatique doit donc être envisagée assez rapidement après son apparition, chez les patients de moins de 60 ans, sans insuffisance cardiaque ou respiratoire, et ce d’autant qu’il existe une insuffisance hépatocellulaire. La nature de l’hépatopathie doit également intervenir dans cette indication. Au cours de la cirrhose biliaire primitive ou de la cholangite sclérosante, qui sont des maladies d’aggravation progressive, la signification de l’ascite est particulièrement péjorative et il est licite de proposer une transplantation à court terme. En revanche, il existe certaines circonstances où l’on dispose d’un traitement qui permet d’espérer une amélioration de la maladie hépatique au point que l’ascite disparaisse. Il s’agit en particulier de la cirrhose alcoolique, car l’abstinence peut entraîner une diminution très importante de l’insuffisance hépatocellulaire. De même, certaines hépatopathies virales actives s’améliorent sous traitements antiviraux. Il est alors préférable d’attendre quelques semaines ou quelques mois afin d’apprécier l’efficacité du traitement et d’envisager seulement la transplantation en cas d’inefficacité des théraLa Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 4 - vol. III - septembre 2000 peutiques antivirales. Un mauvais état nutritionnel, fréquent chez les patients ascitiques, augmente le risque de la transplantation. En raison de la pénurie relative de greffons cadavériques, le taux de mortalité sur la liste d’attente est d’environ 10 % et le délai moyen d’obtention d’un greffon est, selon le groupe sanguin, compris entre 5 et 9 mois. Le traitement de l’ascite pendant cette attente peut être médical ou chirurgical mais ne doit pas aggraver la maladie hépatique ni compromettre la réalisation de la transplantation. ● La DPJ a trois inconvénients principaux dans ce contexte : – son risque est élevé chez les patients ayant une insuffisance hépatocellulaire sévère ; – elle peut être à l’origine de complications infectieuses ; – elle comporte un risque de péritonite encapsulante, risque encore théorique car il n’existe en fait pas de preuve que celleci compromette ou augmente le risque d’une transplantation. ● Les dérivations porto-caves latéro-latérales ont aussi plusieurs inconvénients : – la mortalité est de 5 % et elles sont contre-indiquées chez les patients Child C ; – la disparition de l’ascite n’intervient qu’au bout de quelques semaines ou de quelques mois ; – elle peut compliquer la réalisation de la transplantation (34) mais sans influence sur la survie après transplantation (35, 36). ● La dérivation porto-systémique par voie transjugulaire (TIPS) comporte également des risques : – elle peut, à court terme, aggraver la fonction hépatique et diminuer la survie chez certains patients ayant une insuffisance hépatique ou une insuffisance rénale (37) ; – la prothèse peut être située en dehors du parenchyme hépatique et gêner chez 20 % des patients environ (38) la réalisation de l’anastomose cave ou porte (39). Le TIPS, par rapport à l’APC, raccourcit les durées de transplantation et d’hospitalisation, mais les survies après transplantation sont comparables (40, 41). En conclusion, la transplantation hépatique est le traitement de choix de l’ascite réfractaire chez les patients ayant une cirrhose Child C. Il n’existe pas encore de preuve qu’elle apporte un gain de survie chez les patients n’ayant pas d’insuffisance hépatocellulaire (Child B). La pénurie de greffons limite ses indications aux patients de moins de 60 ans ayant un risque périopératoire faible. Dans l’attente de la transplantation, le TIPS semble être le meilleur traitement de l’ascite lorsque l’insuffisance hépatocellulaire n’est pas sévère. ■ Mots clés. Ascite – Dérivation péritonéo-jugulaire – Anastomose porto-cave – Transplantation hépatique. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Gines P, Quintero E, Arroyo V et al. Compensated cirrhosis : natural history and prognostic factors. Hepatology 1987 ; 7 : 12-8. 2. Arroyo V, Gines P, Gerbes A et al. Definition and diagnostic criteria of refractory ascites and hepatorenal syndrome in cirrhosis. Hepatology 1996 ; 23 : 164-76. 3. D’amico G, Morabito A, Pagliaro L et al. Survival and prognostic indica203 D O S S I E R T tors in compensated and decompensated cirrhosis. Dig Dis Sci 1986 ; 31 : 468-75. 4. Bories P, Garcia-Compean D, Michel H et al. The treatment of refractory ascites by the LeVeen shunt : a multicenter controlled trial (57 patients). J Hepatol 1986 ; 3 : 212-8. 5. McDermott WV Jr. The treatment of cirrhotic ascites by combined hepatic and portal decompression. N Engl J Med 1958 ; 34 : 249-55. 6. Garrett JC, Voorhees AB, Sommers SC. Renal failure following portosystemic shunt in patients with cirrhosis of the liver. Ann Surg 1970 ; 172 : 218-23. 7. Franco D, Vons C, Traynor O, Smadja C. Should portosystemic shunt be reconsidered in the treatment of intractable ascites in cirrhosis ? Arch Surg 1988 ; 123 : 987-91. 8. Orloff MJ, Orloff MS, Orloff SL, Girard B. Experimental, clinical, and metabolic results of side-to-side portocaval shunt for intractable cirrhotic ascites. J Am Coll Surg 1997 ; 184 : 557-70. 9. Smadja C, Franco D. The LeVeen shunt in the elective treatment of intractable ascites in cirrhosis. A prospective study on 140 patients. Ann Surg 1985 ; 201 : 488-93. 10. Stanley MM, Ochi S, Lee KK et al. Peritoneovenous shunting as compared with medical treatment in patients with alcoholic cirrhosis and massive ascites. Veterans Administration Cooperative Study on Treatment of Alcoholic cirrhosis with ascites. N Engl J Med 1989 ; 321 : 1632-8. 11. Schultz DG, Nagorney DM, Lindor KD. Poor outcome from peritoneovenous shunts for refractory ascites. Am J Gastroenterol 1989 ; 84 : 540-3. 12. Gines P, Arroyo V, Vargas V et al. Paracentesis with intravenous infusion of albumin as compared with peritoneovenous shunting in cirrhosis with refractory ascites. N Engl J Med 1991 ; 325 : 829-35. 13. Schwartz ML, Swaim WR, Vogel SB. Coagulopathy following peritoneovenous shunting. Surgery 1979 ; 85 : 671-5. 14. Biagini JR, Belghiti J, Fekete F. Prevention of coagulopathy after placement of peritoneovenous shunt with replacement of ascitic fluid by normal saline solution. Surg Gynecol Obstet 1980 ; 163 : 315-8. 15. Wormser GP, Hubbard RC. Peritonitis in cirrhotic patients with LeVeen shunts. Am J Med 1981 ; 71 : 358-62. 16. Belghiti J, Panis Y, Chiche R et al. Polymorphonuclear count in ascitic fluid after laparotomy in cirrhotic patients. Hepato-Gastroenterol 1992 ; 39 : 584-5. 17. Franco D, Charra M, Jeambrun P et al. Nutrition and immunity after peritoneovenous drainage of intractable ascites in cirrhotic patients. Am J Surg 1983 ; 146 : 652-7. 18. Foley WJ, Elliott JP, Smith RF et al. Central venous thrombosis and embolism associated with peritoneovenous shunts. Arch Surg 1984 ; 119 : 713-20. 19. Grischkan DM, Cooperman AM, Hermann RE et al. Failure of LeVeen shunting in refractory ascites : a view from the other side. Surgery 1981 ; 89 : 304-8. 20. Gines A, Planas R, Angeli P et al. Treatment of patients with cirrhosis and refractory ascites using LeVeen shunt with titanium tip : comparison with therapeutic paracentesis. Hepatology 1995 ; 22 : 124-31. 21. Fulenwider JT, Galambos JD, Smith RB et al. LeVeen vs Denver peritoneovenous shunts for intractable ascites of cirrhosis : a randomized, prospective trial. Arch Surg 1986 ; 121 : 351-5. 204 H É M A T I Q U E 22. Madeddu G, d’Ovidio NG, Casu AR et al. Evaluation of peritoneovenous shunt patency with Tc-99m labeled microspheres. J Nucl Med 1983 ; 24 : 302-7. 23. LeVeen HH, Vujic I, D’Ovidio NG, Huttu RB. Peritoneovenous shunt occlusions : etiology, diagnosis, therapy. Ann Surg 1984 ; 200 : 212-6. 24. Stanley MM, Reyes CV, Greenlee HB et al. Peritoneal fibrosis in cirrhotics treated with peritoneovenous shunting for ascites. An autopsy study with clinical correlations. Dig Dis Sci 1996 ; 41 : 571-7. 25. Hillaire S, Labianca M, Borgonvo G et al. Peritoneovenous shunting of intractable ascites in patients with cirrhosis : improving results and predictive factors of failure. Surgery 1993 ; 113 : 373-9. 26. Guardiola J, Xiol X, Escriba JM et al. Prognosis assessment of cirrhotic patients with refractory ascites treated with a peritoneovenous shunt. Am J Gastroenterol 1995 ; 90 : 2097-102. 27. Gleysteen JJ, Klamer TW. Peritoneovenous shunts : predictive factor of early treatment failure. Am J Gastroenterol 1984 ; 79 : 654-8. 28. Etienne G, Belghiti J, Farges et al. Treatment of hydrothorax in patients with cirrhosis using a peritoneojugular shunt. Ann Chir 1989 ; 43 : 717-9. 29. LeVeen HH, Piccone VA, Hutto RB. Management of ascites with hydrothorax. Am J Surg 1984 ; 148 : 210-3. 30. Runyon BA, Juler GL. Natural history of repaired umbilical hernias in patients with an without ascites. Am J Gastroenterol 1985 ; 80 : 38-9. 31. Belghiti J, Desgranchamps F, Farges O, Fekete F. Herniorrhaphy and concomitant peritoneovenous shunting in cirrhotic patients with umbilical hernia. World J Surg 1990 ; 14 : 242-6. 32. Pladson TR, Parrish RM. Hepatorenal syndrome. Recovery after peritoneovenous shunt. Arch Int Med 1977 ; 137 : 1248-9. 33. Linas SL, Schaefer JW, Moore EE et al. Peritoneovenous shunt in the management of the hepatorenal syndrome. Kidney Int 1986 ; 30 : 736-40. 34. Brems JJ, Hiatt JR, Klein AS et al. Efect of a prior portosystemic shunt on subsequent liver transplantation. Ann Surg 1989 ; 209 : 51-6. 35. Mazzaferro V, Todo S, Tzakis AG et al. Liver transplantation in patients with previous portosystemic shunt. Am J Surg 1990 ; 160 : 111-6. 36. Aboujaoude MM, Grant DR, Ghent CN et al. Effect of portosystemic shunts on subsequent transplantation of the liver. Surg Gynecol Obstet 1991 ; 172 : 215-9. 37. Malinchoc M, Kamath PS, Gordon FD et al. A model to predict poor survival in patients undergoing transjugular intrahepatic portosystemic shunts. Hepatology 2000 ; 31 : 864-71. 38. Millis JM, Martin P, Gomes A et al. Transjugular intrahepatic portosystemic shunts : impact on liver transplantation. Liver Transpl Surg 1995 ; 1 : 229-33. 39. Clavien PA, Selzner M, Tuttle-Newhall JE et al. Liver transplantation complicated by misplaced TIPS in the portal vein. Ann Surg 1998 ; 227 : 440-5. 40. Abouljoud MS, Levy MF, Rees CR et al. A comparison of treatment with transjugular intrahepatic portosystemic shunt or distal splenorenal shunt in the management of variceal bleeding prior to liver transplantation. Transplantation 1995 ; 59 : 226-9. 41. Menegaux F, Keefe EB, Baker E et al. Comparison of transjugular and surgical portosystemic shunts on the outome of liver transplantation. Arch Surg 1994 ; 129 : 1018-23. La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no 4 - vol. III - septembre 2000