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Henri Guaino
Discours prononcé lors du meeting de soutien à Matthieu Annereau
à Saint-Herblain pour la législative partielle
13 avril 2016
Mes chers amis,
La première République mourut deux fois.
La première fois avec la Terreur, en criant : « La liberté ou la mort
La deuxième fois dans les désordres du Directoire, un 18 brumaire.
L’héritage de cette première République, celle de Condorcet et de Carnot, ne fut
sauvé que par le Consulat : il fallait reconstruire l’Etat et la société pour que la
Nation survécut.
Bonaparte le fit en jetant, ce qu’il appelait « des blocs de granit » sur lesquels
allaient s’édifier l’avenir : le Code civil, le lycée, l’Administration, le
Concordat, l’Autorité…
La seconde République mourut un 2 décembre de s’être trop méfiée d’elle-
même et d’avoir cédé à l’illusion lyrique des révolutionnaires de 1848.
Victor Hugo fit de la défaite de 1870 le châtiment du 2 décembre. Mon penchant
séguiniste m’incite pourtant à penser que le second Empire prit ce qu’il y avait
de mieux dans les rêves de 48 et fit une France plus grande, plus belle, plus forte
et plus prospère, celle d’Haussmann, de Duruy, de Lesseps, de la révolution
industrielle et des premières lois sociales.
La troisième République, celle de Jules Ferry, sauvée par Clemenceau en 17,
mourut un 17 juin, printemps de débâcle d’avoir eu peur elle aussi d’être
gouvernée et d’avoir laissé la bride sur le cou aux partis et aux factions.
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Le malheur de la défaite, mit au pouvoir le vainqueur de Verdun qui à Montoire
couvrit de sa gloire la plus grande honte et le plus grand déshonneur que la
France ait jamais connus.
La IVe, celle de Robert Schuman, de Guy Mollet et de François Mitterrand,
mourut un 13 mai, au bord de la faillite et de la guerre civile, paralysée à son
tour par le régime des partis.
Au moment où tout s’écroulait, elle appela le Général de Gaulle.
Ce fut, après tant de drames, la revanche de la France qui voulait être gouvernée.
La Ve République naquit de la fatigue des précédentes, de leurs jeux stériles et
de leur impuissance tragique.
Ce fut la victoire de la France de Philippe Auguste, de Jeanne d’Arc, de
Richelieu, de Colbert, de Napoléon, celle des soldats de l’an II, de la France
Libre et de la Résistance, contre celle des politiciens et des notables, celle des
féodalités qui n’aiment pas un Etat qui fasse réellement son métier et qui par
conséquent les domine et qui, disait le Général de Gaulle, « ne sont plus dans les
donjons, mais sont dans les partis, dans les syndicats, dans certains secteurs des
affaires - excusez-moi - de la presse, de l’administration, etc … »
Elles ont depuis relevé la tête, remis le désordre dans l’Etat, dans l’économie,
dans la société, abîmé les institutions
Prétendre gouverner sans tenir compte des leçons de l’Histoire, c’est se
condamner à ne pas voir à quel point ce qui nous arrive est un recommencement.
Dans ses mémoires de guerre, rédigées dans les années 50, le Général de Gaulle
écrit à propos des années 30 :! «!Témoin' réservé,' mais' passionné' des' affaires'
publiques,'j’assistai'à'la'répétition'continuelle'du'même'scénario.'À'peine'en'
fonction,' le' Président' du' Conseil' était' aux' prises' avec' d’innombrables'
exigences,' critiques' et' surenchères' que' son' activité' s’employait' à' dérouler'
sans' pouvoir' les' maîtriser.' Le' Parlement,' loin' de'le' soutenir,' ne' lui' offrait'
qu’embûches'et'défections.'Ses'ministres'étaient'des'rivaux.!»
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Ça ne vous rappelle rien ? Nous y revoilà !
Et toujours pour les mêmes raisons qui sont d’abord intellectuelles et morales.
Et toujours par l’abaissement de l’Etat et de l’autorité.
Et toujours par la perte du sentiment national et du goût de servir une cause plus
grande que soi.
Et toujours parce que les féodalités veulent pouvoir faire leurs petites affaires
dans leur coin et se servir au lieu de servir.
Et toujours à cause des marchandages et du clientélisme.
Et toujours à cause de la démagogie et de la faiblesse.
Et toujours à cause des petits calculs et des basses combinaisons.
Et toujours cela a mal fini.
Et toujours cela finira mal.
Et toujours quand on croit que les grands drames ne reviendront jamais, on les
fait revenir.
Qui ne voit les désordres du monde ? Le monde n’en a pas connu de tels depuis
70 ans.
Qui ne mesure, jour après jour, la montée des périls ?
Qui ne ressent que ce que nous pouvons perdre est immense ?
Tout ce qui nous a fait aimer le plus beau pays du monde et aimer la vie.
Tout ce qui nous a fait ce que nous sommes, et un peuple libre.
6 millions de Français confrontés directement aux difficultés de l’emploi et leurs
familles et leurs enfants, depuis si longtemps : Munich social disait Philippe
Séguin !
Munich économique et Munich industriel aussi. Et les usines qui partent et nos
enfants aussi.
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Et Munich culturel : dix siècles durant, nous avons marcvers l’unité non sans
avoir à affronter de terribles épreuves, guerres de religion et guerres civiles.
Nantes se souvient de Carrier comme Béziers se souvient de la Croisade des
Albigeois, les protestants de la Saint Barthélémy et les Catholiques du père
Combes.
Mais au moment l’uni semblait enfin accomplie après tant de divisions et
de drames, où sans rien oublier, l’histoire de chacun semblait être devenue
l’Histoire de tous, voici la Nation menacée de se disloquer en une juxtaposition
de communautés et de tribus.
Détruire prend beaucoup moins de temps que construire. Qui ne perçoit la
vitesse à laquelle la France se défait ?
Dans l’interdiction du cumul des mandats se dissimule l’opposition fatale du
national et du local ; dans la charte des langues régionales et minoritaires la
première reconnaissance juridique des minorités ; dans l’indépendance du
Parquet la future guerre de la justice contre l’Etat qui a déjà commencé et qui
mènera au chaos institutionnel ; dans la suppression du service national la perte
du sens du devoir, du sentiment national du lien entre l’Armée et la Nation, d’un
creuset où se mêlaient toutes les conditions et toutes les origines ; dans l’Union
Européenne, l’instrument de ceux qui n’aiment pas les Nations et rêvent de
l’Europe du Moyen âge avec ses principautés et ses Villes-Etats.
L’Union Européenne, grand rêve qui tourne au cauchemar et qui rappelle au lieu
de les chasser les vieux démons qui au long de l’Histoire ont déchiré le continent
et l’ont mené au bord de l’anéantissement.
Un poète meurt dans le camp de concentration de Theresienstadt en écrivant ces
derniers vers :
« Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres,
D’être cent fois plus ombre que l’ombre,
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D’être l’ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie ensoleillée… »
Quelques mois plus tard, les longues files des morts vivants de « Nuit et
brouillard » sortiront des camps hanter la conscience européenne avec la
première image véritable de l’enfer.
On voulut faire l’Europe pour que cela n’arriva plus jamais. On s’y prit le plus
mal possible.
On voulut croire que les Nations étaient coupables alors que c’était les hommes,
leurs défaillances morales et le malaise que celles-ci engendrent dans la
civilisation.
C’était les hommes, et leur désir de vengeance, qui avaient humilié des peuples
et allumé chez eux une haine terrible.
C’était les hommes, et leur aveuglement, qui avaient cru qu’en mettant la guerre
hors la loi il n’y aurait plus de guerre et qui, au lieu de miser sur les chars et les
avions avaient choisi la ligne Maginot.
C’était les hommes, les politiciens, qui en 1935 avaient préféré la déflation à la
dévaluation et déclaque la « situation financière de la France » ne permettait
pas d’augmenter les dépenses militaires.
C’était les hommes, les politiciens, qui en 1936 avaient dit « Nous ne laisserons
pas Strasbourg à la portée des canons allemands » et qui n’avaient rien fait et
qui de renoncements en renoncements, avaient fini à Munich quand ils n’avaient
pas fini dans la collaboration en partageant le rêve hitlérien d’une Grande
Europe il n’y aurait plus de Nations, mais seulement des maîtres et des
esclaves.
A nouveau les survivants, ceux des champs de bataille, ceux des maquis, ceux
des camps, ceux des bombardements, crièrent « plus jamais ça
Mais en voulant effacer les Nations, en voulant empêcher les gouvernements de
gouverner, en servant d’alibi à tous les renoncements de la politique, en voulant
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