Un texte dispositif /
Manque est la quatrième des cinq pièces de Sarah Kane.
En seulement cinq textes, elle a mené une recherche radicale sur la parole théâtrale
par une série de déconstructions vertigineuses.
Manque marque l'étape où la narration se disloque : le texte met le spectateur en
face d'un chaos de phrases apparemment sans lien.
Au contraire de cette impression, la force de Manque, c'est que la fable subsiste.
Bien que brouillée, elle peut être reconstituée, elle soutient l'ensemble de façon
souterraine.
Nous savons par exemple qu'il y a quatre voix distinctes (désignées par A, B, C et
M), et qu'elles ont des relations entre elles – relation amoureuse et filiale, relation de
manque et de rejet, relation de plainte et de confidence, relation d'amour, de haine,
d'asservissement et de dépendance.
Ce qui s'apparente de loin à un désordre inintelligible et aléatoire se révèle de près
une formidable architecture émotionnelle, qui lentement construit en nous une
profonde sensation du manque amoureux.
Le spectateur se trouve en face d'un véritable rébus oral dont il cherche à tout instant
à comprendre la règle secrète. Il est invité à se mettre en quête, à
co-construire avec les actrices un des sens possibles du texte.
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