4.48 Psychose
4.48 PSYCHOSE est un texte sans personnage ou, pour le dire autrement, on
ne sait pas pour!combien d’acteurs il est écrit. Mais en son sein, il contient – en
plusieurs séquences, de la première à l’avant-dernière – un dialogue qui est
comme le coeur dramatique de l’oeuvre. Ce dialogue – entre un médecin et sa
patiente – est en effet évolutif au sens classique du terme, il “raconte une
histoire”, même si sa structure est légèrement plus complexe qu’une simple
chronologie.! Cette “histoire” est décisive pour la compréhension de l’œuvre, de
sa construction, de l’évolution des différents états affectifs et psychiques. Elle
raconte à la fois une thérapie, un combat et une histoire d’amour qui avorte de
manière tragique.
Pourtant ce dialogue ne se contente pas d’être un simple échange entre deux
êtres humains, il renvoie aussi à un dialogue fondamental entre la médecine
(ou tout ce qui cherche à “soigner” l’homme) et la littérature. Dialogue qui se
terminera par l’échec de la médecine, l’effondrement du corps (le suicide) au
profit de l’esprit (la littérature ou le théâtre).
Ce dialogue inscrit au centre de la mise en scène fait apparaître une
proposition dramaturgique et scénique importante: le médecin est joué par une
femme, l’amour dont il est tant question dans 4.48 est donc exclusivement
féminin.
Voilà pourquoi Véronique Dumont et Catherine Salée interprètent à deux
4.48 PSYCHOSE en étant tour à tour une patiente psychotique dépressive et un
médecin, une amoureuse passionnée et une ombre qui ne peut lui répondre, deux
faces d’une même personnalité brisée, l’une représentant le centre émotionnel,
l’autre la distance narrative... mais aussi, au final, l’incarnation du choix du
théâtre comme fin ultime, du théâtre comme tombeau, du théâtre comme seul
espace d’immortalité possible.
Sarah Kane s’est sans doute consumée en écrivant 4.48 PSYCHOSE mais son
texte demeure comme un don vibrant aux spectateurs, aux humains que nous
sommes et qui avons encore besoin d’elle.
Ainsi pourrons-nous peut-être rendre compte non seulement de
l’extraordinaire vérité humaine contenue dans ce texte mais aussi d’une
jouissance de la création, d’une puissance extirpée des abîmes de la dépression
afin, non pas de la combattre, mais de faire œuvre malgré elle ou plutôt grâce à
elle.
“S’il vous plaît levez le rideau” Isabelle Pousseur