Trace n°2 : Détecter un syndrome dépressif du sujet âgé en médecine générale. Mme F., 84 ans, est hospitalisée pour prise en charge d'un syndrome anxio-dépressif récidivant malgré une prise en charge médicamenteuse. Elle vit seule, en foyer logement, et ne sort que pour faire ses courses ou aller chez le coiffeur. Elle a fait deux chutes récemment qui limitent son autonomie, et se dévalorise depuis. Elle passe un mois en hospitalisation, sans amélioration franche, mais semble oublier ses problèmes lorsqu'elle discute avec d'autres femmes hospitalisées. Cette patiente m'a fait réfléchir sur le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge du syndrome dépressif du sujet âgé. En tant que médecin de premier recours, il est important de savoir détecter un syndrome dépressif malgré une expression clinique moins franche chez le sujet âgé. Il n'existe pas de symptôme permettant à lui seul de diagnostiquer un syndrome dépressif. Le diagnostic est souvent intimement lié à l'appréciation du médecin et à son ressenti. Les critères définissant un épisode dépressif majeur selon le DSM-V sont joints en annexe (Annexe 1). (1) Il est important de toujours écarter les affections somatiques avant de diagnostiquer et traiter un syndrome dépressif. Le médecin généraliste est souvent le médecin de premier recours, sollicité par les patients au début de leur parcours de soins. Peu de patients sont atteints d'un épisode dépressif majeur en comparaison avec les patients présentant une symptomatologie dépressive. Il est plus aisé de détecter un épisode dépressif majeur compte tenu de l'intensité des troubles et du retentissement social de la pathologie. La symptomatologie dépressive est plus insidieuse et peut parfois passer inaperçue, notamment chez le sujet âgé où la tristesse de l'humeur est souvent absente. Il est possible d'utiliser la mini-GDS (Geriatric Depression Scale). Elle fait d'ailleurs partie de l'évaluation gériatrique standardisée (EGS). Son utilisation est simple, peu chronophage, et a une bonne sensibilité. Elle se compose de 4 questions fermées : - Vous sentez-vous découragé(e) ou triste ? - Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ? - Êtes-vous heureux(se) la plupart du temps ? - Avez-vous l'impression que votre situation est désespérée ? Une réponse positive aux questions 1, 2 et 4 vaut 1 point, tout comme une réponse négative à la question 3. Les autres réponses valent 0. Un score supérieur ou égal à 1 témoigne d'une forte probabilité de dépression, et il convient alors d'utiliser la GDS15 (15 questions). La sensibilité de la mini-GDS est de 69% et sa spécificité de 80%. (4) Cette échelle permet également une évaluation des sujets âgés présentant des troubles cognitifs débutants à modérés. Elle a été raccourcie dans ce but, afin que la durée de réalisation soit la plus courte possible. Dans l'idéal, elle est à confirmer par une GDS-15 avant de mettre en œuvre une prise en charge (notamment médicamenteuse). Chez les sujets atteints de troubles cognitifs, l'efficacité des traitements médicamenteux est moindre que dans la population générale. La psychothérapie est donc à favoriser dans cette population, afin d'éviter un isolement social et toutes ses conséquences. (1) American Psychiatric Association: DSM-V development, Major depressive episode. [Internet] [cité le 5 juillet 2012]. Disponible au: www.dsm5.org/ProposedRevisions/Pages/ proposedrevision.aspx?rid=427 (2) Yesavage JA: Geriatric depression scale. Psychopharm Bulletin 1988;24:709 -710. (3) Clément JP, Nassif RF, Léger JM, Marchan F: Mise au point et contribution à la validation d'une version française brève de la Geriatric Depression Scale de Yesavage. L'Encéphale 1997;XXIII:91-99. (4) Clément JP, Nassif RF, Léger JM, Marchan F.Development and contribution to the validation of a brief French version of the Yesavage Geriatric Depression Scale, Encephale 1997 Mar-Apr;23(2):91-9. Annexe 1 A. Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d'une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d'intérêt ou de plaisir. (Ne pas inclure des symptômes qui sont manifestement imputables à une affection générale.) - Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (sentiment de tristesse ou vide) ou observée par les autres (pleurs). - Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours. - Perte ou gain de poids significatif (5%) en l'absence de régime, ou diminution ou augmentation de l'appétit tous les jours. - Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. - Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours. - Fatigue ou perte d'énergie tous les jours. - Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peu être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d'être malade). - Diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). - Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants. C. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d'une substance ou d'une affection médicale générale. D. L’épisode ne répond pas aux critères du trouble schizoaffectif et ne se superpose pas à une schizophrénie, à un trouble schizophréniforme, à un trouble délirant ou à une autre trouble psychotique. E. Il n’y a jamais eu d’épisode maniaque ou hypomaniaque. Note: La réponse normale et attendue en réponse à un événement impliquant une perte significative (ex : deuil, ruine financière, désastre naturel), incluant un sentiment de tristesse, de la rumination, de l’insomnie, une perte d’appétit et une perte de poids, peuvent ressembler à un épisode dépressif. La présence de symptômes tels que sentiment de dévalorisation, des idées suicidaires (autre que vouloir rejoindre un être aimé), un ralentissement psychomoteur, et une altération sévère du fonctionnement général suggèrent la présence d’un épisode dépressif majeur en plus de la réponse normale à une perte significative.