Chapitre 2 : croissance bactérienne I- Milieux et méthodes de cultures des microorganismes A- Matériel utilisé Les cultures en milieux solides se font dans des boîtes de Pétri ou des tubes de culture. Les cultures en milieux liquides dans des tubes de culture, des erlenmeyers ou des fermenteurs. B- Milieux de culture 1- Les constituants fondamentaux Les nutriments sont les substances utilisées dans la biosynthèse ou la production d’énergie. Les bactéries ont besoins de différents éléments pour leur croissance : Macroéléments : C, H, O, N, P et S (g/L) puis K, Mg, Fe et Ca (mg/L). Oligoéléments : sous forme de traces : Mn, Co, Zn, Cu, Ni et Mo (µg/L). Les milieux de culture sont faits dans de l’eau osmosée avec du tampon. La composition du milieu varie en fonction de l’espèce à cultiver. Certains milieux permettent de sélectionner des microorganismes. 2- Les différents milieux utilisés a- Milieux complexes ou empiriques Ce sont des milieux riches contenant des peptones, des extraits de levures ou de viandes (sources de C, N vitamines, nucléotides et minéraux) et dont la composition n’est pas exactement connue. i- Milieux sélectifs ou d’enrichissement Ils contiennent des inhibiteurs de croissances (NaCl 70 g/L Staphylocoques ; sels biliaires, fuchsine ou cristal violet Gram - ; sélénite de sodium favorise la croissance des Salmonella). ii- Milieux différentiels ou d’identification Ils permettent de distinguer des groupes ou d’identifier des bactéries lors d’un isolement des cultures pures : Gélose au sang : hémolytique ou non hémolytique. Mc Conkey : entérobactéries lactose + (rose) ou non. Milieu SS : lactose -, H2S + (Salmonella et Shigella). b- Milieux synthétiques La composition de ces milieux est définie. Ils servent à l’étude des besoins nutritifs, à l’étude d’activité enzymatiques ou pour le dosage de facteur de croissance. Les milieux de culture peuvent être solidifié par de l’agar qui est un polysaccharide d’algues rouges qui absorbe 400 fois son poids en eau et qui se liquéfie à 70°C ce qui permet de cultiver les bactéries thermophiles. 3- La stérilisation a- Méthodes physiques iChaleur Les instruments peuvent être flambés au bec bunsen. Ce dernier offre une zone stérile due à la convection de l’air chauffé. Il est possible de stériliser par chaleur sèche au four Pasteur : 30 minutes à 2 heures à 180°C. Le plus utilisé reste l’autoclave. Il s’agit d’une stérilisation par la vapeur d’eau. Après 30 minutes à 121°C, les cellules végétatives et les spores ont été détruites. Les milieux de cultures et les contenants sont stérilisés de cette façon. Seulement, certaines molécules ne supportent pas de fortes températures. Les sucres subissent la réaction de Maillard et ne sont plus utilisables. Le glucose et les vitamines doivent être stérilisés avec un autre procédé. ii- Filtration Les substances thermolabiles et certains milieux de cultures sont filtrés grâce à des filtres épais, ou des membranes filtrantes ayant des pores de 0,45 (levures) ou 0,22 µm (bactéries et levures). iii- Les radiations Les radiations ionisantes ou les UV détruisent les microorganismes en altérant leurs structures et leur ADN. Les UV proches de 260 nm ne traversent pas le verre, ils sont utilisés pour stériliser des salles de culture, des PSM ou pour stériliser l’eau en couche mince. iv- Les hautes pressions En milieu liquide est à des pressions de 1 à 10 KBars les cellules éclatent. Les bactéries Gram – sont plus sensibles que les bactéries Gram + et les champignons. Les spores peuvent être détruites à 8 KBars. La durée du traitement varie entre 10 et 30 minutes. b- Méthodes chimiques iLes complexes phénoliques Ils dénaturent les protéines et altèrent les membranes. Leur action dure longtemps après utilisation. ii- Les alcools Ils sont des bactéricides et des fongicides, mais n’ont aucune actions sur les spores. Les plus utilisés sont l’éthanol et l’isopropanol. Ils sont utilisés à 70%, ce qui réduit la vitesse d’évaporation. Ils dénaturent les protéines et solubilisent les membranes. iii- Les halogènes L’iode et le chlore sont utilisés. Ils oxydent les composants cellulaires. A forte concentration, l’iode peut détruire quelques spores. Pas le chlore. iv- Ammoniums quaternaires Sous forme de détergents, ils détériorent les membranes et dénaturent les protéines. Ils sont utilisés comme antiseptiques de la peau. v- Les aldéhydes Ils inactivent les protéines. Les plus utilisés sont le formaldéhyde et le glutaraldéhyde. Ils sont utilisés pour désinfecter le matériel médical et le matériel de laboratoire. 4- Préparation des milieux de culture a- Les prêts à l’emploi Les milieux conditionnés en boite de Pétri ou en tube. Cher et à utiliser rapidement. Les milieux non conditionnées, à passer aux micro-ondes et à couler. Conservable 3 à 4 mois. b- Les milieux à préparer Ce sont les milieux lyophilisés. Ils peuvent être conservés plusieurs années mais il faut les reconstituer, les stériliser et enfin les couler. II- La croissance microbienne A- Méthodes de mesure de la biomasse 1- A partir de la masse totale de cellules Mesure de la masse humide : après centrifugation on pèse le culot (rapide mais peu précis). Mesure de la masse sèche : séchage au four à environ 100°C pendant 10 à 24h (plus long mais précis). 2- A partir du dosage chimique d’un composé cellulaire Dosage de l’azote total (14% de la matière sèche) : la méthode de Kjeldahl consiste à minéraliser l’azote avec de l’acide sulfurique pour donner de l’ammoniac que l’on dose par volumétrie. Dosage des protéines : Lowry, Bradford, BCA et Biuret. Dosage de la chlorophylle. 3- Par comptage direct des cellules Au microscope avec cellule de comptage : si on ajoute du bleu de méthylène on peut différencier les vivantes. Au microscope par cytométrie sur filtre : On filtre et on lave, on met de l’acridine orange : coloration rouge en présence d’ARN (vivantes), et verte en présence d’ADN (mortes). On peut automatiser cette technique. Par cytométrie de flux : les cellules sont marquées avec un marqueur de viabilité. Grâce au liquide de manchonnage les cellules passent devant le lecteur qui compte les pulsations fluorescentes. Par compteur de particules : Automate de cellules sanguines qui possède un orifice. Quand les cellules traversent il y a une augmentation de la résistance (U=RI) donc la tension augmente. 4- Par dénombrement après culture Sur milieu solide (consomme beaucoup de matériels et de temps, on peut ensemencer avec l’ensemenceur spiral) ou en milieu liquide. 5- Par évaluation de l’activité totale Par impédancemétrie : délais de détection plus court quand il a y plus de bactérie. Nécessite un étalonnage. Par dosage de l’ATP : seulement en phase exponentiel sinon il n’y a pas de proportionnalité avec la biomasse. Par mesure du pH : le pH diminue proportionnellement à l’augmentation de la biomasse. 6- Mesure du trouble : turbidimétrie et néphélémétrie. log(Φ ) Rayonnement transmis : turbidimétrie : A = log(Φo ) = k λ × l × X ∝ avec ∝<1 T 1 Rayonnement diffusé : néphélémétrie : ΦD(θ) = k (n,θ) × Φ0 × v² × λ4 × X = K × X B- Phases caractéristiques d’une courbe de croissance lors d’une culture en milieu non renouvelé 1- Les courbes de croissance en milieu non renouvelé ont une allure caractéristique Les différentes phases : 1. Phase de latence 2. Phase d’accélération 3. Phase exponentielle 4. Phase de ralentissement 5. Phase stationnaire 6. Phase de déclin 2- La phase de latence C’est la phase dans laquelle les microorganismes s’adaptent à leur milieu de culture. Il n’y a pas d’augmentation du nombre de cellules. La durée de cette phase est très variable. Si le milieu de pré-culture était le même que celui du batch, cette phase peux ne pas être présente. 3- La phase exponentielle de croissance La pente de la droite ln(N) = f(t) est µ, le taux de croissance népérien (h-1) : µ = N = N0 eµt ⇔ N = N0 e ln(2)× t tg ln(2) tg ou µ = ln(Xn )−ln(Xn−1 ) 𝑡𝑛 −𝑡𝑛−1 t ⇔ N = N0 2tg tg = temps que met la biomasse pour doubler (h) 4- La phase stationnaire Les substrats sont en faibles concentrations, les inhibiteurs et déchets en fortes concentrations. Les bactéries survivent sans proliférer (elles font des réserves et peuvent sporuler). Le métabolisme secondaire se met en place. 5- La phase de déclin N = Nf e−kt : k est le taux de mortalité C- Etude expérimentale de la phase exponentielle 1- Le modèle et les équations qui découlent La biomasse dX produite pendant l’instant dt dépend de la biomasse X présente à l’instant t. On considère que la croissance est un phénomène autocatalytique : dX dt X dX 0 X = µX ⇔ ∫X t = µ ∫0 dt ⇔ ln(X) = ln(X 0 ) + µt ⇔ 𝐗 = 𝐗 𝟎 𝐞µ𝐭 µ )t ln(10) log(X) = log(X 0 ) + ( 2- Taux de croissance et taux de croissance népérien Taux de croissance : masse de biomasse formée par unité de masse de biomasse présente par heure (g/g/h ou h-1). Le taux de croissance népérien est la valeur maximale que prend le taux de croissance, c’est-à-dire pendant la phase exponentielle. D- Cinétique d’utilisation du substrat et de formation des produits 1- Cinétique d’utilisation du substrat et de production des produits 2- Métabolites primaires et secondaires La phase de production de métabolites primaires est appelée trophophase, celle de production de métabolites secondaires est appelée idiophase. Cela est dû à de nouvelles enzymes exprimées en fin de phase exponentielle. Produit associé à la croissance primaires 3- Courbe de croissance biphasique : phénomène de diauxie Il y a deux phases exponentielles successives séparées par une phase de latence durant laquelle les bactéries synthétisent les enzymes nécessaires pour utiliser le deuxième substrat. E- Facteurs de concordance et caractéristiques de croissance 1- Facteurs de concordances Ils permettent de déterminer la biomasse à partir de la densité optique : on va chercher à trouver la relation entre la masse sèche et la densité optique. On va obtenir un facteur de concordance MS/DO (g/L/uDO). 2- Caractéristiques de croissance a- Par rapport à la culture La vitesse de croissance : 𝐫𝐗 = 𝐝𝐗 𝐝𝐭 (g/L/h). On distingue la vitesse instantanée ou nette (entre t1 et t2), la vitesse moyenne ou globale (entre l’état initial et l’état final) et la vitesse maximale (en fin de phase exponentielle). 𝐝𝐗 𝟏 Le taux de croissance µ = 𝐝𝐭 × 𝐗 (h-1). On distingue là aussi le taux de croissance instantané, moyen et maximal. Le temps de génération (tg en h). Il représente le temps que met la population pour doubler afin de caractériser la culture. b- Par rapport au substrat La vitesse (volumique) de consommation : 𝐫𝐒 = − 𝐝[𝐒] 𝐝𝐭 (g/L/h). On distingue la vitesse instantanée ou nette (entre t1 et t2), la vitesse globale (entre l’état initial et l’état final), la vitesse moyenne (entre l’état initial et [S] = 0 g/L) et la vitesse maximale (pour cette vitesse la durée doit être supérieure à un temps de génération). La vitesse spécifique de consommation : 𝐐𝐒 = − 𝐝[𝐒] 𝐝𝐭 𝟏 𝐗 × (h-1). On distingue la vitesse spécifique instantanée ou nette, la vitesse spécifique globale, la vitesse spécifique moyenne et la vitesse spécifique maximale (pour cette vitesse la durée doit être supérieure à un temps de génération). X prend la valeur de la biomasse de l’état le plus avancé. c- Par rapport au produit La vitesse (volumique) de formation : 𝐫𝐏 = 𝐝[𝐏] 𝐝𝐭 (g/L/h). On distingue la vitesse instantanée ou nette (entre t1 et t2), la vitesse globale (entre l’état initial et l’état final), la vitesse moyenne (entre l’état initial et [P] = [P]max) et la vitesse maximale (pour cette vitesse la durée doit être supérieure à un temps de génération). La vitesse spécifique de consommation : 𝐐𝐏 = 𝐝[𝐏] 𝟏 ×𝐗 𝐝𝐭 (h-1). On distingue la vitesse spécifique instantanée ou nette, la vitesse spécifique globale, la vitesse spécifique moyenne et la vitesse spécifique maximale (pour cette vitesse la durée doit être supérieure à un temps de génération). X prend la valeur de la biomasse de l’état le plus avancé. 3- Rendements ∆[𝐒] Rendements : 𝐘𝐒/𝐏 = ∆[𝐏] (g/g ; mol/mol ; %). On distingue le rendement instantané, global et moyen ([S] = 0 g/L ou [P] = [P]max). ∆𝐗 Rendement de croissance : 𝐘𝐗/𝐒 = ∆[𝐒] (g/g ou %). On distingue le rendement instantané, global et moyen ([S] = 0 g/L). ∆[𝐏] Rendement de production : 𝐘𝐏/𝐒 ∆[𝐒] (g/g ou %). On distingue le rendement instantané, global et moyen ([S] = 0 g/L ou [P] = [P]max). Rendement spécifique de production : 𝐘𝐏/𝐗 = ∆[𝐏] (g/g ∆𝐗 ou %). On distingue le rendement instantané, global et moyen ([P] = [P]max). III- Facteurs influençant la croissance bactérienne A- Le pH Une variation importante du pH affecte la croissance bactérienne. Trois groupes sont distingués : Acidophiles (1 < pH < 5,5) algues et champignons. Neutrophiles (5,5 < pH < 8) bactéries et protozoaires. Alcalophiles (8 < pH < 11,5) quelques bacilles. Le pH intercellulaire est souvent 7. Il est régulé par des pompes à proton et des échangeurs (H+/Na+ et H+/K+). Pour la culture, il est nécessaire d’utiliser un tampon, souvent tampon phosphate. B- La température A basse température les enzymes ne sont pas actives, et à trop haute température elles sont dénaturées. La température à un effet sur le taux d’accroissement. Il est possible de déterminer la relation suivante : 𝐸𝐴 𝐸𝐴 ln(µ) = − + β ⇔ µ = e−RT . eβ RT En posant : eβ = µmax , la relation devient : 𝐸𝐴 µ = µmax e−RT Plus la température augmente, plus μ tend vers μmax. La gamme de température de croissance peut être étroite (sténotherme) ou large (eurytherme). Les microorganismes sont répartis dans quatre groupes : Psychrophiles. Mésophiles (la plupart de microorganismes, les pathogènes humains). Thermophiles (quelques bactéries et algues). Thermophiles extrêmes (surtout les archaebactéries). C- L’oxygène 1) 2) 3) 4) 5) La croissance dépend ou non de la présence d’oxygène : Aérobie stricte : respiration, synthèse de stérols et d’AGPS. Anaérobie stricte : intolérance absolue de l’oxygène (fermentation). Anaérobie facultatif : croissance en absence d’oxygène mais plus faible. Microaérophile : besoin d’oxygène en faible concentration Anaérobie aérotolérant : aucun effet de l’oxygène. L’oxygène forme des radicaux toxiques (O2-., H2O2 et OH.). Des enzymes permettent de protéger les cellules de ces radicaux oxydants. Il s’agit de la catalase, de la péroxydase et de la SOD. Les bactéries qui ne possèdent pas ces enzymes sont sensibles à l’oxygène. D- Le substrat Plus il y a de substrat dans le milieu, plus la biomasse finale sera importante. Les substrats ont un effet sur le taux de croissance des microorganismes lorsqu’ils sont limitants. Si un deuxième substrat devient limitant, le taux de croissance n’est pas influencé par l’augmentation de la concentration du premier. E- Effet des solutés La pression osmotique intracellulaire doit être supérieure à celle du milieu. Pour cela, les bactéries synthétisent des acides aminés, accumulent des sucres et des ions K+. Les ions K+ et Na+ sont important pour les activités enzymatiques et ils stabilisent les membranes. En leur absence il y a une lyse cellulaire. Les microorganismes peuvent être osmotolérents (large gamme de pression osmotique) ou halophiles (croissance sur des pressions osmotiques élevées). IV- Les principaux modes de culture en fermenteur Le volume est constant. Pas d’apport de substrat ni d’élimination des déchets. Il y a des problèmes lorsque le substrat inhibe la croissance dans de fortes concentrations. Chémostat ou Turbodistat. Le volume est constant. Il y a un apport en substrat et une élimination des déchets et de la biomasse. Il est possible de faire des cultures multiétagées. Le volume augmente. Il y a un apport en substrat mais pas d’élimination des déchets. Pas de problème d’inhibition par le substrat. Le niveau est constant. Il y a un apport de substrat et une élimination des déchets mais la biomasse est récupérée est replacée dans le fermenteur. La biomasse est élevée.