Construction d`un indicateur synthétique de croissance inclusive

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S.S.F. ANAGO & J-L.D. HOUNGBEME - Construction d’un indicateur synthétique de croissance inclusive
Revue d’Analyse des politiques économiques et nancières
Volume 1 - Numéro 1 Août 2015 pp 69 - 105
Construction d’un indicateur
synthétique de croissance
inclusive
Par :
Sêna Sourou François ANAGO
Chercheur à l’UAC, BENIN
et
Jean-Luc Dewanou HOUNGBEME
Chercheur à l’UAC, BENIN
Résumé : Cet article s’est xé comme objectif de construire un indicateur
synthétique de croissance inclusive tout en réalisant une maquette sous
le logiciel Excel qui permettra une mise à jour automatique de l’indicateur
une fois de nouvelles observations disponibles. La méthode utilisée pour
construire l’indicateur est l’Analyse en Composante Principale (ACP)
directement implémentée sous Excel et qui a l’avantage de fournir des
pondérations qui tiennent compte de la variabilité dans le temps des
données. Il ressort que l’indice synthétique de la croissance inclusive (ISCI)
du Bénin a connu une amélioration en passant de 91,29 en 1995 à 117,36
en 2012 ; soit une évolution de 28,56% sur l’ensemble de la période. Cette
évolution de l’indice est essentiellement tirée par le taux de mortalité
maternelle avec une contribution de 40,19% et le taux net de scolarisation
primaire présentant une contribution négative de -15,91%.
Mots clefs : Croissance inclusive - indicateur synthétique - Analyse en
Composante Principale
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La croissance économique moyenne en Afrique a afché des taux
autour de 5,2% durant la période 2003-2011 ; (BAD, 2012). Malgré que
ces taux montrent une nette amélioration comparativement à ceux
de la période quinquennale (1994-1999) qui tournaient autour de
3,6%, les niveaux de pauvreté demeurent toutefois préoccupants en
Afrique (BAD, 2012). Si la proportion de personnes vivant avec moins
d’un dollar par jour a diminué de 47% à 43% entre 2000 et 2005 et
le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour est
estimé avoir diminué de 68,7% en 1990 à 60,8% en 2010, la pauvreté
n’en reste pas moins un grand dé. Son léger recul n’a pas empêché
le creusement de l’inégalité entre riches et pauvres dans de nombreux
pays de l’Afrique Subsaharienne (ASS). Pour preuve, selon le rapport
de la BAD (2012), six pays africains ont été classés parmi les 10 pays
souffrant le plus d’inégalités dans le monde, et dont le trio de tête, la
Namibie, l’Afrique du Sud et le Lesotho, afchait des coefcients de
Gini de 70, 65 et 63 respectivement. Face à l’ampleur de ces inégalités,
un consensus s’avère nécessaire car la croissance économique dans
les pays en développement doit être équitable pour la réduction de
la pauvreté (Stuart, 2011). De ce fait, la communauté internationale
redénit ses objectifs autour du concept de croissance inclusive et
durable.
Le Bénin, classé parmi les pays les moins avancés (PMA) présente
un niveau de vulnérabilité économique élevé en raison de la
faible diversication de sa production. Son indice1 de vulnérabilité
économique s’établit ainsi à 42,5, le classant à la 11ème place sur les 49
PMA en 2009 et à la 5ème place parmi les pays les plus vulnérables de
la zone UEMOA (PNUD, 2011).
1 L’indice de vulnérabilité économique (EVI : Economic Vulnerability Index en anglais), déterminé selon une périodicité
triennale par le Département des Affaires Economiques et Sociales des Nations Unies est l’un des trois critères d’identication
des PMA, avec l’IDH et le PNB par habitant. Il mesure le degré d’exposition des économies à faibles revenus aux chocs
exogènes. Il est compris ici entre 0 et 100. Plus il est élevé, plus l’économie est exposé aux chocs exogènes.
introduction
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Durant la décennie 2000-2010, la croissance économique a connu une
évolution erratique malgré les différentes politiques mises en œuvre.
Ce que décrit le graphique 1 ci-dessous. Le taux de croissance réel
moyen sur cette période est de 4% (INSAE, DGAE, 2011).
Graphique 1 : Evolution du taux de croissance réel sur la période 2000-2010
Source : Réalisé par les auteurs
Par ailleurs, plusieurs documents de stratégies2 de croissance et de
réduction de la pauvreté (SCRP) ont été élaborés par le gouvernement
pour corriger les dysfonctionnements mis en évidence par l’évaluation
des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS). Il s’agit de la Stratégie
de Réduction de la Pauvreté Intérimaire (SRPI), ébauchée en 2000, la
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP1) pour la période 2003-2005
qui a servi de cadre stratégique de référence et de dialogue avec
les PTF, la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté
(SCRP2) pour la période 2007-2009 qui a permis de maintenir le taux
de croissance économique autour de 4% en moyenne et d’enregistrer
des résultats signicatifs dans le secteur social et la SCRP3 (2011-2015).
2 Les objectifs de ces documents sont l’amélioration de la compétitivité globale et sectorielle de l’économie
an d’assurer une croissance économique vigoureuse et l’éradication de la pauvreté et l’amélioration de la
qualité de vie des populations.
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Les différentes stratégies s’inspirent de la vision à long terme décrite
dans les Etudes Nationales de Perspectives à long terme « Bénin Alaa
2025 » et s’appuient sur les Conditions Stratégiques de Développement
(OSD) dénies par le Gouvernement en 2006. Elles internalisent aussi
les objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Mais quelle
est la situation de la pauvreté au Bénin ?
Malgré, les performances réalisées ces dernières années, le niveau
de pauvreté au Bénin demeure préoccupant. En effet, après une
croissance de 3,3% en 2011, 5,4% en 2012, 5,6% en 2013 et 5,5 %3 en 2014,
le taux de pauvreté4 se maintient à 50,9%. La croissance économique
n’a donc pas réduit signicativement le taux de pauvreté (Banque
Mondiale, 2014). Ainsi, la croissance économique n’est pas une n
en soi mais il faut faire plus pour s’attaquer aux problématiques
multidimensionnelles de la pauvreté (OCDE, 2014).
3 Selon les estimations de juin 2015 par la DGAE (2015) pour l’année 2014.
4 Il est calculé selon la norme internationale de 1,25 dollar par jour.
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1. APPROCHES DE DEFINITION ET
CARACTERISTIQUES DE LA CROISSANCE
INCLUSIVE
Plusieurs approches de dénition et de mesure de la croissance
inclusive ont été adoptées par les différentes institutions internationales.
La Banque mondiale, utilise la « croissance inclusive » pour désigner
le rythme et le schéma de la croissance économique, concepts
interdépendants et évalués simultanément. Selon l’approche de la
Banque mondiale, une croissance économique forte est nécessaire
pour réduire la pauvreté absolue. Néanmoins, pour que cette
croissance soit durable, elle doit concerner un large éventail de
secteurs et de vastes pans de la population d’un pays. La Banque
Asiatique de Développement (ADB) dénit la « croissance inclusive »
comme étant un concept qui va au-delà d’une croissance à large
assise. Il s’agit d’une « croissance qui non seulement crée de nouvelles
possibilités économiques, mais qui assure aussi l’égalité d’accès à ces
opportunités à tous les segments de la société, et notamment aux
pauvres » (Ali et Hwa Son, 2007). Du point de vue du Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD), la croissance inclusive
est considérée à la fois comme un résultat et comme un processus.
D’une part, elle permet à chacun de participer au processus de
croissance, en intervenant dans la prise des décisions et en étant
acteur de la croissance. D’autre part, la croissance inclusive procure
des avantages qui sont équitablement partagés. Elle implique donc
une participation et une mise en commun des avantages. Quant-à la
Banque Africaine de Développement (BAD), elle dénit la « croissance
inclusive » comme étant une croissance économique dont le résultat
est plus de possibilités de développement socio-économique durables
pour le plus grand nombre de personnes, de régions et de pays,
protégeant en même temps les groupes vulnérables, tout ceci dans un
environnement d’équité, de justice égale, et de pluralité politique.
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